Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IB 183



120 Ib 183

27. Extrait de l'arrêt de la Ière Cour de droit public du 29 juin 1994
en la cause X. et Y. contre Chambre d'accusation du canton de Genève
(recours de droit administratif) Regeste

    Rechtshilfe; Art. 22 IRSG; Beschwerde gegen die einer Bank zugestellte
Verfügung.

    Die Beschwerdefrist beginnt zu laufen, sobald der Betroffene von
einer auf ihn bezugnehmenden Verfügung tatsächlich Kenntnis erhält,
selbst wenn ihm gegenüber eine formelle Eröffnung nicht erfolgt
ist. Dies ist grundsätzlich der Fall, wenn eine Rechtshilfeverfügung
einer Bank zugestellt wird und wenn diese ihren Kunden darüber informiert
(E. 3a). Indem die Behörde auf die Beschwerde wegen Verspätung nicht
eingetreten ist, hat sie weder das IRSG (E. 3b) noch das Verbot des
überspitzten Formalismus verletzt (E. 3c).

Sachverhalt

    A.- Le 11 octobre 1993, un juge d'instruction au Tribunal de Grande
Instance de Paris a adressé à l'Office fédéral de la police (ci-après:
l'OFP) une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une information
pour abus de biens sociaux et faux en écritures privées. Des directeurs
de la banque S. auraient consenti, sans garanties et sans autorisation du
conseil d'administration, des avances de fonds à des sociétés auxquelles
ils étaient intéressés, destinées notamment à l'acquisition d'avions. Le
magistrat requérant explique que, selon la législation française,
le prix d'achat des appareils et de leur remise en état pouvait être
déduit du résultat de leur exploitation, ces déductions fiscales ayant
été opérées par X. et Y., respectivement cadre et conseil juridique de
la banque S. Or, il était apparu que le prix d'acquisition des appareils
avait été "surfacturé", et que les personnes précitées avaient perçu
des commissions. Un intermédiaire dans la vente avait tiré deux chèques
à l'ordre de la société A., encaissés auprès d'une banque genevoise. Le
magistrat désire obtenir les documents bancaires relatifs au compte détenu
par A. auprès de la banque genevoise, soit les documents d'ouverture,
les extraits de compte pour les années 1989 à 1992 et les justificatifs,
ainsi que l'identité des destinataires d'éventuels versements opérés à
partir de ce compte. Le 22 octobre 1993, le juge d'instruction français
a complété sa demande, relevant qu'une autre société, dont les personnes
précitées sont actionnaires, avait acheté un avion pour 6'000'000 US$ alors
que le prix initialement prévu était de 4'500'000 US$. Le vendeur aurait
versé 1'500'000 US$ sur un compte ouvert par la société B. auprès de
la même banque genevoise. Le magistrat sollicite pour ce compte bancaire
les mêmes renseignements que ceux requis au sujet du compte de A.

    Le 23 novembre 1993, le juge d'instruction genevois chargé de
l'exécution de la demande (ci-après: le juge d'instruction) est entré en
matière, ordonnant de la part de la banque genevoise la production des
documents bancaires relatifs aux comptes détenus par les sociétés A. et
B. Ayant reçu ces documents, il prononça, par ordonnance de clôture du
22 décembre 1993, leur transmission à l'autorité requérante.

    Par lettres du 29 décembre 1993, les avocats à Genève de X. et Y. ont
demandé au juge d'instruction la notification de ses ordonnances. Ils
indiquaient avoir été informés par la banque genevoise de l'existence
d'une commission rogatoire, et désiraient recourir contre l'octroi
de l'entraide judiciaire. Le 18 janvier 1994, le juge d'instruction
leur notifia notamment la commission rogatoire et son complément, les
ordonnances d'entrée en matière et de clôture, ajoutant que, "eu égard à
la jurisprudence fluctuante et contradictoire de la Chambre d'accusation
quant à l'obligation de notifier dans un cas comme celui-ci, je réserve
la question de la recevabilité de recours tant contre l'entrée en matière
que contre la clôture".

    X. et Y. ont tous deux recouru auprès de la Chambre d'accusation du
canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation). Ils soutenaient
que la demande, imprécise, avait un caractère exploratoire, voire fiscal,
et que la condition de la double incrimination n'était pas réalisée.

    Par ordonnance du 11 mars 1994, la Chambre d'accusation a déclaré
les recours irrecevables. En vertu de l'art. 21 al. 3 EIMP (RS 351.1),
les intéressés n'avaient pas qualité pour recourir. Les recours étaient
en outre tardifs car formés en dehors du délai de dix jours fixé par la
loi. Subsidiairement, la Chambre d'accusation a écarté les griefs soulevés
au fond.

    Le Tribunal fédéral a rejeté les recours de droit administratif formés
par X. et Y. contre cette ordonnance.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- b) Aux termes de l'art. 25 al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide
internationale en matière pénale (EIMP), le recours de droit administratif
est ouvert contre les décisions rendues, comme en l'espèce, en dernière
instance cantonale (art. 33 al. 1 de la loi genevoise d'application du
code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale). Interjetés
dans les formes et délai utiles, les recours sont recevables sous l'angle
des art. 106 à 108 OJ. Ils le sont aussi au regard de l'art. 103 let. a
OJ car, dans une procédure régie comme en l'espèce par le droit fédéral,
l'auteur d'un recours déclaré irrecevable, pour défaut de qualité ou pour
tardiveté (les dispositions du droit cantonal de procédure relatives au
délai de recours et à la notification des décisions apparaissent comme
des dispositions d'exécution du droit administratif fédéral), a qualité
pour contester ce prononcé par la voie du recours de droit administratif
(ATF 119 Ib 59 consid. 1 et la jurisprudence citée). Comme on le verra,
point n'est besoin de rechercher si les recourants ont également, au
regard de l'art. 21 al. 3 EIMP, la qualité pour recourir sur le fond
contre l'octroi de l'entraide judiciaire.

Erwägung 2

    2.- Comme le recourant X. le relève incidemment - sans indiquer
toutefois s'il s'agit d'un grief distinct -, la décision attaquée ne
comporte pas l'indication des voies de recours. Cela ne porte pas à
conséquence car, même si, selon les termes de l'art. 22 al. 1 EIMP,
les décisions rendues par les autorités fédérales et cantonales ne
sont valables que dans la mesure où elles indiquent les possibilités de
recours, l'adjectif "valable" ne doit pas être pris à la lettre mais doit
être interprété selon le but de cette disposition, équivalent à celui des
art. 35 et 38 PA (RS 172.021)(ATF 113 Ib 267 consid. 4a). En l'occurrence,
les deux recourants ont saisi le Tribunal fédéral en temps utile et ne
subissent aucun préjudice.

Erwägung 3

    3.- La Chambre d'accusation a considéré que les deux recours étaient
tardifs; les recourants, informés par la banque des décisions rendues par
le juge d'instruction, avaient omis d'agir dans le délai de dix jours prévu
par le droit cantonal. Les recourants soutiennent qu'en l'absence d'une
notification formelle, le délai de recours ne pouvait courir; la solution
adoptée par la cour cantonale heurterait la sécurité du droit et forcerait
les intéressés à recourir sans connaître les motifs de la décision.

    a) Comme le relève la cour cantonale, la communication d'une décision
à l'établissement bancaire ne vaut pas, en soi, communication aux
titulaires de comptes ou aux autres personnes éventuellement touchées par
la demande. A défaut d'être désignée comme domicile de notification au sens
de l'art. 9 OEIMP (RS 351.11), la banque n'apparaît en effet pas comme le
représentant de ses clients vis-à-vis de l'autorité, de sorte que le délai
de recours ne commence à courir qu'à partir du moment où les intéressés ont
effectivement connaissance de l'existence d'une décision les concernant,
par exemple lorsque la banque les informe des investigations menées par
l'autorité ou des autres mesures coercitives prises à leur encontre (ATF
113 Ib 168 consid. 6, arrêt non publié du 17 novembre 1993 en la cause
A.). Contrairement à ce que soutiennent les recourants, le délai de recours
peut ainsi commencer à courir, même en l'absence de notification formelle,
lorsqu'il est établi qu'à une certaine date les intéressés ont eu une
connaissance suffisante de l'existence d'une demande d'entraide judiciaire
les concernant. C'est bien la solution inverse qui engendrerait des
incertitudes incompatibles avec les nécessités de l'entraide judiciaire,
car elle permettrait aux personnes touchées par une demande d'entraide de
remettre en cause toutes les décisions déjà rendues en exigeant après coup
leur notification formelle, bien qu'elles en aient eu connaissance. A
cet égard, l'attention qu'on peut attendre de la personne concernée
dépend de la situation dans laquelle elle se trouve et de la nature de
la décision en question (ATF 119 Ib 64 et les arrêts cités). En matière
d'entraide judiciaire, les décisions favorables à l'entraide, rendues
dans l'Etat requis, sont par nature destinées à une exécution rapide;
aussi peut-on attendre de la personne concernée, qui entend s'y opposer,
une diligence particulière pour se manifester. Par ailleurs, lorsqu'une
décision relative à l'entraide est notifiée à une banque et que celle-ci en
fait part à son client qui n'en a pas reçu personnellement la notification,
on peut présumer que le client est à même de se procurer sans délai le
texte de la décision auprès de l'établissement bancaire. On peut dès lors
considérer, en règle générale, que le client a une connaissance suffisante
de la décision lorsqu'il en est informé par la banque.

    b) Par lettres du 29 décembre 1993, les avocats genevois de chacun
des recourants ont indiqué avoir été informés par la banque genevoise de
l'existence de la commission rogatoire française et des deux ordonnances,
d'entrée en matière et de clôture. Ils demandaient la notification de
ces deux décisions, et déclaraient leur intention de recourir. Le juge
d'instruction a fait suite à leurs demandes de notification, relevant
toutefois que, compte tenu des incertitudes liées à l'obligation de
notifier, la recevabilité des recours était "réservée". Il est donc
établi que le 29 décembre 1993 au plus tard, les recourants et leurs
avocats à Genève connaissaient de manière certaine l'existence d'une
demande d'entraide et des décisions d'exécution. Ces dernières leur étaient
accessibles auprès de la banque, et contenaient tous les éléments qui leur
permettaient de procéder. Il était donc alors possible aux recourants de
saisir la Chambre d'accusation afin de sauvegarder leurs droits et, s'ils
n'avaient pu le faire auparavant, de demander l'accès au dossier puis de
compléter leurs recours. Formés le 31 janvier 1994, ceux-ci étaient donc
tardifs. Les recourants ont certes manifesté leur intention de recourir,
mais des réserves ou des déclarations d'intention ne sauraient remplacer
le dépôt de recours formels (ATF 116 Ib 91 consid. 1b).

    c) Les recourants se prévalent de l'interdiction du formalisme
excessif, et de la protection de la bonne foi. Selon eux, le juge
d'instruction avait le devoir, à réception de leurs lettres, soit de
les transmettre directement à l'autorité de recours, soit d'inviter les
recourants à saisir eux-mêmes la Chambre d'accusation. Même si l'intention
de saisir cette autorité y est clairement exprimée, on ne saurait assimiler
les actes du 29 décembre 1993 à des recours; ceux-ci ne contenant ni
motivation, ni conclusions, on ne pouvait exiger ni du juge d'instruction
qu'il les transmette directement à la Chambre d'accusation, ni de celle-ci
qu'elle les traite par la suite comme recours. Par ailleurs, si l'autorité
a, dans certaines circonstances, le devoir d'informer d'office le plaideur
qui s'apprête à commettre un vice de procédure, encore faut-il que le vice
soit aisément reconnaissable et qu'il puisse être réparé à temps (ATF 114
Ia 22 consid. 2 et les arrêts cités). Tel n'était pas le cas en l'espèce:
compte tenu des remarques qui précèdent et des incertitudes manifestées
par la suite par le juge d'instruction lui-même, le caractère tardif
des recours que se proposaient de former les recourants n'apparaissait
pas évident. Par ailleurs, ceux-ci étaient d'ores et déjà représentés à
Genève par des avocats qui pouvaient, dans le doute, accomplir les actes
nécessaires à la sauvegarde des droits de leurs clients.

    X. soutient enfin qu'il pouvait de bonne foi, sur le vu de la réponse
du juge d'instruction, penser que son recours serait déposé en temps utile;
il se fonde toutefois à tort sur la considération que la réserve émise
par le juge d'instruction ne concernait que la qualité pour recourir. Les
doutes émis par le magistrat quant à l'obligation de notifier ses décisions
doivent au contraire être compris comme se rapportant à l'écoulement
du délai de recours; on ne saurait en aucun cas y voir une assurance de
l'autorité quant au respect de ce délai. De toute manière, cette lettre
du juge, du 18 janvier 1994, ne pouvait faire courir à nouveau un délai
de recours déjà expiré.

    En déclarant les recours cantonaux irrecevables, la Chambre
d'accusation n'a donc pas violé le droit fédéral.