Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 II 443



119 II 443

89. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 5 août 1993 dans la
cause A. S.A. c. S. (recours en réforme) Regeste

    Verantwortlichkeit des Mieters eines Personenwagens; Kaskoversicherung.

    1. Einfluss der Ungewöhnlichkeitsregel (E. 1a) und der Lesbarkeit
(E. 1b) auf die Gültigkeit von vorformulierten allgemeinen
Geschäftsbedingungen.

    2. Eine Klausel über die Haftung des Mieters in den allgemeinen
Geschäftsbedingungen des Autovermieters, die erheblich von den üblichen
Regeln der Kaskoversicherung abweicht, ist nach Art. 8 lit. a UWG unlauter
(E. 1c).

    3. Schweres Verschulden im Sinne von Art. 14 Abs. 2 VVG (E. 2a);
Verantwortlichkeit des Mieters (E. 2b).

Sachverhalt

    A.- a) Par contrat du 27 avril 1990, A. S.A. a remis à bail
à S. pour la période du 27 avril au 30 avril 1990 une automobile de
marque BMW 735 I, dont la valeur à neuf était de 80'930 francs. Le loyer
se montait à 218 francs par jour, plus 31 francs par jour à titre de
"CDW". Le contrat stipulait que le locataire reconnaissait avoir pris
connaissance des "conditions de location" et s'engageait à les respecter
sans restriction. L'art. 10 al. 1 de ces conditions générales, sous
l'intitulé "Responsabilité pour dommages", a la teneur suivante:

    "Le locataire est responsable pour tous les dommages causés au véhicule
   loué pour le montant de la franchise stipulé dans le tarif de location
   en vigueur au moment de la location et ceci par sinistre. Si, pour
   obtenir la suppression de cette franchise, le locataire a accepté
   par ses initiales dans la case correspondante de la clause au verso
   "Suppression de franchise", et qu'il a payé le supplément mentionné dans
   le tarif officiel et qu'il justifie une longue expérience de conduite
   sans accident, A. S.A. est d'accord de dégager le locataire de toute
   responsabilité pour des dommages de collision mentionnés ci-dessus.

    Toutefois, en cas de négligence ou de violation des conditions
du présent
   contrat ou des lois et règlements sur la circulation routière, le
   locataire demeure entièrement responsable de la totalité des dommages
   causés au véhicule."

    b) Le 28 avril 1990, alors qu'il circulait avec l'automobile louée à
Longvic (France), S. a perdu la maîtrise du véhicule, allant percuter sur
sa droite la barrière de sécurité métallique qu'il a endommagée sur une
longueur de vingt mètres. Sentant l'alcool et titubant légèrement, S. a
été soumis au test de l'éthylomètre, qui a révélé un taux d'alcoolémie de
0,72-0,73g%o. La voiture a été entièrement détruite. Selon une expertise,
dont le coût s'est élevé à 168 francs, la valeur du véhicule avant
l'accident se montait à 44'000 francs et celle de l'épave à 8'000 francs.

    c) Le 17 juillet 1990, A. S.A. a adressé à S. une facture d'un montant
de 36'168 francs (valeur de la voiture avant l'accident, sous déduction
de la valeur de l'épave, plus les frais d'expertise). S., après de vains
rappels, a refusé de régler cette somme.

    B.- Par demande du 28 février 1991, A. S.A. a conclu à ce que S. soit
condamné à lui payer 36'168 francs plus intérêts à 5% dès le 28 avril 1990.

    Par jugement du 21 mai 1992, le Tribunal de première instance de
Genève a rejeté entièrement les conclusions de la demande.

    Statuant le 20 novembre 1992 sur appel de la demanderesse, la Cour de
justice du canton de Genève a annulé ce jugement et condamné S. à verser
à A. S.A. la somme de 7'500 francs plus intérêts à 5% dès le 28 avril
1990. L'autorité cantonale a considéré en substance que l'art. 10 des
conditions générales de la demanderesse ne devait pas produire d'effet,
car il rendait le défendeur responsable de l'intégralité du dommage causé
au véhicule par la violation d'une règle sur la circulation routière,
cela sans qu'il soit tenu compte de l'importance de sa faute. Le défendeur
était fondé à croire, après avoir accepté la clause "CDW" du contrat du
27 avril 1990, qu'il avait conclu une assurance-casco ordinaire, laquelle
couvrait le risque d'un dommage causé au véhicule par la faute légère
du locataire. La faute commise par S. devant toutefois être qualifiée
de grave, il se justifie, affirment les juges cantonaux, d'admettre les
conclusions de la demanderesse à concurrence de 7'500 francs.

    C.- A. S.A. exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal, dont elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que
S. soit condamné à lui verser 36'168 francs plus intérêts à 5% dès le 28
avril 1990.

    S. propose le rejet du recours. Il forme également un recours joint,
concluant à l'annulation de l'arrêt cantonal et à la confirmation du
jugement du Tribunal de première instance.

    La demanderesse conclut au rejet du recours joint.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- L'autorité cantonale a retenu, en se fondant notamment sur le
témoignage de l'administrateur de la demanderesse, que les parties,
lors de la signature du contrat du 27 avril 1990, ont entendu conclure
une assurance-casco complète, comme l'atteste le fait que le défendeur
a accepté la clause "CDW" dudit contrat, laquelle est l'abréviation de
l'expression anglaise "collision damage waiver". Cette constatation lie
le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ). Invoquant
l'art. 10 de ses conditions générales, la demanderesse reproche toutefois
à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 18 CO en donnant à la clause
"CDW" en cause une signification contraire au sens objectif que devait
lui donner raisonnablement et de bonne foi le défendeur.

    a) Il est de jurisprudence que celui qui signe un texte comportant
une référence expresse à des conditions générales est lié au même titre
que celui qui appose sa signature sur le texte même des conditions
générales. Il importe peu à cet égard qu'il ait réellement lu les
conditions générales en question (ATF 109 II 456 consid. 4, 108 II 418
consid. 1b). La validité des conditions générales d'affaires préformées
doit être limitée par la règle dite de l'inhabituel, ou de l'insolite
(Ungewöhnlichkeitsregel). En vertu de cette règle sont soustraites de
l'adhésion censée donnée globalement à des conditions générales toutes
les clauses inhabituelles, sur l'existence desquelles l'attention de la
partie la plus faible ou la moins expérimentée en affaires n'a pas été
spécialement attirée. La partie, qui incorpore des conditions générales
dans le contrat, doit s'attendre, d'après le principe de la confiance, à
ce que son partenaire contractuel inexpérimenté n'adhère pas à certaines
clauses insolites (ATF 109 II 456 consid. 4; KRAMER, n. 201 ss ad art. 1
CO; OR-BUCHER, n. 60 ad art. 1 CO; DESSEMONTET, Le contrôle judiciaire des
conditions générales, in La nouvelle loi fédérale contre la concurrence
déloyale, Cedidac 1988, p. 60 ss). Pour déterminer si une clause est
insolite, il faut se placer du point de vue de celui qui y consent,
au moment de la conclusion du contrat. La réponse est individuelle, une
clause usuelle dans une branche de l'économie pouvant être insolite pour
qui n'est pas de la branche. Eu égard au principe de la confiance, on se
fondera sur les conceptions personnelles du contractant dans la mesure où
elles sont reconnaissables pour l'autre partie. Il ne suffit pas que le
contractant soit inexpérimenté dans la branche économique en question.
Il faut en plus de ce critère subjectif que, par son objet, la clause
considérée soit étrangère à l'affaire, c'est-à-dire qu'elle en modifie de
manière essentielle la nature ou sorte notablement du cadre légal d'un type
de contrat (ATF 109 II 458 consid. 5b et les références). Plus une clause
porte atteinte aux intérêts juridiques du contractant, plus il se justifie
de la considérer comme insolite (ATF 109 II 457 consid. 4 in fine).

    b) En l'espèce, le défendeur a apposé sa signature sur un
contrat qui renvoyait expressément aux "conditions de location" de la
demanderesse. L'art. 10 de ces conditions générales n'était pourtant
nullement mis en évidence; au contraire, il était rédigé en petits
caractères (cf. au sujet de l'exigence de lisibilité des conditions
générales KRAMER, n. 207 ad art. 1 CO, et MERZ, Le contrôle judiciaire
des conditions générales du contrat en droit suisse, SJ 1975 p. 193 ss,
spéc. p. 199). L'autorité cantonale a retenu sans être critiquée que
l'attention de S. n'avait pas été spécialement attirée sur l'existence de
l'art. 10 en cause, dont la lecture, à supposer que le défendeur ait pris
connaissance des conditions générales avant de signer le contrat du 27
avril 1990, était au surplus rendue difficile en raison de la typographie
utilisée. Cette disposition ne lui est donc opposable en vertu de la règle
de l'insolite que dans la mesure où elle ne modifie pas essentiellement
la nature du contrat. Les juges cantonaux ont qualifié à bon droit
d'inhabituel l'art. 10 précité. En effet, en acceptant la clause "CDW",
S. avait conclu une assurance-casco complète. Il pouvait donc partir de
l'idée que s'il devait un jour commettre une violation simple des règles de
la circulation routière, sa responsabilité ne serait pas engagée à l'égard
de la bailleresse pour le dommage causé au véhicule loué. Il n'avait pas
à prendre en compte le fait que cette clause, en s'écartant des règles
usuelles en matière d'assurance-casco, affaiblissait considérablement
sa situation juridique. Quant à la demanderesse, faute d'avoir sollicité
l'attention du défendeur à cet égard, elle aurait dû savoir, en vertu du
principe de la confiance, que S. ne voulait pas d'une assurance étendant
de manière inhabituelle sa responsabilité pour les dommages survenant au
véhicule loué en raison d'une collision. Il suit de là que l'art. 10 des
conditions générales de la demanderesse n'est pas opposable au défendeur.

    c) Quand bien même la demanderesse aurait signalé au défendeur
l'existence de l'art. 10 de ses conditions générales, elle ne pourrait
se retrancher derrière cette disposition pour rendre S. responsable de
l'entier du dommage. L'art. 8 de la loi fédérale contre la concurrence
déloyale (LCD, RS 241) prescrit qu'agit de façon déloyale celui qui,
notamment, utilise des conditions générales préalablement formulées,
qui sont de nature à provoquer une erreur au détriment d'une partie
contractante et qui dérogent notablement au régime légal (let. a)
ou prévoient une répartition des droits et des obligations s'écartant
notablement de celle qui découle de la nature du contrat (let. b). Or,
précisément, le libellé de l'art. 10 des conditions générales en
cause est ambigu, comme le Tribunal fédéral avait déjà eu l'occasion
de le préciser à la demanderesse dans une cause où elle était partie
(consid. 1 non publié de l'ATF 114 II 342). Lisant les deux premières
phrases de cette disposition, le lecteur candide peut se persuader qu'il
a passé une assurance-casco complète; on peine sinon à comprendre le
sens de la réglementation relative à la suppression de la franchise,
qui a pour effet de "dégager le locataire de toute responsabilité pour
des dommages de collision". C'est pourquoi la troisième phrase de l'art.
10 jette la confusion en affirmant la responsabilité du locataire pour
toute faute, si légère soit-elle. Dans ces conditions, il y a lieu
d'admettre que la limitation de la couverture d'assurance instaurée
par l'art. 10 au détriment du défendeur s'écarte par trop des règles
usuelles de l'assurance-casco, voire de la réglementation de l'art. 14
de la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA, RS 221.229.1), de
sorte que les prévisions de l'art. 8 let. a LCD devraient être réalisées
(cf. ATF 117 II 333 consid. 5; DESSEMONTET, op.cit., p. 65 ss). On peut
se dispenser d'examiner si cette disposition pourrait être appliquée
d'office en l'espèce ou s'il conviendrait qu'elle fasse l'objet d'un
chef de conclusions spécial du défendeur (cf. GAUCH, Die Verwendung
"missbräuchlicher Geschäftsbedingungen", Droit de la construction
1987, p. 57/58), dans la mesure où l'art. 10 des conditions d'affaires
d'A. S.A. ne doit déployer aucun effet juridique conformément à la
règle de l'insolite. De même peut rester indécis le point de savoir si, à
considérer la formulation équivoque de l'art. 10 en cause, la demanderesse
ne devrait pas déjà accepter que la responsabilité du défendeur à son
égard soit réduite, en application de la règle dite de l'interprétation
des clauses ambiguës (Unklarheitsregel) (ATF 117 II 621 consid. 6c,
115 II 268 consid. 5a).

Erwägung 2

    2.- L'autorité cantonale a admis à juste titre que le défendeur
devait être placé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait
loué un véhicule assuré en casco aux conditions habituelles de cette
assurance. Faisant appel aux règles posées par la loi sur le contrat
d'assurance, les juges cantonaux ont considéré que le défendeur avait
endommagé le véhicule loué en commettant une faute grave au sens de
l'art. 14 al. 2 LCA. A leurs yeux, la perte de maîtrise du véhicule,
qui en a entraîné la destruction complète, est due au fait que S. était
pris de boisson, ce qui constitue une faute grave de sa part, même si
son taux d'alcoolémie, avec 0,72-0,73g%o, n'atteignait pas tout à fait
la limite légale de 0,8g%o.

    a) L'art. 14 al. 4 LCA dispose que si le sinistre est dû à une
faute légère de l'ayant droit, la responsabilité de l'assureur demeure
entière. En revanche, l'assureur n'est pas lié si le sinistre a été
causé intentionnellement par l'ayant droit (art. 14 al. 1 LCA). Enfin, si
l'ayant droit a causé l'événement assuré par une faute grave, l'assureur
est autorisé à réduire sa prestation dans la mesure répondant au degré de
la faute (art. 14 al. 2 LCA). Commet une faute grave celui qui viole un
devoir élémentaire de prudence dont le respect s'impose à toute personne
raisonnable placée dans la même situation (ATF 95 II 340 consid. 6a,
93 II 352 consid. 5, 92 II 253 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral du
29 septembre 1988, consid. 3a, publié in SJ 1989, p. 105).

    b) Dans son recours joint, le défendeur ne conteste pas que le dommage
survenu au véhicule loué est dû à son comportement gravement fautif. Il
prétend toutefois que l'autorité cantonale a violé le droit fédéral en le
condamnant à verser 7'500 francs à la demanderesse. Seul l'assureur-casco,
affirme-t-il, était en droit de lui réclamer une participation au dommage
dépassant le montant de la franchise contractuelle, mais non le bailleur.

    Le défendeur semble oublier qu'il répond du dommage causé à la chose
louée en vertu de l'art. 271 aCO; il est donc tenu envers la demanderesse
de réparer le préjudice qu'elle a subi, tant que celle-ci n'a pas été
désintéressée par une assurance. La responsabilité du locataire ne
peut être diminuée qu'au point de vue des rapports internes, en ce sens
qu'après avoir indemnisé le bailleur, le premier est à même, suivant les
circonstances, d'exercer un droit de recours contre l'assureur-casco du
second (ATF 114 II 342 et les arrêts cités). Le recours joint du défendeur
doit ainsi être rejeté.