Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 V 410



119 V 410

58. Arrêt du 17 novembre 1993 dans la cause X contre Caisse cantonale
valaisanne de compensation et Tribunal cantonal des assurances Regeste

    Art. 7 Abs. 1 IVG: Leistungskürzung infolge Grobfahrlässigkeit.

    Die wegen Alkohol- und Nikotinmissbrauchs aufgrund rechtskräftiger
Verfügungen gekürzten laufenden Invalidenrenten sind aufgrund der
Erkenntnis des Urteils G. vom 25. August 1993 (BGE 119 V 171 E. 2-5)
anzupassen.

Sachverhalt

    A.- X, né en 1932, a exercé jusqu'en 1989 diverses professions;
en dernier lieu, il a travaillé comme manoeuvre. Il est atteint
d'épilepsie en relation avec un éthylisme chronique. Reconnu totalement
incapable de travailler, il a été mis au bénéfice d'une rente entière de
l'assurance-invalidité à partir du 1er juin 1990; la rente fut réduite de
50 pour cent, au motif que l'atteinte à la santé résultait exclusivement
de l'éthylisme de l'assuré (décision du 4 février 1991).

    Par jugement du 17 juin 1991, le Tribunal des assurances du canton
du Valais a rejeté le recours formé contre cette décision par l'assuré.

    B.- Le 17 septembre 1991, X a demandé à l'administration de "lever"
la mesure de réduction prise à son encontre, faisant valoir qu'il n'avait
plus consommé d'alcool depuis une année.

    Après instruction du cas par la commission de l'assurance-invalidité,
la Caisse cantonale valaisanne de compensation a rejeté la demande par
décision du 3 février 1992, considérant qu'il n'était pas vraisemblable
que l'intéressé eût totalement cessé de consommer des boissons alcooliques.

    C.- Statuant le 19 juin 1992 sur un nouveau recours de l'assuré, le
Tribunal des assurances du canton du Valais l'a rejeté. II a retenu que
la preuve d'une abstinence totale, durant les derniers mois, n'avait pas
été rapportée, de sorte que l'on ne pouvait pas admettre que l'assuré se
fût amendé au sens de la jurisprudence.

    D.- Contre ce jugement, X interjette un recours de droit administratif
dans lequel il conclut derechef à la suppression de toute réduction.

    La caisse de compensation se réfère à un préavis de la commission
de l'assurance-invalidité, laquelle conclut au rejet du recours. Quant
à l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il s'en remet à justice.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Pouvoir d'examen

Erwägung 2

    2.- a) Selon l'art. 7 al. 1 LAI, les prestations en espèces peuvent
être refusées, réduites ou retirées, temporairement ou définitivement, à
l'assuré qui a intentionnellement ou par faute grave, ou en commettant un
crime ou un délit, causé ou aggravé son invalidité. Par cette disposition,
l'on vise à empêcher que l'assurance-invalidité ne soit par trop mise
à contribution pour couvrir les dommages que les intéressés auraient pu
éviter en faisant preuve de la prudence nécessaire. Ce but est atteint
en privant l'assuré de l'intégralité ou d'une partie des prestations,
proportionnellement à la faute commise (ATF 111 V 187 consid. 2a; RCC
1990 p. 308 consid. 2a).

    b) Aux termes de l'art. 32 § 1 let. e de la Convention OIT no 128
concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants
du 29 juin 1967, en vigueur pour la Suisse depuis le 13 septembre 1978
(RO 1978 II 1493), et de l'art. 68 let. f du Code européen de sécurité
sociale (CESS) du 16 avril 1964, en vigueur pour notre pays depuis
le 17 septembre 1978 (RO 1978 II 1518), les prestations d'assurances
sociales auxquelles une personne aurait droit peuvent être "suspendues",
c'est-à-dire refusées, réduites ou retirées, lorsque l'éventualité a été
provoquée "par une faute grave et intentionnelle", selon la convention no
128, ou "par une faute intentionnelle de l'intéressé", selon le CESS. Il
en résulte, a contrario, que les prestations ne peuvent être "suspendues"
en cas de faute non intentionnelle de l'intéressé.

    Ces instruments visent notamment les prestations d'assurance selon
la LAI (Partie II de la Convention OIT no 128 et Partie IX CESS; cf. RAMA
1989 no U 63 p. 56, consid. 4c non publié dans ATF 114 V 315).

    c) Dans un arrêt en la cause G. du 25 août 1993 (ATF 119 V 171), le
Tribunal fédéral des assurances - revenant sur la jurisprudence de l'arrêt
Courtet (ATF 111 V 201) - a considéré que ces normes internationales
étaient directement applicables ("self-executing"). Elles rendent
donc inapplicable l'art. 7 al. 1 LAI, dans la mesure où cette norme du
droit fédéral permet la réduction de prestations pour une faute grave
commise par négligence. Dans l'affaire G., la réduction avait été motivée,
également, par un alcoolisme chronique de l'assuré. Mais comme la faute de
ce dernier ne pouvait être qualifiée d'intentionnelle, le Tribunal a annulé
la décision de réduction (35 pour cent) prononcée par l'administration.

    Le Tribunal a ultérieurement adopté une semblable solution dans un
cas de réduction pour tabagisme (arrêt non publié V. du 20 octobre 1993).

Erwägung 3

    3.- Cette nouvelle jurisprudence vaut incontestablement pour les
cas futurs, ainsi que pour les affaires pendantes devant un tribunal
au moment de son changement (v. par ex. ATF 108 V 3; RCC 1990 p. 271
consid. 3b et les arrêts cités; PROBST, Die Änderung der Rechtsprechung,
p. 518 note 613).

    Mais, en l'espèce, la difficulté réside dans le fait que, à la
différence des circonstances de l'affaire G., ce n'est pas lors de
l'allocation d'une rente réduite que le recourant a contesté la sanction
prise à son endroit. En effet, dans le cas présent, la réduction a été
prononcée par une décision antérieure, entrée en force; la décision
litigieuse, du 3 février 1992, porte sur le refus de l'administration de
supprimer, à la demande du bénéficiaire de rente, une réduction en cours.

    Le problème se pose donc de savoir si la force formelle et matérielle
attachée à une décision de réduction de rente s'oppose à une application
de la nouvelle jurisprudence.

    a) Un changement de jurisprudence n'est un motif ni de révision
au sens procédural du terme ni de reconsidération (KNAPP, Précis
de droit administratif, 4e édition, p. 276, note 1303; KÖLZ/HÄNER,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, p. 118,
note 193; GRISEL, L'apport du Tribunal fédéral des assurances au
développement du droit public, Mélanges Berenstein, p. 448). Il ne
s'agit pas davantage d'un motif de révision au sens de l'art. 41 LAI
(ATF 115 V 313 consid. 4a/bb, 112 V 372 consid. 2b, 107 V 156; GRISEL,
loc.cit., p. 447). En effet, la rente n'est susceptible d'être révisée,
en vertu de cette disposition légale, qu'en cas de modification notable
de l'état de santé de l'assuré ou lorsque les conséquences économiques
d'un état de santé (demeuré inchangé) se sont modifiées (ATF 113 V 275
consid. 1a et les arrêts cités).

    b) En droit des assurances sociales, un changement de jurisprudence ne
peut qu'exceptionnellement conduire à la révocation d'une décision, même si
cette décision est assortie d'effets durables (notamment si elle concerne
des prestations périodiques). Il faut que la nouvelle jurisprudence ait
une telle portée générale qu'il serait contraire au droit à l'égalité de
ne pas l'appliquer dans tous les cas, en particulier en maintenant une
ancienne décision pour un seul assuré ou un petit nombre d'assurés. Si
cette condition est remplie, la modification n'aura, en règle ordinaire,
des effets que pour l'avenir. Cette pratique restrictive vaut en tout cas
lorsque l'application d'une jurisprudence nouvelle s'opérerait au détriment
du justiciable (sur ces divers points, voir: ATF 115 V 314 consid. dd, 112
V 394 consid. 3c; KNAPP, op.cit., p. 281, note 1344; RHINOW/KRÄHENMANN,
Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, p. 140 no 45
B III/a).

    Commentant cette jurisprudence, KNAPP (op.cit., p. 282, note 1346)
estime que si une nouvelle interprétation est plus favorable pour le
destinataire de la décision, l'autorité donnera sans autre examen la
priorité au droit à l'égalité et accordera le nouvel avantage même aux
anciens bénéficiaires.

    c) En l'espèce toutefois il n'y a pas lieu d'examiner si l'adaptation
à la nouvelle jurisprudence s'imposerait pour des motifs tirés de l'égalité
de traitement entre assurés.

    En effet, le maintien de réductions en cours, pour abus d'alcool ou
de nicotine, procédant d'une négligence grave, ne se concilierait de toute
façon pas avec les règles précitées du droit international. Les décisions
de réduction motivées par ce genre d'abus n'étaient - sous l'empire de
l'ancienne jurisprudence - jamais irrévocables. Elles ne valaient que sous
la réserve d'un changement de circonstances, lié au comportement futur de
l'assuré (cf. MOOR, Droit administratif, vol. II, p. 233; GRISEL, loc.cit.,
p. 447 en haut). C'est ainsi que, conformément à l'art. 39 al. 2 RAI, les
prestations ne pouvaient être retirées ni soumises à réduction pendant
la durée d'une cure de désintoxication ou quand l'assuré s'était amendé
(à propos de l'application de cette disposition: ATF 111 V 197, 104 V 1;
RCC 1988 p. 600, 1987 p. 109); en cas d'amendement - c'est-à-dire lorsque
l'intéressé faisait montre d'abstinence totale pendant une certaine période
-, la réduction devait être supprimée, sans d'ailleurs qu'il fût nécessaire
de se demander si le changement de comportement de l'intéressé avait ou non
influé favorablement sur son état de santé (RCC 1986 p. 566 consid. 6b;
SCHÖN, Juristische Aspekte der Kürzung von Krankenkassenleistungen bei
Grobfahrlässigkeit, Zeitschrift für öffentliche Fürsorge, 1990, p. 191).

    Dès lors, dans la mesure où les règles pertinentes du droit
international, considérées désormais comme directement applicables,
n'autorisent pas la réduction de rentes de l'assurance-invalidité, elles
ne permettent pas non plus de subordonner la suppression d'une ancienne
réduction (pour négligence grave) à la condition que l'assuré adopte
un comportement déterminé: en tant qu'il ferait dépendre, à l'occasion
d'un réexamen de la situation, le versement d'une rente non réduite à
d'exigences qui ne sont pas prévues par le droit international, le droit
interne serait en contradiction avec ce dernier.

    d) Au demeurant, il est probable que le problème des réductions
pour alcoolisme ou pour tabacomanie ne se posera plus dans le futur: la
possibilité de réaliser, dans ces deux cas de dépendance, l'état de fait
de la faute intentionnelle ne paraît guère envisageable, a priori tout
au moins. Jusqu'à présent, en effet, le Tribunal fédéral des assurances a
toujours considéré les cas de réduction des prestations pour abus d'alcool
ou de tabac sous l'angle, uniquement, de la négligence grave (v. par
ex. ATF 111 V 189 consid. 2c, 104 V 1 consid. 2a, 98 V 31 consid. 1,
97 V 229 consid. 1b). C'est dire que la nouvelle jurisprudence rend
pratiquement inopérant l'art. 39 al. 2 RAI, pour ces cas d'abus tout au
moins. Or, il serait presque inconcevable de n'appliquer désormais cette
disposition qu'aux seuls bénéficiaires d'anciennes rentes, réduites en
vertu de décisions entrées en force.

Erwägung 4

    4.- Il s'ensuit que l'on ne saurait opposer au recourant l'autorité de
la chose jugée pour lui refuser le bénéfice de la jurisprudence de l'arrêt
G. Il reste donc à se demander si le recourant a causé son invalidité
par une faute intentionnelle.

    On l'a vu, la faute intentionnelle ne se conçoit guère dans les cas
d'alcoolisme ou de tabagisme chronique. De toute façon, même si l'on doit
en l'espèce constater que le comportement du recourant procède d'une faute
grave, en raison notamment de la durée de la consommation alcoolique et
du fait que l'intéressé pouvait sans nul doute mesurer les conséquences
nuisibles de cette consommation, la faute ne saurait être qualifiée
d'intentionnelle, même par dol éventuel. A dire de médecin, la dépendance
du recourant a été favorisée par des circonstances familiales (divorce), ce
qui est généralement considéré comme une circonstance atténuante (ECHENARD,
Les risques exclus de l'AVS/AI, in: IRAL, Colloque de Lausanne 1989,
p. 11). Il apparaît aussi que, dans le passé, le recourant s'est soumis
à plusieurs reprises - mais sans succès - à des cures de désintoxication;
cela tend à démontrer une certaine volonté d'amendement.

Erwägung 5

    5.- En conclusion, la mesure de réduction de rente prononcée à
l'encontre du recourant doit être supprimée.

    Pour ce qui est de la date de la suppression de la réduction, il
y a lieu de prendre en considération celle de la demande du recourant
(17 septembre 1991). D'une part, la décision du 3 février 1992 n'était
pas en force au moment du changement de jurisprudence; la modification
en faveur du recourant peut ainsi prendre effet avant le changement de
jurisprudence (cf. ATF 108 V 3 consid. 2a). D'autre part, il se justifie
d'appliquer ici, mais par analogie, l'art. 88bis al. 1 let. a RAI. La
suppression prendra donc effet à compter du 1er septembre 1991.

    Le recours de droit administratif se révèle, dès lors, bien fondé.

Entscheid:

    Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
                          prononce:
I. Le recours est admis. II. Le jugement du Tribunal des assurances du
canton du Valais

    du 19 juin 1992, ainsi que la décision de la Caisse cantonale

    valaisanne de compensation du 3 février 1992, sont réformés

    en ce sens que X a droit à une rente non réduite à compter du
      1er septembre 1991.