Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IB 332



120 Ib 332

47. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 27 juin 1994 dans
la cause Union du commerce local, à Porrentruy, contre Tribunal cantonal
du canton du Jura et Service des arts et métiers et du travail du canton
du Jura (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 18 und 19 ArG; Ladenöffnungszeiten am Sonntag.

    Ratio legis des Sonntagsarbeitsverbots (E. 3).

    Bewilligung von vorübergehender Sonntagsarbeit; Begriff des dringenden
Bedürfnisses (E. 4).

    Bewilligung von dauernder oder regelmässig wiederkehrender
Sonntagsarbeit; Begriff der technischen oder wirtschaftlichen
Unentbehrlichkeit (E. 5).

    Es liegt nicht rechtsungleiche Behandlung vor, wenn in anderen Kantonen
Sonntagsarbeit bewilligt wird (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Le 8 mars 1993, l'Union du commerce local, à Porrentruy, a présenté
au Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura une demande
d'autorisation valable pour tous les commerçants de la ville d'occuper
leur personnel le dimanche 19 décembre 1993 de 14h00 à 18h30.

    Le Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura a
refusé l'autorisation sollicitée par décision du 30 juillet 1993. Il
a considéré en particulier qu'aucune des exceptions prévues, par la
législation fédérale sur le travail, à l'interdiction de travailler le
dimanche n'était réalisée.

    Par arrêt du 11 novembre 1993, le Tribunal cantonal, Chambre
administrative, du canton du Jura a rejeté le recours déposé par l'Union
du commerce local contre la décision prise le 30 juillet 1993 par le
Service des arts et métiers et du travail.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Union du
commerce local demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 11
novembre 1993 par le Tribunal cantonal, Chambre administrative, du canton
du Jura et de constater que les conditions légales permettant de la faire
bénéficier d'une dérogation à l'interdiction du travail dominical le 19
décembre 1993 de 14h00 à 18h30 sont remplies.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) Selon l'art. 18 al. 1 de la loi fédérale sur le travail dans
l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr; RS 822.11),
il est interdit d'occuper des travailleurs le dimanche.

    Il est vrai que le travail du dimanche n'a pas d'effet direct sur
la santé, mais son incidence sur le plan social et culturel est des plus
importantes. Non seulement le dimanche est un jour sacré selon la tradition
chrétienne et il garde encore cette signification pour une partie de la
population, mais surtout l'institution d'un même jour libre pour tous
permet aux personnes sous pression dans leur travail de bénéficier de
repos et de loisirs en dehors de la vie de tous les jours. Il permet le
calme intérieur, qui ne serait pas pensable sans calme extérieur. Un temps
libre commun rend possibles, dans une grande mesure, la communication et
les contacts à l'intérieur et à l'extérieur de la famille, ce qui n'est
pas réalisable par du temps libre individuel durant la semaine (ATF 116 Ib
284 consid. 4a p. 288). Cela ressort aussi du message du Conseil fédéral
concernant un projet de loi sur le travail du 30 septembre 1960 (FF 1960 II
885 p. 956). Le législateur fédéral a restreint le travail dominical plus
rigoureusement encore que le travail nocturne, d'abord en considération de
la sanctification du dimanche, mais aussi par égard pour la vie familiale.

    b) La loi sur le travail prévoit toutefois plusieurs exceptions à
l'interdiction du travail dominical. A bon droit, la recourante n'invoque
pas celle qui est consentie en faveur des régions touristiques et des
localités frontières, la ville de Porrentruy ne tombant pas sous le
coup de ces définitions (cf. l'art. 27 LTr, l'art. 41 de l'ordonnance
II concernant l'exécution de la LTr du 14 janvier 1966 - RS 822.112 - et
l'art. 4 du règlement d'exécution de la loi fédérale sur l'encouragement
du crédit à l'hôtellerie et aux stations de villégiature du 23 décembre
1966 - RS 935.121).

    Il reste à examiner si l'une des exceptions de l'art. 19 LTr est
réalisée.

Erwägung 4

    4.- a) Aux termes de l'art. 19 al. 1 LTr, l'autorité cantonale peut
autoriser temporairement le travail du dimanche à trois conditions; il faut
(a) qu'il existe un besoin urgent dûment établi, (b) que les travailleurs
affectés à ce travail y consentent et (c) que l'employeur leur verse, en
contrepartie, un supplément de salaire d'au moins 50 pour cent (REHBINDER,
Arbeitsgesetz, Zurich 1987, 4e éd., n. 1 ad art. 19, p. 76).

    D'après la doctrine, pour que soit autorisé le travail dominical,
il ne suffit pas que soit établi n'importe quel besoin; il faut encore
que le besoin soit urgent, c'est-à-dire que des raisons impérieuses le
justifient (HUG, Commentaire de la loi fédérale sur le travail, Berne 1971,
n. 5 ad art. 19, p. 193).

    b) Comme le relève la recourante, la demande en biens de consommation
augmente pendant la période précédant Noël et le besoin accru des
consommateurs doit être satisfait durant une période très limitée dans le
temps. Toutefois, ces considérations ne permettent pas encore d'établir
l'urgence à satisfaire ces besoins par une ouverture des commerces le
dimanche. Les consommateurs peuvent acquérir des biens de consommation
pendant les jours ouvrables. En outre, la commune de Porrentruy autorise
deux ouvertures nocturnes des commerces durant la période précédant
Noël. Une ouverture dominicale des commerces ne correspond pas non plus
à un besoin urgent de ces derniers, quand bien même cette ouverture,
accompagnée d'animations diverses, aurait un effet publicitaire bienvenu.

    Dès lors, compte tenu de la volonté manifeste du législateur de
régler plus rigoureusement le travail dominical que le travail de nuit
(FF 1960 II 956; ATF 116 Ib 284 consid. 4d p. 289/290), il faut constater
que la recourante n'a pas dûment établi l'existence d'un besoin urgent
en la matière.

    c) La première condition de l'art. 19 al. 1 LTr n'étant pas remplie,
la recourante ne peut demander d'être mise au bénéfice de l'exception que
prévoit cette disposition. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner si les
autres conditions de la disposition précitée sont remplies. On peut douter
toutefois que la recourante ait valablement recueilli le consentement des
travailleurs concernés puisque celui-ci doit être indiqué dans la demande
du permis (art. 52 al. 2 de l'ordonnance 1 concernant la LTr du 14 janvier
1966 - ordonnance générale; RS 822.111; HUG, op.cit., n. 6 ad art. 19,
p. 193).

Erwägung 5

    5.- a) L'art. 19 al. 2 LTr prévoit que l'autorité cantonale peut
autoriser des entreprises qui ne sont pas industrielles à travailler
régulièrement ou périodiquement le dimanche lorsque des raisons techniques
ou économiques le rendent indispensable.

    En tant que dérogations à l'un des principes majeurs du droit des
travailleurs, les exceptions à l'interdiction du travail dominical ne
doivent être accordées, selon le principe de la proportionnalité, que
là où le caractère indispensable est établi (ATF 116 Ib 284 consid. 4d
p. 290). De plus, les exceptions à l'interdiction du travail dominical
doivent se conformer au principe de l'égalité de traitement, issu de la
liberté du commerce et de l'industrie, et ne doivent pas avoir un effet
de distorsion de la concurrence (ATF 116 Ib 284 consid. 4c p. 289).

    b) L'appendice de l'ordonnance générale définit l'indispensabilité
technique ou économique du travail régulier ou périodique du dimanche;
à son chiffre I.2 lettre c - qui seul entre en considération en l'espèce
-, il précise que le travail régulier ou périodique du dimanche est
indispensable pour des raisons économiques, notamment lorsque "la capacité
de concurrence à l'égard de l'étranger est réduite considérablement du
fait que la durée du travail est plus longue à l'étranger ou que les
conditions de travail y sont différentes".

    Des différences dans les dispositions légales sur le travail, liées
au démantèlement des barrières douanières et aux écarts de change,
peuvent porter préjudice à la capacité concurrentielle des entreprises
suisses, lorsqu'il existe des prescriptions moins sévères dans les pays
concurrents. Il y a cependant beaucoup d'autres avantages et désavantages
selon les pays concernés pour la production et la distribution de
biens. Les avantages de lieu de certains pays étrangers, dus par exemple à
des niveaux de salaire inférieurs, ne doivent pas être compensés par des
exceptions à l'interdiction du travail dominical. Il ne faut prendre en
considération une diminution de la capacité concurrentielle que si elle
est causée par des prescriptions de protection des travailleurs moins
sévères à l'étranger. Une comparaison avec les conditions de travail dans
les pays concurrents ne doit pas non plus faire perdre de vue la volonté du
législateur de limiter autant que possible le travail dominical. En effet,
si la portée de la protection des travailleurs était uniquement déterminée
par celle prévalant au niveau le plus bas à l'étranger, l'interdiction
du travail dominical serait aisée à contourner. Dès lors, ce n'est que
lorsque des pays, ayant une réglementation sociale en principe équivalente,
connaissent des prescriptions moins sévères dans des branches déterminées,
que la protection du travailleur vient au second plan. Encore faut-il que
des effets considérables sur la capacité concurrentielle des entreprises
suisses soient démontrés (ATF 116 Ib 284 consid. 5d p. 293/294).

    c) L'autorité intimée a admis que les commerces de Porrentruy
subissaient la concurrence de ceux qui se trouvent sur territoire français,
à proximité de la frontière et dans les grandes agglomérations de la
région, et que cette concurrence était due essentiellement aux prix
plus bas qui y sont pratiqués en raison du taux de change et de la
réglementation différente en matière agricole. Quant aux conditions
de travail, elles ne seraient en tout cas pas moins favorables aux
travailleurs français qu'aux travailleurs suisses. En particulier,
la durée du travail n'est pas plus longue en France qu'en Suisse; elle
aurait même tendance à y être plus courte.

    Rien ne permet de mettre en doute ces faits - que la recourante ne
conteste d'ailleurs pas - de sorte qu'ils lient le Tribunal fédéral.

    Ainsi, il est vrai que les commerces français sont plus souvent
autorisés à travailler en soirée et le dimanche, en particulier
en décembre, que les entreprises suisses qui sont soumises à des
prescriptions plus sévères et que la réglementation sociale dans les
deux pays est sensiblement équivalente; il est toutefois manifeste
que ces éléments ne jouent pas un rôle déterminant sur la capacité
concurrentielle des commerces suisses au regard de l'influence des changes
et des prix. Contrairement à ce qu'affirme la recourante, la protection
des travailleurs ne saurait dès lors être affaiblie pour compenser
le handicap que représente le niveau plus élevé du franc et des prix
suisses. Ainsi, le travail dominical ne semble pas indispensable pour des
raisons économiques, soit afin de restaurer la capacité concurrentielle
des membres de la recourante.

    d) En conséquence, c'est à bon droit que l'autorité intimée a considéré
qu'une dérogation à l'interdiction du travail dominical ne se justifiait
pas au regard de l'art. 19 al. 2 LTr. Il est par conséquent superflu
d'examiner si l'ouverture de commerces un dimanche après-midi par an a
un caractère régulier ou périodique au sens de cette disposition.

Erwägung 6

    6.- a) La recourante se plaint encore d'inégalité de traitement.

    A titre préliminaire, il convient d'observer que les consultations
opérées par l'autorité inférieure et son soin à assurer un traitement
uniforme des entreprises dans le Jura évitent toute inégalité de traitement
au niveau régional. Aussi la recourante ne compare-t-elle pas sa situation
à celle de commerces de la région, mais bien à celle d'entreprises
d'autres cantons. Il convient de relever d'emblée que l'intéressée ne
peut pas se prévaloir de ce que, dans des cas semblables, le travail
dominical est autorisé dans d'autres cantons. En effet, cette situation
ne lie ni les autorités jurassiennes, ni le Tribunal fédéral. Ce grief
est donc mal fondé. Au surplus, les localités de Morat - comme l'a déjà
relevé l'autorité intimée - et de Pully sont situées dans des régions
touristiques, au sens du règlement d'exécution de la loi fédérale sur
l'encouragement du crédit à l'hôtellerie et aux stations de villégiatures,
et sont par conséquent soumises à une réglementation particulière. Quant
à celle de Wil, elle serait au bénéfice de la législation saint-galloise
- dont la conformité du droit fédéral n'a pas à être examinée ici - qui
autoriserait les magasins à tenir boutique quatre jours fériés par an. Il
n'existe pas de disposition semblable en droit jurassien, de sorte que
la recourante ne se trouve pas dans une situation comparable.

    b) Se référant à la doctrine (KNAPP, Précis de droit administratif,
Bâle 1991, 4e éd., p. 292/293, nos 1386 ss; GRISEL, Traité de droit
administratif, Neuchâtel 1984, vol. I, p. 410), la recourante soutient
enfin qu'elle devrait être mise au bénéfice d'une autorisation
exceptionnelle, destinée à éviter les cas de rigueur; elle reproche
à l'autorité intimée de n'avoir pas mis en balance l'intérêt général
auquel correspondrait cette dérogation et l'intérêt public visé par
le législateur.

    En réalité, le législateur fédéral a précisément procédé à cette pesée
d'intérêts en adoptant les art. 18 et 19 LTr. Il a pris en considération
les intérêts des employeurs et entreprises ainsi que des consommateurs et
des travailleurs, puis il a défini de manière claire quand et à quelles
conditions les intérêts des uns prévalaient sur ceux des autres. Il
n'appartient pas aux autorités d'application de la loi sur le travail,
ni aux autorités judiciaires de remettre en cause cette appréciation. Au
demeurant, la recourante n'a pas établi en quoi sa situation serait
exceptionnelle et constituerait un cas de rigueur par rapport à la
réglementation voulue par le législateur fédéral.

    Au surplus, dans la mesure où la recourante mettrait ainsi en cause
l'opportunité de la décision attaquée, il convient de rappeler que le
Tribunal fédéral ne revoit pas le grief d'inopportunité dans le cas
particulier.