Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 II 51



119 II 51

13. Extrait de l'arrêt de la 1re Cour civile du 8 février 1993 dans la
cause Cable News Network Inc. (CNN) contre Société anonyme du Grand Casino
(recours en réforme) Regeste

    Satellitenrundfunk und Urheberrecht (Art. 12 Abs. 1 Ziff. 6 und Abs. 2
URG; Art. 11bis Abs. 1 Ziff. 1 und Ziff. 2 RBÜ).

    1. Unter den begriff der Rundfunksendung im Sinne von Art. 12 Abs. 2
URG fällt das über jede Art von Satellit vorgenommene Aussenden von
Signalen, welche dem allgemeinen Publikum technisch sowie finanziell
zugänglich und dazu bestimmt sind, von ihm direkt oder indirekt empfangen
zu werden (E. 2).

    2. Wird mittels eines Kabels in den Zimmern eines Hotels das durch
eine Parabolantenne empfangene Programm einer ausländischen Fernsehstation
verbreitet, liegt darin keine öffentliche Mitteilung eines durch Rundfunk
gesendeten Werkes im Sinne von Art. 12 Abs. 1 Ziff. 6 URG. Es handelt
sich vielmehr um ein blosses Empfangen von Sendungen, das nicht von den
Ausschliesslichkeitsrechten des Urhebers erfasst wird (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Cable News Network Inc. (ci-après: CNN), société de droit
américain ayant son siège dans l'Etat de Géorgie, distribue à l'échelle
internationale un programme de télévision conçu par elle et consistant en
la diffusion 24 heures sur 24 d'informations relevant de tous les domaines
de l'actualité ("CNN International"). Ce programme est transmis depuis les
Etats-Unis au moyen d'un satellite de télécommunication "Intelsat". En
Europe, il est distribué sous licence par CNN International Sales Ltd,
à Londres, qui le met à la disposition des exploitants de réseaux câblés
afin qu'ils en fassent bénéficier gratuitement l'ensemble de leurs abonnés,
à l'exception notamment des hôtels 3 à 5 étoiles pour lesquels ce service
est assuré moyennant finance.

    La Société anonyme du Grand Casino (ci-après: SAGC) exploite l'hôtel
"Noga Hilton" à Genève. Elle a refusé de payer quoi que ce soit pour la
réception du programme précité. Télégenève S.A., qui gère le réseau câblé
de la commune de Genève, a alors brouillé ce programme. Par la suite,
SAGC a fait installer, sur le toit de l'hôtel, une antenne parabolique qui
lui permet de capter le programme "CNN International" et de le diffuser
par fil dans les 413 chambres du "Noga Hilton".

    B.- Le 16 mai 1991, CNN a introduit, contre SAGC, une action fondée
sur le droit d'auteur. Elle a conclu à ce qu'interdiction fût faite à la
défenderesse de diffuser le programme "CNN International" et a réclamé
en outre des dommages-intérêts ainsi que la publication du jugement.

    La défenderesse a conclu à libération.

    Par arrêt du 15 mai 1992, la Cour de justice civile du canton de
Genève a rejeté l'action.

    C.- La demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut à l'admission de son action et, subsidiairement,
au renvoi de la cause à la Cour de justice pour qu'elle complète ses
constatations de fait.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours, dans la mesure où il est
recevable, et confirme l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 12 LDA (RS 231.1) accorde à l'auteur le droit exclusif de
radiodiffuser son oeuvre (al. 1 ch. 5) et de communiquer publiquement, soit
par fil, soit sans fil, l'oeuvre radiodiffusée, lorsque cette communication
est faite par un autre organisme que celui d'origine (al. 1 ch. 6). A la
radiodiffusion est assimilée la communication publique de l'oeuvre par tout
autre moyen servant à diffuser les signes, les sons ou les images (al.
2). Celui qui viole ce droit exclusif peut être poursuivi civilement et
pénalement en vertu de l'art. 42 al. 1 let. e et f LDA.

    Le droit d'auteur garanti par la loi consiste également dans le
droit exclusif de réciter, représenter, exécuter ou exhiber l'oeuvre
publiquement ou de transmettre publiquement par fil la récitation, la
représentation, l'exécution ou l'exhibition de l'oeuvre (art. 12 al. 1
ch. 3 LDA). Sa violation peut aussi donner lieu à des poursuites (art. 42
al. 1 let. c LDA).

    Dans son argumentation subsidiaire, la Cour de justice, considérant
que la retransmission du programme "CNN International" dans les chambres
de l'hôtel exploité par la défenderesse devait être tenue pour une
communication publique par fil d'une oeuvre "radiodiffusée", a examiné la
violation alléguée du droit d'auteur au regard de l'art. 12 al. 1 ch. 6
LDA; elle a donc admis implicitement que la diffusion de ce programme
au moyen d'un satellite de télécommunication "Intelsat" constituait
une radiodiffusion au sens de l'art. 12 al. 1 ch. 5 et al. 2 LDA. La
demanderesse n'est pas de cet avis; pour elle, les caractéristiques
dudit satellite, en particulier le fait que les signaux émis par lui ne
sont pas destinés au public en général, suffisent à exclure la thèse
soutenue par la cour cantonale et justifient de lui préférer celle de
la transmission publique par fil de l'exécution de l'oeuvre, à laquelle
la défenderesse aurait procédé en violation du droit exclusif réservé
à l'auteur par l'art. 12 al. 1 ch. 3 LDA. Ce raisonnement comporte,
lui aussi, une prémisse implicite voulant que l'adverbe "publiquement"
n'ait pas la même signification aux ch. 3 et 6 de l'art. 12 al. 1 LDA,
plus précisément que le caractère public d'une transmission par fil
(ch. 3) doive être admis plus facilement que le caractère public d'une
communication par fil (ch. 6), car, si telle n'était pas l'opinion de
la demanderesse à ce sujet, on ne comprendrait plus la portée du grief
formulé par elle dans ce cadre-là. Cependant, l'examen du bien-fondé de
cette opinion ne s'imposera que dans l'hypothèse où les actes incriminés
ne tomberaient pas sous le coup de l'art. 12 al. 1 ch. 6 LDA, ce qu'il
convient de rechercher en premier lieu.

    b) Du point de vue technique, on a coutume de distinguer, parmi les
satellites géostationnaires - ainsi qualifiés parce que, effectuant
leur révolution à la même vitesse que la Terre, ils paraissent
immobiles au-dessus d'un point - qui permettent de retransmettre des
signaux radioélectriques émis à partir de la Terre, deux catégories
spécifiques: les satellites de télécommunication ou satellites de
service fixe (Fernmeldesatelliten) et les satellites de radiodiffusion ou
satellites de radiodiffusion directe (Rundfunksatelliten). La première
catégorie comprend deux types de satellites: les satellites de point
à point (Punkt-zu-Punkt-Satelliten) et les satellites de distribution
(Verteilersatelliten). Ces deux types de satellites se caractérisent
par le fait que leurs émissions sont destinées à être reçues par une ou
plusieurs stations terriennes fixes et identifiées, lesquelles mettent
à la disposition des opérateurs (télédiffuseurs ou câblodiffuseurs)
les signaux que ceux-ci retransmettent au public - simultanément ou
non - par voie d'ondes hertziennes ou de câbles. Les signaux émis
par les satellites de télécommunication étant faibles, leur réception
exige des antennes d'une taille importante et hors de portée financière
des particuliers. Les satellites de radiodiffusion, contrairement aux
satellites de télécommunication, transmettent par ondes hertziennes des
signaux émis par une station terrienne qui sont destinés à la réception
directe par le public au moyen d'antennes paraboliques relativement bon
marché, d'un diamètre compris entre 60 et 90 cm (concernant ces deux
catégories de satellites, cf. parmi d'autres auteurs: VON HARTLIEB,
Handbuch des Film-, Fernseh- und Videorechts, 3e éd., p. 519/520,
n. 1 et 2; BORNKAMM, Vom Detektorempfänger zum Satellitenrundfunk,
in: Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht in Deutschland, FS zum
hundertjährigen Bestehen der Deutschen Vereinigung für gewerblichen
Rechtsschutz und Urheberrecht und ihrer Zeitschrift, vol. II, p. 1349
ss, 1391 ss, n. 70 ss; VON UNGERN-STERNBERG, Die Rechte der Urheber an
Rundfunk- und Drahtfunksendungen, p. 131/132; MORGAN DE RIVERY/MORGAN DE
RIVERY-GUILLAUD, in: Droit de l'informatique et des télécoms 1989/1, p. 14
ss, 15; ABADA, La transmission par satellite et la distribution par câble
et le droit d'auteur, in: Le Droit d'auteur [DA] 1989, p. 307 ss, 308;
DILLENZ, La protection juridique des oeuvres transmises par satellites de
radiodiffusion directe, in: DA 1986, p. 344 ss, 345; FABIANI, Le droit
d'auteur face à la radiodiffusion directe par satellite, in: DA 1988,
p. 17; voir aussi le Message du Conseil fédéral du 20 décembre 1985
concernant l'arrêté fédéral sur la radiodiffusion par satellite du 18
décembre 1987, in: FF 1986 I 421 ss, p. 426, arrêté publié au RO 1988
p. 898 ss et abrogé par l'art. 75 de la loi fédérale sur la radio et la
télévision du 21 juin 1991 [LRTV], entrée en vigueur le 1er avril 1992,
RS 784.401).

    Pour résoudre la question litigieuse, il faut donc se demander si la
transmission par satellite, en tant que telle, peut être assimilée à un
acte de radiodiffusion au sens de l'art. 12 al. 2 LDA et de l'art. 11bis
al. 1 ch. 1 de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres
littéraires et artistiques révisée à Bruxelles le 26 juin 1948 (RS
0.231.13; en abrégé: CB). En cas de réponse affirmative, la diffusion
par fil du programme "CNN International" dans les chambres de l'hôtel
géré par la défenderesse devra être considérée comme une utilisation
secondaire d'une oeuvre radiodiffusée, faculté que les art. 12 al. 1 ch. 6
LDA et 11bis al. 1 ch. 2 CB réservent exclusivement à l'auteur lorsque
cette utilisation revêt un caractère public et est faite par un autre
organisme que celui d'origine; dans le cas contraire, le même acte devra
être regardé comme une transmission propre par fil correspondant au droit
exclusif institué par les art. 12 al. 1 ch. 3 LDA et 11 al. 1 ch. 2 CB
(à ce sujet, cf. par exemple: STERN, Rundfunk, Kabel und Satelliten, in:
100 Jahre URG, p. 187 ss, 203 ss; SCHRICKER, Urheberrechtliche Probleme
des Kabelrundfunks, p. 69; ABADA, op.cit., p. 311).

    La radiodiffusion par satellites de radiodiffusion directe est une
radiodiffusion au sens de la Convention de Berne et, partant, de la loi
fédérale sur le droit d'auteur. Il s'agit là d'un principe fermement
établi et non controversé (STERN, op.cit., p. 205; SCHRICKER, op.cit.,
p. 73 avec d'autres références à la note de pied n. 123; SCHRICKER/VON
UNGERN-STERNBERG, n. 25 ad § 20 LDA all.; DILLENZ, op.cit., p. 346;
FABIANI, op.cit., p. 18; ABADA, op.cit., p. 309).

    Les satellites de télécommunication, en particulier les satellites
d'"Intelsat", assurent des transmissions qui ne sont pas destinées à être
reçues directement par le public en général, mais qui sont adressées à
des intermédiaires (stations terriennes). De ce fait, la plupart des
auteurs considèrent la liaison montante (up-link) entre la station
terrienne d'émission et le satellite ainsi que la liaison descendante
(down-link) entre le satellite et la station terrienne de réception
comme de simples rouages du mécanisme de transmission et refusent d'y
voir des actes de radiodiffusion sous l'angle du droit d'auteur, faute
d'accessibilité des signaux au public. Pour eux, le premier acte d'émission
déterminant au regard de ce droit réside dès lors dans la retransmission
par voie hertzienne ou par câble des signaux provenant du satellite de
télécommunication (STERN, op.cit., p. 203/204; VON HARTLIEB, op.cit., n. 3
et 4; BORNKAMM, op.cit., p. 1392/1393, n. 71 et 72; VON UNGERN-STERNBERG,
op.cit., p. 142; SCHRICKER, op.cit., p. 69 ss; DIETZ, Urheberrecht und
Satellitensendungen, in: Archiv für Urheber-, Film-, Funk- und Theaterrecht
[UFITA] 108/1988, p. 73 ss, 76; COHEN JEHORAM, Legal issues of satellite
television in Europe, in: Revue internationale du droit d'auteur [RIDA]
122/1984, p. 147 ss, 157/158; SCHRICKER/VON UNGERN-STERNBERG, n. 24 ad §
20 LDA all.; d'un autre avis: FROMM/NORDEMANN/VINCK, 7e éd., n. 5 ad § 20
LDA all.). Si l'on admet ses prémisses techniques, cette opinion largement
majoritaire ne peut qu'être approuvée et suivie pour l'application du
droit suisse également.

    Reste que, en raison des développements techniques intervenus
ces derniers temps, les différences que présentent les satellites
de télécommunication par rapport aux satellites de radiodiffusion
s'estompent progressivement. Depuis quelques années, on procède en
effet au lancement de satellites de moyenne puissance (medium power
satellites, halbdirekte ou Hybridsatelliten), qui allient les avantages
des satellites à haute puissance (satellites de radiodiffusion) et des
satellites de télécommunication (cf. E. DAHINDEN, Die rechtlichen Aspekte
des Satellitenrundfunks, thèse Fribourg 1990, p. 26 ss). Les programmes
transmis par cette troisième catégorie de satellites sont certes également
destinés à être reçus et retransmis par des stations terriennes, mais
le public est en mesure de les capter directement au moyen d'antennes
paraboliques qui sont en tout cas à la portée financière d'un nombre
important de particuliers (DIETZ, op.cit., p. 73/74; BORNKAMM, op.cit.,
p. 1393, n. 72; MORGAN DE RIVERY/MORGAN DE RIVERY-GUILLAUD, op.cit.,
p. 23). Cette évolution technologique fait que, à l'heure actuelle déjà,
la différence technique entre les satellites de télécommunication et
les satellites de radiodiffusion devient de plus en plus floue. Telle
est d'ailleurs la raison qui a conduit les signataires de la Convention
européenne sur la télévision transfrontière du 5 mai 1989, dont la Suisse
(RO 1989 1877; approbation par l'Assemblée fédérale le 21 juin 1991, RO
1993 1076), à abandonner la distinction en vigueur dans les règlements
des radiocommunications de l'Union internationale des télécommunications
(Nos 22 et 37) entre un service de radiodiffusion par satellite et un
service fixe de satellite (voir le Rapport explicatif relatif à ladite
Convention publié en 1990 par le Conseil de l'Europe, p. 15, n. 46). De
même, la Cour européenne des droits de l'homme a rejeté l'argument tiré
par le gouvernement suisse de la différence entre les deux catégories
de satellites, lorsqu'elle a constaté, dans son arrêt Autronic AG
du 22 mai 1990, que la Suisse avait violé l'art. 10 CEDH en refusant
d'autoriser la société requérante à recevoir des émissions de télévision
retransmises par un satellite de télécommunication et captées à l'aide
d'une antenne parabolique (Publications de la Cour européenne des droits
de l'homme, Série A, vol. 178, p. 26 ss, n. 60 ss; voir aussi l'avis de
la Commission reproduit dans le même vol., p. 36 ss, n. 50 ss). Dans son
Message du 28 septembre 1987 concernant la loi fédérale sur la radio et
la télévision (FF 1987 III 661 ss, 677), le Conseil fédéral a, lui aussi,
jugé opportun de ne pas faire la distinction précitée et s'est donc écarté
volontairement, avant même qu'il ne fût adopté, de l'arrêté fédéral sur
la radiodiffusion par satellite du 18 décembre 1987, aujourd'hui abrogé,
où figurait cette distinction, preuve, s'il en est besoin, de la nécessité
pour le législateur de se plier, dans le domaine des télécommunications
comme dans bien d'autres, aux exigences du progrès technique. L'évolution
technologique ainsi décrite justifie également le réexamen de la notion
de radiodiffusion du point de vue du droit d'auteur.

    c) A l'origine, le refus d'assimiler la diffusion de programmes par
un satellite de télécommunication à une radiodiffusion était fondé sur
le fait que les signaux émis par un tel satellite n'étaient ni destinés
à la réception directe par le public, ni accessibles techniquement à
celui-ci. L'évolution technologique susvisée, si elle a laissé intact le
critère de la destination, a en revanche notablement atténué la portée du
critère de l'accessibilité dans la mesure où, comme la présente affaire le
démontre on ne peut mieux, il est désormais possible à tout un chacun de
capter les signaux émis par un satellite de télécommunication au moyen
d'une installation relativement bon marché (antenne parabolique). Se
pose dès lors la question de savoir auquel de ces deux critères il
convient d'accorder la priorité pour définir et délimiter la notion de
radiodiffusion.

    La loi fédérale sur le droit d'auteur actuellement en vigueur décrit
certes le procédé technique caractérisant la communication publique
assimilée à la radiodiffusion (art. 12 al. 2), mais elle ne répond pas
à la question posée. La nouvelle loi en la matière, qui a été adoptée
le 9 octobre 1992 par les Chambres fédérales, n'apporte pas non plus
d'éclaircissements sur ce point (art. 10 al. 2 let. d; voir, à ce sujet, le
Message du Conseil fédéral du 19 juin 1989, in: FF 1989 III 465 ss, 514).

    Selon un arrêt autrichien du 4 février 1986, le signal qui, à
l'aide d'antennes dont le prix est très élevé, peut être reçu par le
public ne peut pas être considéré comme une radiodiffusion destinée au
public (Entscheidungen des österreichischen Obersten Gerichtshofes in
Zivilsachen [SZ] 59/24). Un arrêt subséquent du 13 décembre 1988, prenant
en considération l'évolution technologique intervenue depuis lors, a
toutefois laissé ouverte la question de savoir si le critère de la dépense
à engager pour l'acquisition de l'installation réceptrice devait être
maintenu (GRUR Int. 1989, p. 422). Dans une note suivant ce dernier arrêt,
DREIER souligne que, étant donné les progrès enregistrés dans le domaine
des communications par satellite et concrétisés par la mise sur orbite de
satellites de puissance moyenne, toute distinction fondée sur un critère
technique devenait problématique et devait être en conséquence abandonnée
sous l'angle du droit d'auteur également (GRUR Int. 1989, p. 425 ss, 427).

    Dans la doctrine, on trouve des opinions divergentes, diversité
qui s'explique du reste en partie par le fait qu'elles n'ont pas
toutes été émises au même stade du développement technique de la
diffusion par satellite. certains auteurs préconisent l'emploi
d'un critère de distinction subjectif et proposent de définir comme
radiodiffusion uniquement la transmission de signaux destinés à être
reçus par le grand public, et non celle de signaux qui n'ont pas cette
vocation mais peuvent néanmoins être reçus par la généralité du public
(STERN, op.cit., p. 191; FABIANI, op.cit., p. 17/18 avec d'autres
références). Cependant, la tendance qui paraît devoir s'imposer de nos
jours est à considérer comme dépassée, eu égard à l'amélioration rapide
des installations de réception, la distinction usuelle entre satellites
de télécommunication et satellites de radiodiffusion et à qualifier de
radiodiffusion tout envoi de signaux accessibles au public en général
au moyen d'installations que les particuliers peuvent acquérir sur le
marché, telles les antennes paraboliques (DREIER, Kabelweiterleitung und
Urheberrecht, p. 17; BORNKAMM, op.cit., p. 1393, n. 72; DILLENZ, op.cit.,
p. 345; VON HARTLIEB, op.cit., n. 4; DIETZ, op.cit., p. 81; SPOENDLIN,
Der internationale Schutz des Urhebers, in: UFITA 107/1988, p. 1 ss, 39;
dans le même sens, voir aussi: SCHRICKER/VON UNGERN-STERNBERG, n. 23 ad §
20 LDA all., et FROMM/NORDEMANN/VINCK, n. 5 ad § 20 LDA all.).

    C'est à ce dernier avis qu'il sied de se ranger sous la réserve
qui sera faite plus loin. La radiodiffusion d'une oeuvre, au sens de
l'art. 12 al. 1 ch. 5 et al. 2 LDA, consiste en un procédé technique,
qui est la transmission sans fil d'informations sur une certaine distance
(VON UNGERN-STERNBERG, op.cit., p. 1). Elle revêt un caractère public
lorsqu'elle peut être reçue par le public tel que l'entend le droit
d'auteur (SCHRICKER, op.cit., p. 11). La notion de radiodiffusion est
du reste aussi l'élément constitutif objectif de l'infraction énoncée
par l'art. 42 al. 1 let. e LDA. Or, pour conclure à l'existence d'une
radiodiffusion illicite d'une oeuvre protégée, seuls sont décisifs
le procédé technique utilisé pour la transmission de l'oeuvre et la
possibilité de prendre connaissance de celle-ci, sans qu'il importe de
déterminer quel était le but poursuivi par l'auteur de la diffusion
sans fil de l'oeuvre. La volonté interne et l'intention propres au
radiodiffuseur concernent l'élément constitutif subjectif de l'infraction
et n'ont pas d'incidence sur l'acte de radiodiffusion en tant que tel. Cet
acte demeure le même, que l'oeuvre ait été radiodiffusée avec ou sans
l'accord du titulaire du droit d'auteur. Un raisonnement identique révèle
une situation similaire en aval: quiconque reçoit une information à lui
communiquée selon le procédé mentionné à l'art. 12 al. 2 LDA peut admettre
sans autre réflexion qu'il capte une information radiodiffusée; il n'a
pas à se soucier des motivations subjectives du diffuseur quant au cercle
des destinataires de ladite information. Les quelques considérations qui
précèdent impliquent dès lors le rejet de l'opinion minoritaire dans la
mesure où elle fait de la destination au public en général le critère
absolu permettant de constater ou d'exclure l'existence d'un acte de
radiodiffusion. L'autre opinion, que le Tribunal fédéral a adoptée,
appelle toutefois une réserve, comme on l'a indiqué plus haut. En effet,
il serait faux de se fonder exclusivement sur le critère de l'accessibilité
au public pour qualifier une opération de radiodiffusion, sauf à inclure
dans cette notion, par exemple, les émissions des radios d'amateurs ou
encore les communications téléphoniques, à supposer qu'il soit possible
de les intercepter un jour à l'aide des mêmes installations que celles
utilisées pour la réception des programmes de télévision (cf. MASOUYÉ,
Guide de la Convention de Berne publié par l'OMPI, p. 78, n. 6 in fine,
et FABIANI, op.cit., p. 23, note de pied n. 45). C'est dire que le critère
de la destination au public ne saurait être totalement écarté, même s'il
doit passer au second plan en tant que facteur ne servant qu'à exclure
de la notion de radiodiffusion une partie des informations accessibles au
public. Il y a d'autant moins lieu de l'abandonner qu'il a toujours droit
de cité dans la réglementation des télécommunications, et ce aux niveaux
tant national (cf. l'art. 2 al. 2 de la LRTV) qu'européen (cf. l'art. 2
let. a de la Convention européenne sur la télévision transfrontière du 5
mai 1989 et le Rapport explicatif précité, ibid.) ou mondial (art. 3 de
la Convention internationale du 21 mai 1974 concernant la distribution de
signaux porteurs de programmes transmis par satellite, Convention dont le
texte original a été publié in: FF 1989 III 691 ss). En définitive, pour
cerner la notion de radiodiffusion propre au droit d'auteur, il convient
de combiner les deux critères susmentionnés. On en vient ainsi à considérer
comme une radiodiffusion, au sens de l'art. 12 al. 2 LDA, l'envoi par tout
satellite de signaux accessibles techniquement et financièrement au public
en général et destinés à être reçus directement ou indirectement par lui.

    Appliquée au cas particulier, cette règle amène le Tribunal fédéral
à constater que la transmission du programme de la demanderesse par
un satellite de télécommunication d'"Intelsat" constitue bien une
radiodiffusion ou, pour reprendre les termes de l'art. 12 al. 2 LDA,
une "communication publique ... par tout autre moyen servant à diffuser
sans fil les signes, les sons ou les images", étant donné que les signaux
émis par le satellite en question sont destinés indirectement au public
en général et peuvent être captés au moyen d'une antenne parabolique à
la portée financière d'un nombre important de particuliers. Aussi est-ce
à juste titre que la cour cantonale a vu, dans la retransmission de ce
programme par la défenderesse, un acte de communication par fil d'une
oeuvre radiodiffusée, susceptible de porter atteinte au droit exclusif
de l'auteur mentionné à l'art. 12 al. 1 ch. 6 LDA. Par conséquent, la
violation alléguée par la demanderesse devra être examinée à la lumière
de cette seule disposition, et non pas au regard de l'art. 12 al. 1 ch. 3
LDA, comme le voudrait l'intéressée. Il reste à rechercher si les autres
conditions d'application de la disposition retenue sont réalisées dans
la présente affaire.

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 11bis al. 1 ch. 2 CB accorde à l'auteur le droit exclusif
d'autoriser toute communication publique de l'oeuvre radiodiffusée, si
celle-ci est assurée par un autre organisme que celui d'origine. Les
critères permettant de distinguer entre une telle communication, qui
peut être faite à l'aide d'un réseau câblé, et une simple opération
de réception des émissions, qui n'est pas soumise au régime du droit
exclusif de l'auteur, sont laissés à l'appréciation des législations
nationales (MASOUYÉ, op.cit., p. 80, n. 10; SCHRICKER, op.cit., p. 48 et
les références). Les Etats auxquels s'applique la Convention de Berne n'ont
pas fait le même usage de cette liberté d'appréciation. Les principaux
critères de distinction utilisés par eux sont de nature quantitative,
le nombre de raccordements, fixé par la loi ou la jurisprudence, jouant
à cet égard un rôle décisif. Mais ce critère numérique subit de notables
variations de pays à pays: la loi autrichienne sur le droit d'auteur,
par exemple, dont la conformité avec la Convention de Berne est d'ailleurs
sujette à caution (DREIER, Kabelweiterleitung ..., p. 142/143; SCHRICKER,
op.cit., p. 48 et les références), ne tient pas la retransmission d'une
oeuvre radiodiffusée pour une nouvelle communication publique lorsqu'une
antenne collective ne compte pas plus de 500 raccordements (§ 17 al. 3
ch. 2 let. b), tandis que la réglementation danoise, nettement plus sévère,
ne soustrait au droit d'auteur que la retransmission effectuée à l'aide
de petites installations destinées à 25 abonnés au maximum occupant le
même bâtiment ou un groupe de bâtiments voisins (§ 22a al. 2 LDA dan.).

    A l'instar de l'art. 11bis al. 1 ch. 2 CB, l'art. 12 al. 1 ch. 6
LDA réserve à l'auteur de l'oeuvre radiodiffusée le droit exclusif de la
communiquer publiquement, lorsque cette communication est faite par un
autre organisme que celui d'origine. La notion de communication publique
ne présuppose pas que la retransmission s'adresse à un nouveau public,
autrement dit que le cercle des personnes touchées par elle ne soit pas le
même que celui des destinataires de la transmission initiale (ATF 107 II
70 consid. 5; au sujet de cet arrêt et de l'ATF 107 II 82 ss, cf.: STERN,
Les arrêts des tribunaux suisses quant à la télévision par câble, in: La
télévision par câble - Aspects du droit des média et du droit d'auteur,
Paris 1983, p. 429 ss). Seule importe, à cet égard, l'ampleur de la
communication. Dans le premier arrêt cité, le Tribunal fédéral a admis sans
hésitation le caractère public de la communication faite par l'exploitant
d'un réseau câblé à ses 60'000 abonnés et lui a opposé la réception libre
de programmes au moyen d'une antenne collective desservant un immeuble
plurifamilial ou un ensemble résidentiel (ATF 107 II 71 consid. 5).
Trois ans plus tard, confirmant et précisant cette jurisprudence, il a
souligné que la nature publique d'une communication ne se juge pas sur
le nombre de raccordements, mais sur l'extension géographique du réseau,
de sorte que la notion de publicité ne comprend en tout cas pas l'antenne
collective d'un immeuble plurifamilial ou d'un ensemble résidentiel
(ATF 110 II 67 consid. 6a). Il y a donc usage privé lorsqu'une antenne
collective dessert le bien-fonds sur lequel elle a été installée ou
plusieurs parcelles contiguës, sans que le réseau de distribution
doive passer sur le domaine public ou le fonds d'autrui (ATF 110 II
68 consid. 6b). Cette manière de distinguer la communication publique,
soumise au droit exclusif de l'auteur, de la simple réception, exorbitante
de ce droit, qui a reçu un écho favorable dans la doctrine (KUMMER, in:
RJB 119/1983, p. 223 ss; TROLLER, Immaterialgüterrecht, 3e éd., vol. II, p.
686), a été reprise dans la nouvelle loi fédérale sur le droit d'auteur
et les droits voisins. En effet, aux termes de l'art. 22 al. 2 de ladite
loi, il est licite de retransmettre des oeuvres au moyen d'installations
techniques qui sont destinées à un petit nombre d'usagers; tel est le cas
d'installations qui desservent un immeuble plurifamilial ou un ensemble
résidentiel (FF 1992 IV 77). Sans doute cette disposition utilise-t-elle,
selon sa lettre, le critère, rejeté par le Tribunal fédéral, du nombre
de raccordements. Il ressort cependant du Message du Conseil fédéral la
concernant qu'elle "reprend les critères retenus par le Tribunal fédéral
dans son arrêt du 20 mars 1984 pour établir une distinction entre la
retransmission et la libre réception d'émissions selon le droit en vigueur"
(FF 1989 III 528 ad art. 21 du projet de loi). Quoi qu'il en soit, il n'y a
en tout cas pas lieu de s'écarter en l'espèce de la jurisprudence publiée,
s'agissant d'interpréter ce droit. On ajoutera, pour être complet, que le
concept de communication publique, au sens de l'art. 12 al. 1 ch. 6 LDA,
ne s'oppose pas à celui d'usage privé au sens de l'art. 22 LDA (ATF 108
II 481). En particulier, le critère fondé sur l'extension spatiale du
réseau de distribution, qui permet de déterminer le caractère public d'une
communication, ne fait pas appel aux considérations d'ordre économique
(ATF 108 II 482) ou social (Tribunal supérieur du canton de Zurich, in:
RSJ 64/1968 p. 198 ss; contra: US-Court of Appeals, Ninth Circuit, in: GRUR
Int. 1990, p. 350 ss) qui sous-tendent la jurisprudence relative à l'usage
privé de l'art. 22 LDA. Il relève davantage d'une approche fonctionnelle
qui commande d'examiner, au vu de l'ensemble des circonstances, si une
installation doit être rattachée au domaine de l'émission plutôt qu'à
celui de la réception (dans ce sens, cf. notamment SCHRICKER, op.cit.,
p. 51, à la suite d'ULMER, Urheber- und Verlagsrecht, p. 252 ss).

    b) L'antenne parabolique de la défenderesse dessert uniquement les 413
chambres du "Noga Hilton" comme le ferait une antenne collective pour les
personnes habitant un immeuble plurifamilial. La diffusion du programme
"CNN International" ne s'effectue que dans un seul bâtiment. Du point de
vue du droit d'auteur, l'installation en cause a donc une fonction de
réception et non d'émission. Partant, la défenderesse ne procède pas à
une communication publique du programme radiodiffusé. Cette conclusion
rejoint du reste celle d'une partie de la doctrine, qui estime, sur le
vu des arrêts précités du Tribunal fédéral, que la retransmission dans
les chambres des clients d'émissions de radio et de télévision diffusées
au moyen du réseau câblé privé de l'hôtel constitue un acte de réception
non soumis au droit exclusif de l'auteur (VON BÜREN, Die Übermittlung
urheberrechtlich geschützter Werke von hotelinternen Zentralen mittels
Draht in die Hotelzimmer nach schweizerischem Urheberrecht, in: GRUR
Int. 1986, p. 443, lequel qualifie cette opinion de non controversée;
voir aussi: FREEGARD, Radiodiffusion directe par satellite: conséquences
pour le droit d'auteur, in: RIDA 135/1988, p. 63 ss, 109 note de pied
n. 29, ainsi que le jugement - cité au consid. 3 de l'arrêt attaqué -
rendu le 14 février 1990 par le Tribunal de Grande Instance de Paris et
publié in: RIDA 145/1990, p. 375 ss). Il apparaît donc, au vu de ce qui
précède, que la défenderesse n'a pas porté atteinte au droit d'auteur de
la demanderesse. Comme celle-ci n'invoque pas la violation de dispositions
réprimant la concurrence déloyale qui lui assureraient une protection plus
étendue que l'art. 12 LDA, sa référence à l'art. 5 LCD est, au demeurant,
vaine (ATF 116 II 472/473; PEDRAZZINI, Unlauterer Wettbewerb, p. 55/56),
ce qui conduit en définitive au rejet de son recours en réforme et à la
confirmation de l'arrêt entrepris.