Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 IA 81



119 Ia 81

13. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 6 mai 1993
dans la cause A., société en nom collectif, contre Commission cantonale
d'arbitrage en matière de conflits du travail du canton du Valais (recours
de droit public) Regeste

    Art. 6 Ziff. 1 EMRK; Art. 29 ff. des Arbeitsgesetzes des Kantons Wallis
(ArbG).

    1. Die staatsrechtliche Beschwerde ist im vorliegenden Fall zulässig
(E. 1a).

    2. Der Begriff des "unabhängigen und unparteiischen Gerichts" im
Sinne von Art. 6 Ziff. 1 EMRK (E. 3).

    3. Das Schiedsgericht ist ein Spezialgericht, welches hinsichtlich
seiner Zusammensetzung, der Ernennung seiner Mitglieder und seiner
Organisation den Anforderungen von Art. 6 Ziff. 1 EMRK entspricht (E. 4a).

    4. Im vorliegenden Fall verletzte die Prozessführung Art. 6 Ziff. 1
EMRK nicht; insbesondere hat die Funktion des Gerichtsschreibers in diesem
Verfahren die Unabhängigkeit und Unparteilichkeit des Schiedsgerichts
nicht verletzt (E. 4b).

Sachverhalt

    A.- Le 8 mai 1991, Dame T. s'est adressée au Service social de
protection des travailleurs et des relations du travail du canton du
Valais (ci-après: le Service) au sujet du conflit l'opposant à son
employeur, la société en nom collectif A. Elle a requis l'intervention
de la Commission cantonale d'arbitrage en matière de conflits du travail
(ci-après: la Commission d'arbitrage), en signant un formulaire officiel
dûment rempli à la main par le fonctionnaire B. qui la recevait. Ce
fonctionnaire a cité les parties pour une audience de conciliation qui
s'est tenue sous son autorité le 17 juin 1991 et n'a pas abouti. Il a
conduit l'instruction puis convoqué les parties pour le débat final fixé
au 22 octobre 1991 devant la Commission d'arbitrage dont il a assumé
le greffe. Dans sa décision rendue à l'issue des débats, la Commission
d'arbitrage a rejeté les exceptions préjudicielles de la défenderesse
concernant l'indépendance de la Commission d'arbitrage et la récusation
du greffier. Elle a condamné la défenderesse à payer d'une part à la
demanderesse un montant de 9'183.10 francs et d'autre part à la Caisse
publique cantonale valaisanne de chômage un montant de 6'124.95 francs
avec intérêts à 5% l'an dès le 30 septembre 1991.

    Le Tribunal cantonal du Valais a déclaré irrecevable l'appel interjeté
par la société A. contre cette décision.

    Simultanément à l'appel cantonal, la société A. a formé un recours
de droit public dans lequel elle conclut à l'annulation de la décision
rendue le 22 octobre 1991 par la Commission d'arbitrage.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en ce qui concerne le grief
tiré de la violation de l'art. 6 par. 1 CEDH.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) Instituée par les art. 29 à 34 de la loi valaisanne du 16
novembre 1966 sur le travail (RSV no 1751; LTr), la Commission d'arbitrage
est compétente pour trancher les contestations de droit civil résultant du
contrat de travail soumises à la procédure sommaire par le droit fédéral
(art. 29, 1re phrase LTr), soit tous les litiges résultant du contrat
de travail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 20'000 francs et
dont l'art. 343 al. 2, 1re phrase CO exige qu'ils soient soumis à une
procédure simple et rapide. En dépit de ce que pourrait laisser penser
la désignation de cette autorité, elle n'est pas un tribunal arbitral,
mais un tribunal étatique. Elle statue en instance unique et le recours
en réforme est exclu en vertu de l'art. 48 al. 2 OJ (ATF 115 II 367-369
consid. 2). C'est donc avec raison que la recourante agit par la voie du
recours de droit public.

    Le grief tiré d'une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH ayant été soulevé
devant l'autorité intimée, le recours répond à toutes les exigences
de l'épuisement des instances cantonales au sens de l'art. 86 al. 1 OJ
(cf. ATF 117 Ia 495 consid. 2a).

Erwägung 3

    3.- La recourante considère que la Commission d'arbitrage ne répondrait
pas aux exigences du droit conventionnel à cause de sa subordination
hiérarchique au gouvernement cantonal qui en désigne les membres, et du
rôle joué par son greffier dans le déroulement de la procédure.

    Aux termes de l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce
que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi,
qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle.

    Est un "tribunal", au sens de cette norme, une autorité qui se
caractérise par son rôle juridictionnel, consistant à résoudre le litige
sur la base de normes juridiques à l'issue d'une procédure organisée
(ATF 115 Ia 186 consid. 4a, et les arrêts cités; cf. aussi ACEDH Sramek
du 22 octobre 1984, Série A, vol. 84 par. 36). L'institution de tribunaux
spéciaux n'est pas en soi contraire à l'art. 6 par. 1 CEDH, pour autant que
leur compétence et leur organisation sont régies par un arrêté de portée
générale et que des motifs objectifs justifient leur mise en oeuvre et
leur composition (ATF 117 Ia 381 consid. 4b).

    L'indépendance et l'impartialité à l'égard des autres pouvoirs d'Etat
et des parties que requiert le droit conventionnel de même que l'art. 58
Cst. (ATF 115 Ia 187 consid. 4b, 114 Ia 54) doivent être favorisées par
des règles organiques, telles que le statut personnel des membres de la
juridiction concernée et les règles de procédure qu'elle doit suivre pour
rendre ses décisions (ACEDH Belilos, du 29 avril 1988, Série A, vol. 132
par. 64, Langborger, du 22 juin 1989, Série A, vol. 155 par. 32). Le
tribunal doit statuer sans recevoir d'instructions ou de recommandations
(ACEDH Campbell et Fell, du 28 juin 1984, Série A, vol. 80 par. 79, Ettl
et consorts, du 23 avril 1987, Série A, vol. 117 par. 38). L'apparence
d'indépendance et d'impartialité aux yeux des parties est un élément
décisif (ACEDH Sramek, cité, par. 42; Campbell et Fell, cité, par.
78 et 81; Belilos, cité, par. 67). Que le tribunal compte en son sein
des assesseurs spécialisés ou des échevins n'est, en soi, pas de nature
à remettre en cause son indépendance (ATF 117 Ia 381 consid. 4b, 115
Ia 230 consid. 7a/bb; ACEDH Ringeisen du 16 juillet 1971, Série A,
vol. 13 par. 95-97, Ettl et consorts, cité, par. 40, et Langborger,
cité, par. 34). Celle-ci est toutefois compromise lorsqu'un fonctionnaire
siégeant au sein du tribunal est subordonné à l'une des parties, en raison
notamment d'un état de subordination de fonctions et de services (ACEDH
Sramek, cité, par. 41-42; Ettl et consorts, cité, par. 38). Pour ce qui
concerne le domaine pénal visé par l'art. 6 par. 1 CEDH, le Tribunal
fédéral a jugé que la disposition du droit cantonal selon laquelle le
greffier fonctionne successivement au cours de l'enquête pénale puis au
sein de l'autorité de jugement viole la Convention, tout au moins dans la
mesure où elle permet à un greffier juriste qui a participé à des actes
importants de l'instruction de siéger au sein d'un tribunal composé en
majorité de laïcs et de rédiger le jugement (ATF 115 Ia 227 ss consid. 7).

    Le droit à un juge indépendant et impartial fait aussi obstacle
à ce que des circonstances extérieures au procès puissent influer sur
le jugement d'une manière qui ne serait pas objective, en faveur ou au
préjudice d'une partie: celui qui se trouve sous de telles influences ne
peut être un "juste médiateur". Cette garantie est assurée en premier lieu
par les règles cantonales relatives à la récusation. Mais, indépendamment
de ces dispositions cantonales, la Convention et la Constitution
garantissent à chacun que seuls des juges qui ne font pas d'acception
de personne statuent sur son litige, en d'autres termes des juges qui
offrent la certitude d'une appréciation indépendante et impartiale. Si
la simple affirmation de la partialité ne suffit pas, mais doit reposer
sur des faits objectifs, il n'est pas nécessaire non plus que le juge
soit effectivement prévenu à l'égard d'un des plaideurs; la suspicion
est déjà légitime si elle se fonde sur des apparences résultant des
circonstances de l'espèce examinées objectivement (ATF 117 Ia 325/326,
116 Ia 18/19 consid. 4, 390/391 consid. 2a, 115 Ia 175 consid. 3, 226
consid. 5, et les arrêts cités). Cette apparence de prévention résultera
par exemple de déclarations, faites avant la délibération du tribunal,
qui laisseraient à penser que le juge s'est déjà formé une opinion sur
l'issue à donner au litige (ATF 115 Ia 181).

Erwägung 4

    4.- Il convient d'examiner, en premier lieu, si le système établi
par le législateur valaisan aux art. 29 à 34 LTr répond à ces exigences
et, en second lieu, si celles-ci ont été respectées en l'espèce. Ces
garanties sont applicables au litige dont le règlement est prévu dans
ces dispositions du droit cantonal, car les différends relatifs à la
résiliation d'un contrat de travail portent sur des droits de caractère
civil au sens du droit conventionnel (ACEDH Bucholz du 6 mai 1981, Série
A, vol. 42 par. 46), et l'application de l'art. 6 par. 1 CEDH en Suisse
ne fait plus l'objet d'aucune réserve (arrêt F., du 17 décembre 1992,
destiné à la publication).

    a) La Commission d'arbitrage est composée d'un président, juriste
de formation, d'un assesseur patronal et d'un assesseur ouvrier, ainsi
que de trois suppléants. Il s'agit là d'un tribunal spécial établi
par la loi pour trancher les contestations qui sont portées devant lui
suivant une procédure orale et accélérée et en principe dans les trente
jours. Nul ne prétend que la présence, aux côtés du président juriste,
de deux assesseurs proposés respectivement par les milieux d'employeurs
et d'employés soit de nature à porter atteinte à l'indépendance et
à l'impartialité de cette juridiction. Les membres de celle-ci sont
nommés par le Conseil d'Etat, et cela pour la période administrative
de quatre ans. Ce mode de nomination et la soumission à réélection au
terme d'un délai relativement court ne suffisent pas pour conclure à la
subordination de la Commission d'arbitrage à l'égard du Conseil d'Etat. On
doit en effet présumer la capacité des membres d'un tribunal de s'élever
au-dessus de telles contingences lorsqu'ils sont appelés à rendre des
décisions concrètes dans l'exercice de leur charge. Au demeurant, l'Etat
n'est partie à la procédure. Qu'il soit investi des tâches de protection
des travailleurs n'est nullement décisif puisque la Commission d'arbitrage
statue en toute indépendance, sans recevoir d'instructions et en appréciant
librement les questions pertinentes de fait et de droit qui se posent à
elle (art. 32 al. 6 LTr). Il est, partant, sans importance qu'elle ait
son siège dans les locaux du Service de protection des travailleurs,
que ses décisions soient rédigées sur un papier portant l'en-tête du
Département compétent dans ce domaine et que son compte bancaire soit
le même que celui de ce dernier. Ce sont là des modalités pratiques
d'organisation dans lesquelles on ne saurait voir un indice déterminant
d'une subordination quelconque dans l'exercice de tâches juridictionnelles.

    Le secrétariat de la Commission d'arbitrage est assuré par
le Service de protection des travailleurs auquel sont confiées la
conciliation et l'instruction des causes. Selon une pratique constante,
les requêtes sont elles-mêmes dressées sur un formulaire que remplit le
secrétaire sur la base des indications qui lui sont données par la partie
demanderesse. Lorsque la conciliation échoue, le secrétariat invite les
parties à formuler d'une manière précise l'objet de leur réclamation
et procède d'office à toutes les enquêtes nécessaires pour établir les
faits pertinents. Il peut lui-même ordonner une expertise, s'il l'estime
nécessaire, et préciser les points sur lesquels les experts doivent
donner leur avis. Cette procédure est orale, accélérée et gratuite. A
l'issue de l'échange des écritures ou de l'instruction, les parties sont
convoquées par le secrétariat, pour le jugement, devant la Commission
d'arbitrage. Celle-ci, qui apprécie librement les preuves, n'est pas
liée par les "offres" des parties. Elle rend son jugement conformément
aux art. 270 et 270bis CPC/VS. Le jugement est rédigé par le secrétariat
du Service représenté par le fonctionnaire qui a conduit la procédure
jusque-là. Ce fonctionnaire a la charge de greffier, et, dans la plupart
des cas, le rôle de rapporteur. Les tâches confiées à ce fonctionnaire
sont donc importantes et peuvent être comparées, jusqu'au moment où les
parties sont citées devant l'autorité de jugement, à celles qu'exerce
en matière pénale un juge d'instruction. Il n'est de surcroît pas exclu
que ce fonctionnaire joue un rôle déterminant dans la formation de la
décision de la Commission d'arbitrage lorsque celle-ci le désigne comme
rapporteur. Cette circonstance ne serait pas admissible dans un procès
pénal où l'Etat, dont ce fonctionnaire est l'agent, est partie comme
responsable de l'accusation (cf. ATF 115 Ia 224). Mais dans une procédure
civile conduite entre des particuliers, ces circonstances ne permettent
pas de conclure à la partialité de l'autorité de jugement, même s'il
n'est pas clair, selon le texte de l'art. 32 al. 6 LTr, que la Commission
d'arbitrage administre elle-même des preuves complémentaires comme le
font les tribunaux civils ordinaires sur la base de l'art. 268 CPC/VS.

    Il résulte de ce qui précède que la procédure sommaire exigée par
le droit fédéral pour les contestations de droit civil résultant d'un
contrat de travail dont la valeur litigieuse n'excède pas 20'000 francs
n'est pas contraire à l'art. 6 par. 1 CEDH telle qu'elle a été aménagée
par le législateur valaisan aux art. 29 à 34 LTr.

    b) En l'espèce, le secrétariat a conduit toute la procédure antérieure
au débat final et a fonctionné au cours de celui-ci en qualité de greffier
auprès de l'autorité de jugement.

    Ce fonctionnaire - qui n'est pas juriste de formation - a reçu la
demanderesse qui s'adressait au Service pour contester la résiliation
de son contrat de travail. C'est sur les indications de celle-ci qu'il a
rempli le formulaire officiel de requête à la Commission d'arbitrage. Aucun
élément du dossier ne permet de dire que, ce faisant, il ait conseillé la
demanderesse sur des questions matérielles ou qu'il ait pris parti d'emblée
pour la thèse qu'elle défendait. La teneur de la formule officielle fait
au contraire apparaître qu'il a simplement mis en forme les prétentions
exposées dans la lettre que la demanderesse avait adressée à son employeur
après son licenciement jugé abusif. Son intervention, à ce stade, n'excède
pas son obligation légale de faciliter l'accès des citoyens à la justice
dont le fonctionnement est réglé par les art. 29 à 34 LTr.

    Ce secrétaire a ensuite présidé l'audience de conciliation qui a
échoué. Il semble avoir, en cette circonstance, exprimé l'avis que, sur
le fond, la demanderesse devait obtenir gain de cause. La forme exacte de
cette déclaration n'est pas connue. Quoi qu'il en soit, l'indépendance
et l'impartialité d'une autorité de jugement ne sont pas nécessairement
affectées par les déclarations qui sont faites par le magistrat qui
dirige la procédure lorsque intervient une tentative de conciliation
ou de liquidation transactionnelle d'un différend civil. Il est normal
que le magistrat dont les parties attendent souvent qu'il les aide à
rechercher une solution amiable à leur litige émette son point de vue
sur les chances de succès des thèses respectives qu'elles soutiennent
dans la procédure. Dans les circonstances ordinaires, un tel avis n'est
pas de nature à faire naître dans l'esprit d'une partie que le juge ne
la traitera pas en toute impartialité.

    La manière dont la suite de la procédure a été conduite n'autorise
pas davantage le Tribunal fédéral à dire que le greffier a manqué à
l'objectivité dont il avait le devoir de faire preuve, au point que la
Commission d'arbitrage auprès de laquelle il a fonctionné en ait perdu
l'indépendance et l'impartialité requises par l'art. 6 par. 1 CEDH.

    Le grief tiré de cette disposition n'est donc pas fondé.