Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 II 214



120 II 214

40. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 février 1994 dans la
cause B. SA contre L. SA (procès direct) Regeste

    Art. 371 Abs. 2 OR. Verjährung der Gewährleistungsansprüche des
Unternehmers gegenüber einem Subunternehmer.

    Die in Art. 371 Abs. 2 OR vorgesehene fünfjährige Verjährungsfrist
findet nur Anwendung, wenn der Gegenstand des Werkvertrags ein
unbewegliches Bauwerk ist (Bestätigung der Rechtsprechung). Sie findet
folglich keine Anwendung bei Gewährleistungsansprüchen des Unternehmers
gegenüber einem Subunternehmer, der sein Werk nicht selbst eingebaut hat.

Sachverhalt

    A.- En 1988, B. SA s'est vu adjuger les travaux de réfection des
façades d'un bâtiment sis à Lausanne. Elle a sous-traité une partie
du travail à L. SA qui a fabriqué, façonné et livré des plaques en
simili-pierre. Les livraisons ont été effectuées dans la première
quinzaine de novembre 1988. B. SA a commencé les travaux de pose le 16
novembre 1988.

    Au printemps 1991, le propriétaire du bâtiment s'est plaint de
défauts affectant les éléments de la façade. L. SA en a été aussitôt
informée. Une expertise a établi que les causes de la fissuration
résidaient exclusivement dans une fabrication inadéquate de ces éléments,
lesquels devaient être remplacés.

    B.- B. SA admet sa responsabilité à l'égard du propriétaire du
bâtiment. Elle entend cependant se retourner contre L. SA Cette dernière
soutient que la créance de B. SA est prescrite.

    Seule la question de la prescription divise les parties, qui l'ont
soumise au Tribunal fédéral statuant comme instance unique. B. SA,
qui a introduit la présente action, et L. SA, qui a formé une demande
reconventionnelle, réclament toutes deux le remboursement des frais que
chacune d'elles a consentis, d'un commun accord, pour remédier aux défauts
affectant les éléments de la façade, soit 69'235 fr. pour la première et
33'400 fr. pour la seconde, intérêts en sus.

    Le Tribunal fédéral rejette la demande principale et admet la demande
reconventionnelle de L. SA.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Les droits du maître en raison des défauts de l'ouvrage se
prescrivent suivant les mêmes règles que les droits correspondants
de l'acheteur (art. 371 al. 1 CO). Toutefois, l'action du maître en
raison des défauts d'une construction immobilière se prescrit contre
l'entrepreneur, de même que contre l'architecte ou l'ingénieur qui
a collaboré à l'exécution de l'ouvrage, par cinq ans à compter de la
réception (art. 371 al. 2 CO). La demanderesse soutient que la prescription
plus longue du second alinéa de la disposition citée s'applique à l'action
de l'entrepreneur contre son sous-traitant en raison des défauts de
l'ouvrage, même lorsque ce n'est pas ce sous-traitant qui incorpore son
ouvrage à la construction immobilière.

    a) S'agissant de l'action dirigée contre l'entrepreneur, le Tribunal
fédéral a jugé que l'art. 371 al. 2 CO s'applique aux contrats dont
l'objet même est une construction immobilière, partant qu'il ne vise pas
ceux qui ne font que se rapporter à une telle construction, sans l'avoir
elle-même pour objet. En cela, cette réglementation se distingue de
celle de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, qui accorde le droit à l'inscription
d'une hypothèque légale à tous les artisans et entrepreneurs, fussent-ils
sous-traitants, ayant fourni des matériaux et du travail ou du travail
seulement pour des bâtiments ou d'autres ouvrages. L'art. 837 al. 1
ch. 3 CC sert à garantir la créance de l'entrepreneur, l'art. 371 al.
2 CO à éviter que les droits du maître ne se prescrivent plus tôt que ne le
justifient la nature particulière de l'ouvrage et les défauts que celui-ci
peut receler, c'est-à-dire à empêcher qu'il soient prescrits avant que l'on
puisse constater si l'ouvrage présente la solidité nécessaire ou est adapté
aux conditions géologiques et atmosphériques. Cette idée fondamentale,
à la base de l'art. 371 al. 2 CO, interdit d'assimiler tout travail
effectué sur une "construction immobilière" à une telle construction:
l'ouvrage lui-même, fourni par l'entrepreneur, doit pouvoir, de par sa
nature, être considéré comme une construction, ce dont il faut décider
selon les circonstances (ATF 93 II 242 consid. 2).

    Cette interprétation de la disposition en cause a été confirmée
ultérieurement sans donner lieu à un nouvel examen (ATF 117 II 425
consid. 3, 113 II 264 consid. 2c, 109 II 34 consid. 4b). Contrairement
à l'opinion de la demanderesse, on ne saurait voir, dans ces arrêts,
une tendance toujours plus marquée du Tribunal fédéral à accorder
moins de poids, en matière de construction immobilière, à l'intérêt
de l'entrepreneur à une courte prescription qu'au risque que celle-ci
n'intervienne avant que le maître ait pu constater l'existence des défauts
affectant l'ouvrage. Cette dernière considération n'est pas nouvelle
puisqu'elle se trouve déjà dans l'ATF 93 II 242 consid. 2a, p. 245 in
fine, d'où la demanderesse la tire, et il n'apparaît pas, à la lecture
des arrêts postérieurs à cet arrêt de principe, que la jurisprudence lui
ait attribué, avec le temps, une importance accrue.

    b) Si l'on en croit la demanderesse, la jurisprudence cantonale irait
dans le sens de la thèse qu'elle soutient. Rien n'est moins sûr.

    Sans doute, dans un arrêt du 10 avril 1940, la Chambre des recours
du Tribunal cantonal du canton de Vaud a-t-elle jugé que des travaux
de menuiserie intérieure exécutés à l'occasion de la construction d'un
hôpital (notamment la fourniture de 37 portes selon modèle) pouvaient être
considérés, vu leur valeur, leur importance et leur nature, comme de gros
ouvrages soumis à la prescription de cinq ans selon l'art. 371 al. 2 CO et
que tel était aussi le cas de l'action de l'entrepreneur général contre
le sous-traitant n'ayant pas incorporé lui-même son ouvrage au bâtiment
(RSJ 1940/41 (37), p. 282, n. 183). Il s'agit là toutefois d'un arrêt
déjà ancien où il est fait appel, de surcroît, à la notion de gros ouvrage,
qui est étrangère à l'art. 371 al. 2 CO.

    Plus récemment, mais aussi avant la publication de l'ATF 93 II 242, le
Tribunal cantonal du canton du Valais a choisi comme critère de distinction
la difficulté de procéder à la vérification de l'ouvrage, lequel consistait
in casu dans la livraison et la pose d'une installation d'éclairage. En
raison des circonstances, il a cependant exclu l'application de l'art. 371
al. 2 CO dans le cas concret (RVJ 1968 p. 179). Là encore, l'autorité
cantonale s'est servie d'un critère pour le moins discutable. Quoi qu'il
en soit, l'entrepreneur ayant lui-même monté son installation, l'arrêt
en question n'est d'aucun secours en l'espèce.

    La demanderesse cite encore la Cour de justice du canton de Genève
qui a eu à connaître - en rapport, il est vrai, avec une procédure
d'inscription d'une hypothèque légale - de la prescription de la créance
d'un menuisier afférente à la fourniture de portes et portillons destinés
à des armoires et placards d'un immeuble mais qu'il n'avait ni livrés ni
montés. Elle les a traités comme des marchandises préfabriquées et vendues
pour être incorporées dans un immeuble et les a soumis à la prescription
annale (SJ 1970 p. 557 ss). L'arrêt ne révèle pas si les portes et
portillons étaient des éléments standard ou fabriqués spécialement pour
l'immeuble auquel ils étaient destinés. On discerne dès lors mal ce que
la demanderesse pourrait en tirer à l'appui de sa thèse.

    Enfin, l'arrêt jurassien du 14 juin 1984, invoqué par la demanderesse,
se rapporte, lui aussi, à des travaux exécutés par un entrepreneur sur
un immeuble (Fichier de jurisprudence jurassienne, J 9/1) et n'examine
nullement la question litigieuse en l'espèce.

    c) Pour ce qui est de la doctrine, la demanderesse se réclame de
GAUTSCHI (n. 12a ad art. 371 CO). Cet auteur fait une distinction: s'il y
a seulement vente de matériaux destinés à la construction, la prescription
d'une année de l'art. 210 CO est applicable selon lui; elle est, en
revanche, de cinq ans si l'artisan ou l'entrepreneur fournit un ouvrage,
qu'il l'incorpore ou non lui-même à l'immeuble. Bénéficieraient ainsi de
la prescription quinquennale tous les entrepreneurs qui peuvent requérir
l'inscription d'une hypothèque légale. Cette thèse a pour fondement le
rapport que l'auteur voit entre l'art. 371 al. 2 CO et l'art. 837 al. 1
ch. 3 CC. Il ne s'agit pas là d'une conception nouvelle. Le Tribunal
fédéral la connaissait déjà lorsqu'il a rendu l'ATF 93 II 242, où il l'a
examinée et réfutée. DÜRR (Werkvertrag und Auftrag, éd. 1983, p. 81),
relève que la différence entre la prescription d'une année et celle de
cinq ans ne se comprend pas lorsque l'entrepreneur qui répond en vertu
d'un délai de cinq ans ne peut plus se retourner contre celui qui lui a
livré un ouvrage.

    REBER (Rechtshandbuch für Bauunternehmer, Bauherr, Architekt und
Bauingenieur, 4e éd., p. 168 s.) présente l'état de la jurisprudence,
mais sans prendre lui-même position. Quant à PEDRAZZINI (Le contrat
d'entreprise, in Traité de droit privé suisse, vol. VII, t. I/3, p. 34,
n. 87), il signale lui aussi la jurisprudence en la matière, en précisant
que la notion de construction immobilière est plus étroite que celle
d'ouvrage immobilier tout court et qu'il n'y a construction immobilière
que lorsque l'objet du contrat peut, d'après sa nature, être tenu lui-même
pour tel.

    D'autres auteurs se réfèrent à la jurisprudence, certes sans
intervenir dans la controverse, mais sans critiquer pour autant
ou seulement mettre en doute la solution retenue par le Tribunal
fédéral. Il en va ainsi d'ENGEL (Contrats de droit suisse, p. 424) et de
ZINDEL/PULVER (Obligationenrecht I, n. 21 ad art. 371, avec la mention
de l'avis divergent de GAUTSCHI). TERCIER (La partie spéciale du Code
des obligations) rappelle la définition des constructions immobilières
(n. 2586) et la notion d'ouvrage immobilier permettant de requérir
l'inscription d'une hypothèque légale au sens de l'art. 837 al. 1 ch. 3
CC, notion qui doit être comprise dans un sens étendu et qui ne se confond
pas avec celle de construction immobilière, au sens de l'art. 371 al. 2 CO
(n. 2274).

    GAUCH (Der Werkvertrag, 3ème éd.) rejoint sans réserve la solution
donnée par la jurisprudence. Il définit la construction immobilière
visée par l'art. 371 al. 2 CO (n. 1601 à 1605), relève qu'il n'y a pas de
rapport entre l'art. 837 ch. 1 al. 3 CC et l'art. 371 al. 2 CO (n. 1612),
et précise, en se référant à l'ATF 109 II 39 s., qu'un ouvrage qui n'a
pas été incorporé par l'entrepreneur lui-même à l'immeuble n'est pas une
"construction immobilière" et est soumis à la prescription annale, bien
que cette solution ne soit pas toujours satisfaisante, notamment lorsque
l'entrepreneur principal ne peut plus se retourner contre le sous-traitant
(n. 1613). Pour CORBOZ également, qui se réfère à cet auteur, on ne doit
pas considérer comme des "constructions immobilières" des éléments,
même fabriqués pour l'ouvrage d'espèce, qui ne sont pas incorporés à
l'immeuble par l'entrepreneur ou ses auxiliaires (FJS no 460, p. 22,
note de pied 183).

    La demanderesse mentionne aussi l'étude de STEINAUER (Les risques
liés aux matériaux: les relations entre le maître, l'entrepreneur et
les fournisseurs, in Journées du droit de la construction 1983/1, p. 68
ss). Cet auteur constate que la manière d'interpréter l'art. 371 al. 2
CO est l'objet de controverses. A son avis, si le fournisseur a fixé,
adapté lui-même des matériaux (p.ex., des portes ou des fenêtres) qui sont
devenus parties intégrantes du bâtiment, le délai devrait être de cinq
ans. En revanche, s'il se contente de livrer des matériaux (portes, fers à
béton, matériaux préfabriqués sur mesure), sans les adapter lui-même à la
construction, le délai devrait être d'un an (p. 79). Contrairement à ce
que suggère la demanderesse, ledit auteur ne s'écarte pas de la solution
retenue par la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la thèse défendue
par GAUCH. La remarque selon laquelle la position de l'entrepreneur
est meilleure, quant au délai de prescription, lorsqu'il est lié au
fournisseur par un contrat d'entreprise plutôt que par un contrat de vente
(p. 87) ne change rien au système qui vient d'être exposé puisque l'auteur
subordonne le bien-fondé de sa remarque à la condition que le fournisseur
ait contribué à la réalisation d'une construction immobilière et renvoie
sur ce point à ses explications antérieures relatives à l'interprétation
de l'art. 371 al. 2 CO (p. 79, ch. 2, let. b, et non ch. 3., let. b,
comme indiqué par erreur à la p. 87).

    Enfin, DREYER (Le délai de prescription dans la garantie pour
les travaux de ravalement d'une façade, in DC 1985 p. 52 ss), dont la
demanderesse invoque également l'opinion pour asseoir sa thèse, commente
l'arrêt jurassien cité plus haut (consid. 2b in fine). Toutefois, pas
plus que l'arrêt qu'il examine, cet auteur n'aborde la seule question
litigieuse en l'espèce, soit la nécessité pour un sous-traitant lié à
l'entrepreneur par un contrat d'entreprise d'avoir incorporé lui-même
son ouvrage à l'immeuble. La même remarque peut être faite au sujet du
très ancien arrêt genevois mentionné par cet auteur (SJ 1919 p. 85).

    d) Il faut concéder à la demanderesse que les conséquences de
l'interprétation donnée par l'ATF 93 II 242 à l'art. 371 al. 2 CO peuvent
paraître insatisfaisantes lorsque l'entrepreneur, appelé à répondre pendant
cinq ans vis-à-vis du maître de l'ouvrage des défauts d'une construction
immobilière, ne peut plus se retourner contre le sous-traitant responsable,
parce que celui-ci peut se prévaloir de la prescription annale du fait
qu'il n'a pas incorporé lui-même son ouvrage à cette construction. Il est
également exact que l'opinion contraire à celle qui a été émise dans cet
arrêt de principe se rencontre parfois dans la doctrine et dans certains
arrêts cantonaux. Cependant, la jurisprudence du Tribunal fédéral est
constante et rallie de surcroît la majorité des suffrages au sein de la
doctrine. Elle a notamment l'agrément de GAUCH, lequel fait autorité dans
le domaine du droit de la construction, même si cet auteur la conteste
sur un autre point, soit en tant qu'elle ne tient pas le ravalement d'une
façade pour une construction immobilière (op.cit., n. 1610).

    Aussi une modification de cette jurisprudence, dans le sens proposé
par la demanderesse, ne se justifie-t-elle pas. L'ATF 93 II 242 a été
rendu après un examen approfondi de la question et en tenant compte des
deux thèses opposées entre lesquelles il fallait choisir. La question
à juger ne se présente pas sous un jour nouveau. Aucun élément concret
et déterminant, qui commanderait d'adopter un autre point de vue, ne
ressort de la jurisprudence postérieure à cet arrêt ni de la doctrine
récente. On ne constate pas non plus une évolution des conceptions ou
des circonstances, qu'elles soient de nature économique ou technique,
qui permettrait d'étayer un jugement allant dans un sens différent.

    La solution préconisée par la demanderesse va à l'encontre du
système voulu par le législateur. Il n'appartient pas au juge de revoir
ce système. Un changement de la jurisprudence en la matière s'impose
d'autant moins que les délais de l'art. 371 CO sont de droit dispositif
et peuvent donc être modifiés par convention (ATF 118 II 142 consid. 4,
108 II 194 consid. 4b et les références). Lorsque les circonstances le
lui font paraître opportun, l'entrepreneur peut ainsi convenir avec
son sous-traitant d'une augmentation de la durée légale du délai de
prescription, afin de ne pas perdre ses droits de recours contre lui
au cas où il serait actionné par le maître en garantie des défauts
de l'ouvrage. Au demeurant, si l'entrepreneur et son sous-traitant
soumettent leurs relations contractuelles à la norme SIA 118, le délai
de prescription de l'action en garantie des défauts est de cinq ans même
si l'ouvrage incriminé ne constitue pas une construction immobilière
au sens de l'art. 371 al. 2 CO (art. 180 al. 1 de ladite norme; GAUCH,
Kommentar zur SIA-Norm 118, Art. 157-190, n. 4a ad art. 180).

    e) L'ouvrage livré par la défenderesse, soit des plaques fabriquées
sur mesure et répondant à certaines exigences, l'a bien été dans le
cadre d'un contrat d'entreprise, mais il ne répond pas à la notion de
construction immobilière telle qu'elle vient d'être définie. Il était
certes destiné à une telle construction mais cette circonstance est sans
incidence puisque la défenderesse n'avait pas à l'y incorporer elle-même
et ne l'a pas fait. Il suit de là que l'action de la demanderesse est
prescrite et doit être rejetée, ce qui implique l'admission de la demande
reconventionnelle. Cette conséquence n'est du reste pas litigieuse, la
demanderesse ayant reconnu le montant de la créance de la défenderesse,
le taux des intérêts y afférents et le point de départ de ceux-ci.