Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 119 IA 136



119 Ia 136

19. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 août 1993
dans la cause F. c. Ministère public du canton de Vaud (recours de droit
public) Regeste

    Art. 4 BV; Anspruch auf rechtliches Gehör.

    Tragweite des Anspruchs auf rechtliches Gehör vor einer kantonalen
Instanz, die nach einem bundesgerichtlichen Kassationsentscheid erneut zu
urteilen hat. Die kantonale Instanz muss dem Betroffenen Gelegenheit zur
Äusserung geben, es sei denn, sie verfüge in bezug auf den zu treffenden
Entscheid über keinerlei Beurteilungsspielraum (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Par jugement du 7 décembre 1990, le Tribunal correctionnel du
district d'Yverdon a notamment condamné F., pour complicité d'escroquerie
et de faux dans les titres et pour acceptation d'un avantage, à la peine de
dix mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, statuant également
sur les frais et dépens, la réserve des prétentions civiles et sur la
restitution d'un objet saisi.

    B.- Par arrêt du 24 juin 1991, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a réformé partiellement ce jugement, en ce sens que
l'accusé a été condamné, pour complicité d'escroquerie et de faux dans
les titres et pour acceptation d'un avantage, à la peine de neuf mois
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, la décision sur les frais
étant modifiée.

    C.- Par arrêt du 17 juin 1992, la Cour de cassation pénale du Tribunal
fédéral a admis partiellement un pourvoi en nullité formé par le condamné;
elle a annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision.

    D.- Le 14 octobre 1992, le greffe de la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal a informé les parties de la date à laquelle la cour
allait statuer.

    Par lettre du 19 novembre 1992 adressée au Président de la Cour et
envoyée par fax le même jour, l'avocat de l'accusé a requis un délai
pour présenter un mémoire et, le cas échéant, pour requérir des mesures
d'instruction complémentaires, dans l'hypothèse où la cause ne serait
pas renvoyée à une autorité de première instance.

    Le même jour, le Président de la Cour de cassation pénale a informé
l'avocat que la date prévue pour l'audience était maintenue.

    Par arrêt du 23 novembre 1992, la Cour de cassation cantonale a
condamné l'accusé, pour acceptation d'un avantage, à la peine de cinq
mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, statuant à nouveau
sur les frais et dépens ainsi que sur la réserve des prétentions civiles.

    S'agissant plus précisément de la requête du conseil de l'accusé
datée du 19 novembre 1992, la cour cantonale a considéré qu'elle était
tardive et que l'intéressé avait pu s'exprimer dans son mémoire antérieur.

    Elle a relevé: "pour déterminer dans quelle mesure l'acceptation
d'avantages par F. est prescrite, il faut connaître des éléments de fait
qui ne figurent pas dans le jugement: il s'agit d'une part des dates
auxquelles les avantages ont été sollicités, acceptés ou promis (art. 316
CP), d'autre part, des dates des actes d'instruction ou des décisions du
juge qui ont interrompu la prescription (art. 72 ch. 2 CP). Ces omissions
peuvent être considérées comme des inadvertances manifestes que la cour
de céans peut compléter d'office." Procédant à une analyse des éléments
contenus dans le dossier, la cour cantonale a fixé à 210'000 francs les
avantages résultant de l'infraction à l'art. 316 CP, dans la mesure où
elle n'est pas prescrite.

    E.- Contre cet arrêt, F. a déposé un recours de droit public au
Tribunal fédéral. Invoquant une violation du droit d'être entendu,
tel qu'il est garanti aussi bien par l'art. 4 Cst. que par l'art. 6
par. 1 CEDH, ainsi qu'une violation arbitraire du droit cantonal et
une fixation arbitraire de la peine, il conclut, avec suite de frais et
dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué; il a sollicité par ailleurs
l'assistance judiciaire.

    F.- La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt et
le Ministère public a conclu au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) Le recourant fait tout d'abord valoir que la Cour de cassation
cantonale ne lui a donné aucune occasion de s'exprimer, ni de solliciter,
cas échéant, des mesures probatoires, avant de statuer à nouveau à la suite
de l'arrêt rendu par la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral.
Il y voit une violation du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti
par l'art. 4 Cst.

    b) Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de
caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la
décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant
sur le fond (ATF 118 Ia 18 consid. 1a, 117 Ia 7 consid. 1a, 115 Ia 10
consid. 2a et les arrêts cités).

    c) Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu
par les dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral
ne contrôle l'application et l'interprétation que sous l'angle restreint
de l'arbitraire; dans tous les cas cependant, l'autorité cantonale doit
respecter les garanties minimales déduites directement de l'art. 4 Cst.,
dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 118 Ia 18
consid, 1b, 117 Ia 7 consid. 1a, 116 Ia 98 consid. 3a et les arrêts
cités). Comme le recourant n'invoque pas la violation d'une disposition
cantonale relative au droit d'être entendu, le grief soulevé doit être
examiné exclusivement à la lumière des principes déduits directement
de l'art. 4 Cst. (ATF 118 Ia 18 consid. 1b, 117 Ia 7 consid. 1a et les
arrêts cités).

    d) Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 4 Cst.,
comprend en particulier le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur
les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant
sa situation juridique, le droit de produire des preuves pertinentes,
de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à
ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des
preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat,
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 118
Ia 19 consid. 1c, 116 Ia 99 consid. 3b, 115 Ia 11 consid. 2b et les
arrêts cités).

    e) En l'espèce, la cause avait été renvoyée à la cour cantonale pour
nouvelle décision à la suite d'un arrêt rendu, sur un pourvoi en nullité,
par la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral.

    Dans un tel cas, l'autorité cantonale doit fonder sa décision sur
les considérants de droit de l'arrêt de cassation (art. 277ter al. 2 PPF).

    Avant de statuer à nouveau, l'autorité cantonale doit respecter
le droit d'être entendu garanti par l'art. 4 Cst., ce qui implique
notamment, en règle générale, qu'elle donne à l'accusé une nouvelle
occasion de s'exprimer (ATF 103 Ia 139 s. consid. 2d, 101 Ia 171
consid. 3; CORBOZ, Le pourvoi en nullité, SJ 1991 p. 100; HAUSER,
Kurzlehrbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 2e éd., p. 315;
SCHMID, Strafprozessrecht, no 1110; PIQUEREZ, Précis de procédure
pénale suisse, no 2423). Il ne peut être fait exception à ce principe
que lorsque l'autorité cantonale ne dispose d'aucune latitude quant à la
décision à rendre; tel n'est pas le cas lorsque la Cour de cassation du
Tribunal fédéral a adopté une autre conception juridique qui modifie le
cadre des faits pertinents ou encore lorsque la peine doit être fixée à
nouveau, ce qui implique la prise en compte de la situation personnelle
de l'accusé au moment du jugement (ATF 103 Ia 139 s. consid. 2d; SCHWERI,
Eidgenössische Nichtigkeitsbeschwerde in Strafsachen, Berne 1993 no 758).

    f) En l'espèce, les circonstances sont fondamentalement différentes
de celles résultant de la jurisprudence citée par la cour cantonale (ATF
115 Ia 102 s. consid. 2) où il suffisait de tirer les conséquences, sous
l'angle des frais et dépens, de la décision rendue. Dans le présent cas, la
Cour de cassation du Tribunal fédéral, ayant abandonné la figure du délit
successif, a estimé que la prescription commençait à courir à chaque fois
que l'accusé avait réalisé tous les éléments constitutifs de l'art. 316
CP. Comme la cour cantonale l'a elle-même relevé dans l'arrêt attaqué,
cela implique que l'on détermine d'autres faits que ceux figurant dans le
jugement de première instance. Le recourant soutient que les dispositions
de procédure applicables ne permettaient pas à la cour cantonale de
compléter elle-même l'état de fait; indépendamment des chances de succès
de cette argumentation, il avait le droit de s'exprimer à ce propos. Il
fallait principalement déterminer des actes, des dates et des montants
(en veillant dans chaque cas à ce qu'il s'agisse bien d'accepter un
avantage au sens de l'art. 316 CP); par ailleurs, il convenait d'établir
quels étaient les actes de procédure interruptifs de prescription et de
se prononcer quant à leur date. Sur l'ensemble de ces éléments de nature
à influer sur la décision à rendre, le recourant avait également le droit
de s'exprimer. Enfin, la peine devait être fixée à nouveau, compte tenu
de l'abandon de certains chefs d'accusation et de la prescription, ce
qui impliquait que l'accusé puisse exposer sa situation actuelle. Ainsi,
il n'est pas douteux que la décision attaquée a été rendue en violation du
droit d'être entendu, ce qui doit entraîner son annulation, indépendamment
de la question de savoir si le recourant peut espérer sur le fond une
décision plus favorable.

    g) Comme la cour cantonale n'a donné au recourant aucune occasion
de s'exprimer et qu'elle ne lui a pas davantage fixé un délai pour faire
savoir s'il entendait le faire ou y renoncer, on ne peut pas considérer
qu'il a agi tardivement ou qu'il a renoncé à son droit. D'ailleurs, on ne
doit pas admettre facilement qu'un justiciable a renoncé au droit d'être
entendu (ATF 118 Ia 19 consid. d). Le recours doit donc être admis.