Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 IV 234



119 IV 234

44. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 1er décembre
1993 dans la cause G. et. L. c. Ministère public du canton du Valais
(pourvoi en nullité) Regeste

    Art. 251 StGB; Urkundenfälschung.

    Begriff der Urkunde (E. 2b).

    Unrechtmässig ist der mit einer falschen Urkunde angestrebte
Beweisvorteil auch dann, wenn der Täter damit einen berechtigten Anspruch
durchsetzen will (E. 2c; Bestätigung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- M., G. et L. ont collaboré en vue de réaliser certaines affaires
dans le domaine immobilier, notamment la réalisation d'un projet relatif
à la construction d'un ensemble de résidences pour personnes âgées.
L'affaire ne s'étant toutefois pas réalisée, G. et L. ont établi une note
d'honoraires de 1'155'500 francs pour le travail fourni en relation avec
ce projet. Ils ont cherché à recouvrer ce montant notamment en se référant
à un courrier que M. leur aurait adressé pour leur demander de lui faire
parvenir leur note d'honoraires. Ils ont ensuite produit un tel document
dans le cadre du procès civil qu'ils ont introduit contre M. en paiement
desdits honoraires. Or, il s'est avéré que M. n'était pas l'auteur de
cette lettre; si la signature est bien la sienne, le texte en a été conçu
et dactylographié par L. avec le concours de G.

    En raison de ces faits, la Cour pénale I du Tribunal cantonal valaisan,
réformant partiellement le jugement du Tribunal du IIe arrondissement pour
le district de Sion, a reconnu G. et L. coupables de faux dans les titres.

    G. et L. se sont pourvus en nullité contre cet arrêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Les recourants se plaignent d'une violation de l'art.  251
CP. Ils contestent d'une part que l'écrit litigieux ait été de nature à
servir de preuve et font d'autre part valoir que leurs prétentions étaient
fondées, de sorte qu'il n'était pas possible de considérer qu'ils avaient
agi dans le dessein de se procurer un avantage illicite.

    Conformément à l'art. 251 CP, sera puni de la réclusion pour 5 ans au
plus ou de l'emprisonnement celui qui, dans le dessein de porter atteinte
aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou
de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux,
falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles
d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater
faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique. L'art. 110
ch. 5 CP précise que sont réputés titres tous écrits destinés ou propres
à prouver un fait ayant une portée juridique et tous signes destinés à
prouver un tel fait.

    b) En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté, d'une manière qui lie
le Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité, que si la signature
figurant sur la lettre litigieuse est bien celle de M., le texte en a
en revanche été conçu et dactylographié par les recourants. Comme la
falsification consiste à faire apparaître à tort M. comme auteur de la
lettre, il s'agit d'un faux matériel, de sorte que les exigences accrues
quant à la force probante du document posées par la jurisprudence en cas de
faux intellectuel (ATF 119 IV 54 consid. 2c bb, 118 IV 363 consid. 2a, 117
IV 35 consid. 1d et les références citées) n'entrent pas en considération.

    Après une référence à une entrevue toute récente, la lettre en question
contenait le passage suivant (cité textuellement):

    "Je vous prie de me faire parvenir votre note d'honoraires concernant
le
   dossier, d'étude que vous avez réalisé, pour l'opération 3ème Age des

    Chênes Verts à Aigle.

    Cette note d'honoraires vous sera réglée sous peu et en tout cas
avant le

    30 juin 1986."

    Il en ressort clairement que M. se reconnaît débiteur de la recourante
no 2, pour une certaine somme encore à déterminer, d'honoraires pour
son activité en relation avec le projet immobilier envisagé par les
parties. Peu importe que la lettre ne contienne pas une reconnaissance
de dette (voir ATF 118 IV 254 consid. 3) pouvant directement fonder
une prétention de la part des recourants. Elle était susceptible de
constituer un moyen de preuve important dans le cadre de la procédure
civile introduite par les recourants contre M.; elle permettait en effet
d'établir que ce dernier considérait que l'activité déployée par les
recourants en relation avec le projet immobilier l'avait été à titre
onéreux, que les relations entre les parties étaient parvenues à leur
terme, qu'une créance à titre d'honoraires était exigible et que M. s'en
acquitterait dans les semaines à venir. Il s'agit bien d'éléments qui
ont une portée juridique puisque la constatation que les parties avaient
convenu d'une rémunération du travail des recourants était de nature
à déterminer le juge civil à leur allouer un certain montant à titre
d'honoraires. C'est donc avec raison que la cour cantonale a considéré
le document falsifié comme un titre.

    c) Il reste à déterminer si les recourants ont agi dans le dessein
de se procurer un avantage illicite.

    Le Tribunal fédéral a jugé illicite l'avantage obtenu en matière de
preuve au moyen d'un titre falsifié, même dans l'hypothèse où celui-ci
doit permettre de faire triompher une prétention légitime (ATF 106 IV 375
consid. 2). Dans un arrêt récent (ATF 118 IV 254 consid. 5), le Tribunal
fédéral a toutefois relevé que l'interprétation très large qu'il fait de
la notion d'"avantage illicite" a suscité la désapprobation d'un certain
nombre d'auteurs se référant notamment à HAFTER (Bes. Teil II, p. 600,
n. 3). Ainsi, STRATENWERTH (Bes. Teil II, 3e éd., p. 175 no 23), suivi
par HAUSER/REHBERG (Strafrecht IV, p. 174), estime qu'une interprétation
aussi large revient presque à vider de toute substance l'exigence du
dessein de se procurer un avantage illicite. CHRISTIAN-NILS ROBERT
(SJ 1983 p. 437 s.) soutient qu'une telle définition de l'avantage
illicite dans ce contexte contredit la jurisprudence rendue à propos des
infractions contre le patrimoine dans le cadre desquelles les actes de
justice propre peuvent exclure la typicité, par l'absence de réalisation
du dessein d'enrichissement illégitime.

    Dans le même arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé également que sa
jurisprudence était approuvée par un certain nombre d'auteurs (ATF 118
IV 254 consid. 5). SCHWANDER (Das Schweizerische Strafgesetzbuch, p. 458,
no 700), WAIBLINGER (RJB 95/1959 p. 188 s.), SCHULTZ (RJB 118/1982 p. 26
s.), WALDER (RPS 99/1982 p. 82) et TRECHSEL (Kurzkommentar, n. 16 ad
art. 251 CP) estiment que réalise le dessein de se procurer un avantage
illicite le seul fait de chercher à améliorer sa position dans un procès
en disposant d'un moyen de preuve créé ou modifié illégalement.

    Le Tribunal fédéral, qui a par ailleurs laissé ouverte cette question
dont la solution n'était pas nécessaire pour trancher le litige d'espèce,
a admis que sa jurisprudence ne pouvait pas se justifier par le souci
d'éviter des difficultés de preuve dans l'hypothèse où l'auteur d'un faux
soutient avoir cru que les prétentions qu'il pensait étayer ainsi étaient
fondées (ATF 118 IV 254 consid. 5). Il ne s'agit toutefois pas du seul
argument à l'appui de la jurisprudence selon laquelle l'amélioration des
moyens de preuve dont on dispose constitue un avantage illicite au sens
de l'art. 251 CP. Certains des auteurs qui l'approuvent relèvent avec
raison que l'avantage envisagé n'est pas forcément de nature patrimoniale
(SCHWANDER, op.cit, loc.cit.) et que les dispositions relatives aux
faux dans les titres tendent à assurer une certaine valeur aux preuves
rapportées par de tels documents (SCHULTZ, op.cit., loc.cit.). Pour
cette raison, on constate par ailleurs que la comparaison faite avec
les infractions contre le patrimoine (CHRISTIAN-NILS ROBERT, op.cit.,
loc.cit.) n'est pas pertinente. Celui qui se rend coupable d'un faux dans
les titres ne recherche pas forcément un avantage patrimonial direct;
ce qu'il désire, c'est bénéficier - sans droit - de la force probante
accrue reconnue à un tel document et qui est précisément le bien que
l'on veut protéger. Cela suffit donc pour que l'on doive admettre qu'il
a agi dans le dessein de se procurer un avantage illicite. Au surplus,
considérer qu'un avantage en matière de preuve n'est pas illicite au
sens de l'art. 251 CP s'il tend à faire admettre une prétention légitime
reviendrait à exclure du champ d'application de cette disposition tous
les faux créés afin de faire reconnaître des prétentions fondées mais
impossibles ou difficiles à établir par les moyens de preuve dont on
dispose. La suppression de l'intervention du juge pénal dans de tels cas
ne serait pas sans avoir pour conséquence une augmentation considérable
des titres faux ou falsifiés produits à l'appui de prétentions légitimes,
ou considérées comme telles, ce qui ne pourrait que compliquer à l'excès
la tâche du juge civil qui devrait faire preuve d'une méfiance accrue
envers toutes les pièces déposées devant lui. On ne saurait admettre que
le législateur, qui entendait préserver la valeur probante des titres,
voulait par ailleurs limiter ainsi la répression au risque d'affaiblir
considérablement cette protection et de créer une telle insécurité
dans les procès civils. Il n'y a par conséquent pas lieu de modifier la
jurisprudence sur ce point, et on doit considérer que les recourants ont
agi dans le but de se procurer un avantage illicite, sans avoir à examiner
si les prétentions qu'ils entendaient établir au moyen de la lettre
litigieuse étaient justifiées ou pas. Le pourvoi doit dès lors être rejeté.