Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 IV 44



119 IV 44

8. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 15 mars 1993 dans
la cause B. c. G. (pourvoi en nullité) Regeste

    Legitimation im Falle einer Strafbefreiung.

    Wer zwar von Strafe befreit, aber schuldig gesprochen worden ist,
kann den Schuldspruch anfechten (E. 1a).

    Art. 173 Ziff. 2 StGB; Üble Nachrede, Bedeutung des
Gutglaubensbeweises.

    Ist der Gutglaubensbeweis erbracht, ist ein Schuldvorwurf
ausgeschlossen; der Richter darf nicht schuldig sprechen und bloss von
Strafe befreien (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Ayant appris qu'il n'y aurait pas de Fête des vendanges de la Côte
en 1991 en raison des mauvais résultats financiers de la manifestation en
1990, le journaliste P. téléphona à B., président du comité de la Fête des
vendanges, pour lui demander des explications. B. lui déclara alors que le
comité rencontrait des difficultés avec G., que celui-ci n'avait toujours
pas rendu les comptes que l'on attendait de lui, qu'un "trou financier"
restait inexpliqué et que si le comité n'obtenait pas satisfaction de G.,
il se réservait la possibilité d'agir en justice contre lui. Il a ajouté
que G. n'avait pas oublié de se payer ce qu'il avait estimé être son dû
pour l'exécution de son mandat.

    Sur la base de cette conversation téléphonique, mais sans s'être
préalablement entretenu avec G. qu'il avait essayé en vain d'atteindre,
P. fit paraître un article intitulé "Les raisins de la colère", relatant
les informations données par B. et employant notamment les termes "un
curieux trou de 100'000 francs", "difficiles explications". B. n'a pas
contesté avoir parlé au journaliste d'un "curieux trou".

    G. déposa plainte contre B. et P.

    B.- En ce qui concerne la poursuite pénale dirigée contre B., le
Tribunal de police du district de Morges, statuant le 17 juillet 1992,
a estimé que les propos que l'accusé avait tenus lors de sa conversation
téléphonique avec le journaliste jetaient sur G. le soupçon d'avoir fait
preuve d'indélicatesse, semant ainsi le doute sur sa probité. Admettant
l'existence d'une atteinte à l'honneur, le tribunal a considéré, comme
les rumeurs allaient bon train à Morges et sur la Côte, que B. avait des
raisons suffisantes d'informer la presse; il fut donc autorisé à apporter
la preuve de la bonne foi. Les juges ont retenu que l'accusé avait cherché
en vain à faire la lumière sur l'origine du déficit et qu'en tardant à
rendre ses comptes et en ne se présentant pas à un rendez-vous fixé en
février, G. l'avait conforté dans l'idée qu'il n'était pas étranger à
l'importante perte constatée. Concluant que le comportement du plaignant
lui avait ainsi donné de sérieuses raisons de tenir de bonne foi ses
déclarations pour vraies, le tribunal a reconnu B. coupable de diffamation
et l'a exempté de toute peine, mettant à sa charge une partie des frais
de la procédure ainsi que des dépens dus au plaignant, dont les droits
civils furent réservés.

    Par arrêt du 23 novembre 1992, la Cour de cassation cantonale a rejeté
les recours formés par B. et G. contre cette décision.

    C.- Contre cet arrêt, B. s'est pourvu en nullité à la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral. Il soutient que les propos tenus ne visent
que la réputation professionnelle de G. et ne constituent donc pas une
atteinte à l'honneur au sens du droit pénal; il observe par ailleurs
qu'ayant apporté la preuve de sa bonne foi, il n'encourt aucune peine
selon les termes de l'art. 173 ch. 2 CP, de sorte qu'il aurait dû être
acquitté et non pas reconnu coupable avec exemption de peine. Il conclut,
avec suite de dépens, à l'annulation de la décision attaquée.

    Le plaignant a conclu au rejet du pourvoi avec suite de frais et
dépens.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Formé par l'accusé (art. 270 al. 1 PPF), le pourvoi est dirigé
contre un jugement pénal rendu en dernière instance cantonale par un
tribunal supérieur (art. 268 ch. 1 PPF).

    Une exemption de peine ayant été prononcée, on peut se demander si
B. a un intérêt à recourir. Certes, un pourvoi ne serait pas ouvert
pour se plaindre des seuls considérants d'une décision (ATF 101 IV
135 consid. 3b, 330 consid. d), mais il faut constater ici que le
recourant s'en prend au dispositif du jugement de première instance,
qui a été confirmé par la cour cantonale. Il serait sans doute abusif
d'attaquer un dispositif pour demander une modification purement formelle,
sans portée réelle, par exemple pour que l'accusé soit acquitté, plutôt
qu'il soit constaté qu'il n'encourt aucune peine (ATF 79 IV 90 consid. 1
et l'arrêt cité). En l'espèce cependant, le recourant soutient qu'un
verdict de culpabilité n'aurait pas dû être rendu à son encontre. Dans
un tel cas, la jurisprudence a déjà admis que l'accusé était légitimé à
recourir lorsqu'il conteste sa culpabilité et que l'autorité cantonale
l'a reconnu coupable tout en renonçant à lui infliger une peine (ATF
96 IV 67 s. consid. 1). Dans un arrêt plus récent, il a été admis que
celui qui était déclaré irresponsable, mais tenu pour l'auteur d'actes
constitutifs d'une infraction, avait un intérêt suffisant pour recourir
(ATF 115 IV 223 consid. 1). L'intérêt à pouvoir contester un verdict
de culpabilité n'est pas seulement moral; la question peut avoir des
conséquences sur le plan civil (la commission d'une infraction pénale est
en soi un acte illicite) et affecter également la décision sur les frais
et dépens, qui relève de la présomption d'innocence (ATF 116 Ia 164 ss)
et du droit cantonal (ATF 79 IV 91, 78 IV 170). Il faut donc admettre que
la personne qui, comme en l'espèce, a été reconnue coupable et exemptée
de toute peine a un intérêt légitime à contester le verdict de culpabilité.

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 173 ch. 1 CP réprime notamment celui qui, en s'adressant
à un tiers, aura jeté sur une personne le soupçon de tenir une conduite
contraire à l'honneur.

    Pour qu'il doive être reconnu coupable de diffamation, il n'est donc
pas nécessaire que l'auteur - selon la première alternative de l'art. 173
ch. 1 al. 1 CP - accuse une personne de tenir une conduite contraire à
l'honneur; il suffit de jeter sur elle le soupçon d'une telle conduite
(ATF 117 IV 29, 102 IV 181).

    L'atteinte à l'honneur pénalement réprimée doit faire apparaître la
personne visée comme méprisable; il ne suffit pas de l'abaisser dans
la bonne opinion qu'elle a d'elle-même ou dans les qualités qu'elle
croit avoir, notamment dans le cadre de ses activités professionnelles,
artistiques, politiques et sportives; échappent à la répression les
assertions qui, sans faire apparaître la personne comme méprisable,
sont seulement propres à ternir la réputation dont elle jouit dans son
entourage ou à ébranler sa confiance en elle-même par une critique visant
en tant que tel l'homme de métier, l'artiste ou le politicien (ATF 117
IV 28 s. consid. 2c, 116 IV 206 consid. 2, 115 IV 44 consid. c).

    Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur,
il ne faut pas se fonder sur le sens que lui donne la personne visée,
mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire
non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF
117 IV 29 s. consid. 2c, 105 IV 113 consid. 2, 196 consid. 2a).

    Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur ait eu conscience
du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les ait
proférés néanmoins; il n'est pas nécessaire qu'il ait eu la volonté de
blesser la personne visée (ATF 105 IV 118 consid. b).

    b) Dans le cas d'espèce, le recourant, en s'adressant au journaliste,
a évoqué l'attitude de G. qu'il a nommément désigné, en relation avec
le déficit de la Fête des vendanges. Il a parlé d'un "trou financier
inexpliqué" ou d'un "curieux trou", expression mise en relation avec
la précision que G. n'avait toujours pas rendu les comptes attendus et
que l'on n'excluait pas une action en justice contre lui, étant encore
ajouté que G. n'avait pas oublié de se payer. Certes, il n'a formulé
aucune accusation précise, mais, par l'accumulation de petites touches,
il a suggéré, selon une interprétation objective de ses propos, l'idée
que G. pourrait avoir commis une malhonnêteté dans sa gestion en relation
avec le déficit constaté. De tels propos ne peuvent pas être interprétés
seulement comme une critique de l'activité professionnelle de G., mais
ils comportent bien, par des allusions, le soupçon d'un comportement
malhonnête. Que le recourant n'ait pas eu le dessein de nuire à G.
est sans pertinence, dès lors que la portée des propos qu'il a tenus
volontairement ne pouvait lui échapper.

    L'Autorité cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en retenant
que les propos du recourant étaient attentatoires à l'honneur et que les
conditions de l'art. 173 ch. 1 al. 1 CP étaient réalisées.

    c) L'autorité cantonale a estimé, vu l'annulation des prochaines Fêtes
des vendanges et les rumeurs qui circulaient, que le recourant avait
des motifs suffisants d'informer la presse des difficultés rencontrées
avec G.; elle a donc admis l'accusé à apporter la preuve de sa bonne foi
(art. 173 ch. 3 CP).

    Comme G. tardait à rendre ses comptes et qu'il ne s'était pas présenté
à un rendez-vous, l'autorité cantonale a admis que le recourant avait
des raisons sérieuses de considérer de bonne foi comme vrais les propos
qu'il a tenus (cf. art. 173 ch. 2 CP).

    Toute autre solution ne pouvant qu'être moins favorable au recourant,
il n'y a pas lieu de revenir sur ces questions, en raison de l'interdiction
de la reformatio in pejus (ATF 111 IV 55, 110 IV 116 s. consid. 2).

Erwägung 3

    3.- La preuve de la bonne foi étant apportée, il résulte du texte de
l'art. 173 ch. 2 CP que l'accusé n'encourt aucune peine.

    La portée exacte de la preuve de la bonne foi est controversée
(SCHUBARTH, Kommentar StGB, Bes. Teil III, ad art. 173 nos 99 ss p. 43 s.;
REHBERG, Strafrecht III, 5e éd., p. 198; NOLL, Bes. Teil I p. 114).

    La cour cantonale a admis qu'il s'agissait d'un motif d'exclusion
de la culpabilité, mais elle a néanmoins confirmé le jugement de
première instance qui, dans son dispositif, reconnaît la culpabilité
de l'accusé. Cette prise de position est contradictoire. En effet, on
ne voit pas comment on pourrait constater la culpabilité d'un accusé en
présence d'un motif excluant sa culpabilité.

    Il n'est pas nécessaire de trancher en l'espèce la controverse
doctrinale évoquée ci-dessus. Le rôle du droit pénal est de définir les
comportements passibles de peines ou de mesures. Lorsqu'une personne,
en s'adressant à un tiers, a tenu des propos attentatoires à l'honneur,
mais qu'elle avait des motifs suffisants de s'exprimer et qu'elle avait
des raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce qu'elle disait,
il résulte clairement de l'art. 173 ch. 2 et 3 CP qu'elle n'encourt aucune
peine, de sorte qu'il est absolument exclu de prononcer à son encontre
une sanction pénale ou une mesure. Il faut en déduire que ce comportement
sort du champ d'application du droit pénal, ce qui ne préjuge en rien de
la manière d'analyser la situation sur le plan civil. Le législateur ayant
exclu toute sanction pénale de ce comportement, un verdict de culpabilité
- au sens pénal - est dénué de signification. Il faut donc admettre -
avec la cour cantonale d'ailleurs - que la preuve de la bonne foi exclut
au moins la culpabilité. En conséquence, le recourant ne devait pas être
déclaré coupable.

    Il ne devait pas non plus être "exempté" de toute peine. L'exemption
de la peine est une notion du droit fédéral, prévue notamment à l'art. 173
ch. 4 CP et à l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR. Il y a exemption lorsque la
culpabilité est constatée, mais que le juge renonce à prononcer une peine
(BUSSY/RUSCONI, Commentaire CR, ad art. 100 LCR no 2.4). L'exemption
suppose que le juge décharge l'accusé de la peine qui aurait normalement
dû être prononcée à son encontre. Or, dans le cas de l'art. 173 ch. 2 CP,
l'accusé n'encourt aucune peine, de sorte qu'il est exclu de l'exempter
d'une peine qui ne pourrait de toute manière pas être prononcée.

    Lorsque la preuve de la bonne foi est apportée, la doctrine estime
que l'accusé doit être acquitté (TRECHSEL, Kurzkommentar, ad art. 173
no 11; CORBOZ, La diffamation, SJ 1992 p. 662). On ne peut pas exclure,
sur la base de l'art. 173 ch. 2 CP, d'autres formulations plus ou moins
équivalentes, par exemple que le juge libère l'accusé des fins de la
poursuite pénale ou qu'il constate que celui-ci n'encourt aucune peine. En
revanche, le libellé adopté en l'espèce - confirmé par la cour cantonale
- viole le droit fédéral, parce qu'il correspond à une autre hypothèse -
celle de la rétractation (art. 173 ch. 4 CP) -, et non pas à celle retenue
en l'espèce (art. 173 ch. 2 CP).