Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 II 137



120 II 137

29. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 mars 1994 dans la cause
DFJP contre Fondation du conservatoire de musique de Morges et environs
(recours en réforme) Regeste

    Art. 81 Abs. 2 ZGB und Art. 101 HRegV; Eintrag von Stiftungsorganen
im Handelsregister.

    Die "Weisung vom 4. Februar 1993 über die Eintragung von Mitgliedern
des Stiftungsrates", die vom eidgenössischen Amt für das Handelsregister
erlassen worden ist, hat nicht Gesetzeskraft (E. 2).

    Entgegen dem, was diese Weisung vorsieht, müssen im Handelsregister
nur diejenigen Organe eingetragen werden, die die Stiftung vertreten
können. Diese hat jedoch die Möglichkeit, die Eintragung von nicht
zeichnungsberechtigten Personen zu veranlassen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- La Fondation du conservatoire de musique de Morges et environs (la
Fondation) a été constituée en avril 1993; elle a requis son inscription
au registre du commerce. Se fondant sur la directive de l'Office fédéral
du registre du commerce du 4 février 1993 relative à l'inscription des
membres du conseil de fondation, la préposée au registre du commerce
de Morges a rejeté la requête déposée, par décision du 20 juillet 1993;
elle a exigé l'inscription de tous les membres du conseil, alors que la
Fondation demandait uniquement celle des membres de ce conseil dotés des
pouvoirs de représentation.

    B.- Par arrêt du 11 août 1993, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud a admis le recours de la Fondation interjeté
contre cette décision et a ordonné à la préposée concernée d'inscrire la
Fondation "dans les termes utilisés dans la réquisition d'inscription".

    C.- Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public interjeté
par le Département fédéral de justice et police (DFJP).

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 4 al. 3 ORC, le DFJP est compétent pour
édicter des instructions générales en matière de registre du commerce.
Selon l'art. 10 al. 2 let. c de l'ordonnance du Conseil fédéral du 28
mars 1990 sur la délégation de compétences (RS 172.011), cette faculté
est conférée à l'Office fédéral du registre du commerce. Se fondant
sur cette disposition, cet Office a établi une "directive du 4 février
1993 sur l'inscription des membres du conseil de fondation" en vertu de
laquelle tous ces membres doivent être inscrits au registre du commerce,
avec mention expresse du droit de signature (signature individuelle,
collective à deux, sans signature, etc.).

    a) Selon la jurisprudence, la sous-délégation aux départements du
pouvoir de légiférer est admissible, même en l'absence de base légale
expresse (ATF 101 Ib 70 consid. 4a), tout au moins lorsqu'elle porte sur
des prescriptions de nature principalement technique et qui ne mettent en
jeu aucun principe juridique (ATF 118 Ia 245 consid. 3c et les réf.). En
vertu de l'art. 7 al. 5 de la loi fédérale du 19 septembre 1978 sur
l'organisation et la gestion du Conseil fédéral et de l'administration
fédérale (RS 172.010), la compétence d'édicter des règles de droit ne peut
être déléguée à des groupements ou offices que si une loi fédérale ou un
arrêté fédéral de portée générale l'autorise expressément. La question
de savoir si l'autorisation conférée à l'Office fédéral du registre du
commerce par l'art. 10 al. 2 let. c de l'ordonnance sur la délégation de
compétences - si tant est qu'il s'agisse d'une véritable sous-délégation
- est compatible avec cette disposition-là (cf., également, art. 936 CO)
n'a pas besoin d'être examinée, car cette autorisation concerne uniquement
l'élaboration d'instructions à caractère général.

    b) Selon une jurisprudence constante, les directives administratives
n'ont pas force de loi et ne constituent pas du droit fédéral au sens de
l'art. 104 let. a OJ. Elles permettent la mise en place d'une pratique
uniforme et égalitaire. Toutefois, elles ne peuvent pas introduire
des restrictions de droit matériel et elles ne peuvent imposer à leurs
destinataires des obligations qui iraient au-delà des exigences légales;
elles ne lient pas les autorités chargées d'appliquer le droit (ATF 119
Ib 33 consid. 3d, 118 Ib 518 consid. 3b, 118 V 26 consid. 4b et les
réf.). Ces réflexions concernent également la directive du 4 février
1993 adressées par l'Office fédéral du registre du commerce aux registres
cantonaux. Le fait que la directive litigieuse trouve son fondement dans
l'art. 10 de l'ordonnance sur la délégation de compétences et que cette
disposition qualifie d'obligatoires les instructions sur les registres
du commerce ne confère pas à ces instructions une portée plus large; en
particulier, celles-ci n'ont pas force de loi (cf., d'ailleurs, art. 117
ORC). D'éventuelles modifications s'examinent, par conséquent, non en
fonction des principes applicables en matière de changement de droit,
mais sur la base des principes relatifs au changement de jurisprudence
(cf. ATF 119 Ib 103 consid. 3 et 4).

Erwägung 3

    3.- En vertu de l'art. 81 al. 2 CC, l'inscription d'une fondation
au registre du commerce s'opère à teneur de l'acte de fondation et,
au besoin, suivant les instructions de l'autorité de surveillance;
elle indique les noms des membres de la direction. Les art. 101 à 104
ORC déterminent quelles sont les indications particulières, nécessaires à
l'inscription d'une fondation. Selon l'art. 101 ORC, une telle inscription
mentionne la date de la constitution (let. a), le nom (let. b), le siège
(let. c), le but (let. d), ainsi que l'organisation, la représentation
et le mode de signature (let. e).

    a) Le registre du commerce a pour fonction principale d'assurer
la publicité ainsi que la constatation de certains faits et relations
juridiques importants de la vie économique; l'inscription au registre
peut également avoir des effets formateurs (MEIER-SCHATZ, Funktion und
Recht des Handelsregisters als wirtschaftsrechtliches Problem, in RDS
108/1989 I 433/435; GAUCH, Von der Eintragung im Handelsregister, ihren
Wirkungen und der negativen Publizitätswirkung, in La société anonyme
suisse 48/1976, p. 139/151; PATRY, Das Handelsregister, in TDP VIII/1,
p. 123; GUHL/MERZ/KOLLER, Das Schweizerische Obligationenrecht, 8ème éd.,
p. 767). Le régime de la responsabilité et de la représentation dans
le cadre des sociétés commerciales constitue des éléments dont il est
primordial que les créanciers et, de manière générale, le public aient
connaissance (ATF 108 II 122 consid. 5 p. 129, 104 Ib 321 consid. 2a). Il
en va de même de certains éléments identificateurs des entreprises, comme
la raison sociale, le siège, l'organisation et le but (MEIER/SCHATZ,
op.cit., p. 437; PATRY, op.cit., p. 139). En vertu de la loi, les noms
des membres du conseil d'administration d'une société anonyme (art.
641 chif. 9 et 716 al. 2 CO), d'une société en commandite par actions
(art. 765 al. 2 CO) et d'une société coopérative (art. 835 al. 2 CO)
doivent être inscrits au registre du commerce indépendamment du fait de
savoir si ceux-ci sont ou non habilités à représenter la société.

    b) L'art. 81 al. 2 CC prescrit que l'inscription d'une fondation au
registre du commerce, sur la base de l'acte de fondation - ayant pour
effet de conférer à cette personne morale la personnalité juridique -,
"indique les noms des membres de la direction" ("Die Eintragung in das
Handelsregister erfolgt auf Grund der Stiftungsurkunde (...) unter Angabe
der Mitglieder der Verwaltung."; "L'iscrizione nel registro di commercio
si eseguisce secondo l'atto di fondazione (...); indica inoltre i nomi dei
membri dell'amministrazione."). Puisque le conseil d'administration d'une
personne morale - et, partant, d'une fondation - a pour tâche de gérer et
de représenter ladite personne (RIEMER, n. 5 ad art. 83 CC avec la réf. à
EGGER, n. 11 ad art. 54/55 CC), on peut déduire de la lettre de l'art. 81
al. 2 CC que toutes les personnes habilitées à gérer et à représenter
la fondation doivent être inscrites. Toutefois, l'art. 101 let. e ORC
exige uniquement l'inscription des personnes autorisées à représenter la
fondation et limite d'ailleurs l'inscription à l'organisation, savoir
à la composition, à la désignation et aux compétences des organes de
la fondation.

    c) Au contraire de la solution choisie pour d'autres personnes morales,
la loi ne fixe pas quelle doit être l'organisation d'une fondation. C'est
l'acte constitutif qui indique les organes et le mode d'administration
adopté (art. 83 al. 1 CC).

    La fondation a pour objet l'affectation de biens en faveur d'un
but spécial (art. 80 CC) et, en qualité d'établissement, il lui manque
l'une des caractéristiques des corporations: le droit de se déterminer
par elle-même; en effet, ses organes n'ont, en principe, pour fonction
que de gérer un patrimoine dans le sens voulu par le fondateur (RIEMER,
n. 18 s. ad Systematischer Teil et n. 9 ad art. 83 CC; KRAFFT, Les fonds
de prévoyance et la théorie générale des fondations, thèse Lausanne 1956,
p. 96; PEDRAZZINI/OBERHOLZER, Grundriss des Personenrechts, 4ème éd.,
Berne 1993, p. 253). Pour que la fondation ait l'exercice des droits
civils (art. 54/55 CC), il est nécessaire qu'elle dispose d'au moins un
organe qui gère ses biens et la représente dans ses rapports avec les
tiers (RIEMER, n. 5/6 ad art. 83 CC; PEDRAZZINI/OBERHOLZER, op.cit.,
p. 261). A cet égard, les formes les plus différentes d'organisation
sont admissibles; l'acte de fondation peut prévoir plusieurs organes
(RIEMER, n. 7, 12 et 13 ad art. 83 CC), notamment des organes de contrôle
et de surveillance (RIEMER, n. 14 et 17 ad art. 83 CC). Il est également
concevable que l'acte de fondation ne prévoit qu'un seul organe constitué
de commissions ou de groupes aux compétences propres.

    d) L'inscription au registre du commerce est indispensable pour que
la fondation puisse acquérir la personnalité juridique (art. 52 al. 1
CC). Cette inscription n'exerce pas seulement un but publicitaire,
mais elle a également un but constitutif (RIEMER, n. 89 ad art. 81
CC). Les fondations poursuivent, en principe, un but idéal et n'exercent
qu'exceptionnellement une industrie en la forme commerciale (RIEMER,
n. 403 ss ad Systematischer Teil); l'Office fédéral du registre du
commerce les classe, par canton, dans un registre spécial (art. 119 al. 2
ORC). Les personnes habilitées à gérer les biens de la fondation peuvent
exercer une influence directe sur l'identité même de la fondation et,
par conséquent, on ne peut exclure qu'il existe un intérêt à ce que les
noms de ces personnes soient connus (MEIER-SCHATZ, op.cit., p. 437), même
si celles-ci ne disposent d'aucun pouvoir de représentation. Pourtant,
en vertu d'une pratique admise depuis plusieurs dizaines d'années,
seuls les membres autorisés à représenter la fondation sont inscrits au
registre du commerce - comme le DFJP l'indique lui-même, dans son recours,
en faisant référence à l'ouvrage de JAQUEROD/VON STEIGER (Formulaire
du Registre du Commerce, Zurich 1943, p. 328, no 324; cf., également,
REBSAMEN, Handbuch für das Handelsregister, Notariatskammer Basel-Stadt,
2ème éd., Bâle 1991, réimpr. 1993, p. 172). Cette pratique correspond à
celle qui a cours pour les associations (art. 61 CC): les noms des membres
de la direction de l'association ne sont inscrits au registre du commerce
que si ceux-ci sont habilités à représenter la personne morale (REBSAMEN,
op.cit., p. 154 s.; pratique qui date déjà du siècle dernier: SIEGMUND,
Handbuch für die Schweizerischen Handelsregisterführer, Bâle 1892, p. 359).

    e) En édictant sa directive du 4 février 1993, l'Office fédéral
du registre du commerce a modifié la pratique suivie depuis plusieurs
dizaines d'années; il exige désormais l'inscription de tous les membres du
conseil de fondation, même si ceux-ci ne sont pas habilités à représenter
l'établissement. Le DFJP justifie ce changement de pratique en le fondant
sur le texte de la loi qu'il qualifie de clair à cet égard. Certes, il
faut admettre que font partie des membres de la direction, au sens de
l'art. 81 al. 2 CC, non seulement les personnes dotées des pouvoirs de
représentation mais également celles chargées de la gestion. Toutefois,
il n'est pas possible d'inférer de cette disposition que tous les membres
du conseil de fondation ont des tâches de gestion. En effet, alors que la
loi renseigne sur l'organisation des autres personnes morales (cf. art. 698
ss/715, 879 ss/894), elle est muette lorsqu'il s'agit d'une fondation (cf.,
supra, let. c). Seul l'acte constitutif indique quels sont les organes
qui administrent l'établissement de manière effective. Vu la liberté dont
dispose le fondateur en ce domaine, celui-ci peut confier cette tâche -
selon des modalités diverses - à différents organes ou commissions, à tel
point qu'il est souvent délicat de déterminer avec exactitude quelles sont
les personnes chargées de l'administration. La limitation de l'inscription
aux seuls organes autorisés à représenter la société peut certes aboutir
parfois à la non-inscription de certains gestionnaires. Compte tenu de la
liberté d'organisation dont dispose le fondateur, cette solution présente
l'avantage de définir de manière claire et précise quels sont les membres
qui doivent être inscrits au registre du commerce, en particulier lorsque
les tâches d'administration sont réparties entre plusieurs d'entre eux.

    f) Selon le Tribunal fédéral, pour qu'un changement de jurisprudence
soit admissible, notamment au regard de l'art. 4 Cst., il doit s'appuyer
sur des motifs sérieux et objectifs (ATF 111 II 308 consid. 2, 111 Ia
161 consid. 1) - surtout lorsque cette jurisprudence est suivie depuis
plusieurs dizaines d'années. Les motifs que le recourant présente à
l'appui de sa directive litigieuse ne satisfont pas à cette exigence. Sa
meilleure compréhension de la lettre du texte légal ne permet pas de
justifier pareil changement: comme déjà mentionné, le texte légal n'est
pas clair, puisqu'il n'est pas possible de déterminer par avance à quels
organes ou commissions les tâches d'administration seront confiées. La
responsabilité des organes fondée sur l'art. 55 CC n'est pas limitée aux
actes de pure administration - pour autant qu'il soit d'ailleurs possible
de distinguer ces actes des mesures de contrôle ou de surveillance. En
outre, les fondations inscrites au registre du commerce sont placées
sous la surveillance de la corporation publique dont elles relèvent par
leur but (art. 84 CC; ATF 112 II 97 consid. 3); pour les institutions de
prévoyance en faveur du personnel, l'art. 89bis al. 2 CC prescrit que les
organes doivent donner aux bénéficiaires les renseignements nécessaires
sur l'organisation de l'établissement, ce qui implique la désignation
des membres de la direction de l'établissement notamment (RIEMER, n. 7
ad art. 89bis CC). Si l'on excepte l'article de SCHMID (Bei Verein und
Stiftung einzutragende Personen, in Annuaire du registre du commerce 1993,
p. 70-72) - qui coïncide avec l'adoption de la directive litigieuse et
à laquelle il semble d'ailleurs être lié -, il n'est pas possible de
déduire des textes doctrinaux cités par le recourant que tous les membres
des organes d'une fondation doivent faire l'objet d'une inscription au
registre du commerce.

    g) Le DFJP n'évoque aucun cas concret dans lequel la mise en oeuvre de
la pratique antérieure (appliquée pour l'enregistrement de plus de 23'000
fondations; cf. LUSSY, Die Entwicklung der Eintragungen seit Einführung
des schweizerischen Handelsregisters, in Festschrift für Pierre Widmer,
Berne 1990, p. 37/43) aurait entraîné des difficultés; de manière générale,
il omet d'exposer en détail les raisons pour lesquelles il y aurait un
besoin impérieux d'inscrire d'autres personnes que celles habilitées à
représenter la fondation. Certes, en vue de l'individualiser, on peut
ressentir le besoin d'inscrire des membres non autorisés à représenter
l'établissement - par exemple, la présidente ou le président du conseil
de fondation, sans signature. Toutefois, ce besoin ne permet nullement de
justifier l'obligation générale d'inscrire tous les membres du conseil
de fondation, y compris ceux qui, selon l'acte de fondation, n'exercent
aucune tâche de gestion particulière: il suffit que la possibilité de
requérir l'inscription de tels organes existe. On ne voit pas pour quels
motifs la simple faculté de requérir l'inscription d'organes non habilités
à représenter la fondation - à côté de l'obligation d'inscrire les autres
organes - serait insuffisante. Le recourant n'en expose aucun. Quoi qu'il
en soit, il n'y a aucune objection fondamentale à considérer que seuls
les membres du conseil de fondation dotés de pouvoirs de représentation
doivent obligatoirement être inscrits au registre du commerce et que la
fondation dispose de la faculté de requérir l'inscription d'autres membres
(cf., à ce sujet, GAUCH, Der Zweigbetrieb im schweizerischen Zivilrecht,
Zurich 1974, p. 83 ss/86 no 424).

    h) La direction de l'intimée est composée d'au moins quinze
membres. Cinq d'entre eux forment le comité de direction, chargé
d'administrer la fondation, et ont pouvoir d'engager l'établissement. Par
souci de transparence, deux professeurs de musique font également partie
de ce comité, mais ne disposent d'aucun pouvoir de représentation. A
titre d'argument, l'intimée invoque son intérêt à ne pas avoir à
requérir une modification de son inscription au registre du commerce -
avec les conséquences financières qu'une telle inscription comporte -
à chaque fois qu'un changement survient au sein de la direction de la
fondation. Cet intérêt est pertinent; il justifie d'ailleurs, dans le
domaine des associations, que l'obligation d'inscription soit limitée aux
membres de la direction de ces personnes morales pourvus des pouvoirs de
représentation (SIEGMUND, loc.cit.).