Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 II 426



119 II 426

85. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 21 septembre 1993 dans
la cause R. G. SA contre P. et Cour civile du Tribunal cantonal du canton
de Vaud (recours de droit public) Regeste

    Art. 837 Abs. 1 Ziff. 3 ZGB, Art. 22 Abs. 4 GBV; vorläufige Eintragung
eines Bauhandwerkerpfandrechtes.

    Es ist nicht willkürlich, dem Architekten das Privileg des
Bauhandwerkerpfandrechtes zu verweigern.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) La cour cantonale a constaté que la jurisprudence du Tribunal
fédéral et la doctrine pratiquement unanime dénient à l'architecte le
droit à l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 al. 1
ch. 3 CC). Elle a estimé en substance que l'architecte, "intellectuel de la
construction", ne façonne pas physiquement l'immeuble et ne fournit donc
pas "des matériaux ou du travail, ou du travail seulement" au sens de la
disposition précitée. Le critère déterminant n'est pas le type de contrat
conclu, mais le genre de travaux effectués: seules entrent en considération
les prestations qui se matérialisent dans la construction. Elle a enfin
refusé d'assimiler la requérante à un entrepreneur total, qui, lui,
façonne physiquement l'immeuble sur la base de plans qu'il a conçus. Dans
ces conditions, l'existence du droit de gage allégué apparaît hautement
improbable, et le procès au fond voué à l'échec; il est dès lors superflu
d'examiner si l'inscription provisoire est intervenue en temps utile.

    La recourante se plaint d'arbitraire et d'inégalité de traitement dans
l'application des art. 837 et 839 CC. Le contrat conclu avec l'intimé
est un contrat d'entreprise portant sur l'élaboration de projets, avec
pour but l'obtention de l'autorisation de construire. L'architecte doit
être compris dans le cercle des bénéficiaires de l'hypothèque légale: il
effectue un travail essentiel pour le futur bâtiment, sans lequel il serait
impossible de commencer à construire. Si un monteur d'échafaudages - dont
le travail n'apparaît pas à la fin de la construction - peut se prévaloir
de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, à plus forte raison l'architecte doit-il
en bénéficier, lui dont les dessins et les projets seront incorporés
dans toutes les parties du bâtiment. La jurisprudence sur laquelle se
fonde la cour cantonale est non seulement ancienne et isolée, mais encore
antérieure à celle qui fait une coupure au sein du contrat d'architecte,
en soumettant aux règles du contrat d'entreprise l'élaboration de projets
et de plans. L'architecte n'est souvent payé qu'après l'obtention de
l'autorisation de construire, de sorte qu'il doit faire crédit à son
client. II y a inégalité de traitement entre l'architecte indépendant et
celui qui intervient comme entrepreneur total, dont même la partie des
honoraires afférente aux plans profite de la garantie légale. De toute
manière, son activité procure une plus-value à l'immeuble.

    b) Dans un arrêt rendu en 1939, le Tribunal fédéral a jugé que
l'architecte ne bénéficie pas de l'hypothèque légale des artisans et
entrepreneurs en garantie de sa créance d'honoraires (ATF 65 II 1).
L'activité de l'architecte ne se matérialise pas dans un travail qui
fasse corps avec la construction, comme les prestations fournies par
les artisans et les entrepreneurs. De par sa situation sociale envers le
maître de l'ouvrage, l'architecte n'a pas besoin - du moins pas autant que
ces derniers - de la protection légale. L'assimilation des architectes aux
artisans et entrepreneurs rendrait nécessaire une interprétation extensive
de la loi, ce qui serait contraire aux intentions du législateur qui a
volontairement exclu cette catégorie des bénéficiaires de l'hypothèque
légale, en raison précisément de leur situation particulière. De lege lata,
le privilège doit être dénié à l'architecte, même si le contrat conclu
avec le maître de l'ouvrage est un contrat d'entreprise (art. 363 ss
CO). Cette opinion, qui n'est pas isolée dans la jurisprudence (BlZR 1980
no 80 consid. 2b; RSJ 1932/33 p. 334 no 57), est approuvée par la doctrine
majoritaire (voir notamment: SCHUMACHER, Das Bauhandwerkerpfandrecht,
2e éd., Zurich 1982, no 180 ss; STEINAUER, Les droits réels, vol. III,
Berne 1992, no 2865b; ZOBL, Das Bauhandwerkerpfandrecht de lege lata
und de lege ferenda, RDS 1982 II p. 90 et les références en n. 409;
GAUCH, Der Werkvertrag, 3e éd., Zurich 1985, no 885; TUOR/SCHNYDER,
Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 10e éd., Zurich 1986, p. 750;
RIEMER, Die beschränkten dinglichen Rechte, Berne 1986, § 25 III no 15;
SIMONIUS/SUTTER, Die beschränkten dinglichen Rechte, Bâle 1990, § 8 IV
no 36; OR-ZINDEL/PULVER, n. 29 ad Vorbem. zu Art. 363-379 OR; déjà dans
ce sens: VOLMAR, Die Sicherstellung der Forderungen der Bauhandwerker im
schweizerischen Zivilgesetzbuche, in Gewerbliche Zeitfragen, Heft XXVI,
2e éd., Berne 1912, p. 15 et la référence à WIELAND, n. 7b ad art. 837
CC; contra: LEHNER, Das Objekt des Bauhandwerkerpfandrechtes nach dem
Schweizerischen Zivilgesetzbuch, RSJ 1961 p. 136 let. b; cf. DE HALLER,
L'hypothèque légale de l'entrepreneur, RDS 1982 II p. 221 n. 68, pour
qui le rôle de l'architecte "nécessiterait probablement un réexamen"
de la question, et la critique de GAUTSCHI, n. 43c ad art. 394 CO,
à l'égard du législateur).

    Cette solution n'est pas remise en cause par la jurisprudence récente
selon laquelle le contrat qui porte sur l'établissement de projets et
de plans est régi par les dispositions sur le contrat d'entreprise (ATF
114 II 53 consid. 2b, 110 II 380 consid. 2, 109 II 34 consid. 3b et 462
consid. 3b et c; cf. FELLMANN, n. 177 ad art. 394 CO et les références;
contra: ATF 98 II 305 consid. 3b). En effet, d'une part, en 1939 déjà,
le Tribunal fédéral soumettait ces prestations au contrat d'entreprise
(ATF 63 II 176 et les références, 64 II 9 consid. 2); d'autre part, comme
on l'a vu, il a dénié à l'architecte le bénéfice de l'hypothèque légale
des artisans et entrepreneurs même si le contrat conclu avec le maître de
l'ouvrage relève des art. 363 ss CO (ATF 65 II 1/2). L'arrêt de principe -
certes ancien - conserve donc toute sa valeur. Il est vrai qu'ABRAVANEL,
examinant les effets des règles du contrat d'entreprise appliquées, selon
la dernière jurisprudence, aux plans et projets de l'architecte, admet que,
dans cette optique, ce dernier aurait droit à l'hypothèque légale selon
l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC (La qualification du contrat d'architecte, in Le
droit de l'architecte, 2e éd., Fribourg 1989, no 111; cf. ég. a contrario,
GAUTSCHI, n. 21c ad art. 371 CO). Mais l'auteur - qui persiste à soutenir
que cette activité ressortit au mandat (no 100 ss) - ne fait aucun cas
des considérations qui précèdent. Au demeurant, ni cette opinion, ni le
fait que diverses législations étrangères accordent à l'architecte le
bénéfice de l'hypothèque légale (sur ce point, cf. ZOBL, op.cit., p. 65
ss et 99 let. C), ne suffisent à fonder le grief d'arbitraire à l'endroit
de la solution contraire, retenue par la Cour civile. La recourante se
borne d'ailleurs essentiellement à opposer sa thèse à celle de la cour
cantonale, sans démontrer en quoi sa décision serait arbitraire (art. 90
al. 1 let. b OJ; ATF 117 Ia 10 consid. 4b).

    Vu ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les
arguments de la recourante relatifs à la plus-value que l'intervention de
l'architecte procurerait à un immeuble. Il suffit de constater qu'elle
n'a pas démontré que l'autorité cantonale est tombée dans l'arbitraire
en fondant sa décision sur la jurisprudence du Tribunal fédéral et la
doctrine dominante (cf. ATF 115 III 125 consid. 3 p. 130). Le recours
est dès lors mal fondé dans la mesure de sa recevabilité.