Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 V 182



118 V 182

23. Arrêt du 13 octobre 1992 dans la cause Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents contre S. et Tribunal des assurances du
canton de Vaud Regeste

    Art. 105 Abs. 1 UVG: Einspracheverfahren.

    Der Unfallversicherer ist befugt, im Einspracheverfahren
eine reformatio in peius vorzunehmen. Er hat aber dem Versicherten
vorgängig seine Absicht zur Kenntnis zu bringen und ihm Gelegenheit zur
Gegenäusserung einzuräumen. Der Versicherte kann alsdann seine Einsprache
zurückziehen, um der drohenden Schlechterstellung zuvorzukommen.

Sachverhalt

    A.- Ernesto S., né en 1932, monteur en ventilation, assuré auprès
de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA),
a été victime d'un accident le 21 février 1985. Alors qu'il procédait à
l'entretien de la ventilation d'une villa et qu'il était sorti du local
pour chercher un outil, il fut attaqué et mordu à la jambe droite par
l'un des deux chiens de la propriétaire de la villa. A l'occasion des
premiers soins qui lui furent administrés, le médecin constata la présence
de trois plaies à la cuisse, au genou et à la jambe.

    Le 1er juin 1985, Ernesto S. s'est rendu en consultation chez un autre
médecin, le docteur L. D'après un rapport établi le 6 juillet 1985 par ce
médecin, le patient aurait non seulement été mordu par un chien, mais il
aurait également fait une chute et présenté des douleurs aux deux genoux,
plus fortes à droite. Le docteur L. a posé le diagnostic de gonalgies
et ordonné un traitement anti-inflammatoire que le patient a toutefois
refusé. L'assuré a été soigné à l'Hôpital orthopédique de la Suisse
romande, où l'on a posé le diagnostic de syndrome rotulien post-traumatique
et traité le patient par des anti-inflammatoires et de la physiothérapie.

    Par la suite, l'affection présentée par l'intéressé et mise en lumière
par divers examens et traitements s'est aggravée et elle a entraîné une
incapacité durable de travail.

    La CNA a pris en charge le cas. Après avoir mis fin, à dater du
31 décembre 1987, au paiement des soins médicaux et au versement de
l'indemnité journalière, elle a alloué à son assuré, par décision du 24
février 1988, une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain
de 66,66 pour cent, ainsi qu'une indemnité de 17'400 francs pour une
atteinte à l'intégrité estimée à 25 pour cent.

    B.- Ernesto S. a formé opposition contre cette décision. En cours
de procédure, un rapport, du 21 septembre 1989, a été établi par le
docteur St. Celui-ci a conclu que le taux d'invalidité retenu par la
CNA tenait compte, très largement, "du retentissement du traumatisme,
d'une part sur le plan objectif et fonctionnel, d'autre part et surtout
sur le retentissement global de la lésion sur la capacité de réintégration
socio-professionnelle".

    Le mandataire de l'époque de l'assuré envisagea alors de retirer
l'opposition, mais il informa ensuite la CNA que son client entendait
la maintenir et qu'il souhaitait la réouverture de son dossier en raison
d'une importante atrophie qui s'était "installée dans ses deux mains".

    Répondant à un questionnaire du service médical de la CNA, le docteur
St., dans un nouveau rapport (du 9 mai 1990), déclara, en substance,
qu'il n'existait pas de relation de causalité entre les troubles présentés
et l'accident du 21 février 1985. L'affection dont souffre l'assuré est
influencée par des facteurs indépendants de l'accident et aggravée par "une
très évidente surcharge", laquelle justifierait un examen psychiatrique. Le
taux de la capacité de travail de l'assuré est estimé à 75 pour cent au
moins, et pourrait même être plus élevé si l'on parvenait à convaincre
l'intéressé qu'il peut se passer de ses cannes.

    Par lettre du 22 juin 1990, la section des oppositions de la CNA
informa le nouveau mandataire de l'assuré que c'était manifestement à
tort que la caisse avait pris en charge le cas au-delà des séquelles des
morsures de chien subies le 21 février 1985. En conséquence, l'auteur de
la lettre annonçait son intention de rendre une décision sur opposition
par laquelle la décision querellée serait annulée; la CNA renoncerait
toutefois, pour tenir compte de l'ensemble des circonstances, à répéter
les prestations versées à tort, jusques et y compris la rente d'août
1990. Enfin, la lettre précisait ce qui suit: "Il va sans dire que, vu
la situation actuelle, un éventuel retrait de l'opposition en cours ne
saurait modifier notre position."

    Le 24 août 1990, l'avocat de l'assuré contesta les conclusions de la
section des oppositions de la CNA, relevant en particulier que le docteur
St. n'avait vu le patient que durant dix minutes et n'avait pas été en
possession de l'intégralité du dossier médical. Il proposait de confier
un mandat commun d'expertise au professeur L.

    Par décision du 10 septembre 1990, la CNA rejeta l'opposition et
annula la décision attaquée "dans le sens des considérants", en spécifiant
que "le droit à des prestations de rente et d'indemnité pour atteinte
à l'intégrité ainsi qu'à toute nouvelle prestation d'assurance, est
refusé". Dans les considérants auxquels se réfère la nouvelle décision,
l'assureur déclare renoncer au remboursement des prestations payées à
tort en vertu de la décision du 24 février 1988.

    C.- Par jugement du 14 mai 1991, le Tribunal des assurances du canton
de Vaud admit le recours formé par Ernesto S. et annula la décision
attaquée, le dossier étant renvoyé à la CNA pour qu'elle procède dans le
sens des considérants.

    Pour l'essentiel, le juge cantonal a estimé que l'assureur-accidents
n'était pas en droit, dans le cadre de la procédure d'opposition, de
réformer la décision frappée d'opposition au détriment de l'assuré,
en l'absence de disposition légale expresse dans ce sens. De plus, dans
l'hypothèse où l'on reconnaîtrait à l'assureur le droit de procéder à une
reformatio in peius, il faudrait alors donner à l'assuré non seulement
la possibilité de s'exprimer sur cette éventualité, mais aussi celle de
retirer son opposition, pour faire échec à l'intention manifestée par
l'assureur. En l'occurrence, par sa lettre du 22 juin 1990, la CNA avait
plutôt tenté de décourager l'intéressé de retirer son opposition, au lieu
de lui offrir véritablement la faculté de s'exprimer. En conséquence,
la CNA était invitée à donner à l'assuré la possibilité de se déterminer
sur le retrait ou sur le maintien de son opposition. Pour le cas où
l'opposition serait maintenue, la CNA devait instruire à nouveau la cause,
mais cette fois sous l'angle de la jurisprudence fédérale la plus récente.

    D.- La CNA interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement, en concluant à son annulation. Le juge cantonal présente des
observations et conclut au rejet du recours. Par l'entremise de son
mandataire, Ernesto S. en fait de même. Quant à l'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS), il propose d'admettre le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Selon une définition devenue aujourd'hui classique
l'"opposition" ou la "réclamation" est une demande adressée à l'auteur
d'une décision, dont elle vise l'annulation ou la modification ou tend
à faire constater la nullité (GRISEL, Traité de droit administratif,
p. 938). Elle constitue une sorte de procédure de reconsidération qui
confère à l'autorité qui a statué la possibilité de réexaminer sa décision
avant que le juge ne soit éventuellement saisi (ATF 115 V 426 consid. 3a
et les références; GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur
l'assurance-accidents, p. 285). A ce titre, il s'agit d'un véritable
"moyen juridictionnel" (GRISEL, op.cit., ibidem) ou "moyen de droit"
(MOOR, Droit administratif, vol. II, p. 345, § 5.3.1.1; ATF 117 V 409
consid. 5b).

    b) Le point de savoir si un assureur social saisi d'une opposition peut
statuer non seulement dans le sens des conclusions de l'opposant, mais
également à son détriment, c'est-à-dire en procédant à une reformatio in
peius, a été examiné par le Tribunal fédéral des assurances dans le cadre
d'une procédure en matière d'assurance militaire en la cause L., qui a
donné lieu à deux arrêts. Dans le premier arrêt, non publié, du 10 août
1987, le tribunal, confirmant l'opinion des juges de première instance,
a admis que l'Office fédéral de l'assurance militaire (OFAM) était en
droit de modifier au détriment de l'assuré la proposition de règlement,
au sens de l'art. 12 al. 1 LAM, à laquelle un assuré fait opposition en
application de l'art. 12 al. 3 LAM. Mais dans ce cas, pour respecter
le droit d'être entendu, l'office doit informer au préalable l'assuré
de son intention et lui donner la possibilité de s'exprimer encore une
fois. Dans le second arrêt (ATF 116 V 161), le tribunal a précisé cette
jurisprudence en jugeant que la proposition de règlement qui n'a pas
été expressément acceptée par l'assuré ne revêt pas le caractère d'une
décision, contrairement au cas inverse (art. 12 al. 2 LAM). En conséquence,
si après opposition et nouvel examen, la direction de l'assurance militaire
prévient l'assuré que sa situation juridique se trouvera aggravée par
rapport à celle découlant de la proposition de règlement, un retrait de
l'opposition n'entraîne pas l'entrée en force de la proposition initiale,
ayant pour effet d'obvier à la menace d'une aggravation.

    Cette conclusion repose sur la constatation que la procédure
d'opposition prévue à l'art. 12 al. 3 LAM n'est pas "une procédure
d'opposition proprement dite" (ATF 116 V 167 consid. 3). Cela revient
à dire que l'assuré à la possibilité de retirer son opposition pour
empêcher une reformatio in peius - en soi admissible - lorsque ce n'est
pas une simple proposition de règlement (ou un acte administratif de
même nature) qui donne lieu à opposition, mais une véritable décision au
sens de l'art. 5 PA. Il s'agit, en l'espèce, de vérifier le bien-fondé
de cette déduction.

Erwägung 2

    2.- a) Dans certains domaines du droit administratif fédéral
où il existe également une procédure d'opposition, la faculté, pour
l'administration, de procéder à une reformatio in peius est expressément
prévue par la loi. Tel est le cas, en particulier, en droit fiscal (par
ex.: art. 105 al. 1, seconde phrase, AIFD; art. 39 al. 3 LT), ce qui
conduit un auteur à en faire, apparemment, un principe général dans tous
les cas où ce type de moyen juridictionnel est prévu par la loi (MOOR,
op. cit., p. 350, § 5.3.2.2). Cette opinion ne semble pas être partagée par
GRISEL, pour lequel l'autorité dont la décision est frappée d'opposition
est tenue de statuer derechef dans le cadre des conclusions de l'opposant
(loc.cit., ibidem), ce qui paraît exclure la reformatio in peius.

    Est de même expressément réglée, en droit fiscal, la question des
effets du retrait de la réclamation; celui-ci ne peut en aucun cas faire
obstacle à la reformatio in peius de la décision de taxation à laquelle le
contribuable a fait opposition (art. 104 AIFD; art. 39 al. 4 LT; v. aussi
le message du Conseil fédéral sur l'harmonisation fiscale du 25 mai 1983
[FF 1983 III 1 ss, spéc. pp. 221-222, commentaire des art. 137 à 140 du
projet de LIFD; texte définitif: FF 1990 III 1642]).

    b) Le but de la procédure d'opposition de l'art. 105 LAA est d'obliger
l'assureur-accidents à revoir sa décision de plus près - parfois même
en confiant l'examen du dossier à une autre personne que l'auteur de la
décision contestée (arrêt non publié F. du 27 septembre 1991; à propos de
la nouvelle LAM: message du 27 juin 1990, FF 1990 III 245, commentaire
des art. 94 à 98 du projet; texte définitif: FF 1992 III 880) - et il
peut apparaître à cette occasion que la décision primitive était certes
erronée mais en faveur de l'assuré et non à son détriment. Cependant,
il serait contraire au principe de la légalité auquel sont soumis les
assureurs-accidents qui appliquent la LAA, au même titre que toutes
les institutions qui participent à la gestion des assurances sociales
(cf. GREBER, Le principe de la légalité considéré en droit suisse de
la sécurité sociale in Le droit des assurances sociales en mutation,
Mélanges pour le 75e anniversaire du TFA, p. 252; v. aussi RAMA 1988 No
U 38 p. 106 consid. 2b), d'interdire à l'assureur de corriger sa décision
dans un sens défavorable à l'assuré qui a fait opposition. Comme le
fait observer avec raison ZIMMERLI, c'est d'abord à l'administration
qu'il incombe d'appliquer correctement le droit et il est donc normal que
celle-ci puisse, sous réserve de disposition légale contraire, modifier
une décision illégale même au détriment de l'administré. Il peut en
revanche sembler légitime de limiter le droit de l'autorité judiciaire de
procéder à une reformatio in peius, voire de le lui interdire totalement
(Zur reformatio in peius vel melius im Verwaltungsrechtspflegeverfahren
des Bundes in Mélanges Henri Zwahlen, pp. 512 et 519, § 3.2.1).

    L'argumentation principale du premier juge ne peut ainsi pas être
suivie.

    c) On ne saurait davantage se rallier à l'avis de l'OFAS, qui voudrait
subordonner la reformatio in peius d'une décision frappée d'opposition aux
mêmes conditions que la révocation ou la modification de ladite décision
dans le cadre d'une procédure de reconsidération. Bien qu'elles visent
en partie le même but, les deux institutions diffèrent sur plusieurs
points. En particulier, le réexamen par l'administration d'une décision
frappée d'opposition est obligatoire, tandis que la reconsidération dépend
de son bon vouloir (voir à ce dernier propos: ATF 117 V 12 consid. 2a, 116
V 62 consid. 3a et les arrêts cités). Par ailleurs, les conditions strictes
auxquelles la jurisprudence subordonne la reconsidération de décisions
administratives entrées en force et qui n'ont pas fait l'objet d'un examen
judiciaire sur le fond s'expliquent par le souci d'assurer la sécurité du
droit: une fois entrée en force, une décision ne doit pouvoir être révoquée
ou modifiée, par la voie de la révision ou par celle de la reconsidération,
que pour des raisons impérieuses. L'exigence de la sécurité du droit ne
joue pas dans le cas d'une décision non encore entrée en force, parce
que soumise à réexamen dans le cadre d'une procédure d'opposition.

    d) Avant de procéder à une reformatio in peius, l'assureur-accidents,
comme tout autre organe administratif en semblable occurrence, doit
cependant avertir l'assuré de son intention et lui donner l'occasion de
s'exprimer. Peu importe que cette obligation soit ou non expressément
prévue par la loi; elle résulte de toute manière de la garantie
constitutionnelle du droit d'être entendu (ATF 117 Ia 268 consid. 4b,
117 V 158 consid. 3b, 116 Ia 458 et les références).

    De même faut-il admettre que faute d'une règle légale contraire (comme
en droit fiscal par exemple), il doit être loisible à l'assuré placé
devant le risque d'une reformatio in peius de la décision à laquelle il
a fait opposition de retirer celle-ci, afin d'obvier à la menace d'une
aggravation de sa situation (ATF 116 V 167 consid. 3, a contrario). Ceci
est une conséquence logique du principe de disposition qui constitue,
dans ce contexte, le pendant du principe de la légalité et permet d'en
atténuer la rigueur pour l'administré (ZIMMERLI, loc.cit., p. 525;
par analogie: ATF 107 V 248). En revanche, il n'existe aucune règle de
droit fédéral qui oblige l'assureur-accidents à informer l'assuré qu'il
lui est possible de retirer son opposition pour éviter une reformatio in
peius. Une semblable obligation ne peut, en particulier, être déduite de
l'art. 4 Cst. (MEYER-BLASER, Die Bedeutung von Art. 4 Bundesverfassung
für das Sozialversicherungsrecht, RDS 1992 II 435).

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, l'intimé, par son mandataire, a été dûment informé
de l'intention de la section des oppositions de la CNA de procéder à une
reformatio in peius de la décision litigieuse. Il a pu s'exprimer à ce
sujet. Son droit d'être entendu a donc été respecté.

    Certes, dans sa lettre du 22 juin 1990, la section des oppositions
de la CNA écrivait qu'un éventuel retrait de l'opposition "ne saurait
modifier notre position", ce qui paraissait signifier qu'un retrait
de l'opposition ne ferait pas obstacle à une modification de la
décision. Cette affirmation, que la recourante elle-même qualifie de
"maladroite", n'était cependant pas de nature à inciter l'intimé, assisté
et conseillé par un mandataire professionnel, à agir contre ses intérêts
en ne retirant pas son opposition. La question du retrait de l'opposition,
à la suite du premier rapport du docteur St., avait déjà été discutée
avec son précédent mandataire et il s'y était formellement opposé.

    Dans ces conditions, le recours de droit administratif se révèle
bien fondé. La cause doit ainsi être renvoyée à l'autorité cantonale de
recours pour qu'elle statue sur le fond.