Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 II 421



119 II 421

84. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 2 septembre 1993 dans la
cause P. contre L. (recours en réforme) Regeste

    Grundpfandrecht der Bauhandwerker und Unternehmer (Art. 837 Abs. 1
Ziff. 3 ZGB). Zerstückelung des belasteten Grundstücks (Art. 833 ZGB und
87 GBV).

    Gegenstand und Wirkungen des gesetzlichen Grundpfandrechts. Das
Verbot der Errichtung eines gesetzlichen Gesamtpfandrechts für Arbeiten
auf mehreren Grundstücken des gleichen Eigentümers kommt im Falle
einer Zerstückelung oder Vergrösserung der Parzelle nach Eintragung des
Pfandrechts nicht zur Anwendung (E. 2). Die Pfandhaft ist verhältnismässig
auf die neu gebildeten Grundstücke zu verteilen, falls diese veräussert
werden; bleibt das Eigentum bei der gleichen Person, ist sie auf jedes
der neuen Grundstücke zu übertragen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- P. est propriétaire des parcelles contiguës nos 1872 et 2454, la
première d'une surface de 267 m2, comprenant une habitation-grange-écurie
(153 m2) et un jardin-place (114 m2), la seconde d'une surface de 25 m2
en nature de passage.

    Au début de 1983, P. a commandé à L. des travaux en vue de transformer
en habitation la grange située sur la parcelle no 1872. Au mois de mai
de la même année, elle a toutefois interrompu ces travaux. Sur requête
de L., le conservateur du registre foncier a procédé, le 24 août 1983,
à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et
entrepreneurs sur ladite parcelle, à concurrence de 18'300 francs.

    B.- Par jugement du 24 septembre 1992, le Tribunal cantonal du
canton du Valais a condamné P. à verser à L. une somme de 17'476 fr. 50
avec intérêts à 5% l'an dès le 23 juillet 1983 et ordonné l'inscription
définitive de l'hypothèque légale sur les parcelles nos 1872 et 2454.

    Le 24 août 1988, en cours de procédure, P. avait en effet requis
le conservateur du registre foncier, qui a donné suite à sa demande,
de modifier la limite séparant les deux biens-fonds. Depuis cette date,
la parcelle no 1872 ne comprend plus que la grange (43 m2) sur laquelle
les travaux ont porté et une place (3 m2); la parcelle no 2454 contient
pour sa part une habitation (74 m2) et un jardin (172 m2). Ce changement
de limite a eu pour effet de diminuer de 221 m2 la superficie de l'ancienne
parcelle no 1872.

    C.- Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral,
P. a demandé que l'inscription définitive de l'hypothèque légale ne grève
que la parcelle no 1872.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable et a confirmé le jugement attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, les artisans et entrepreneurs
employés à des bâtiments ou autres ouvrages peuvent requérir l'inscription
d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des
matériaux et du travail ou du travail seulement, en garantie de leurs
créances contre le propriétaire ou un entrepreneur.

    Il ressort de cette disposition que l'objet du droit de gage est
constitué par l'immeuble sur lequel ont porté les travaux du créancier
qui demande l'inscription de l'hypothèque légale (PAUL-HENRI STEINAUER,
Les droits réels, t. 3, Berne 1992, p. 216 n. 2874, ainsi que les auteurs
cités, notamment RAINER SCHUMACHER, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 2e
éd. 1982, no 315 et DIETER ZOBL, Das Bauhandwerkerpfandrecht de lege lata
und de lege ferenda, in RDS 101/1982 II, p. 120). L'étendue de la garantie
se détermine d'après les règles générales des art. 805 ss (STEINAUER,
op.cit., p. 216 n. 2874e); ainsi, le gage frappe tout l'immeuble avec ses
parties intégrantes et ses accessoires (art. 805 al. 1 CC). Il n'est pas
limité à la seule plus-value des travaux effectués par l'entrepreneur qui
requiert l'inscription du droit de gage. Il porte sur la valeur économique
de tout l'immeuble, y compris celle du terrain (SCHUMACHER, op.cit.,
nos 317 et 322). La plus-value résultant des travaux de l'entrepreneur
au bénéfice d'une hypothèque légale n'entre en considération que
pour déterminer l'étendue du privilège dont celui-ci jouit, en cas de
réalisation du gage, par rapport aux autres créanciers de rang antérieur
(art. 841 CC).

    L'hypothèque des artisans et entrepreneurs est une hypothèque légale
indirecte dont l'inscription produit les effets ordinaires du droit de gage
immobilier en général et de l'hypothèque en particulier. Les dispositions
générales des art. 824 à 835 CC lui sont applicables (SCHUMACHER, op.cit.,
no 325). Ainsi, si une partie de l'immeuble grevé est vendue, le gage doit
en principe être reporté proportionnellement à la valeur des différentes
nouvelles parcelles (art. 833 al. 1 CC; ATF 68 II 200). En revanche,
si les biens-fonds issus de la division restent dans la propriété de la
même personne ou si les propriétaires des nouvelles parcelles s'engagent
à payer la totalité de la dette garantie comme débiteurs solidaires de
celle-ci, le droit de gage doit en principe être reporté dans sa totalité
sur tous les nouveaux immeubles (STEINAUER, op.cit., p. 110 no 2660a,
p. 112 no 2664a et p. 136 nos 2708 et 2709; art. 87 al. 1, 1re phrase, ORF
[RS 211.432.1]). Dans cette seconde hypothèse, il y a constitution d'un
droit de gage collectif, ce qui est admissible (art. 798 al. 1 CC). Cette
solution protège ainsi le créancier gagiste du risque que sa garantie
soit compromise en raison de la diminution de la valeur de l'immeuble
grevé avant de pouvoir faire valoir ses droits. Elle ne contredit pas la
jurisprudence du Tribunal fédéral qui ne reconnaît pas à l'entrepreneur
le droit de requérir l'inscription d'une hypothèque légale collective
en raison de travaux effectués sur plusieurs immeubles appartenant au
même propriétaire (ATF 102 Ia 81 consid. 2b/aa p. 85/86; STEINAUER,
op.cit., p. 218 nos 2876 s.; SCHUMACHER, op.cit., nos 329 ss et 388 ss). La
situation est différente lorsque, comme en l'espèce, l'hypothèque légale
est déjà inscrite au moment où le propriétaire divise le fonds grevé.

    Il en va de même de l'agrandissement d'une parcelle grevée d'un droit
de gage par l'acquisition ou la réunion d'un autre terrain, agrandissement
qui ne peut être inscrit au registre foncier que si l'opération est
accompagnée d'un report du gage sur la totalité de la nouvelle parcelle
(PASCAL SIMONIUS/THOMAS SUTTER, Schweizerisches Immobiliarsachenrecht,
vol. II, Bâle 1990, p. 164/165).

Erwägung 3

    3.- Le Tribunal cantonal a considéré que la modification de limite
entre les deux parcelles contiguës propriété de la recourante, intervenue
en cours de procédure, correspondait à une division de l'immeuble grevé
et que la règle générale relative au parcellement (art. 833 CC et 87 ORF)
devait être appliquée à cette opération; comme les nouvelles parcelles
issues de la division appartenaient à la même propriétaire, le droit
de gage ne devait pas être réparti, mais reporté sur chaque nouveau
bien-fonds. Au surplus, le procédé en cause constituait un abus de
droit, car il ne pouvait avoir d'autre but que de diminuer la garantie
de l'entrepreneur.

    La recourante fait grief au Tribunal cantonal de n'avoir pas examiné
"avec le détail voulu" certaines pièces du dossier, ce qui l'aurait
conduit à retenir à tort qu'elle avait l'intention de diminuer les
garanties accordées à l'entrepreneur. Elle soutient en outre que,
l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs étant intimement liée
à la plus-value apportée à l'immeuble par les travaux, le droit de gage
ne devrait porter que sur la parcelle ayant bénéficié de la plus-value,
dès lors que celle-ci est définie juridiquement. Admettre le contraire
reviendrait à donner à l'entrepreneur la possibilité de réaliser les
biens-fonds grevés pour une valeur dépassant le montant de l'hypothèque.

    a) Lorsqu'elle reproche au premier juge de n'avoir "pas examiné, dans
le détail voulu, les pièces justificatives qui ont permis au conservateur
du registre foncier de constituer les deux nouvelles parcelles" et
d'avoir retenu une intention abusive de sa part, la recourante critique
l'appréciation des preuves faite par le tribunal. Un tel grief est
irrecevable en instance fédérale de réforme (ATF 117 II 256 consid. 2a
p. 257/258, 609 consid. 3c p. 613). Au reste, la recourante ne nie pas
que la modification de la limite entre les deux parcelles contiguës a
bien été requise et inscrite au registre foncier en 1988, soit en cours
de procédure, ce qu'a constaté l'autorité cantonale.

    Quoi qu'il en soit, cette question n'est pas déterminante.

    b) En effet, le déplacement de la limite entre les deux fonds contigus
résulte d'une division de l'ancien article no 1872 (267 m2), provisoirement
grevé, qui a été amputé d'une surface de 221 m2, et d'une réunion de
celle-ci à l'ancien article no 2454, dont la superficie (25 m2) a ainsi
passé à 246 m2. Comme on l'a vu, cette opération ne pouvait être inscrite
au registre foncier qu'à la condition que le gage légal fût reporté sur
les nouvelles parcelles. Il n'y avait pas lieu à répartition du gage, dès
lors que la recourante restait propriétaire des biens-fonds. En ordonnant
l'inscription définitive de l'hypothèque légale sur les deux parcelles,
le tribunal s'est donc conformé au principe juridique rappelé plus haut
et son jugement échappe à toute critique.

    Certes, l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs a pour
justification la plus-value que les travaux ont apportée à l'immeuble
sur lequel ils ont été entrepris. Le privilège qui y est attaché ne
peut exister que pour les travaux effectués et les matériaux fournis à
un immeuble déterminé (ATF 102 Ia 81 consid. 2b/aa p. 85). Il découle
de ce principe que l'inscription du gage légal ne peut porter que sur
l'immeuble qui a bénéficié des travaux et dans la mesure de la plus-value
qui en résulte. Cela vaut notamment en cas de remaniement parcellaire
(ATF 95 II 22), de constitution de propriété par étages (ATF 112 II 214)
ou encore lorsque les travaux ont porté sur plusieurs immeubles (ATF
102 Ia 81). Mais la situation est différente lorsque le gage est déjà
inscrit, même provisoirement, au moment où le propriétaire décide de
diviser l'immeuble grevé, comme dans le cas particulier. L'inscription
de l'hypothèque légale ayant pour effet de constituer le droit de gage
(SCHUMACHER, op.cit., nos 738 et 741), il convient d'en maintenir tous les
effets, notamment celui de l'étendue de la garantie accordée. Dès lors, il
se justifie soit de répartir proportionnellement à la valeur estimative des
divers immeubles la créance garantie en cas d'aliénation, soit de reporter
le droit de gage grevant l'immeuble primitif sur les nouveaux immeubles
si ceux-ci demeurent en main du même propriétaire et débiteur (art. 87
al. 1, 1re phrase, ORF). C'est cette solution qu'a retenue avec raison
l'autorité cantonale. Il est vrai que la réunion de la parcelle détachée de
l'article no 1872 à la parcelle no 2454 a eu pour conséquence d'augmenter
la garantie de l'entrepreneur, du fait de l'accroissement de la surface
totale grevée. Outre que cet accroissement est très modeste (25 m2),
il est la conséquence de l'opération décidée par la propriétaire elle-même.

    Le raisonnement de la recourante, qui voudrait en réalité limiter
le gage au seul bâtiment ayant bénéficié des travaux, ne saurait être
suivi, car il permettrait au propriétaire de porter atteinte de manière
inadmissible à l'existence du droit de gage et à l'étendue de la garantie
accordée à l'entrepreneur. Il repose d'ailleurs sur l'idée fausse que
le gage légal ne porte que sur le bâtiment sur lequel l'entrepreneur a
effectué des travaux. Comme on l'a vu, la garantie s'étend à toute la
parcelle et comprend la valeur du terrain sur lequel la construction
se trouve.

    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté et
la décision attaquée confirmée. Cela étant, la cour peut se dispenser
d'examiner si le procédé utilisé par la recourante est constitutif d'un
abus de droit, ainsi que le tribunal l'a admis par surabondance.