Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 II 105



120 II 105

23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 février 1994 dans la
cause Société immobilière X. contre sieurs S. (recours en réforme) Regeste

    Art. 271 OR. Anfechtbarkeit einer Kündigung, die gegen den Grundsatz
von Treu und Glauben verstösst.

    Darin, dass eine Kündigung ausschliesslich mit dem Willen des
Vermieters begründet wird, von einem neuen Mieter einen höheren -
aber aufgrund der absoluten Berechnungsweise nicht missbräuchlichen -
Mietzins zu erlangen, als ihn der bisherige Mieter bezahlt hat, liegt
in der Regel kein Verstoss gegen den Grundsatz von Treu und Glauben im
Sinne von Art. 271 Abs. 1 OR.

Sachverhalt

    A.- En février et mars 1985, la Société immobilière X. a remis à bail
à A. S., d'une part, à A. S. et à P. S., d'autre part, deux appartements
de trois pièces et demie chacun sis dans un immeuble dont elle est
propriétaire à Genève.

    Le 25 janvier 1990, le gérant de la bailleresse a résilié les baux
pour leur prochaine échéance contractuelle, soit le 31 décembre 1990. Les
locataires ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et
loyers d'une requête tendant à l'annulation des congés et à la prolongation
des baux. Le 29 avril 1991, la Commission de conciliation a rendu deux
décisions dans lesquelles elle relève, pour chacun des locataires, que
"l'unique motif de résiliation du bail consistait dans la volonté de
la société propriétaire de relouer plus cher l'appartement concerné à
d'autres locataires".

    B.- Le 8 mai 1991, les locataires ont introduit une action visant
principalement à l'annulation des congés et, subsidiairement, à la
prolongation des baux pour une durée de quatre ans.

    Par jugements du 12 décembre 1991, le Tribunal des baux et loyers
du canton de Genève a confirmé la validité des congés et accordé aux
locataires une première prolongation de bail de deux ans jusqu'au 31
décembre 1992, la possibilité leur étant laissée de présenter une deuxième
requête de prolongation.

    Statuant sur appels des locataires et sur appels incidents de la
bailleresse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton
de Genève, par deux arrêts du 2 avril 1993, a mis à néant les jugements
de première instance et annulé les congés donnés par la défenderesse
aux demandeurs.

    C.- La défenderesse a interjeté deux recours en réforme en concluant
à l'annulation des arrêts cantonaux et à la constatation de la validité
des congés litigieux.

    Après avoir joint les deux recours, le Tribunal fédéral les a admis. En
conséquence, il a annulé les arrêts attaqués et renvoyé les causes à la
cour cantonale pour nouveaux jugements dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé
l'art. 271 al. 1 CO en lui déniant le droit de résilier les baux des
locataires actuels pour relouer les appartements litigieux à des tiers
susceptibles de payer un loyer plus élevé mais qui ne soit pas abusif.

    a) Aux termes de l'art. 271 al. 1 CO, le congé est annulable lorsqu'il
contrevient aux règles de la bonne foi. Cette disposition, qui peut être
invoquée tant par le bailleur que par le locataire (BARBEY, Commentaire
du droit du bail, Chapitre III: Protection contre les congés concernant
les baux d'habitation et de locaux commerciaux, n. 65 ad Introduction
et n. 6 ad art. 271-271a CO; LACHAT/MICHELI, Le nouveau droit du bail,
2e éd., p. 324), a pour fondement l'art. 34septies Cst. qui charge la
Confédération de légiférer, notamment, sur l'annulabilité des congés
"abusifs". La différence de vocabulaire entre ces deux normes ne trahit
aucune intention particulière du législateur, la portée d'une distinction
entre l'abus de droit et l'acte contraire à la bonne foi n'ayant pas
été approfondie au cours des travaux préparatoires (BARBEY, op.cit.,
n. 11 ad art. 271-271a CO). Il est généralement admis, dans la doctrine,
que le législateur a entendu rattacher le critère constitutionnel d'abus
à la clause générale de l'art. 2 CC, qui consacre à la fois l'exigence
du respect de la bonne foi (al. 1) et l'interdiction de l'abus de
droit (al. 2; JUNOD, Commentaire de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse, vol. II, n. 34 ad art. 34septies; BARBEY, op.cit.,
n. 17 ad art. 271-271a CO; LACHAT/MICHELI, op.cit., p. 323; ZIHLMANN,
Das neue Mietrecht, p. 189; Droit suisse du bail à loyer, Commentaire de
l'Union suisse des professionnels de l'immobilier (traduction française)
[ci-après: Commentaire de l'USPI], n. 6 ad art. 271 CO; ENGEL, Contrats de
droit suisse, p. 187; TERCIER, La partie spéciale du Code des obligations,
n. 1252). Ce rattachement, que d'aucuns ne jugent pas satisfaisant (BARBEY,
op.cit., n. 18 à 30 ad art. 271-271a CO, qui propose de faire appel à
la notion de bonnes moeurs ou de recourir, dans certaines hypothèses,
aux principes de l'art. 336 CO relatif à la résiliation abusive du
contrat de travail [n. 40 à 51 ad art. 271-271a CO]; MENGE, Kündigung
und Kündigungsschutz bei der Miete von Wohn- und Geschäftsraümlichkeiten,
thèse Bâle 1993, p. 55, qui voit dans la bonne foi de l'art. 271 al. 1
CO une notion autonome), correspond à celui que le Tribunal fédéral a
opéré dans les arrêts se rapportant à la disposition controversée (ATF
120 II 32, consid. 4; arrêt non publié du 18 mars 1992, reproduit in
mietrechtspraxis [mp] 1993, p. 28 ss, consid. 2), en conformité avec sa
jurisprudence antérieure (ATF 113 II 68 consid. 3, 109 II 153 consid. 4).

    Si elles établissent une relation entre l'art. 271 al. 1 CO et l'art. 2
CC, la jurisprudence et la doctrine dominante ne se préoccupent guère,
en revanche, de déterminer si la protection accordée par la disposition
topique du Code des obligations découle du principe de la bonne foi
(art. 2 al. 1 CC) ou de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2
CC); elles se bornent généralement à ranger la disposition en cause dans
cette dernière catégorie, sans motiver plus avant leur choix (voir les
auteurs et les arrêts précités; d'un autre avis: ZELLER, Zum Begriff der
Missbraüchlichkeit im Schweizerischen Privatrecht, in RDS 1990 I 261 ss,
272). Il est vrai que le législateur n'a pas distingué avec suffisamment de
clarté les deux principes que contient l'art. 2 CC (Commentaire de l'USPI,
loc.cit.) et auxquels sont dévolues des fonctions différentes: une double
fonction interprétative et complétive pour le principe de la bonne foi,
une fonction corrective pour le principe sanctionnant l'abus de droit (sur
cette question, cf. MERZ, n. 17 ss ad art. 2 CC, et DESCHENAUX, Le Titre
préliminaire du Code civil, in Traité de droit civil suisse, t. II/1,
p. 135 ss, 139 et passim). L'intérêt pratique d'une telle distinction
dogmatique ne saurait toutefois être surestimé. En effet, non seulement
ces deux principes font appel à des notions juridiques de caractère général
(la bonne foi et l'abus), dont il est difficile de fixer les contours une
fois pour toutes, mais, surtout, de chacun d'eux peuvent être déduites des
limites au libre exercice du droit de résiliation (contra: BARBEY, op.cit.,
n. 28 ad art. 271-271a CO, pour qui l'art. 2 al. 1 CC n'est pas applicable
en matière de résiliation ordinaire du bail): les cas typiques d'abus de
droit - absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, utilisation contraire à
son but d'une institution juridique, disproportion grossière des intérêts
en présence, exercice d'un droit sans ménagement, attitude contradictoire
(cf. MERZ, op.cit., n. 340 ss ad art. 2 CC; DESCHENAUX, op.cit., p. 168
ss; BARBEY, op.cit., n. 24 ad art. 271-271a CO) - justifient assurément
l'annulation d'un congé, étant précisé qu'il n'est pas nécessaire que
l'attitude de l'auteur de celui-ci puisse être qualifiée d'abus de droit
"manifeste", au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 120 II 32, consid. 4;
BARBEY, op.cit., n. 30 ad art. 271-271a CO); mais la résiliation du
bail peut aussi être annulée si le motif sur lequel elle repose s'avère
incompatible avec les règles de la bonne foi qui régissent le rapport de
confiance inhérent à la relation contractuelle existante (par exemple,
un congé donné à un locataire en raison de sa couleur de peau).

    b) aa) Le congé donné par le bailleur en vue d'obtenir d'un nouveau
locataire un loyer plus élevé, mais non abusif, ne saurait, en règle
générale, constituer un abus de droit - hormis le cas d'une éventuelle
attitude contradictoire de l'intéressé -, pas plus d'ailleurs, sous la
même réserve, que la résiliation du bail par le locataire qui s'est vu
offrir un logement meilleur marché que celui qu'il occupe. Il reste
à examiner si le principe de la bonne foi impose des limites à cette
manifestation de la liberté contractuelle et, singulièrement, s'il est
conciliable avec un congé donné pour un motif d'ordre économique. Un tel
examen suppose naturellement la constatation préalable que le nouveau
droit du bail, contrairement à l'ancien (ATF 99 II 50 consid. 1 et les
références), ne se désintéresse pas des motifs de la résiliation du bail,
ce que confirme l'art. 271 al. 2 CO qui prescrit la motivation du congé
si l'autre partie le demande (cf. OR-ZIHLMANN, n. 3 et 6 ad art. 271 CO;
contra: GUHL/MERZ/KOLLER, Das Schweizerische Obligationenrecht, 8e éd.,
p. 407). De fait, celui qui résilie le bail ne doit pas pouvoir échapper
à semblable examen en se contentant de taire la raison qui l'a poussé à
se libérer de ses engagements contractuels.

    Autant que l'on puisse en juger, les auteurs qui se sont penchés
sur la question inclinent plutôt à ne pas considérer, en principe, comme
contraire aux règles de la bonne foi le congé donné pour un motif de nature
économique, du moment que la loi ne défend à personne de rentabiliser au
mieux son bien dans les limites qu'elle fixe (BARBEY, op.cit., n. 232/233
ad art. 271-271a CO; Commentaire de l'USPI, n. 17 ss ad art. 271 CO;
OR-ZIHLMANN, n. 10 ad art. 271a CO; BROGLIN, Pratique récente en matière
d'annulation du congé et de prolongation du bail, in 7e Séminaire sur le
droit du bail, Neuchâtel 1992, p. 8 in fine). La même conclusion peut être
tirée indirectement de l'ATF 110 II 249 consid. 4 où le Tribunal fédéral,
dans le cadre d'une procédure en prolongation de bail, n'a pas estimé
arbitraire la décision de l'autorité cantonale d'accorder plus de poids à
l'intérêt légitime du locataire à faire prolonger le bail qu'à celui des
bailleurs à louer leur immeuble à un loyer plus élevé et pour une durée
plus longue (p. 254 in fine/255). ZWICKER (Die Anfechtung der Kündigung
nach dem neuen Schweizerischen Mietrecht, in L'Expert-comptable suisse,
1990, p. 267 ss, 271) apparaît plus réservé, même s'il ne professe pas
formellement l'opinion inverse, puisqu'il se demande si l'on ne pourrait
pas voir une fraude à la loi dans le fait pour le bailleur de résilier
le bail afin de réaliser, par le biais d'un changement de locataire, un
but - soit une augmentation de loyer abusive au regard de la méthode de
calcul relative - qu'il ne pourrait pas atteindre sans le consentement du
locataire actuel. Enfin, LACHAT/STOLL (Das neue Mietrecht für die Praxis,
3e éd., p. 343, note de pied 26), soutiennent, quant à eux, en se référant
au dernier auteur cité, qu'un congé signifié dans de telles conditions peut
contrevenir aux règles de la bonne foi lorsqu'il existe une disproportion
manifeste entre les intérêts pécuniaires du bailleur et ceux du locataire.

    bb) Sous l'angle des règles de la bonne foi, on ne saurait sanctionner
par principe un congé donné pour des motifs économiques. L'ordre juridique
actuel permet au bailleur d'optimaliser son rendement dans les limites
fixées par la loi (art. 269 et 269a CO) et au locataire de satisfaire
ses besoins en y consacrant le moins d'argent possible. Les travaux
préparatoires ne laissent aucun doute quant à la volonté du législateur sur
ce point (pour les références, cf. BARBEY, op.cit., n. 232 ad art. 271-271a
CO) et leur importance est d'autant plus grande qu'ils se rapportent à
une loi récente (ATF 118 II 307 consid. 3a, 116 II 525 consid. 2b). Une
restriction au libre exercice du droit de résiliation ne peut ainsi
être déduite abstraitement de la loi; elle découlera tout au plus des
rapports spécifiques unissant les parties à un contrat de bail déterminé
et trouvera, le cas échéant, sa justification dans la confiance que l'un
des partenaires contractuels aura pu éveiller chez l'autre, par exemple
en lui indiquant de manière informelle que le bail serait de longue durée.

    Cela étant, pour être admissible, une résiliation dictée par des
considérations d'ordre économique ne doit pas servir de prétexte à
la poursuite d'un but illicite. Il faut donc que le bailleur soit en
mesure d'exiger du nouveau locataire un loyer supérieur au loyer payé
jusque-là par le preneur congédié. En d'autres termes, le congé est
annulable si l'application de la méthode de calcul absolue permet d'exclure
l'hypothèse que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, parce que
celui-ci est déjà conforme aux prix du marché et lui procure un rendement
suffisant. Dans une telle situation, ce n'est pas le principe de la bonne
foi stricto sensu qui entre en ligne de compte, mais l'interdiction de
l'abus de droit que méconnaît toute résiliation ne constituant qu'un
prétexte. Au demeurant, ce dernier principe fera toujours office de
soupape de sûreté et pourra justifier exceptionnellement, suivant les
circonstances, l'annulation d'un congé donné par le bailleur afin d'obtenir
un rendement plus élevé, mais non abusif, de l'objet loué. Tel pourrait
être le cas, par exemple, si le bailleur ne disposant que d'une réserve de
hausse insignifiante n'en faisait pas moins usage afin de se débarrasser
commodément, par ce biais-là, d'un locataire qui ne lui conviendrait plus.

    Pour le reste, on rappellera qu'à certaines conditions, le locataire
s'opposera avec succès à une résiliation du bail, fût-elle conforme
aux règles de la bonne foi, en sollicitant une prolongation de celui-ci
(art. 272 ss CO; cf. l'ATF 110 II 249 consid. 4 précité).

    c) Appliquées au cas particulier, les considérations précédentes
conduisent à constater que la cour cantonale a violé le droit fédéral en
jugeant incompatible avec les règles de la bonne foi, au sens de l'art. 271
al. 1 CO, tout congé motivé par la simple volonté du bailleur d'augmenter
le loyer de l'appartement loué. En revanche, comme il est établi que la
résiliation des baux n'a nullement servi en l'occurrence à imposer aux
demandeurs une adaptation des loyers des appartements qu'ils occupent, la
Chambre d'appel a renoncé avec raison à faire application de l'art. 271a
al. 1 let. b CO dans la présente espèce (OR-ZIHLMANN, n. 10 ad art. 271a
CO; BROGLIN, ibid.; voir aussi l'ATF 115 II 83 au sujet des dispositions
similaires de l'ancien droit du bail).

    Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler les arrêts attaqués
et de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle détermine, en
établissant d'office les faits pertinents (art. 274d al. 3 CO; ATF 118 II
50 consid. 2a) et en utilisant les critères de calcul propres à la méthode
absolue, si la défenderesse pourrait relouer plus cher les appartements
pris à bail par les demandeurs. En cas de réponse affirmative, elle devra
admettre la validité des congés litigieux et se prononcer sur la question
de la prolongation du bail, qui formait l'objet de l'appel incident de
la défenderesse. Dans l'hypothèse inverse, elle annulera les congés sur
la base de l'art. 271 al. 1 CO. Au cas où, nonobstant l'application de la
maxime d'office, un doute subsisterait quant à la possibilité de majorer
les loyers en cause, la défenderesse en supporterait les conséquences. En
effet, même si le fardeau de la preuve d'un congé contraire aux règles
de la bonne foi incombe au demandeur à l'action en annulation, la partie
qui résilie a le devoir de contribuer loyalement à la manifestation de
la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires
à la vérification du motif invoqué par elle (BARBEY, op.cit., n. 202 et
319 ad art. 271-271a CO). Lorsque ce motif consiste dans le désir de
majorer le loyer, il est normal, et du reste conforme aux prescriptions
de l'art. 274d al. 3 CO, que le bailleur produise toutes les pièces
pertinentes et, s'il ne le fait pas, qu'il doive se laisser opposer
l'absence de preuve du motif de congé allégué par lui.