Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IB 299



120 Ib 299

42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 17 août 1994 dans la
cause C. contre O. et consorts (recours de droit public) Regeste

    Internationale Übereinkunft betreffend Zivilprozessrecht;
Sicherheitsleistung für die Prozesskosten.

    Begriff des Wohnsitzes im Sinn von Art. 17 der Internationalen
Übereinkunft betreffend Zivilprozessrecht (E. 2).

    Diese Bestimmung will einzig eine Ungleichbehandlung von Angehörigen
eines Vertragsstaates und solchen des die Sicherheitsleistung verlangenden
Staates verhindern (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Dans le cadre d'une action en paiement ouverte contre elle par
les ressortissants portugais O. et consorts, la défenderesse a requis le
Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine d'astreindre les demandeurs
à lui fournir des sûretés pour les dépens présumés du procès.

    Par décision du 25 novembre 1993, la juridiction saisie a rejeté
cette requête, considérant que l'art. 17 de la Convention de La Haye
relative à la procédure civile du 1er mars 1954 (RS 0.274.12, ci-après:
la convention) dispense les intimés de l'obligation de fournir des sûretés.

    B.- La requérante forme un recours de droit public au sens de l'art. 84
al. 1 let. c OJ contre cette décision, concluant à l'annulation de
celle-ci. Elle se plaint d'une violation de l'art. 17 de la convention. Le
Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 117 al. 1 let. a CPC/FR, le demandeur est tenu,
à la requête de la partie adverse, de lui fournir des sûretés pour les
dépens présumés du procès, notamment s'il n'a pas de domicile en Suisse.
L'art. 117 al. 2 CPC/FR réserve les conventions internationales.

    Aux termes de l'art. 17 al. 1 de la convention, aucune caution
ni dépôt, sous quelque dénomination que ce soit, ne peut être imposé,
à raison soit de leur qualité d'étrangers, soit du défaut de domicile
(Wohnsitz) ou de résidence (Aufenthalt) dans le pays, aux nationaux d'un
des Etats contractants, ayant leur domicile (Wohnsitz) dans l'un de ces
Etats, qui seront demandeurs ou intervenants devant les tribunaux d'un
autre de ces Etats. Tant la Suisse que le Portugal, pays d'origine des
intimés, que l'Allemagne, pays où ceux-ci se trouvent actuellement,
sont parties à la convention.

    Le Tribunal civil de la Sarine a considéré que la condition du
"domicile dans l'un de ces Etats" de l'art. 17 de la convention doit
être interprétée selon le droit allemand, en vertu de l'art. 52 al. 2
de la Convention de Lugano (RS 0.275.11); et, comme ce droit est très
souple en matière de domicile, il y aurait de grandes chances pour qu'il
reconnaisse l'existence d'un domicile des intimés en Allemagne. Le tribunal
a toutefois laissé ouverte la question de l'existence effective d'un
domicile en Allemagne car, selon lui, les intimés y ont de toute façon leur
résidence habituelle et celle-ci suffit, conformément à l'art. 20 LDIP (RS
291), pour que l'art. 17 de la convention soit applicable. La recourante
soutient que la notion de domicile de l'art. 17 de la convention ne doit
être interprétée qu'en fonction du texte, de la systématique et du but de
cette convention et que ni la LDIP, ni la Convention de Lugano, qui ont été
adoptées bien plus tard, ne peuvent contribuer à cette interprétation. La
notion de domicile devrait donc être comprise dans un sens strict et,
puisque les intimés n'ont pas leur domicile en Allemagne, et qu'il est
d'ailleurs douteux qu'ils y aient leur résidence habituelle, l'art. 17
de la convention ne pourrait les dispenser de l'obligation de fournir
des sûretés.

    a) La notion du domicile au sens de l'art. 17 de la convention ne doit
pas se comprendre selon la lex fori. En d'autres termes, dans le cas de la
Suisse, il ne faut pas interpréter cette notion en s'appuyant sur l'art. 20
al. 1 let. a LDIP. Celle-ci doit être déterminée de façon autonome, eu
égard notamment au but poursuivi par le traité (Message concernant une
loi fédérale sur le droit international privé du 10 novembre 1982, FF 1983
I 308/309; KELLER/KREN KOSTKIEWICZ, IPRG-Kommentar, n. 24 ad art. 20 LDIP).

    C'est à la demande de la Suisse que la conférence de La Haye a
introduit (dans l'art. 11, qui a été textuellement repris tant par
l'art. 17 de la convention de 1905 que par le même art. 17 de celle de
1954) la réserve stipulant que le demandeur qui veut être dispensé de la
caution doit être domicilié dans l'un des Etats contractants. Cette réserve
est le corrélatif nécessaire de la règle posée à l'art. 18 (art. 12 de
la convention de 1896), conférant force exécutoire au jugement relatif
aux frais et dépens (FF 1898 II 654; BÜLOW/BÖCKSTIEGEL/GEIMER/SCHÜTZE,
Internationaler Rechtsverkehr in Zivil- und Handelsverkehr, A I 1a,
100 p. 26 in fine et note 123). Ainsi, par l'art. 17 de la convention,
les Etats contractants ont pu renoncer à l'obligation de fourniture des
sûretés parce qu'en même temps l'art. 18 prévoyait que les condamnations
aux frais et dépens du procès seraient exécutoires dans les autres Etats
contractants (ATF 94 I 358 consid. 4 p. 363; 61 I 358). Dans l'application
de la convention toutefois, les obligations des art. 17 et 18 subsistent
indépendamment l'une de l'autre (ATF 61 I 358). La notion de domicile
ne doit donc pas être interprétée non plus selon la lex domicilii,
c'est-à-dire en tenant compte de la possibilité d'obtenir l'exécution du
jugement dans l'Etat en question. D'ailleurs, conformément à l'art. 18
al. 1 de la convention, l'Etat contractant doit également exécuter le
jugement sur dépens rendu à l'encontre d'un demandeur dispensé de fournir
caution en vertu "de la loi de l'Etat où l'action est intentée", et ce
sans condition de domicile.

    Dans l'arrêt non publié M. B.-V. contre B. L. S.A. du 15 avril 1994,
le Tribunal fédéral a jugé que la notion du domicile de l'art. 17 de
la convention ne diffère pas par son contenu de celle de l'art. 23 CC,
ce qui signifie qu'elle ne prend pas en compte un domicile fictif, ni un
domicile dérivé.

    La notion de domicile n'est toutefois pas fondamentalement différente
de celle de résidence habituelle (cf. la Résolution No 72 du Conseil
de l'Europe du 18 janvier 1972, in RCDIP 1973, p. 847-848). En droit
international privé et en particulier dans les conventions internationales
de La Haye élaborées depuis 1951, le rattachement au domicile est de
plus en plus souvent remplacé par celui à la résidence habituelle
(KNOEPFLER/SCHWEIZER, Précis de droit international privé suisse,
p. 151 n. 449; BUCHER, n. 49-50 ad art. 24 CC). Ainsi, l'art. 32 de la
convention et l'art. 16 de la Convention relative au statut des réfugiés
du 28 juillet 1951 (RS 0.142.30) se basent expressément sur la résidence
habituelle du demandeur. Cette dernière notion permet en effet d'éliminer
les divergences entre les réglementations des divers pays concernant les
règles posées aux art. 23 al. 2, 24 et 26 CC, étant entendu que cette
notion correspond pour le surplus à celle prévue à l'art. 23 al. 1 CC
(BUCHER, n. 49-50 ad art. 24 CC).

    En conséquence, pour que l'on puisse admettre l'application
de l'art. 17 de la convention, il faut que le demandeur ait son
domicile ou sa résidence habituelle dans l'un des Etats contractants
(BÜLOW/BÖCKSTIEGEL/GEIMER/SCHÜTZE, op.cit., A I 1b, 101 p. 17 note
77 et p. 18 note 84; A I 1a, 100 p. 25). Il s'agit donc de déterminer
objectivement, en se fondant sur des circonstances reconnaissables pour
les tiers, où se trouve le lieu où le demandeur réside de manière durable,
c'est-à-dire de rechercher où se situe le centre de ses intérêts vitaux,
le centre de ses relations personnelles et professionnelles (cf. la
Résolution No 72 du Conseil de l'Europe susmentionnée).

    Conformément à l'art. 8 CC, celui qui revendique un domicile déterminé
doit établir les faits d'où il entend déduire son domicile; il supporte les
conséquences de l'absence de preuve, quand bien même la détermination du
domicile résulte du principe de la maxime d'office (BUCHER, Vorbemerkungen
vor Art. 22-26 CC, n. 75).

    b) En l'espèce, les intimés n'ont pas produit les attestations
officielles faisant état de leur domicile actuel en Allemagne, que le
président du tribunal avait requises. Sur la base d'une attestation fournie
par l'employeur des intimés, l'autorité cantonale a retenu que ceux-ci
travaillent pour l'entreprise R. S.A. sur des chantiers en Allemagne,
qu'ils n'ont pas de domicile fixe puisqu'ils se déplacent de chantier en
chantier et vivent à l'hôtel et que l'adresse du bureau de leur employeur
à Cologne leur sert de relais postal. L'autorité cantonale en a déduit
à tort que les intimés ont leur résidence habituelle en Allemagne. De
telles circonstances ne sont en effet pas constitutives d'un domicile
effectif et elles ne le sont pas non plus d'une résidence habituelle.

    Partant, l'art. 17 de la convention ne dispense pas les intimés de
l'obligation de fournir des sûretés.

Erwägung 3

    3.- a) Au demeurant, l'art. 17 de la convention entend seulement
empêcher qu'un étranger ressortissant d'un pays signataire soit traité plus
mal que le ressortissant du pays pour la raison qu'il est étranger ou ne
possède ni domicile ni résidence dans le pays (ATF 93 I 278 consid. 4).
En d'autres termes, il vise simplement à placer sur un pied d'égalité
les ressortissants d'un Etat contractant et les nationaux (ATF 58 I 310;
VOGEL, Grundriss des Zivilprozessrechts, 3e éd., 11 n. 46 p. 265; LEUCH,
Kommentar zur Berner Zivilprozessordnung, 3e éd., n. 4 ad art. 70; BROSSET,
La cautio judicatum solvi selon l'article 17 al. 1 de la Convention de
La Haye concernant la procédure civile et la jurisprudence du Tribunal
fédéral, Mémoires de la Faculté de droit de Genève No 27, 1969, p. 2). Il
ne change donc rien aux dispositions de procédure cantonale qui imposent
la prestation de sûretés à tout demandeur, sans égard à sa nationalité,
son domicile ou sa résidence (FF 1898 II 655; ATF 26 I 480/482; 93 I 278;
ZR 84/1985 Nr. 13 p. 45; STEIN/JONAS, ZPO, n. 26 ad § 110 note 44, n. 31
ad § 328 note 43).

    Par conséquent, comme l'art. 17 ne doit pas placer l'étranger (ou
celui qui n'a ni domicile ni résidence en Suisse) dans une situation
plus favorable que celle qui est faite au national (ou à celui qui a
son domicile ou sa résidence en Suisse) par tel code ou loi de procédure
civile cantonal ou fédéral (BROSSET, op.cit., p. 2), il ne peut dispenser
des ressortissants étrangers de l'obligation de fournir caution alors que
l'art. 117 al. 1 let. a CPC/FR n'en dispenserait pas les ressortissants
suisses.

    b) Or, seul un domicile effectif en Suisse au sens de l'art. 23 al. 1
CC permet de dispenser le demandeur suisse de l'obligation de fournir
des sûretés en application de l'art. 117 al. 1 let. a CPC/FR (dans ce
sens, cf. ATF 117 Ia 292 consid. 3b et les références; cf. également
POUDRET, COJ n. 2.2. ad art. 150; BROSSET, op.cit., p. 7). Si donc, par
hypothèse, des ouvriers suisses se trouvaient dans la même situation que
les intimés, c'est-à-dire se déplaçaient de chantier en chantier en Suisse,
ils ne pourraient être dispensés de l'obligation de fournir des sûretés,
la condition du domicile de l'art. 117 al. 1 let. a CPC/FR n'étant pas
remplie. Il en découle que les intimés, qui sont de nationalité étrangère,
ne peuvent être dispensés de la fourniture de sûretés par l'art. 17 de
la convention puisque des nationaux ne pourraient pas l'être dans les
mêmes conditions de fait par l'art. 117 al. 1 let. a CPC/FR.