Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IB 1



120 Ib 1

1. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 février 1994
dans la cause A. K. contre Tribunal administratif du canton de Vaud et
Office cantonal de contrôle des habitants et de police des étrangers
(recours de droit administratif) Regeste

    Art. 8 EMRK; Aufenthaltsbewilligung für den ausländischen Vater eines
Schweizer Kindes.

    Art. 8 EMRK ist anwendbar, wenn sich ein ausländischer Vater auf eine
intakte familiäre Beziehung zu seinem Kind mit Anwesenheitsrecht in der
Schweiz berufen kann, selbst wenn er nicht die elterliche Gewalt oder
Obhut innehat (E. 1d).

    Der Beschwerdeführer und seine Tochter unterhalten eine enge,
tatsächlich gelebte familiäre Beziehung. Der angefochtene Entscheid
verletzt seine Anspruch auf Achtung des Familienlebens im Sinne von
Art. 8 Ziff. 1 EMRK. Art. 8 Ziff. 2 EMRK gestattet in bestimmten Fällen
einen Eingriff in die Ausübung des Rechts auf Achtung des Privat- und
Familienlebens, namentlich wenn es um die Umsetzung einer restriktiven
Politik in bezug auf den Aufenthalt von Ausländern geht. Die Gewährung
oder Verweigerung einer auf Art. 8 EMRK gestützten Aufenthaltsbewilligung
muss aufgrund einer umfassenden Abwägung aller öffentlichen und privaten
Interessen erfolgen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- A. K., d'origine tunisienne, est arrivé en Suisse le 26 août 1988,
au bénéfice d'une autorisation de séjour pour suivre des études.

    Le 8 septembre 1989, l'Office cantonal de contrôle des habitants et
de police des étrangers du canton de Vaud (ci-après: l'Office cantonal
des étrangers) a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour et
lui a imparti un délai de départ échéant le 8 octobre 1989.

    Le 26 septembre 1989, A. K. a épousé J. C., de nationalité suisse. Il
a alors obtenu une autorisation de séjour lui permettant de travailler. La
femme d'A. K. aurait quitté son mari en mai 1991.

    Le 11 mars 1992, l'Office cantonal des étrangers a refusé de renouveler
l'autorisation de séjour d'A. K.

    Par arrêt du 17 septembre 1992, le Tribunal administratif du canton de
Vaud a rejeté le recours déposé par A. K. Il a retenu que l'autorisation
de séjour d'A. K. était fondée sur son mariage et que cette justification
avait disparu avec la séparation des époux. Il ajoutait qu'il n'existait
pas d'autres raisons de renouveler l'autorisation de séjour de l'intéressé.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, A. K. demande
au Tribunal fédéral que l'arrêt rendu par le Tribunal administratif du
canton de Vaud soit réformé en ce sens que l'autorisation de séjour
qu'il a requise lui soit délivrée. Il invoque les art. 8 et 14 CEDH,
du fait qu'il a eu une fille avec N. T., Suissesse domiciliée à L.

    Durant l'instruction du présent recours, le divorce des époux K. a
été prononcé.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- d) Le recourant se réclame de l'art. 8 CEDH. Un étranger peut,
selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie
privée et familiale garanti par cette disposition pour s'opposer à
l'éventuelle séparation de sa famille et obtenir ainsi une autorisation de
séjour. Encore faut-il pour pouvoir invoquer l'art. 8 CEDH que la relation
entre l'étranger et une personne de sa famille ayant le droit de s'établir
en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d'établissement) soit étroite
et effective (ATF 119 Ib 91 consid. 1c p. 93; 118 Ib 145 consid. 4 p. 152
et 153 consid. 1c p. 157; 116 Ib 353 consid. 1b p. 355). Ainsi, l'art. 8
CEDH s'applique lorsqu'un étranger peut faire valoir une relation intacte
avec son enfant bénéficiant du droit de résider en Suisse, même si ce
dernier n'est pas placé sous son autorité parentale ou sous sa garde du
point de vue du droit de famille (ATF 119 Ib 81 consid. 1c p. 84; 118
Ib 153 consid. 1c p. 157; 115 Ib 97 consid. 2e p. 99; arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme du 21 juin 1988 en la cause Berrehab,
Série A, vol. 138, p. 14, par. 21). Dans une décision du 15 octobre 1986
en la cause K. contre Royaume-Uni, la Commission européenne des droits
de l'homme a déclaré que "la primauté des rapports d'un parent naturel
avec son enfant, constitutive d'une vie de famille, ressort clairement des
termes des articles 8 et 12 de la Convention et de l'article 2 du Protocole
additionnel" (Décisions et rapports 50/1987 p. 199, 216). Au surplus, il
n'y a pas lieu de faire une différence selon que l'enfant de l'étranger est
naturel ou légitime (HAEFLIGER, Die Europäische Menschenrechtskonvention
und die Schweiz, Berne 1993, p. 207/208; WILDHABER, Internationaler
Kommentar zur Europäischen Menschenrechtskonvention, n. 352 ad art. 8;
VILLIGER, Handbuch der Europäischen Menschen rechtskonvention, Zurich 1993,
n. 559/560, p. 328/329).

    Dans le cas particulier, le recourant a eu avec une Suissesse une
fille, A., qu'il a reconnue, mais sur laquelle il n'a pas l'autorité
parentale. Par convention du 3 août 1992, il s'est engagé à contribuer
à l'entretien de cette enfant, obligation qu'il respecte. Il ne vit pas
avec sa fille, mais la voit régulièrement. Dans la mesure où l'arrêt
attaqué a des incidences sur ses liens avec sa fille, le recourant peut
se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Le recours est donc recevable à cet égard.

Erwägung 3

    3.- a) L'arrêt attaqué influe incontestablement sur la relation du
recourant avec sa fille. Or cette relation peut être qualifiée d'étroite
et d'effective. En effet, selon le dossier, le père a reconnu son enfant
dix jours après la naissance. Il s'est engagé à lui verser une pension
alimentaire jusqu'à sa majorité et il respecte cette obligation. En outre,
bien qu'il ne vive pas avec l'enfant A., il a établi avec elle des contacts
étroits, puisqu'il lui rend régulièrement visite - un week-end sur deux
et une fois par semaine en moyenne.

    En refusant de prolonger l'autorisation de séjour de l'intéressé,
l'autorité intimée n'empêche pas, il est vrai, les relations entre
père et fille, mais elle les complique. Elle rend en particulier très
difficiles les contacts directs dont ils bénéficient lorsque le recourant
va voir l'enfant A. Dans l'arrêt Berrehab précité (p. 14, par. 22/23),
la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la possibilité pour
un ressortissant marocain d'exercer son droit de visite sur son enfant
résidant aux Pays-Bas était plutôt théorique. Elle en a conclu que le
refus d'accorder une nouvelle autorisation de séjour au père et la mesure
d'expulsion en résultant constituaient des ingérences dans l'exercice d'un
droit garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH. Dans le cas particulier, il faut
admettre, compte tenu de la distance séparant la Suisse de la Tunisie
et du coût des déplacements, que l'arrêt entrepris porte atteinte à la
vie familiale du recourant au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH. Il convient
dès lors d'examiner si ledit arrêt trouve sa justification dans l'art. 8
par. 2 CEDH.

    b) Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée
et familiale n'est possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH que "pour autant que
cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui,
dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale,
à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de
l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".

    La Suisse pratique une politique restrictive en matière de séjour
des étrangers, en particulier pour assurer un rapport équilibré entre
l'effectif de la population suisse et celui de la population étrangère
résidante, ainsi que pour améliorer la situation du marché du travail
et assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (cf. art. 16 de la
loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars
1931 - LSEE; RS 142.20 - et 1er de l'ordonnance limitant le nombre des
étrangers du 6 octobre 1986 - OLE; RS 823.21). Comme le Tribunal fédéral
l'a constaté, ces buts sont légitimes au regard de l'art. 8 par. 2 CEDH
(arrêt non publié du 18 janvier 1994 en la cause M. M. contre GR, Conseil
d'Etat, consid. 4b).

    c) La question de savoir si, dans un cas particulier, les autorités
de police des étrangers sont tenues d'accorder une autorisation de séjour
fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous
les intérêts publics et privés en présence (ATF 115 Ib 1 consid. 3b et 3c
p. 6). Il faut qu'il existe des liens familiaux vraiment forts dans les
domaines affectif et économique pour que l'intérêt public à une politique
restrictive en matière de séjour des étrangers et d'immigration passe au
second plan (WILDHABER, op.cit., n. 434 ad art. 8).

    En l'espèce, il s'agit donc de décider ce qui doit l'emporter du droit
du recourant à conserver des relations étroites avec sa fille, donc de
sauvegarder sa vie familiale, et du droit de l'Etat à limiter le nombre
des étrangers en Suisse, notamment en fonction du développement du chômage.

    Dans le cas particulier, l'intéressé séjourne depuis plus de cinq
ans en Suisse. Il n'a pas fait l'objet de condamnation et n'a donné
lieu à aucune plainte. Son comportement dénote une certaine intégration
contrairement à d'autres cas dans lesquels le Tribunal fédéral a confirmé
le refus d'autorisation de séjour, l'intéressé ayant eu une conduite
répréhensible - sans pour autant encourir de condamnation grave -
(arrêts non publiés du 16 février 1994 en la cause K. T. contre FR,
Tribunal administratif et Département de la police, consid. 2b, et du 6
mai 1993 en la cause K. T. contre FR, Conseil d'Etat, consid. 2c). On peut
tout au plus avoir de doutes sur les motifs qui l'ont incité à épouser
une Suissesse de 29 ans son aînée, puisque ce mariage qui lui a permis
d'obtenir une autorisation de séjour a été dissous au bout d'un laps de
temps relativement court.

    Sur le plan professionnel, l'intéressé a trouvé un travail et donne
satisfaction à son employeur.

    Dans sa vie familiale, le recourant a pris ses responsabilités de
père au sérieux et il s'occupe activement de sa fille, non seulement
financièrement, mais encore affectivement, comme cela a déjà été relevé
(cf. consid. 3a). Dans des circonstances comparables, la Cour européenne
des droits de l'homme a admis que le refus d'une autorisation de séjour
n'était pas proportionné au but d'intérêt public poursuivi (arrêt Berrehab
précité, p. 16, par. 29). En l'espèce, compte tenu des circonstances,
l'intérêt privé du recourant - et de sa fille - à conserver des relations
familiales étroites (sans compter l'intérêt de l'enfant A. à recevoir le
soutien financier que son père lui assure) paraît l'emporter sur l'intérêt
public légitime à la limitation de la population étrangère. Le recourant
ne saurait par conséquent être privé du droit à la prolongation de son
autorisation de séjour. Toutefois, ce droit ne subsistera que tant que
seront remplies les conditions d'application de l'art. 8 CEDH.