Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 II 437



119 II 437

88. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 13 juillet 1993 dans la
cause dame D. contre J. S.A. (recours en réforme) Regeste

    Verzug des Gläubigers. Ungerechtfertigte Bereicherung des Schuldners.

    1. Der Schuldner einer Holschuld setzt den Gläubiger bereits mit einem
bloss verbalen Anbieten der Leistung (Verbaloblation) in Verzug (E. 2b).

    2. Fall eines Mieters, der den Mietvertrag kündigt und den Vermieter in
Verzug setzt hinsichtlich der Rücknahme des Mietgegenstandes, diesen in der
Folge aber weiter benützt, ohne dass der Vermieter sich dem widersetzt.
Rechtsgrund, aus welchem der Mieter den Vermieter zu entschädigen hat;
im vorliegenden Fall, ungerechtfertigte Bereicherung (E. 3).

Sachverhalt

    A.- a) Par convention du 19 juin 1984, G. a cédé à dame D., avec effet
au 1er août 1984, les droits résultant du bail à loyer du 19 mai 1980,
qui avaient été transmis le 25 octobre 1982 au premier par dame S. Ces
droits consistaient notamment dans la remise de locaux à usage de café.

    Le 1er août 1984, dame D. a repris l'exploitation de l'établissement
public ouvert dans les locaux qu'elle avait pris à bail. Y. S.A., qui était
propriétaire du mobilier, de l'agencement et du matériel d'exploitation du
café, a alors soumis à dame D. un contrat daté du 31 août 1984, prévoyant
que l'établissement public lui était remis "en qualité de gérante libre
tenancière" moyennant paiement d'un loyer de 3'380 francs par mois pour
cession de l'usage du fonds de commerce, somme à laquelle s'ajoutait le
loyer mensuel dû au propriétaire. Ce contrat devait être conclu du 1er
septembre 1984 au 31 mai 1990. Dame D. a refusé de signer cette convention,
mais elle a versé d'août 1984 à juillet 1985 le montant mensuel de 3'380
francs, plus le loyer dû au bailleur des locaux. Après avoir tenté de
vendre le fonds de commerce à dame D., Y. S.A. lui a soumis une nouvelle
convention, datée du 31 juillet 1985, aux termes de laquelle la location
du fonds de commerce, pour la période du 1er août 1985 au 31 mai 1990,
était réduite à 2'000 francs par mois; dame D. s'est refusée également à
signer cet accord, mais a payé à Y. S.A., en août, septembre et octobre
1985, le montant de 2'000 francs par mois. A cette époque, elle a fait
inventorier le mobilier et le matériel du café par la Fiduciaire suisse
des cafetiers, qui en a fixé la valeur à 36'230 francs. Par lettre du 17
octobre 1985, dame D. a offert à Y. S.A. de racheter cet équipement pour
ce montant, à défaut de quoi elle déclarait résilier le contrat de bail
pour fin octobre 1985 et mettre en demeure la bailleresse de reprendre
le matériel. Y. S.A. a décliné cette offre, soutenant que dame D. était
liée contractuellement jusqu'au 31 mai 1990.

    b) Le 17 janvier 1986, Y. S.A. a ouvert action contre dame D.,
concluant au paiement de 6'000 francs pour la location du matériel
d'exploitation du café pendant trois mois, soit de novembre 1985 à janvier
1986. Par jugement du 22 juillet 1987, le Tribunal de district de Neuchâtel
a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse le loyer de novembre
1985, par 2'000 francs. II a considéré que les parties étaient liées par
un bail de durée indéterminée, qui avait été résilié valablement pour le
30 novembre 1985. Le recours formé par Y. S.A. contre ce jugement a été
rejeté par la Cour cantonale de cassation civile.
   c) Dame D. a continué l'exploitation du café.

    Après plusieurs mises en demeure de la défenderesse, Y. S.A. a repris
le matériel et le mobilier le 4 juillet 1988.

    B.- Le 24 janvier 1991, Y. S.A., devenue ultérieurement J. S.A., a
réclamé à dame D. la somme de 114'000 francs, correspondant à un loyer
de 2'000 francs pendant 52 mois, à savoir de février 1986 à mai 1990,
plus 10'000 francs d'intérêts calculés à leur échéance moyenne.

    Par jugement du 2 novembre 1992, la Ire Cour civile du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel, admettant l'existence d'un rapport
contractuel de fait entre les parties, a condamné la défenderesse à payer
à J. S.A. la somme de 35'200 francs en capital, soit 22 mensualités de
1'600 francs pour les mois de février 1986 à fin novembre 1987; elle a
rejeté la demande pour le surplus.

    C.- Dame D. exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle
conclut à l'annulation du jugement précité et au rejet de la demande.

    La demanderesse propose le rejet du recours. Elle forme un recours
joint, demandant principalement que la défenderesse soit condamnée à lui
verser 46'400 francs en capital, subsidiairement qu'elle soit déboutée
dans toutes ses conclusions.

    Dame D. conclut au rejet du recours joint.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- b) Dans son écriture du 17 octobre 1985, la défenderesse, en
même temps qu'elle déclarait résilier le bail, a invité la demanderesse
à reprendre les choses louées.

    A teneur de l'art. 271 al. 1 aCO, à la fin du bail, le preneur
restitue la chose louée dans l'état où il l'a reçue et conformément à
l'usage local. Il s'agit d'une dette quérable, ce qui signifie que,
sauf convention spéciale, la chose doit être restituée au lieu où
elle se trouvait lors de la conclusion du contrat (art. 74 al. 2 ch. 2
CO; ATF 48 II 390). S'agissant d'une dette quérable, l'offre purement
verbale de restituer suffit à entraîner la demeure du créancier (WEBER,
n. 126 ad art. 91 CO; cf. ENGEL, Traité des obligations en droit suisse,
p. 446, let. B in fine, qui est d'avis que le créancier est en demeure,
même en l'absence d'une offre, si la dette est quérable, à l'expiration
du contrat).

    En l'espèce, comme on l'a vu, la résiliation du bail par la
défenderesse a pris effet le 30 novembre 1985. Il s'ensuit que dès le 1er
décembre 1985 la bailleresse était tenue de reprendre le matériel en cause,
faute de quoi elle se trouvait en demeure au sens de l'art. 91 CO. Elle
ne pouvait en effet se prévaloir d'aucun motif légitime, tel que l'entend
cette disposition, pour ne pas reprendre le matériel du café. Contrairement
à l'opinion de la cour cantonale, la circonstance que le créancier se
méprend quant à la validité de la résiliation d'un contrat de durée
indéterminée ne constitue nullement une raison objective suffisante pour
refuser la prestation que le débiteur lui a offerte régulièrement (WEBER,
n. 155 ss, spéc. 158, ad art. 91 CO). Le créancier supporte le risque
qu'entraîne son refus d'accepter la prestation (WEBER, n. 157 ad art. 91
CO; cf. ATF 48 II 388 et, en droit allemand, arrêt du Bundesgerichtshof,
du 22 mars 1960, in Neue juristische Wochenschrift (NJW) 1960, p. 909).

Erwägung 3

    3.- Selon les constatations du jugement attaqué, la défenderesse a
continué d'user des choses louées après avoir résilié le bail, et cela
du 1er décembre 1985 au 30 juin 1988. Il convient donc d'examiner si
elle doit à ce titre indemniser la demanderesse et, dans l'affirmative,
en vertu de quels principes juridiques.

    a) On pourrait envisager que la défenderesse soit tenue de verser,
jusqu'à consignation des choses louées, le loyer qui était convenu dans le
précédent bail. Certes, d'après l'opinion majoritaire en Suisse, la demeure
du créancier ne met pas fin à elle seule au contrat synallagmatique;
l'intérêt conventionnel, compris comme la contrepartie due pour l'usage
d'une chose ou d'un capital, continue alors à courir jusqu'à ce que
l'objet de l'obligation soit consigné ou vendu (ATF 82 II 467 consid. 2;
WEBER, n. 23 ad art. 92 CO; OR-BERNET, Vorbemerkungen zu Art. 91 - 96
CO, n. 7; GAUCH/SCHLUEP, 5e éd., vol. II, n. 2501). En droit allemand,
l'intérêt contractuel en cause n'est dû que si l'objet de l'obligation
est une chose, à l'exclusion d'une somme d'argent (cf. SOERGEL/WIEDEMANN,
n. 3 ad par. 301 BGB et STAUDINGER/LÖWISCH, n. 3 ad par. 301 BGB). Mais,
dans le cas présent, ce n'est pas la demeure du créancier qui a mis
fin à l'obligation de la défenderesse de payer le loyer, mais bien la
résiliation du bail par dame D., laquelle a pris effet au 30 novembre
1985. Il se justifie d'autant plus de libérer la défenderesse du paiement
du loyer fixé dans le précédent bail que celle-ci a donné le congé en
raison de la cherté dudit loyer. Or, compte tenu du fait qu'il n'était
guère possible d'exiger de la défenderesse qu'elle consigne le matériel et
le mobilier du café, il serait choquant que le créancier, par sa demeure,
puisse faire perdurer une relation contractuelle dont il tire avantage,
indépendamment du fait que le contrat a été résilié.

    b) Il n'empêche que la demanderesse, en intentant un procès, a
manifesté de manière reconnaissable pour la défenderesse, en vertu du
principe de la confiance, qu'elle n'entendait pas lui céder gratuitement
l'usage du matériel d'exploitation précité. Dame D. doit donc verser en
principe une indemnité à la demanderesse, dont le fondement peut découler
d'un contrat, d'un rapport contractuel de fait, voire des dispositions
afférentes à l'enrichissement illégitime.

    aa) Un fondement contractuel ne pourrait se déduire que de la passation
d'un nouveau contrat de bail après celui qui a été résilié au 30 novembre
1985, en considérant, sur la base du principe de la confiance, qu'il y a eu
à ce propos accord de droit (ou normatif) entre parties. Cette hypothèse ne
saurait être retenue en l'espèce. En effet, selon les constatations de la
décision critiquée, qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme
(art. 63 al. 2 OJ), les plaideurs ne se sont entendus ni sur le montant,
ni même sur le principe d'une rémunération pour la cession de l'usage du
matériel du café (cf. ATF 108 II 113).

    bb) Selon la jurisprudence, lorsque au terme du bail le locataire
ne restitue pas la chose louée et continue d'en user, il se crée entre
celui-ci et le propriétaire des rapports de fait assimilables à un contrat
de bail (ATF 63 II 372; cf. également JÖRG SCHMID, Geschäftsführung ohne
Auftrag, p. 586, note de bas de page 140 et les nombreuses références
doctrinales). Le locataire doit alors payer un loyer, qui pour certains
auteurs constitue une obligation contractuelle, pour d'autres une
obligation légale (SCHMID, ibid.).

    Il convient toutefois de ne recourir à la notion de rapport contractuel
de fait que dans des situations particulières, telles celles où un contrat
de durée indéterminée invalide est néanmoins exécuté par les parties qui
ignorent l'existence du vice l'affectant. Cette construction juridique
doit également trouver application lorsqu'une partie obtient sans bourse
délier une prestation qu'elle savait ne devoir être fournie que contre
paiement, cela après avoir été vainement invitée à verser une indemnité. En
transposant ce dernier principe au cas d'un bail à loyer qui a été résilié
sans que la chose louée soit restituée, il appert que le locataire est
tenu d'indemniser le bailleur dans la mesure où ce dernier est privé de
la chose contre sa volonté. En effet, dans cette hypothèse, celui qui est
contraint de céder l'usage d'une chose ne doit pas être traité plus mal
qu'un bailleur. Le Tribunal fédéral, approuvé par la doctrine (KRAMER,
n. 252 ad art. 1 CO), s'est exprimé dans ce sens dans l'ATF 63 II 368,
spéc. 373, non sans se référer au paragraphe 557 du code civil allemand. A
teneur de cette disposition, le locataire qui ne restitue pas la chose
louée à la fin du bail est alors redevable du loyer précédemment convenu
ou d'une indemnité (supérieure) adaptée à l'usage local. Toutefois, selon
la doctrine et la jurisprudence allemandes, la disposition légale précitée
ne saurait s'appliquer si en fait le locataire n'empêche pas le bailleur
d'user de la chose louée, mais qu'au contraire celui-ci n'en demande pas
la remise, notamment parce qu'il est à tort persuadé que le bail n'a pas
pris fin. En d'autres termes, pour que le bailleur soit privé de sa chose
du fait du locataire, encore faut-il que cela soit contre la volonté du
premier (arrêts du Bundesgerichtshof du 22 mars 1960 déjà cité, in NJW
1960 p. 910, et du 13 octobre 1982, in NJW 1983 p. 113; RGRK-GELHAAR, n. 5
ad par. 557 BGB; STAUDINGER/SONNENSCHEIN, n. 25 ad par. 557 BGB). Rien ne
s'oppose à ce que ces principes du droit allemand soient repris en droit
suisse. Il importe en effet que le bailleur en demeure ne puisse imposer
au locataire la continuation d'un bail, que celui-ci a résilié en raison
du montant du loyer, trop élevé à ses yeux.

    En l'espèce, il résulte des faits tenus pour constants que, après
que la défenderesse a résilié le bail avec effet au 30 novembre 1985,
la demanderesse, alors en demeure de reprendre les choses louées, les a
délibérément laissées à la disposition de dame D. Dans ces conditions,
au vu de ce qui précède, l'indemnité que doit verser la défenderesse à
la demanderesse (cf. consid. 3b in initio) ne trouve pas assise dans la
théorie du rapport contractuel de fait.

    cc) Dans le cas présent, c'est en vertu des règles régissant
l'enrichissement illégitime que la défenderesse devra une contrepartie
financière pour avoir continué à utiliser le matériel d'exploitation
du café après l'extinction du bail. Une partie de la doctrine plaide
au demeurant en faveur de l'application des règles légales en cause
(cf. SCHMID, op.cit., ch. 1859, p. 587; KRAMER, n. 24 ad art. 1 CO). Le
bailleur, même en demeure de reprendre la chose, a droit à une indemnité
du fait que l'ancien locataire, en utilisant la chose, s'est enrichi dans
une certaine mesure.

    Cette solution a le mérite d'être en accord avec la notion
d'enrichissement exprimée dans l'ATF 82 II 467 consid. 3. En outre, le
locataire dont il est question doit être considéré comme un possesseur
de mauvaise foi au sens de l'art. 940 CC, car il continue d'utiliser la
chose louée en sachant que le bailleur n'entend pas lui en céder l'usage
gratuitement. Enfin, la jurisprudence et la doctrine allemandes partagent
cette opinion (cf. RGRK-GELHAAR, n. 5 ad par. 557 BGB).

    In casu, l'enrichissement consiste dans le fait que la défenderesse
a été dispensée de se procurer d'une autre manière le matériel
d'exploitation susmentionné. Cet enrichissement correspond à la valeur
locative objective de ce matériel pour la période pendant laquelle il a été
utilisé effectivement. La défenderesse devra donc verser à la demanderesse
un montant calculé selon ces critères du 1er février 1986 - J. S.A. ne
réclame à bon droit pas d'indemnité pour les deux mois précédents -
au 30 juin 1988.

    Le jugement attaqué ne contient aucune constatation quant à la valeur
locative objective du matériel d'exploitation du café. Il convient donc
de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu'elle constate les faits
nécessaires et en tire les déductions juridiques qui s'imposent (art. 64
al. 1 OJ). Il lui appartiendra de rechercher le montant approprié, compte
tenu de la valeur d'usage des installations au 1er février 1986 et de
leur durée de vie.