Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 III 42



120 III 42

16. Extrait de l'arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du
24 février 1994 dans la cause Etat du Koweït (recours LP) Regeste

    Art. 17-19 SchKG.

    Legitimation eines Staates zur Beschwerde und zum Rekurs gegen den
Arrestvollzug, der Vermögenswerte einer öffentlichrechtlichen und seiner
Ministerien unterstellten Körperschaft erfasst (E. 3).

    Art. 274 Abs. 2 Ziff. 1 und 67 Abs. 1 Ziff. 2 SchKG; Bezeichnung des
Schuldners und seines Vertreters im Arrestbefehl.

    Der Arrestbefehl kann und soll sogar das Organ nennen, welches von
Gesetzes wegen die öffentlichrechtliche Körperschaft vertritt (E. 4a).

    Im vorliegenden Fall bestehen keine Zweifel hinsichtlich der Identität
des Schuldners und bezüglich der mit Arrest zu belegenden Vermögenswerte
(E. 4b u. c).

    Art. 97 Abs. 2 und 275 SchKG.

    Werden durch einen Gläubiger zwei oder mehrere Arreste gegen
denselben Schuldner und für dieselbe Forderung erwirkt, so liegt darin ein
Rechtsmissbrauch, wenn dieses Vorgehen zur Blockierung von Vermögenswerten
in einem Umfang führt, der erheblich über dem Betrag liegt, der für
die Befriedigung der aus Kapital, Zinsen und Kosten zusammengesetzten
Forderung nötig ist (E. 5a). In einem solchen Fall ist es angezeigt, einen
Teil oder alle der zuletzt ergriffenen Massnahmen zu widerrufen (E. 5b),
wobei massgebend der Zeitpunkt der gemäss Art. 99 SchKG erfolgten Anzeige
ist (E. 6).

Sachverhalt

    A.- a) Le 5 mai 1993, Sarrio SA, société de droit espagnol, a requis
le Tribunal du district de Zurich d'ordonner le séquestre des avoirs de
"The Kuwait Investment Authority et/ou The Kuwait Investment Office"
auprès du Crédit Suisse, à Zurich.

    Le lendemain 6 mai, elle a requis du Tribunal de première instance de
Genève le séquestre des avoirs des prénommés auprès de deux établissements
bancaires genevois, Lombard Odier & Cie et Swiss-Kuwaiti Bank.

    Fondés sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, les deux séquestres étaient
destinés à garantir la même créance, objet d'une action ouverte par Sarrio
SA devant un tribunal espagnol.

    b) A Genève, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre
le 10 mai à l'encontre de "Kuwait Investment Authority, agissant par le
truchement de son organe exécutif Kuwait Investment Office". L'Office des
poursuites de Genève a exécuté l'ordonnance le 11 mai, en adressant un
avis de séquestre aux deux établissements bancaires concernés. Le séquestre
ayant entièrement porté auprès de Lombard Odier & Cie, l'office décida de
lever la mesure de séquestre exécutée auprès de la Swiss-Kuwaiti Bank. Le
procès-verbal de séquestre a été communiqué le 21 juillet à la poursuivie.

    A Zurich, la requête a tout d'abord été rejetée le 6 mai, puis admise
le 17 juin, sur recours, par le Tribunal cantonal (Obergericht) qui a
ordonné le séquestre - moyennant le versement de sûretés - au préjudice
de "The Kuwait Investment Authority (KIA)/The Kuwait Investment Office
(KIO)". L'office des poursuites de l'arrondissement zurichois compétent a
exécuté l'ordonnance le 18 juin, par l'envoi d'un avis au Crédit Suisse. La
mesure a, là aussi, porté intégralement. Le procès-verbal de séquestre
a été communiqué le 29 juin à la poursuivie.

    B.- L'Etat du Koweït, agissant par son Ministère des Finances,
lui-même représenté par "The Kuwait Investment Office", a porté plainte
auprès de l'Autorité de surveillance des offices de poursuite pour dettes
et de faillite du canton de Genève contre l'exécution du séquestre opéré
dans ce canton. Outre des griefs de nature formelle, il a fait valoir
une violation des art. 97 et 275 LP: la mesure litigieuse, combinée avec
celle parallèle de Zurich, excédait notablement le montant nécessaire
pour garantir la créance en jeu; Sarrio SA commettait un abus de droit
en obtenant un second séquestre, alors qu'elle était déjà au bénéfice
d'une mesure de blocage suffisante pour la satisfaire complètement;
selon le plaignant, c'était le séquestre opéré à Genève qui devait être
considéré comme ayant été exécuté en second lieu, puisque la communication
du procès-verbal de séquestre au débiteur était décisive en ce domaine.

    L'autorité cantonale de surveillance a rejeté la plainte.

    C.- L'Etat du Koweït a recouru à la Chambre des poursuites et des
faillites du Tribunal fédéral, en lui demandant d'annuler la décision
de l'autorité cantonale de surveillance, de constater la nullité de
l'exécution du séquestre opéré le 21 juillet 1993, subsidiairement
d'annuler l'exécution de ce séquestre.

    La Chambre des poursuites et des faillites a rejeté le recours dans
la mesure où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- La qualité pour porter plainte est reconnue à toute personne
lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés,
ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une mesure ou
une omission d'un organe de la poursuite (P.-R. GILLIÉRON, Poursuite
pour dettes, faillite et concordat, 3e éd., Lausanne 1993, p. 56 et la
jurisprudence citée).

    a) Il est établi que KIA, dont les avoirs font l'objet du séquestre
litigieux, est une corporation publique constituée par une loi koweïtienne
du 20 juin 1982 et qu'elle est dotée d'une personnalité juridique
distincte, tout en étant dépendante du Ministère des Finances koweïtien.
Conformément à ses statuts, le but de cette corporation est d'assurer,
au nom et pour le compte du Gouvernement koweïtien, la gestion et
l'investissement de différents fonds de l'Etat du Koweït.

    Contrairement à ce que soutient l'intimée, l'autorité cantonale de
surveillance a donc retenu à juste titre que l'Etat du Koweït avait
qualité pour se plaindre de la mesure de séquestre litigieuse, dès
lors qu'il revendiquait formellement les biens séquestrés (GILLIÉRON,
loc.cit. et p. 385 let. F).

    b) Pour le motif précité et du simple fait que sa plainte n'a pas
été admise par l'autorité cantonale de surveillance, l'Etat du Koweït
a qualité pour recourir au Tribunal fédéral (GILLIÉRON, op.cit., p. 57
et SUZETTE SANDOZ-MONOD, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol. II, Berne 1990, p. 726 ss).

Erwägung 4

    4.- a) Le recourant fait valoir que le libellé de l'ordonnance de
séquestre n'était pas conforme aux art. 274 al. 2 ch. 1 et 67 al. 1
ch. 2 LP, de sorte que l'office aurait dû refuser de l'exécuter. Selon
lui, la mention "agissant par le truchement de son organe exécutif
Kuwait Investment Office" ne pouvait signifier que ce dernier était le
représentant légal de la débitrice au sens de l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP.

    Le représentant légal, selon cette disposition, doit être distingué
du représentant simplement contractuel (mandataires, agents, membres
du Conseil d'administration d'une société, fondés de pouvoirs et de
procuration, etc.) et des organes prévus par la loi pour représenter les
corporations de droit public et les personnes morales. Il ne peut s'agir
que d'une personne appelée en vertu de la loi à agir en lieu et place d'un
individu ne possédant pas l'exercice de ses droits civils, tels le tuteur
ou le détenteur de l'autorité parentale (C. JÄGER, Commentaire de la LP,
n. 2 ad 47 et n. 13 ad art. 67).

    De façon générale, les débiteurs comme les créanciers sont libres
d'agir en personne ou de se faire représenter par un mandataire. Les
personnes juridiques et les entités juridiques sont, quant à elles,
représentées par leurs organes légaux et statutaires (cf. art. 65 LP;
GILLIÉRON, op.cit., p. 78 let. e). Le créancier doit d'ailleurs énoncer
dans sa réquisition de poursuite (ou de séquestre) le nom du représentant
autorisé de la personne juridique ou de la société poursuivie (ATF 117 III
10 consid. 5b p. 13; GILLIÉRON, op.cit., p. 126). Le recourant soutient
donc à tort qu'aucune mention autre que celle de représentant légal au sens
(étroit) de l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP ne serait admise dans l'ordonnance
de séquestre.

    Il est constant, en l'espèce, que le KIO est un bureau de
représentation du KIA en dehors de l'Etat du Koweït. Dépourvu de la
personnalité juridique, il bénéficie d'une certaine autonomie, mais
demeure soumis au contrôle du Conseil d'administration de KIA dont il fait
partie intégrante. La désignation de la débitrice, telle qu'elle figure
dans l'ordonnance, indique donc clairement la relation de représentation
entre KIA et KIO. Le fait que ce dernier soit dépourvu de la personnalité
juridique ne l'empêche nullement d'agir comme représentant: certains
organes d'une collectivité publique (départements, offices, services ou
sections) peuvent en effet, bien que n'ayant pas le caractère de personnes
morales de droit public, agir - notamment en justice - au nom et pour le
compte de la collectivité publique dont ils sont les agents (ANDRÉ GRISEL,
Traité de droit administratif, vol. I p. 197 ch. 4).

    b) Au dire du recourant, l'ordonnance de séquestre laissait planer
un doute sur l'identité du débiteur en mentionnant que la créance était
"dirigée contre Kuwait Investment Authority/Kuwait Invest- ment Office",
ce qui devait entraîner la nullité de la mesure.

    Une telle mention, comme l'a retenu à juste titre l'autorité
cantonale de surveillance, ne pouvait prêter à confusion en l'espèce
et, en particulier, donner à penser qu'on avait affaire à deux débiteurs
solidaires. L'ordonnance n'indiquait qu'un seul débiteur: Kuwait Investment
Authority, lequel agissait par l'intermédiaire de son organe exécutif,
le KIO. Il n'y avait aucune équivoque.

    c) L'autorité cantonale de surveillance a néanmoins admis une certaine
ambiguïté dans la désignation des biens à séquestrer. Aux termes de
l'ordonnance, en effet, devaient être séquestrés "tous titres, objets,
avoirs (...), appartenant à Kuwait Investment Authority et/ou Kuwait
Investment Office". Elle a considéré toutefois que la précision apportée
dans l'ordonnance quant à la qualité effectivement revêtue par le KIO,
simple organe de KIA, permettait d'admettre que la créancière entendait
s'en prendre aux seuls biens de KIA, qu'ils fussent inscrits sous son
propre nom, sous celui de KIO ou encore sous les deux, ce qui était
compréhensible du fait que seul le KIO était apparu dans les rapports
contractuels invoqués, les publications officielles et les médias. Au
demeurant, on ne pouvait reconnaître au KIO, en vertu des règles de droit
civil, une qualité de propriétaire juridiquement distinct de la poursuivie.

    Ces conclusions apparaissent justifiées au regard de ce qui a été
dit aux considérants 3a et 4a et b ci-dessus. Il s'ensuit que l'autorité
cantonale de surveillance a retenu à bon droit que l'office, à défaut
d'irrégularité formelle ou de vice entraînant la nullité (ATF 109 III
120 consid. 6 p. 126, 107 III 33 consid. 4 p. 37 s.), devait obtempérer
à l'ordonnance de séquestre litigieuse.

Erwägung 5

    5.- Il est constant en l'espèce que la créancière a obtenu, dans
deux arrondissements distincts, deux séquestres en garantie d'une seule
et même créance, et que les deux séquestres ont intégralement porté,
faisant ainsi double emploi.

    a) Il est certes admis que le même créancier puisse obtenir contre
le même débiteur, pour la même créance, plusieurs séquestres en des
lieux différents (ATF 88 III 59 consid. 4 p. 66; GILLIÉRON, op.cit.,
p. 375 ch. 2). Un tel procédé ne doit toutefois pas constituer un abus de
droit manifeste. En matière de séquestre, un tel abus existe lorsque la
mesure, bien que conforme aux dispositions légales, a été obtenue à des
fins ou dans des conditions qui font apparaître l'attitude du créancier
requérant comme absolument incompatible avec les règles de la bonne
foi (ATF 107 III 33 consid. 4 p. 38, 105 III 18 s.). Tel est le cas
de séquestres qui, requis dans différents arrondissements, permettent
d'obtenir le blocage d'avoirs pour un montant notablement supérieur
à celui nécessaire à satisfaire le créancier séquestrant en capital,
intérêts et frais, contrairement à la règle posée à l'art. 97 al. 2 LP,
applicable par renvoi de l'art. 275 de la même loi.

    Pareille façon de procéder ne saurait se justifier, comme l'a retenu
avec raison l'autorité cantonale, par le souci de se prémunir contre
l'éventuelle intervention de créanciers subséquents qui chercheraient à
se désintéresser sur les mêmes actifs (art. 281 al. 1 LP), vu le texte
clair de l'art. 97 al. 2 LP.

    De même, il n'est pas décisif, dans ce contexte, que le débiteur
puisse recouvrer la libre disposition de ses avoirs en fournissant des
sûretés conformément à l'art. 277 LP.

    Enfin, le fait que le créancier réponde, en vertu de l'art. 273 al. 1
LP, du dommage que le séquestre peut occasionner n'entre pas davantage
en ligne de compte. L'action prévue par cette disposition n'est donnée,
en effet, que si le séquestre est injustifié, c'est-à-dire ordonné sans
qu'il y ait un cas de séquestre ou fondé sur une créance garantie et
couverte par un gage, inexistante ou non exigible (GILLIÉRON, op.cit.,
p. 393 ch. VII), hypothèses non réalisées en l'espèce.

    b) La question de savoir si le cumul de deux ou plusieurs séquestres
consacre l'abus manifeste d'un droit ne peut être tranchée qu'a posteriori,
c'est-à-dire une fois que les mesures ont été exécutées et que l'on sait si
et dans quelle mesure les séquestres ont porté. Si le caractère abusif d'un
tel cumul est alors établi, il convient d'annuler, ou de réduire au strict
nécessaire selon l'art. 97 al. 2 LP, les mesures dont l'exécution est la
plus récente. La date d'exécution des séquestres est donc déterminante.

Erwägung 6

    6.- Deux dates entrent en ligne de compte pour savoir lequel des deux
séquestres a été exécuté en second lieu.

    Pour le recourant, la date déterminante est celle de la notification
du procès-verbal au débiteur (29 juin à Zurich et 21 juillet à Genève)
et c'est donc l'exécution du séquestre genevois qui devrait être annulée;
pour l'autorité cantonale, la date déterminante est celle de l'autorisation
du séquestre (10 mai à Genève et 17 juin à Zurich), de sorte que c'est
l'exécution du séquestre de Zurich qui devrait être annulée.

    a) Le séquestre est exécuté, en ce qui concerne le débiteur, lorsque
le préposé, fonctionnaire ou employé chargé de l'exécution lui ont fait
savoir qu'il lui est interdit, sous les peines de droit (art. 169 CP),
de disposer des biens séquestrés sans l'autorisation du préposé; cette
communication est opérée lors de la notification du procès-verbal de
séquestre au débiteur (GILLIÉRON, op.cit., p. 382). Pour le tiers, en
revanche, c'est l'avis de l'art. 99 LP qui constitue l'acte d'exécution
du séquestre (JÄGER, op.cit., n. 1B ad art. 275). Cet avis n'est certes
pas une condition de validité du séquestre; simple mesure de sûreté, il
a néanmoins pour effet d'informer le tiers qu'il ne peut plus désormais
s'acquitter qu'en mains de l'office; le tiers doit l'observer sous peine
d'engager sa responsabilité civile envers le créancier séquestrant (ATF
103 III 36 consid. 3 p. 39, 101 III 65 consid. 6 p. 67).

    b) Le jugement attaqué relève que c'est généralement par
l'intermédiaire du tiers que le débiteur est avisé de la mesure exécutée
à son encontre, ce qui est particulièrement vrai en matière de séquestre
d'avoirs bancaires; dans une telle hypothèse, le débiteur désireux de
sauvegarder ses intérêts par les voies de droit à sa disposition est
généralement à même d'influencer la date de communication du procès-verbal
de séquestre, dès lors qu'il peut élire domicile auprès d'un mandataire
professionnel de l'arrondissement compétent aux fins de faire accélérer
la notification de cet acte. D'une manière plus générale, le temps qui
s'écoule jusqu'à la notification de l'acte dépend du mode de communication
qui est utilisé et du pays dans lequel le débiteur est domicilié. Ainsi,
la date de notification du procès-verbal de séquestre au débiteur est
aléatoire.

    C'est en revanche le créancier seul qui choisit le moment où il
entend requérir un ou plusieurs séquestres à l'encontre du débiteur;
si elle estime la requête fondée, l'autorité compétente doit ordonner la
mesure immédiatement et il incombe à l'office d'entreprendre son exécution
aussitôt (art. 56 LP; ATF 107 III 33 consid. 5 p. 39). La délivrance
de l'ordonnance de séquestre et le début de son exécution par l'office
interviennent ainsi presque simultanément.

    c) La Chambre de céans peut se rallier au point de vue soutenu
par l'autorité cantonale de surveillance, dont les motifs sont
pertinents. Toutefois, pour prévenir d'éventuelles difficultés résultant
de la "quasi-simultanéité" de l'autorisation et de l'exécution proprement
dite, il y a lieu de retenir comme date décisive celle de la communication
de l'avis de l'art. 99 LP au tiers.

    Cela étant, le second séquestre exécuté au sens de ce qui précède
est celui opéré à Zurich dès le 18 juin et il appartient aux autorités
compétentes de ce canton de lever cette mesure, s'il est établi qu'elle
consacre l'abus manifeste d'un droit.