Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 II 77



119 II 77

17. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 26 mars 1993 dans la
cause dame Gustar contre dame Morel-Mottet (recours en réforme) Regeste

    Art. 5 des Vertrages zwischen der Schweiz und Frankreich über den
Gerichtsstand und die Vollziehung von Urteilen in Zivilsachen, vom 15. Juni
1869 (SR 0.276.193.491).

    1. Im Verhältnis zwischen Frankreich und der Schweiz ist das
Lugano-Übereinkommen über die gerichtliche Zuständigkeit und die
Vollstreckung gerichtlicher Entscheidungen in Zivil- und Handelssachen
vom 16. September 1988 nur auf gerichtliche Klagen anwendbar, die nach
dem 1. Januar 1992 erhoben worden sind (E. 2a).

    2. Die Tatsache, dass die im französisch-schweizerischen Abkommen
enthaltenen Bestimmungen über die Zuständigkeit - vorliegend Art. 1 -
aus Gründen, die in der Person liegen, nicht anwendbar sind, schliesst
die Anwendung des durch die Verordnung des Bundesgerichts vom 29. Juni
1936 vorgeschriebenen Verfahrens der Arrestprosequierung aus (E. 2b und 4).

    3. Für die Eröffnung der Erbschaft eines Franzosen oder eines
Schweizers gilt der Gerichtsstand des Heimatlandes. In welchem der beiden
Staaten der Verstorbene seinen letzten Wohnsitz hatte, ist nicht von Belang
(E. 2c).

    4. Begriff der erbrechtlichen Klage. Die Arrestprosequierungsklage,
welche auf Zahlung eines Erbteils lautet und gegen einen Erben gerichtet
ist, der zu Lebzeiten des Erblassers zum eigenen Vorteil über dessen
Bankguthaben verfügt hat, ist eine schuldrechtliche Klage (E. 3a und c).

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 1er al. 2 LDIP réserve les traités internationaux. Vu
l'entrée en vigueur pour la Suisse et la France, le 1er janvier 1992
(RO 1991 p. 2474), de la Convention de Lugano concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale
du 16 septembre 1988 (RO 1991 p. 2436 ss), les deux Etats ont abrogé
par échange de lettres des 6/14 novembre 1991, et avec effet au 1er
janvier 1992, leur convention bilatérale sur la compétence judiciaire et
l'exécution des jugements en matière civile du 15 juin 1869, son Protocole
explicatif et l'Acte additionnel du 4 octobre 1935 (RO 1992 p. 200). Il
se pose ainsi la question du droit transitoire. Aux termes de l'art. 54
al. 1 de la Convention de Lugano, celle-ci n'est applicable qu'aux actions
judiciaires intentées et aux actes authentiques reçus postérieurement à
son entrée en vigueur dans l'Etat d'origine et, lorsque la reconnaissance
ou l'exécution d'une décision ou d'un acte authentique est demandée,
dans l'Etat requis. En l'espèce, l'action en reconnaissance de dette de la
recourante, introduite le 24 décembre 1986, n'est dès lors pas soumise aux
règles de compétence (art. 2-24) de cette convention (ATF 119 II 72 consid.
3a; SCHWANDER, Zeitlich gestaffelte Anwendbarkeit des Lugano-Übereinkommens
(Intertemporalrechtliche Fragen), AJP/PJA 1992 p. 1145).

    b) Bien que Française, domiciliée en France, l'intimée ne peut invoquer
la garantie du for du domicile du défendeur, prévue par l'art. 1er de la
Convention franco-suisse. Cette disposition n'est en effet applicable,
selon son texte clair, que lorsque l'une des parties est française
et l'autre suisse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (ATF 118 Ib
469 consid. 4 et la jurisprudence citée). Cette circonstance exclut
pareillement l'application de l'art. 1er de l'Ordonnance du Tribunal
fédéral du 29 juin 1936 - abrogée le 23 mars 1992, avec effet rétroactif
au 1er janvier 1992 (RO 1992 p. 1000) - concernant l'acte additionnel à
la Convention franco-suisse, en vertu duquel l'action en validation du
séquestre ordonné contre un Français domicilié en France doit être portée
devant le juge naturel du défendeur (arrêt de Montauzan du 27 mai 1974;
SJ 1976 p. 502 consid. 2; ATF 80 III 158 ss consid. 4c, 165 consid. 4;
SJ 1979 p. 487/488 consid. 3).

    c) La Cour de justice a exclu l'application de la Convention
franco-suisse - implicitement son art. 5 -, pour le motif qu'il s'agit
"de la succession de Français domiciliés en France". Ce motif, approuvé
par la recourante, est toutefois erroné. Pour l'application de l'art. 5
de la convention, seule est déterminante la nationalité du défunt; peu
importe celle des héritiers (ATF 62 I 241 consid. 1 et les arrêts cités;
FLATTET, JdT 1952 I p. 259/260). L'opinion de l'autorité cantonale
peut certes se réclamer du texte conventionnel, qui ne vise que les
hypothèses d'un "Français mort en Suisse", ou d'un "Suisse mort en
France". Si le Tribunal fédéral s'en est tenu, dans un premier temps, à
cette interprétation littérale, il a jugé par la suite que la succession
d'un Français ou d'un Suisse s'ouvre au for du pays d'origine, quel que
soit celui des deux Etats où le défunt a eu son dernier domicile; c'est à
ce for que doivent être tranchés les litiges relatifs à la liquidation et
au partage d'une succession testamentaire ou ab intestat, et aux comptes
à faire entre les héritiers ou légataires (ATF 99 II 279/280 consid. 2,
98 II 91/92 consid. 2 et les arrêts cités; FLATTET, De la loi applicable
dans les relations franco-suisses à la succession d'un Français décédé
hors de Suisse, in Les étrangers en Suisse, Lausanne 1982, p. 165).

    En l'espèce, la succession de Camille Gouverneur, respectivement de
son unique héritière Yvette Morel-Mottet - mère des parties -, tous deux
ressortissants français, décédés en France où ils étaient domiciliés, s'est
ouverte en France et le juge français est seul compétent pour statuer -
en application du droit français (ATF 103 II 323 consid. 1) - sur l'action
introduite par la recourante. Autant toutefois que cette action est de
nature successorale: c'est ce qu'admet, sans aucune motivation, la Cour
de justice.

Erwägung 3

    3.- A l'appui de sa demande, la recourante avait affirmé qu'en
faisant transférer sur son propre compte les avoirs de Camille Gouverneur
la défenderesse avait commis un acte illicite. Elle n'en relevait pas
moins que ce transfert avait diminué l'actif successoral du prénommé,
respectivement de son unique héritière, Yvette Morel-Mottet. Et de conclure
qu'en sa qualité d'héritière de celle-ci, "la demanderesse est fondée à
agir afin d'obtenir judiciairement le rétablissement de cette situation
patrimoniale, ce qui implique que la défenderesse soit condamnée à lui
verser le montant correspondant à sa part (1/2), ou à lui remettre la
moitié des titres ayant constitué le porte-feuille de Camille Gouverneur
augmenté de ceux acquis en remploi ou réinvestissement". Dans son acte de
réforme, la demanderesse souligne derechef que "si l'acte de disposition
incriminé n'avait pas été opéré, les espèces et papiers-valeurs qui
en firent l'objet se seraient retrouvés dans la succession de Camille
Gouverneur, puis dans celle de sa fille unique Yvette Morel-Mottet, qui
était sa seule héritière". Pour sa part, l'intimée alléguait "que son
grand-père a toujours clairement manifesté la volonté de lui donner ce
qu'il possédait en banque à Nyon. A ces fins, il lui a tout d'abord donné
procuration, puis en 1979, dans l'idée qu'il pourrait bientôt décéder,
il lui demanda de transférer les biens précités à son nom."

    a) L'art. 5 de la Convention franco-suisse est applicable à
"toute action relative à la liquidation et au partage d'une succession
testamentaire ou ab intestat et aux comptes à faire entre les héritiers
ou légataires". Cette disposition vise, de manière générale, toutes les
contestations relatives à la liquidation d'une succession, qui peuvent
s'élever entre des personnes qui prétendent, à titre héréditaire, à une
part de la succession (ATF 58 I 111 consid. 4; ESCHER, Neuere Probleme aus
der Rechtsprechung zum französisch-schweizerischen Gerichtsstandsvertrag
vom 15. Juni 1869, thèse Zurich 1937, p. 99 et la jurisprudence citée). Une
action présente donc un caractère successoral lorsque son essence est
de nature successorale, à savoir lorsque les parties invoquent un titre
héréditaire pour réclamer une part dans une succession et faire constater
l'existence et l'étendue de leurs droits; sont déterminants les motifs sur
lesquels se fonde la demande et sur lesquels s'appuie le défendeur pour
y résister (ATF 99 II 280 consid. 3 et les références; cf. ATF 117 II
28 consid. 2a, pour le for successoral de l'art. 538 CC). Mais il n'est
pas nécessaire, en revanche, que toutes les parties au procès soient des
héritiers ou des prétendants à la succession (ATF 99 II 280 consid. 3,
98 II 94, 62 I 243/244 consid. 3, 50 I 415/416 consid. 2; cf. ég. ESCHER,
op.cit., p. 100-101).

    b) C'est en vain que la recourante soutient que le caractère
contractuel de l'action résulte du fait qu'elle tend à valider un séquestre
"exécuté en son nom, dans son seul intérêt, et à obtenir que l'intimée soit
condamnée à lui payer, à elle-même, et non à la succession, les montants
réclamés". En premier lieu, l'arrêt qu'elle invoque va à fin contraire;
en effet, le Tribunal fédéral y admet la nature successorale de l'action
en validation de séquestre (ATF 99 II 281 consid. 3). En second lieu,
l'action en reconnaissance de dette, selon l'art. 278 al. 2 LP, n'est
pas un incident de l'exécution forcée, mais relève du droit matériel;
elle porte sur l'existence de la prétention litigieuse. De par son objet,
elle n'a aucun lien avec le séquestre (ATF 97 I 682 consid. 2, 95 II 206
consid. 2, 32 I 262), qui en est tout au plus l'occasion, et non point
la cause (BONNARD, Le séquestre, thèse Lausanne 1914, p. 291; ARDINAY,
Die Arrestprosequierung nach schweizerischem Recht, thèse Zurich 1954,
p. 21). Elle ne se distingue donc pas d'une autre action qui - comme
l'action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) - eût pu être intentée
en dehors de la poursuite (ATF 97 I 682 consid. 2). On ne voit dès lors
pas pourquoi l'action en reconnaissance de dette de l'art. 278 al. 2 LP
ne pourrait participer de la nature successorale de la créance qui est
à la base du séquestre (cf. ATF 106 III 94/95 consid. 2b a contrario,
99 II 277, 79 III 42, 58 I 104).

    c) La recourante reproche à l'intimée d'avoir abusé de son pouvoir de
disposer des biens de Camille Gouverneur, et d'avoir ainsi détourné de
l'actif successoral les espèces et papiers-valeurs du compte bancaire
pour son profit personnel. Dans cette mesure, l'action présente,
selon la jurisprudence, un caractère obligationnel. En effet, en vertu
des règles du mandat, l'intimée est tenue de restituer à son mandant,
respectivement ses héritiers, les biens soustraits. La recourante ne
recherche pas l'intimée en sa qualité d'héritière, mais uniquement comme
gérante des avoirs du défunt (ATF 99 II 280 in fine consid. 3). Certes,
elle affirme que l'acte de disposition de l'intimée l'a privée de la part
du compte à laquelle elle prétend en qualité d'héritière, et elle n'a
donc requis un séquestre et validé cette mesure qu'à concurrence de sa
part héréditaire. Toutefois, cette vocation successorale ne modifie pas
la nature de l'action, mais concerne uniquement la qualité pour agir (ATF
99 II 281 consid. 3, 98 II 94, 62 I 244; MERZ, RJB 1975 p. 57). L'objet
de l'action, qui eût pu être introduite de son vivant par le de cujus
lui-même, a donc sans conteste un caractère obligationnel (ATF 99 II
280 in fine consid. 3, 62 I 244 in fine). De même, lorsque le demandeur
invoque sa qualité d'héritier à seule fin d'établir qu'il est titulaire
d'un droit que possédait le défunt, il ne forme pas une pétition d'hérédité
au sens de l'art. 598 CC, même s'il réclame la restitution d'un bien qui
dépend de la succession; il exerce simplement l'action qui appartenait
déjà à son auteur (ATF 91 II 331/332 consid. 3 et les références). Enfin,
la recourante n'a pas invoqué l'art. 792 CCfr., selon lequel l'héritier
ou le légataire qui a recelé au préjudice de ses cohéritiers des biens
appartenant à la succession est déchu de ses droits sur ces biens. La
nature successorale de l'action n'eût alors pas été douteuse (ATF 99
II 281 consid. 3), son objet étant de réduire la part de l'intimée sur
les biens de la succession de son grand-père, respectivement de sa mère,
lors du partage (Clunet 1936 p. 929 et note TAGER, 1881 p. 529; FLATTET,
Convention franco-suisse, Juris-Classeur de droit international, vol. 10,
fasc. 590-B, no 148; ESCHER, op.cit., p. 99).

    Vu ce qui précède, l'action en reconnaissance de dette introduite par
la recourante n'est pas de nature successorale, mais obligationnelle. Il
reste dès lors à examiner quelles sont les juridictions compétentes pour
en connaître.

Erwägung 4

    4.- La recourante est française et britannique par mariage; l'intimée
est française. Dans ces conditions, on l'a vu, le for du domicile du
défendeur, garanti par l'art. 1er de la Convention franco-suisse, ne
saurait entrer en considération, non plus que la procédure en validation
prescrite par l'OTF du 29 juin 1936 (cf. supra, consid. 2b). Partant,
seule est applicable la procédure de l'art. 278 LP (ATF 80 III 158 ss
consid. 4c; SJ 1979 p. 488 consid. 3; GILLIÉRON, Poursuite pour dettes,
faillite et concordat, 2e éd., Lausanne 1988, p. 384 § 3). En l'espèce,
le for du séquestre est à Genève. Selon l'art. 57 al. 1 let. e de la loi
genevoise sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (OJ gen.),
sont justiciables des tribunaux du canton les personnes domiciliées à
l'étranger contre lesquelles un séquestre a été pratiqué sur des biens se
trouvant dans le canton, autant qu'il s'agit de l'action au fond prévue
par l'art. 278 LP. Les tribunaux genevois sont dès lors compétents pour
trancher la présente action en reconnaissance de dette introduite par la
recourante (ATF 85 II 363 consid. 2; SJ 1979 p. 488 consid. 3).