Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 II 429



119 II 429

86. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 23 septembre 1993 dans
la cause M. contre dame H.-Z. et Cour de justice du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Art. 839 Abs. 2 ZGB, Art. 22 Abs. 4 GBV; Wahrung der Frist zur
Eintragung eines Bauhandwerkerpfandrechtes.

    Solange die provisorische Eintragung des Bauhandwerkerpfandrechtes
im Grundbuch nicht gelöscht ist, wird durch sie die Verwirkungsfrist des
Art. 839 Abs. 2 ZGB gewahrt, sofern die Eintragung innert drei Monaten
nach Vollendung der Arbeiten erfolgt ist.

Sachverhalt

    A.- a) Le 14 avril 1992, M. a requis le Tribunal de première instance
de Genève d'ordonner l'inscription provisoire d'une hypothèque légale
d'entrepreneur sur la parcelle de dame H.-Z.

    Par ordonnance provisoire du même jour, le Tribunal a ordonné la
convocation des parties, autorisé M. à requérir du conservateur du
registre foncier l'inscription provisoire sollicitée, et prescrit enfin
que l'ordonnance déploiera ses effets jusqu'à l'exécution de la décision
à rendre après audition des parties. L'inscription provisoire a eu lieu
le 15 avril 1992.

    b) Statuant le 20 juillet 1992, le Tribunal a débouté l'entrepreneur
des fins de sa requête, et révoqué l'ordonnance provisoire du 14 avril
1992. La Cour de justice a, par arrêt du 15 octobre 1992, confirmé la
décision attaquée.

    B.- Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par
M. et annulé l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Le Tribunal de première instance a estimé que la facture du 18
février 1992, sur laquelle le requérant a fondé ses prétentions, porte sur
des travaux de peinture terminés à 90% le 27 novembre 1991 et des travaux
de plâtrerie principale et complémentaire achevés respectivement les 21
octobre et 6 décembre 1991; le poste "rhabillage", qui est mentionné
sur une fiche de travail du 3 février 1992, correspond à des travaux
accessoires; on ignore enfin en quoi consistent les travaux exécutés le 16
janvier 1992. L'entrepreneur, qui a formé sa requête le 14 avril 1992, n'a
donc pas rendu vraisemblable le respect du délai de l'art. 839 al. 2 CC.

    Selon la Cour de justice, même si les travaux ont bien été achevés
le 3 février 1992, comme l'affirme le requérant, il n'était plus possible
d'inscrire l'hypothèque légale après le 3 mai 1992, le délai péremptoire
de trois mois étant alors échu. Or, si l'inscription a bien été ordonnée
provisoirement en temps utile, elle est caduque depuis le 20 juillet
1992, date à laquelle le Tribunal a révoqué sa première décision et
débouté l'entrepreneur. Et de conclure que l'inscription provisoire du
15 avril 1992 ayant été annulée par le juge de première instance, et le
délai de trois mois depuis la fin des travaux étant amplement dépassé,
il n'est plus possible d'ordonner l'inscription d'une hypothèque légale
d'entrepreneur. La cour cantonale a en outre estimé que l'octroi de
l'effet suspensif au recours n'y aurait rien changé: il n'aurait pas fait
"renaître" l'ordonnance prise le 14 avril 1992, qui a été remplacée par la
nouvelle décision du Tribunal, et dont les effets ont cessé à ce moment-là.

    a) L'inscription de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs
(art. 837 al. 1 ch. 3 CC) doit être "requise au plus tard dans les trois
mois qui suivent l'achèvement des travaux" (art. 839 al. 2 CC). Nonobstant
la version française du texte légal, l'inscription doit être non seulement
"requise", mais aussi opérée au registre foncier dans ce délai (ATF
95 II 22 consid. 1 p. 25, 79 II 424 consid. 6 p. 439 et l'arrêt cité;
SCHUMACHER, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 2e éd., Zurich 1982, no 701;
STEINAUER, Les droits réels, vol. III, Berne 1992, no 2883; SIMOND,
L'hypothèque légale de l'entrepreneur en droit suisse, thèse Lausanne
1924, p. 106 ss). Cette disposition institue un délai de péremption
(ATF 89 II 304 consid. 3 p. 306, 53 II 216 consid. 1 p. 219; STEINAUER,
ibid.; SCHUMACHER, op.cit., no 697), qui peut être sauvegardé par une
inscription provisoire selon l'art. 22 al. 4 ORF (RS 211.432.1) (ATF 95
II 22 consid. 1 p. 25, 89 II 304 consid. 3 p. 306 et les arrêts cités).

    Contrairement à la plupart des délais péremptoires, le respect du
délai de l'art. 839 al. 2 CC ne dépend pas uniquement de l'attitude du
titulaire. La loi exige un résultat déterminé: l'inscription au registre
foncier (SCHUMACHER, op.cit., no 702; WYSS, La péremption dans le Code
civil suisse, thèse Lausanne 1957, p. 116). Aussi la seule réquisition au
juge ou au conservateur dudit registre n'est-elle pas propre à prévenir
la péremption (SCHUMACHER, op.cit., no 703), non plus que l'ouverture
d'une action en reconnaissance de dette (ATF 53 II 216 consid. 1 p. 219;
WYSS, op.cit., p. 93). La sauvegarde des droits de l'entrepreneur dépend
dès lors dans une large mesure de la collaboration et de la diligence
des organes étatiques (sur la responsabilité de l'Etat en cas de retard
dans la procédure d'inscription, SCHUMACHER, op.cit., nos 729 ss, 742
et 743). Ces principes sont valables en matière d'inscription provisoire
(art. 22 al. 4 ORF): si une telle inscription évite la déchéance, encore
faut-il qu'elle intervienne dans le délai légal (ATF 66 II 105 consid. 1
p. 107, 53 II 216 consid. 1 p. 219; WYSS, ibid.).

    b) Selon la jurisprudence constante, un délai de péremption ne
peut être interrompu conformément à l'art. 135 CO (ATF 104 II 357
consid. 4a, 102 II 193 consid. 2b p. 196, 98 II 176 consid. 10 p. 181,
74 II 97 consid. 4 p. 100; BECKER, n. 3 ad Vorbem. zu Art. 127 -
142 OR; WYSS, op.cit., p. 36 ss; NABHOLZ, Verjährung und Verwirkung
als Rechtsuntergangsgründe infolge Zeitablaufs, thèse Zurich 1958,
p. 120 ss). Si l'acte conservatoire que prescrit la loi est accompli, le
délai sera en principe respecté une fois pour toutes; contrairement à la
prescription (cf. art. 138 al. 1 CO; ATF 85 II 504 consid. 3a p. 508/509;
SJ 1973 p. 145, spéc. 149/150 consid. 2b), la péremption ne peut ainsi
intervenir en cours d'instance, et ce même si le délai expire avant la fin
du procès (NABHOLZ, op.cit., p. 77 ch. 3 et 125 ch. 3; WYSS, op.cit., p.
110 ch. 7 et n. 74).

    c) Le 14 avril 1992, le recourant a requis le Tribunal de première
instance d'ordonner l'inscription provisoire d'une hypothèque légale
d'entrepreneur; autorisée le jour même par ordonnance provisoire
(art. 327 LPC/GE), ladite inscription a eu lieu le lendemain. Comme on
l'a vu, elle était propre à sauvegarder le délai de l'art. 839 al. 2 CC,
autant toutefois qu'elle est intervenue dans les trois mois qui suivent
l'achèvement des travaux (cf. let. a, ci-dessus). C'est ce que la Cour
de justice aurait dû examiner.

    Par l'inscription provisoire au registre foncier de son hypothèque
légale, le recourant a en effet sauvegardé le délai de l'art. 839 al. 2
CC et évité la péremption du droit (cf. let. a et b, ci-dessus), du
moins prima facie; vu l'examen sommaire auquel procède le juge (art. 961
al. 3 CC; ATF 102 Ia 81 consid. 2b/bb p. 86; SCHUMACHER, BR 1988 p. 20
ad no 22), le propriétaire grevé a toujours la possibilité d'objecter la
tardiveté dans l'action en inscription définitive (WYSS, op.cit., p. 94
in fine). En l'état, le recourant a néanmoins fait tout ce qui était
nécessaire à la conservation de sa prétention. La cour cantonale ne le
conteste d'ailleurs pas, lorsqu'elle relève que l'inscription a bien été
ordonnée provisoirement dans le délai légal; on ne saurait en revanche
approuver son opinion, selon laquelle cette inscription a été annulée
par l'ordonnance principale (art. 326 LPC/GE) prise le 20 juillet 1992.

    Il est en effet constant que l'inscription provisoire au registre
foncier n'a pas été radiée. Le ch. 3 du dispositif de l'ordonnance
provisoire du 14 avril 1992 mentionnait d'ailleurs expressément que
ladite ordonnance déploierait ses effets jusqu'à l'exécution de la
décision à prendre après audition des parties. Le recourant relève
à bon droit que l'arrêt critiqué est sur ce point en contradiction
avec une décision rendue le 15 septembre 1992; la Cour de justice y a
considéré que, lorsque l'ordonnance principale n'est - comme en l'espèce
- pas exécutée, l'inscription subsiste, et il incombe au propriétaire de
l'immeuble grevé de pourvoir à l'exécution, faute de quoi l'inscription
lui est opposable. L'ordonnance principale du 20 juillet 1992 n'ayant
pas été exécutée, c'est donc à juste titre que le recourant soutient que
l'inscription provisoire du 15 avril 1992 subsiste encore. Si celle-ci
avait été radiée, le recourant aurait dû requérir, par voie de mesures
provisionnelles, la réinscription provisoire de l'hypothèque, dans le
délai prévu par l'art. 839 al. 2 CC (ATF 66 II 105 consid. 2 p. 109;
cf. ég. SCHUMACHER, op.cit., nos 733 et 754).

    d) Encore qu'ils ne soient pas critiqués par le recourant, il
faut relever que les motifs de la cour cantonale à l'appui du rejet de
la requête d'effet suspensif sont erronés. Vu le délai péremptoire de
l'art. 839 al. 2 CC, l'octroi de l'effet suspensif - qui est assimilable à
des mesures provisionnelles (PELET, Réglementation fédérale des mesures
provisionnelles et procédure civile cantonale contentieuse, thèse
Lausanne 1986, p. 11/12 et les références) - constitue le seul moyen
dont dispose l'entrepreneur pour obtenir le maintien de l'inscription
ordonnée préprovisoirement (SCHUMACHER, op.cit., nos 733 et 754,
qui renvoie pertinemment à l'art. 94 OJ). Il ne s'agit pas de faire
"renaître" l'ordonnance provisoire du 14 avril 1992, mais bien de
suspendre l'exécution de l'ordonnance prise le 20 juillet suivant. Le
"caractère négatif de la décision contestée" est dénué de pertinence
lorsque l'inscription provisoire a été opérée. Il est vrai que, selon
l'art. 333 LPC/GE, l'appel en matière de mesures provisionnelles n'a pas
d'effet suspensif; la doctrine admet toutefois que la Cour de justice
puisse néanmoins l'accorder aux conditions prévues par l'art. 327
LPC/GE (MERMOUD, Loi de procédure civile genevoise annotée, Genève
1988, ad art. 333 LPC), sans quoi la garantie offerte aux artisans et
entrepreneurs pourrait être vidée de sa substance en cas de rejet de la
requête d'inscription provisoire.

    e) En conclusion, si la prétention du recourant est périmée, ce serait
uniquement pour le motif que l'inscription provisoire est intervenue
plus de trois mois après la fin des travaux, non pour ceux invoqués dans
l'arrêt attaqué. La Cour de justice devra dès lors examiner ce point,
soulevé en appel par l'entrepreneur.