Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 IA 254



119 Ia 254

30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 20 août 1993 dans
la cause X, Y, Z et le Syndicat suisse des services publics (SSP) contre
le Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV; Waadtländer Dekret über die Anpassung der Beamtengehälter
an die Teuerung; Rückwirkung.

    1. Anforderungen an die Begründung einer staatsrechtlichen Beschwerde,
welche sich gegen einen kantonalen Erlass richtet (E. 2e).

    2. Voraussetzungen, unter denen die Rückwirkung einer Norm zulässig
ist (E. 3). Ausnahmefall, in dem es zulässig ist, das noch nicht in Kraft
getretene Recht anzuwenden; Begriff der Vorwirkung von Erlassen (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Sous la note marginale "Adaptation au renchérissement", l'art. 54
de la loi vaudoise du 9 juin 1947 sur le statut général des fonctions
publiques cantonales - dans sa teneur du 16 décembre 1991 - dispose:

    "Le Conseil d'Etat adapte les traitements au coût de la vie le 1er
   janvier de chaque année, sur la base de l'indice des prix à la
   consommation du mois d'octobre de l'année écoulée. Dans cette mesure, il
   est compétent pour modifier l'échelle des traitements figurant à l'art.

    49."

    Le 15 décembre 1992, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté un
décret sur l'adaptation au renchérissement dont la teneur est la suivante:

    "Article premier. - L'application de l'article 54 de la loi du 9 juin

    1947 sur le statut général des fonctions publiques cantonales est
   suspendue pour l'année 1993, de sorte que les traitements ne sont pas
   adaptés au coût de la vie le 1er janvier 1993.

    Une adaptation partielle correspondant à l'éventuelle augmentation en

    1993 de la part des cotisations de l'assurance-chômage fédérale à
la charge
   des travailleurs est toutefois accordée dès l'entrée en vigueur de
   cette augmentation.

    Cette adaptation est limitée à la part du salaire assurée à
   l'assurance-chômage.

    Les pensions versées aux retraités de l'Etat de Vaud ne sont pas
   affectées par le présent décret.

    Art. 2. - Sous réserve des dispositions constitutionnelles, le présent
   décret entrera en vigueur le 1er janvier 1993.

    Art. 3. - Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution du présent
décret.

    Il en publiera le texte conformément à l'article 27, chiffre 2, de la

    Constitution cantonale et le mettra en vigueur, par voie d'arrêté,
   conformément à l'article 2 ci-dessus."

    Ce décret a été publié dans la Feuille des avis officiels du canton
de Vaud du 29 décembre 1992; le délai référendaire expirait le 7 février
1993, conformément à l'art. 27 ch. 2 de la Constitution vaudoise (Cst./VD)
aux termes duquel "12'000 citoyens actifs peuvent demander que soit soumis
au vote du peuple une loi ou un décret, dans les quarante jours après
sa publication dans la "Feuille des Avis officiels" du canton de Vaud
... les lois ou décrets soumis au référendum ne sont pas mis en vigueur
avant l'expiration du délai de quarante jours, ou, le cas échéant, avant
la votation populaire."

    Le référendum n'ayant pas été demandé, le Conseil d'Etat a, par
arrêté du 12 février 1993 publié dans la Feuille des avis officiels du
19 février 1993, promulgué le décret du 15 décembre 1992 sur l'adaptation
au renchérissement et l'a mis en vigueur avec effet au 1er janvier 1993.

    En janvier 1993 déjà, les fonctionnaires vaudois, dont X, Y, Z,
n'ont pas touché l'allocation de renchérissement, selon les bulletins de
salaire émis pour ce mois.

    Agissant par la voie du recours de droit public, X, Y, Z et le Syndicat
suisse des services publics (SSP) demandent au Tribunal fédéral d'annuler
le décret du 15 décembre 1992 du Grand Conseil vaudois sur l'adaptation au
renchérissement, l'arrêté du 12 février 1993 du Conseil d'Etat du canton de
Vaud fixant l'entrée en vigueur dudit décret au 1er janvier 1993 et, enfin,
les bulletins de salaire de janvier 1993 des trois premiers recourants
susnommés, ainsi que ceux de tout le personnel soumis à la loi du 9 juin
1947 sur le statut général des fonctions publiques cantonales. Invoquant
l'art. 4 Cst., les recourants contestent notamment l'effet rétroactif
donné au décret sur l'adaptation au renchérissement par rapport à la date
de sa promulgation.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- e) Lorsqu'un recours est dirigé contre un arrêté de portée
générale, ses conclusions doivent préciser si elles tendent à l'annulation
pure et simple de ce texte dans son ensemble ou seulement de certaines de
ses dispositions (ATF 109 Ia 120 consid. 2d). Le décret sur l'adaptation
au renchérissement a deux aspects: la suppression même de l'adaptation au
renchérissement pour 1993 et l'effet rétroactif donné à cette suppression
par rapport à la date de promulgation du décret.

    En ce qui concerne la suppression du renchérissement elle-même,
les recourants se contentent de déplorer ses effets sur le niveau de vie
des fonctionnaires. Ils laissent entendre, sans grande conviction, que la
situation financière de l'Etat de Vaud ne serait pas aussi mauvaise qu'elle
a été décrite. On ne saurait voir là une motivation suffisante au sens
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (voir notamment ATF 118 Ia 188 consid. 2 et
les références citées). En effet, les recourants n'essaient pas vraiment
de démontrer que, sur ce point, le décret attaqué serait arbitraire,
soit contraire à l'art. 4 Cst. Le recours est donc irrecevable, dans la
mesure où est attaqué l'art. 1 du décret, et plus particulièrement son
alinéa 1. En revanche, les recourants ont suffisamment motivé le grief par
lequel ils contestent que le décret sur l'adaptation au renchérissement
ait été déclaré applicable avec effet au 1er janvier 1993, alors même
qu'il ne pouvait entrer en vigueur avant l'échéance du délai référendaire.

Erwägung 3

    3.- a) Les recourants prétendent que le décret du 15 décembre 1992
sur l'adaptation au renchérissement a été muni d'un effet rétroactif de
manière contraire à l'art. 4 Cst.

    Selon la jurisprudence, une norme a un effet rétroactif lorsqu'elle
s'applique à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur
(ATF 116 Ia 213/214 consid. 4a, 113 Ia 425 et les arrêts cités. Voir aussi
ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I, p. 147; ALFRED KÖLZ,
Intertemporales Verwaltungsrecht, in RDS 102/1983 II p. 160; PIERRE MOOR,
Droit administratif, vol. I, Berne 1988, n. 2.5.2.3, p. 144). En l'espèce,
le décret litigieux a été adopté par le Grand Conseil le 15 décembre, pour
être publié dans la Feuille des avis officiels du 29 décembre 1992. Vu le
texte clair de l'art. 27 ch. 2 Cst./VD, il ne pouvait entrer en vigueur
avant l'échéance du délai référendaire, soit le 7 février 1993. Toutefois,
l'art. 2 du décret lui-même prévoit qu'il entre en vigueur le 1er janvier
1993 sous réserve des dispositions constitutionnelles. L'Etat de Vaud
pense pouvoir en déduire que le décret n'a pas prévu d'effet rétroactif,
puisque la date de son entrée en vigueur a été fixée au moment où il
a commencé à déployer ses effets. Or, l'art. 2 du décret est rédigé de
manière peu claire. Au vu de l'art. 27 ch. 2 Cst./VD, le décret ne pouvait
entrer en vigueur avant le 7 février 1993. De fait, son entrée en vigueur
remonte au moment de la publication dans la Feuille des avis officiels
de l'arrêté du Conseil d'Etat du 12 février, soit le 19 février 1993. Le
texte de cet arrêté est du reste plus clair et fait mieux ressortir le
véritable processus juridique: en effet, l'arrêté du 12 février 1993
met le décret en vigueur, mais avec effet au 1er janvier 1993. Il y a
bien là un effet rétroactif, du reste prévu dans la loi elle-même, soit
à l'art. 2 du décret. Dès lors, selon ce texte, le décret s'applique dès
son entrée en vigueur (le 19 février 1993) également aux faits qui se
sont écoulés depuis le 1er janvier 1993.

    b) La rétroactivité est contraire au principe de la sécurité et de la
prévisibilité du droit. Selon la jurisprudence, il est cependant possible
de déroger à certaines conditions au principe de non-rétroactivité
des lois: il faut que la rétroactivité soit expressément prévue par
la loi, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne
conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle se justifie par des
motifs pertinents, c'est-à-dire qu'elle réponde à un intérêt public plus
digne d'être protégé que les intérêts privés en jeu et, enfin, qu'elle
respecte les droits acquis (ATF 116 Ia 214 consid. 4a, 113 Ia 425 et les
références citées). En l'espèce, la rétroactivité est prévue dans la loi,
soit à l'art. 2 du décret attaqué. Elle est très limitée dans le temps et
ne conduit pas à des inégalités choquantes. Elle ne porte par ailleurs
pas atteinte aux droits acquis des recourants, car, comme le Tribunal
fédéral l'a relevé à plusieurs reprises, les rapports de service des
fonctionnaires sont soumis aux modifications législatives, également en
ce qui concerne la rémunération. Le législateur cantonal est donc libre
d'apporter des modifications légales aux prétentions pécuniaires des
fonctionnaires, qui n'ont en général pas le caractère de droits acquis
(ATF 118 Ia 255/256 consid. 5b et l'arrêt cité). Enfin, le législateur
vaudois pouvait se fonder sur des motifs pertinents pour adopter l'art. 2
du décret. Certes, l'intérêt purement financier de l'Etat ne permet
normalement pas de faire exception au principe de non-rétroactivité, sauf
si les finances publiques sont en péril (ATF 102 Ia 73, 95 I 10, 92 I 232;
GRISEL, op.cit., p. 149), En l'espèce, les finances publiques cantonales
se trouvaient dans une mauvaise situation, nécessitant que des mesures
de redressement soient prises (le taux d'imposition cantonal a été relevé
et diverses dispositions arrêtées pour alléger les charges financières de
l'Etat). Cela dit, même si l'intérêt public à octroyer l'effet rétroactif
au décret en question apparaît peu important, il l'emporte néanmoins sur
l'intérêt privé des recourants à voir leurs traitements adaptés au coût
de la vie, dans la mesure où le dommage subi par les recourants est très
restreint, puisqu'il ne correspond qu'à l'allocation de renchérissement
pour le mois de janvier 1993 (voire quelques jours en février).

    Le décret attaqué a de plus prévu la suppression de l'adaptation des
salaires au renchérissement durant un an. Des raisons de simplification
justifiaient que cette mesure concorde avec l'année civile, plutôt que de
s'étendre de mars 1993 à fin février 1994 par exemple. A cela s'ajoute
que les intéressés n'ont pas été pris au dépourvu, puisqu'ils ont connu
la mesure envisagée dès l'automne 1992, au moment où elle a fait l'objet
du projet de décret présenté par le Conseil d'Etat au Grand Conseil,
la publication du texte adopté intervenant le 29 décembre 1992 (BÉATRICE
WEBER-DÜRLER, Vertrauensschutz im öffentlichen Recht, p. 289). Le grief
est dès lors infondé.

Erwägung 4

    4.- Le Conseil d'Etat (ou l'administration cantonale) a appliqué le
décret du 15 décembre 1992 avant son entrée en vigueur, puisqu'en janvier
1993 l'adaptation au renchérissement n'a pas été octroyée selon l'art.
54 de la loi sur le statut général des fonctions publiques cantonales,
alors même que ledit décret ne déployait pas d'effets juridiques,
le délai référendaire n'étant pas échu. En droit strict, on aurait
pu envisager de payer aux fonctionnaires, en janvier, l'allocation
de renchérissement puis, en février, de supprimer cette allocation
et de réclamer le remboursement du montant versé en trop en janvier
(sur la base de l'art. 2 du décret, dont on a vu plus haut qu'il était
admissible). En effet, il n'est normalement pas possible d'appliquer une
loi qui n'est pas en vigueur (KÖLZ, op.cit., p. 173/174). Cette manière
de procéder aurait toutefois entraîné de vaines complications sur le plan
pratique. Il aurait fallu calculer pour le premier trimestre 1993 pas moins
de trois montants différents de salaire: janvier (avec renchérissement),
février (pas de renchérissement et déduction de la somme versée en trop
en janvier) et mars (sans renchérissement). L'Etat aurait encore dû
réclamer séparément le trop-perçu aux fonctionnaires ayant quitté leur
fonction à fin janvier. De plus, l'entrée en vigueur du décret était
imminente. Aucun référendum n'avait été annoncé et il était quasiment
impossible de fin janvier à début février d'annoncer le référendum et
de déposer les listes contenant 12'000 signatures valables (cf. art. 89
à 96 et 105 de la loi vaudoise du 16 mai 1989 sur l'exercice des droits
politiques). On peut du reste sérieusement se demander si les recourants,
notamment les trois premiers, ont un intérêt réel à soulever ce moyen,
car, même si celui-ci était fondé, ils pourraient théoriquement réclamer
à l'Etat le versement du renchérissement pour janvier, mais l'Etat de
Vaud pourrait immédiatement leur opposer en compensation une créance en
remboursement sur la base de l'art. 2 du décret attaqué. De toute façon,
l'autorité cantonale pouvait en l'espèce donner un "effet anticipé" au
droit nouveau, dans la mesure où elle avait pour cela une base légale
dans le droit en vigueur (MOOR, op.cit., n. 2.5.4, p. 152/153). En effet,
le Conseil d'Etat dispose d'un pouvoir réglementaire selon l'art. 113 de
la loi sur le statut général des fonctions publiques cantonal. On peut
ici admettre qu'il n'a pas excédé les limites de ce pouvoir en réglant
comme il l'a fait la transition entre le droit ancien et le droit nouveau,
pour éviter les conséquences mentionnées ci-dessus, qui auraient confiné
à l'absurde. Le moyen doit donc être écarté.