Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IA 120



120 Ia 120

18. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 13 juillet 1994
dans la cause G. contre la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal de
l'Etat de Fribourg (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 und 22ter BV; Rückgabe eines beschlagnahmten Gegenstands im
kantonalen Strafprozess.

    Art. 22ter BV schützt auch den Besitz (E. 1b).

    Regeln, die der Strafrichter für die Rückerstattung eines
beschlagnahmten Gegenstands im Strafprozess beachten muss (E. 1b).

Sachverhalt

    A.- C. a vendu un véhicule automobile de marque Ferrari à S.  Celui-ci
s'est fait remettre le véhicule le lendemain sur la présentation d'un faux
récépissé postal attestant le versement du prix convenu, soit 82'000 fr.

    Le même jour, S. a revendu le véhicule à G., qui en a immédiatement
pris possession. Selon G., S. aurait signé un contrat de vente et reçu
en espèces le montant du prix fixé, soit 69'000 fr.

    Saisi d'une plainte pénale formée par C., le Juge d'instruction du
4ème ressort du canton de Fribourg a ordonné la saisie du véhicule et
l'arrestation de S., qui a été placé en détention préventive.

    Interrogé par le Juge d'instruction, S. a reconnu avoir falsifié le
récépissé postal présenté à C. Il a nié en revanche avoir signé le contrat
évoqué par G. qui ne lui aurait remis qu'une somme de 6'000 fr. le 16
octobre 1993.

    Le 21 octobre 1993, le Juge d'instruction a ordonné la restitution
du véhicule à C. Le 26 octobre 1993, il a confirmé cette mesure à G., qui
demandait que le véhicule lui soit remis ou fasse l'objet d'une nouvelle
mesure de séquestre.

    Par arrêt du 28 mars 1994, la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal
de Fribourg a rejeté le recours formé par G. contre la décision du Juge
d'instruction. Elle a estimé en bref qu'au regard de l'art. 936 al. 1 CC,
le Juge d'instruction pouvait admettre que G. n'avait pas acquis de bonne
foi le véhicule qui devait être remis à C.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par
G. contre l'arrêt du 28 mars 1994, qu'il a annulé.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Sous l'angle de l'art. 22ter Cst., le recourant reproche à la
Chambre d'accusation d'avoir admis à tort que le Juge d'instruction était
compétent pour ordonner la restitution du véhicule séquestré.

    a) Après avoir constaté que le droit cantonal ne contenait pas de
prescriptions régissant la restitution des objets saisis dans le cadre
de la procédure pénale, la Chambre d'accusation a considéré qu'il lui
appartenait d'appliquer en l'espèce les dispositions du Code civil sur
la possession, et notamment l'art. 936 al. 1 CC. Elle a ainsi admis
implicitement que le juge d'instruction, le cas échéant la Chambre
d'accusation saisie d'un recours contre la décision du juge d'instruction,
sont compétents pour statuer sur la restitution d'un objet séquestré dans
le cadre d'une procédure pénale, et cela même lorsque, comme en l'espèce,
deux parties revendiquent la propriété de cet objet.

    Cette conception ne peut être partagée.

    b) La garantie de la propriété consacrée à l'art. 22ter Cst. s'étend
non seulement à la propriété des biens mobiliers et immobiliers, mais
aussi aux droits réels restreints, aux droits contractuels, aux droits de
propriété intellectuelle, aux droits acquis des citoyens contre l'Etat,
ainsi qu'à la possession (ATF 105 Ia 46 consid. 1c; pour la période
antérieure à l'adoption de l'art. 22ter Cst., cf. l'arrêt Schürmann du
22 juin 1877, III p. 309 ss., 314 consid. 4 et ATF 40 I 259 consid. 4;
cf. aussi GEORG MÜLLER in: Commentaire de la Constitution fédérale,
art. 22ter, no 2; ARTHUR MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, vol. IV, no 441).

    Lorsque le séquestre d'un objet n'est plus nécessaire, le juge pénal
lève cette mesure ordonnée pour les besoins de l'enquête; il restitue
l'objet séquestré à son possesseur qui bénéficie de la présomption de
propriété ancrée à l'art. 930 CC. Il ne peut s'écarter de cette règle
que lorsque le possesseur n'a manifestement aucun droit sur la chose,
par exemple s'il s'agit à l'évidence d'un objet volé; dans ce cas, le
juge pénal peut redresser sans autre cette violation immédiate et patente
des droits du possesseur en lui restituant l'objet saisi. En revanche,
lorsqu'il existe un doute au sujet de la propriété de l'objet saisi,
notamment lorsque plusieurs personnes en revendiquent la propriété, la
protection constitutionnelle de la possession, offerte par l'art. 22ter
Cst., exige en principe que la chose soit restituée à son possesseur;
toutefois la garantie constitutionnelle permet aussi à celui qui prétend
avoir un droit préférable de soumettre sa contestation à un juge civil
dans le cadre d'une procédure ordinaire permettant aux parties de faire
valoir tous leurs moyens. Ce rôle ne peut être assuré par l'autorité
pénale ordonnant la restitution d'un objet saisi pour les nécessités d'une
procédure pénale; toutefois, une protection provisoire de la prétention du
tiers peut s'imposer jusqu'au moment où le juge civil aura pu être saisi
et ordonner de son côté les mesures provisionnelles nécessaires. Dans ce
cas, il peut se justifier que l'autorité pénale diffère la restitution
de la chose, au moyen d'une décision à terme, pour permettre au tiers
revendiquant de saisir le juge civil et d'en obtenir s'il y a lieu la
protection provisoire nécessaire.

    En l'espèce, la question de savoir si G. avait acquis le véhicule de
bonne ou de mauvaise foi ne pouvait être tranchée d'emblée, mais requérait
une appréciation au fond qui doit être laissée au juge civil. En décidant
comme elle l'a fait, la Chambre d'accusation a empiété sur les attributions
du juge civil et violé l'art. 22ter Cst.

Erwägung 2

    2.- Le recours doit être admis pour ce seul motif, et l'arrêt
attaqué annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs
soulevés par le recourant. Il appartiendra à la Chambre d'accusation,
statuant à nouveau, d'appliquer par analogie les règles relatives aux
mesures provisionnelles ordonnées par le juge civil selon les art. 367 ss
CPC/FR. A ce titre, elle ordonnera la consignation du véhicule litigieux
(art. 368 al. 1 let. e CPC/FR), et impartira à C., possesseur antérieur
du véhicule, un délai pour intenter une action civile, faute de quoi la
mesure sera caduque (art. 375 al. 1 CPC/FR), et le véhicule restitué à
G. qui en était le possesseur au moment du séquestre.