Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 IV 371



118 IV 371

65. Arrêt de la Chambre d'accusation du 15 décembre 1992 dans la cause
Direction de la police du canton de Berne c. Département de la justice,
de la santé et des affaires sociales du canton du Jura (contestation en
matière d'entraide judiciaire) Regeste

    Art. 67 BV, Art. 352 ff. StGB, Art. 252 BStP. Interkantonale
Rechtshilfe, politisches Delikt.

    - Verfahren: Parteien, rechtliches Gehör des Verurteilten, förmlicher
Entscheid des ersuchten Kantons (E. 1a-E. 1d).

    - Art. 252 Abs. 1 BStP wurde faktisch durch die Art. 352 ff. StGB
ersetzt (E. 2).

    - Art. 352 StGB verpflichtet die Kantone zu grundsätzlich umfassender
Rechtshilfe (E. 3).

    - Ob ein politisches Delikt im Sinne von Art. 352 Abs. 2 StGB vorliegt,
entscheidet die Anklagekammer frei (E. 4b).

    - Im Bereich der interkantonalen Rechtshilfe ist der Begriff des
politischen Delikts weit zu fassen (E. 4c-E. 4h).

    - Der sich aus der Bundesverfassung und der EMRK ergebende Grundsatz
"ne bis in idem" bzw. die materielle Rechtskraft stehen einer neuen
Beurteilung durch den ersuchten Kanton entgegen; der ersuchte Kanton
hat daher entweder das rechtskräftige Urteil zu vollziehen oder den
Verurteilten dem ersuchenden Kanton zuzuführen (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Au cours de la nuit du 12 au 13 octobre 1986, à Berne, la statue
dite "Justitia" dominant la Fontaine de la Justice a été détruite par
quatre personnes au moins. Il est reproché à Pascal Hêche d'être l'un
des auteurs du dommage. Le 14 novembre 1986, il a passé aux aveux,
sans dévoiler le nom de ceux avec qui il avait agi. Le 12 janvier 1987,
Pascal Hêche s'est rétracté.

    Le 16 mars 1989, le Tribunal correctionnel de Berne a condamné Pascal
Hêche à 22 mois de réclusion, notamment pour dommages qualifiés à la
propriété, et au paiement de 170'677 francs à titre de réparation du
dommage, somme due à la ville de Berne (accusateur privé) avec intérêt
de 5% dès le 13 octobre 1986.

    A la suite d'un appel du condamné, la Cour suprême du canton de Berne
statuant le 2 juillet 1990 a confirmé la quotité de la peine mais a fixé
les dommages-intérêts à 199'963 francs.

    B.- Pascal Hêche a saisi le Tribunal fédéral d'un recours de droit
public et d'un pourvoi en nullité contre l'arrêt du 2 juillet 1990.

    Le recours de droit public portait pour l'essentiel sur une
appréciation des preuves prétendument arbitraire (en particulier sur la
crédibilité des aveux et de la rétractation ainsi que sur un indice relatif
à des chaussures). Le recours a été rejeté par la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral, dans la mesure où il était recevable, le 20 décembre
1991. Par un arrêt du même jour, le pourvoi en nullité a été rejeté.

    C.- Le 31 décembre 1991, la Préfecture de Berne
(Regierungsstatthalteramt) a invité la Direction de police de ce canton
à procéder à l'exécution de la peine. Cette autorité cantonale a prié le
Département de la justice, de la santé et des affaires sociales du canton
du Jura de bien vouloir citer Pascal Hêche et pourvoir à ce qu'il soit
conduit, dans les meilleurs délais, à la Prison régionale de Berne en vue
de l'exécution de sa peine. Le service jurassien compétent a souhaité
que le condamné soit tout d'abord convoqué avant qu'un mandat d'amener
soit délivré. Conformément à cette suggestion, le chef du Service de
l'application des peines et mesures du canton de Berne a invité Pascal
Hêche à se présenter, le 17 février 1992, à la Prison régionale de Berne,
afin d'y subir sa peine; il était en outre averti qu'au cas où il ne
donnerait pas suite à cette citation, son arrestation serait ordonnée.

    Le 23 janvier 1992, agissant par son avocat, Pascal Hêche a demandé au
chef du Service de l'application des peines et mesures du canton de Berne
de reporter quelque peu la date de l'exécution de la sanction. En effet,
le condamné a eu un fils le 2 janvier 1992 et son épouse a dû être amputée
de deux doigts, à la suite d'un accident, ce qui a entraîné une incapacité
de travail complète de six semaines environ. Pascal Hêche a fait valoir
qu'il devait s'occuper à plein temps du nouveau-né. De plus, il a expliqué
que le commerce de motocyclettes qu'il exploite nécessitait la mise au
courant d'un employé qui puisse le remplacer. Il a conclu à ce qu'il ne
soit pas forcé de venir purger sa peine avant le mois de juillet 1992.

    La Direction de police du canton de Berne a admis la requête de Pascal
Hêche et l'a convoqué avec effet au 6 juillet 1992, sans succès. Le 7
juillet 1992, cette autorité a prié le service compétent du canton du Jura
de pourvoir à l'arrestation immédiate du condamné et à son transfèrement
aux Etablissements pénitentiaires de la Plaine de l'Orbe. Ce lieu de
détention avait été fixé dans le cadre d'un échange de détenus convenu
entre les autorités bernoises et vaudoises.

    Le 6 juillet 1992, Pascal Hêche avait adressé au Gouvernement du
canton du Jura une requête en vue d'obtenir l'asile politique. Désireux
d'éclaircir certains points de fait et de droit, ledit gouvernement a
demandé le dossier pénal au Conseil exécutif du canton de Berne (lettre
du 8 juillet 1992).

    Le 14 juillet 1992, sur requête de la Direction de police de Berne,
Pascal Hêche a été inscrit au Moniteur suisse de police afin qu'il
soit arrêté.

    Le 22 juillet 1992, le Conseil-exécutif du canton de Berne a refusé
de transmettre le dossier pénal aux autorités jurassiennes pour le motif
qu'il s'agissait de l'exécution d'un jugement entré définitivement en
force de chose jugée.

    D.- Par une requête du 19 août 1992, adressée à la chambre de céans,
la Direction de police du canton de Berne demande qu'il soit statué sur
le litige (en application des art. 352 ch. 1, 357 CP et 252 PPF) et que
l'ordre soit donné à l'autorité jurassienne compétente d'immédiatement
exécuter le mandat d'amener dont elle est saisie depuis le 7 juillet 1992.

    Le 10 septembre 1992, le Gouvernement du canton du Jura a demandé
au Tribunal fédéral de constater que le délit pour lequel Pascal Hêche
a été condamné a un caractère politique, au sens des art. 67 Cst. et 352
al. 2 CP, et qu'ainsi ces dispositions sont applicables en l'espèce. Cette
autorité précise qu'elle est prête à se charger du jugement de l'affaire.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) L'autorité requérante (la Direction de police du canton
de Berne) demande que Pascal Hêche, condamné par un jugement entré
définitivement en force de chose jugée, soit livré aux fins de subir sa
peine privative de liberté. Cependant, l'autorité requise (le Département
de la justice, de la santé et des affaires sociales du canton du Jura) ne
semble pas disposée à remettre le condamné. Il s'agit là d'une contestation
concernant l'entraide judiciaire entre cantons, qui est du ressort de la
Chambre d'accusation du Tribunal fédéral (art. 357 CP en liaison avec
l'art. 252 al. 3 PPF; ATF 102 IV 220 consid. 1); le condamné lui-même
n'est aucunement partie à cette procédure.

    b) Aux termes de l'art. 353 al. 1 CP, en matière d'entraide
les relations s'établissent directement d'autorité à autorité. Ainsi,
l'autorité requise n'est pas le Gouvernement du canton du Jura, lequel agit
pour le Département de la justice, de la santé et des affaires sociales
compétent en matière d'exécution des peines, mais bien ce Département.

    c) D'après l'art. 353 al. 4 CP, avant d'être remis au canton requérant,
tout inculpé ou condamné sera entendu par l'autorité compétente. En
l'espèce, celle-ci n'a pas procédé, à proprement parler, à une telle
audition. On peut y renoncer ici pour les raisons qui suivent.

    La disposition de l'art. 353 al. 4 CP doit être interprétée à la
lumière de l'art. 352 al. 2 et 3 CP (TRECHSEL, Kurzkommentar StGB,
Zurich 1989, art. 353 n. 4 p. 870). Ces alinéas prévoient en principe
que les cantons ne peuvent refuser la remise du condamné. Dans ce cas,
il est compréhensible que le condamné, qui n'a pas encore pris part à
une procédure d'entraide, laquelle s'est déroulée exclusivement entre les
autorités compétentes des cantons, doive être préalablement entendu. Cette
audition doit permettre de savoir si l'intéressé est d'accord d'être remis
à l'autorité requérante ou s'il fait valoir d'éventuelles exceptions
du genre de celles qui sont prévues à l'art. 352 al. 2 et 3 CP et
qui pourraient faire obstacle à la remise. Cela signifie qu'il peut en
particulier soutenir que l'on est en présence d'un délit politique ou de
presse. En principe, l'autorité requise n'a pas connaissance des griefs
qui pourraient le cas échéant faire apparaître la remise comme injustifiée
(voir Bulletin Sténographique du Conseil national 1930 p. 71). Cette
autorité doit être en mesure, après l'audition de l'intéressé, de
prendre sa décision au sujet de la remise en pleine connaissance de
toutes les circonstances et particularités du cas. Cette manière de
procéder doit également permettre d'éviter les erreurs quant à l'identité
de la personne éventuellement arrêtée ou de dissiper les malentendus de
toute nature (THORMANN/VON OVERBECK, Das Schweizerische Strafgesetzbuch,
Zurich 1941, art. 353 p. 526 n. 5, d'après qui la portée restreinte de
cette disposition apporte une garantie sérieuse à la personne en état
d'arrestation surtout). Après cette audition, il appartient au canton
requis de décider s'il refuse la remise en application de l'art. 352 al.
2 CP; si ce n'est pas le cas, il doit procéder à la remise de la personne
poursuivie. Cette décision de livrer ou de se charger de la poursuite
pénale est laissée à la libre appréciation de l'autorité compétente; l'avis
de l'inculpé n'est pas déterminant (THORMANN, Verhandlungen des Schweiz.
Juristenvereins 1928, RDS 1928, p. 191a).

    Ici, le condamné s'est déjà clairement opposé à toute remise en
saisissant le Gouvernement du canton du Jura d'une demande "d'asile
politique", qui fait référence au caractère prétendument politique
de l'infraction à l'origine de sa condamnation. Par cette démarche,
l'autorité requise a acquis une connaissance complète des arguments qui,
selon le condamné, s'opposent à la remise exigée en vue de l'exécution de
la peine. Fondée sur cette argumentation, l'autorité intimée a refusé la
remise du condamné. Il est en conséquence inutile d'entendre à nouveau et
formellement le condamné; en effet, on l'a vu, cela s'impose exclusivement
si le canton requis entend donner une suite favorable à la requête en
vue de la remise.

    Vis-à-vis de l'autorité requérante, le refus de la remise doit faire
l'objet d'une décision formelle. Cela n'a cependant pas été le cas en
l'espèce. On peut toutefois y renoncer pour des raisons d'économie de
procédure, puisque l'opposition à la remise et ses motifs ressortent
clairement de la prise de position écrite du canton requis.

    d) Le canton requis conclut à ce que le Tribunal fédéral constate que
le délit pour lequel Pascal Hêche a été condamné a un caractère politique
au sens des art. 67 Cst. et 352 al. 2 CP et que, partant, ces dispositions
sont applicables en l'espèce. Il n'offre pas, même à titre subsidiaire,
d'exécuter la peine dans le canton du Jura. Comme cependant il se déclare
prêt "à assumer les conséquences de l'application de ces dispositions", on
peut en déduire qu'il serait également disposé, suivant les circonstances,
à assurer l'exécution de la peine, au lieu de rejuger le condamné. Celui-ci
n'exige pas quant à lui que la sanction soit exécutée dans le canton
du Jura. Cela découle de la lettre du 23 janvier 1992 par laquelle son
avocat demande à l'autorité bernoise compétente de reporter la date de
l'exécution de la peine; ce texte ne contient aucune réserve au sujet de
l'exécution du jugement par les autorités bernoises. On peut considérer
qu'ainsi il a admis le principe de l'exécution de la peine par ce canton,
sans poser de conditions. Cela n'a d'ailleurs pas d'influence sur le
droit du canton requis de refuser la remise du condamné en application
de l'art. 352 al. 2 CP.

    e) Le canton requis fonde son refus sur les art. 67 Cst. et 352
al. 2 CP. Selon lui, les délits politiques, au sens de ces dispositions,
ne comprennent pas seulement les actes délictueux dirigés contre des
installations appartenant à l'Etat mais bien toutes les infractions qui
ont un but politique; il se réfère sur ce point aux ouvrages de BURCKHARDT
et de LIENHART. En l'espèce, selon les arguments du canton du Jura, on ne
saurait ignorer le contexte éminemment politique dans lequel la destruction
de la Fontaine de la Justice est survenue ni le caractère symbolique de
ce monument. L'événement en cause s'inscrirait dans la suite du scandale
dit des "Caisses noires" que le canton requis décrit en ces termes:

    "Rappelons brièvement que le 24 août 1984, Rudolf Hafner, réviseur des
   comptes du Canton de Berne, avait adressé au Grand Conseil bernois
   une requête en vue de l'ouverture d'une enquête disciplinaire à
   l'encontre du

    Conseil-exécutif pour cause de gestion illégale. Son rapport révélait
   entre autres irrégularités des malversations importantes effectuées
   en faveur de mouvements antiséparatistes. Ces graves reproches ont été
   confirmés, les 31 août 1985 et 26 mai 1986, par la Commission spéciale
   d'enquête créée à cette occasion. Ces actes illégaux ont influencé de
   manière notable les différents votes qui ont abouti à la partition du

    Jura. Or, le Grand Conseil bernois a refusé le 10 novembre 1985
   l'ouverture de procédures disciplinaires ainsi que la levée de
   l'immunité parlementaire des conseillers impliqués.

    Il ne s'agissait en effet pas de faits insignifiants puisqu'à la
suite de
   ce scandale aux multiples rebondissements, le Tribunal fédéral a été
   amené, le 20 décembre 1988, à accepter le recours de cinq citoyens du
   district de Laufon et à annuler le scrutin d'autodétermination de 1983
   dont le résultat, favorable à Berne, avait été faussé par l'argent des
   Caisses noires. Bien qu'il fût établi que l'argent des Caisses noires
   a également entaché d'irrégularités graves les plébiscites relatifs
   à la création du Canton du

    Jura, ce dernier n'est jamais parvenu à obtenir réparation, ni sur
le plan
   politique, ni sur le plan financier. Durant l'année 1986 précisément, le

    Gouvernement jurassien avait entrepris de multiples démarches
auprès des
   autorités fédérales qui sont toutes restées vaines, raison pour laquelle
   la tension politique était vive à l'époque des événements en cause, les

    Jurassiens éprouvant un sentiment de profonde injustice.

    Le Gouvernement renvoie, dans ce contexte, aux documents produits
dans le
   cadre de la réclamation de droit public introduite par le Canton du Jura
   contre le Canton de Berne et visant à faire annuler les plébiscites
   ayant conduit à la scission du territoire du Jura. (...) Il est
   rappelé, par ailleurs, que les responsables des paiements opérés
   à l'époque en faveur des mouvements antiséparatistes n'ont pas été
   condamnés pénalement.

    (...)

    L'acte répréhensible pour lequel Hêche a été condamné doit assurément
   être situé dans le contexte historique du scandale des Caisses
   noires. La passivité de la justice bernoise face aux magistrats
   impliqués dans l'utilisation de fonds à des fins de lutte politique
   a suscité de très vives réactions dans les milieux séparatistes. Les
   actes imputés à M.

    Hêche comportent dès lors une connotation politique évidente."

    Le Gouvernement jurassien rappelle qu'il a désapprouvé catégoriquement
l'atteinte portée au patrimoine historique de la ville de Berne et
poursuit:

    "Le Tribunal correctionnel de Berne, 1re instance qui a jugé Pascal

    Hêche,
   s'est exprimé en ce sens que le fait de détruire une statue de grande
   valeur historique et culturelle dans le cadre d'un conflit politique
   ne peut que nuire à la cause que l'on prétend défendre, de sorte qu'il
   est manifeste que Hêche n'a pas accompli un acte politique, mais n'a
   agi que dans le but de porter préjudice à l'Etat de Berne pour lequel
   il éprouve de la haine. L'interprétation du Tribunal correctionnel de
   Berne est en fait une pure pétition de principe. Il est en effet pour
   le moins abusif de ne considérer comme politiques que les actes qui
   ont un effet positif.

    Dans son jugement du 2 juillet 1990, la Cour suprême du Canton de Berne
   ne montre pas plus de nuance dans la qualification des actes attribués à

    Hêche. On peut lire dans ses considérants que ''Hêche n'a pas été
jugé en
   fonction de ses opinions ou convictions politiques. Il peut vivre
   celles-ci ou les pratiquer aussi longtemps qu'il utilise à cette fin
   des moyens légaux et s'en tient à l'ordre légal établi. Il a gravement
   débordé ce cadre en commettant la destruction répréhensible, objective
   et indéfendable de la Fontaine de la Justice. Il se justifie dès
   lors de confirmer la qualification aggravée de dommages retenue par
   la première instance.'' Par ces considérations, la Cour suprême dénie
   tout bonnement la possibilité d'un délit à caractère politique pourtant
   reconnu aussi bien dans notre Constitution que dans le Code pénal.

    (...)

    Le Tribunal fédéral lui-même n'a pas examiné la question de la nature
   politique dans le cadre du pourvoi en nullité et du recours de droit
   public déposé par l'intéressé.

    Il ressort en effet des deux arrêts déjà cités du 20 décembre 1991 que
   ceux-ci ne font aucune allusion au caractère politique des actes."

Erwägung 2

    2.- a) On trouve des dispositions régissant l'entraide judiciaire
intercantonale aussi bien à l'art. 252 PPF qu'aux art. 352 ss CP,
qui prévoient de façon différenciée les obligations des cantons dans
ce domaine.

    b) L'art. 252 PPF, d'après lequel dans les causes de droit pénal
fédéral les autorités d'un canton sont tenues de prêter leur concours
à celles des autres cantons aussi bien pendant la procédure que pour
l'exécution du jugement, a pour origine l'art. 150 de la Loi fédérale
sur l'organisation judiciaire de 1893; cette disposition prévoyait une
obligation générale d'entraide intercantonale dans l'application des lois
pénales fédérales (voir ATF 51 I 317 consid. 3). Cependant, il était
admis que l'art. 150 aOJ ne s'appliquait pas en matière d'extradition
intercantonale (LIENHART, Die interkantonale Auslieferung, thèse Zurich
1933, p. 14 et 54). Cette règle a certes été reprise dès le 1er janvier
1935 à l'art. 252 PPF, mais son caractère transitoire s'étendant jusqu'à
l'entrée en vigueur du Code pénal suisse, lequel devait régler de façon
complète et définitive l'entraide judiciaire, a été expressément reconnu
(FF 1929 II 614 s., 668; voir aussi ATF 69 IV 235). Le Code pénal étant
en vigueur, on a tout lieu d'admettre que les art. 352 ss CP ont remplacé
l'art. 252 PPF.

Erwägung 3

    3.- a) Aux termes de l'art. 352 al. 1 CP, dans toutes les causes
entraînant l'application du Code pénal, les cantons entre eux - notamment
- sont tenus de se prêter assistance. Cette obligation inclut l'entraide
pour les fins de la poursuite pénale ou pour l'exécution du jugement
(ATF 102 IV 220 consid. 2 et les arrêts cités).

    L'art. 352 CP a pour fondement l'art. 67 Cst. qui correspond à
l'art. 55 de la Constitution de 1848 (COLOMBI, De l'extradition en
matière pénale et de police, RDS 1887, p. 489). Il est vrai que le texte
de l'art. 67 Cst. ne mentionne que l'extradition des accusés d'un canton
à l'autre et précise toutefois que l'extradition ne peut être rendue
obligatoire pour les délits politiques et ceux de la presse. Cependant,
nul n'a remis en question la compétence de la Confédération en matière
d'extradition non seulement des accusés mais encore des condamnés
(BLUMER/MOREL, Handbuch des schweizerischen Bundesstaatsrechtes, Bâle
1891, p. 296; LIENHART, op.cit., p. 58; SCHOLLENBERGER, Bundesverfassung
der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Berlin 1905, p. 461; BURCKHARDT,
Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung, Berne 1931, p. 604; WERNER,
De l'exécution intercantonale de jugements des tribunaux pénaux suisses,
RDS 1908, p. 487).

    b) L'entraide est en principe obligatoire pour les cantons (voir TRÜB,
Die interkantonale Rechtshilfe im schweizerischen Strafrecht, Zurich 1950,
p. 48 s.; voir HAUSER, Kurzlehrbuch des schweizerischen Strafprozessrechts,
Bâle 1984, p. 116). Cette obligation connaît deux exceptions seulement:
aux termes de l'art. 352 al. 2 CP, les cantons ne peuvent refuser la remise
d'un inculpé ou d'un condamné que si la cause a trait à un crime ou délit
politique ou de presse. Le canton qui refuse la remise est tenu de se
charger du jugement. Dans ces deux cas, l'art. 352 al. 2 CP crée ainsi
pour la personne poursuivie un for spécial dans le canton de résidence,
cela en dérogation aux règles en matière de for prévues aux art. 346 ss CP
(voir HAUSER, op.cit., p. 116).

    c) L'art. 67 Cst. n'exclut pas l'extradition en présence de délits
politiques; cette mesure d'entraide n'est pas interdite dans de tels
cas (FLEINER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Tubingue 1923, p. 457;
THORMANN, Die Rechtshilfe der Kantone auf dem Gebiete des Strafrechts,
RDS 1928, p. 40a).

    d) En l'espèce, il convient de déterminer tout d'abord si l'on est en
présence d'un délit politique au sens de l'art. 352 al. 2 CP. En effet,
c'est la seule hypothèse qui permettrait de faire valoir une exception
au principe général contraignant le canton à livrer le condamné.

Erwägung 4

    4.- a) Les motifs invoqués par l'autorité requise nécessitent tout
d'abord les précisions suivantes. Un délit politique, qui réalise les
éléments constitutifs d'une infraction du Code pénal, ne bénéficie d'aucun
traitement privilégié ni d'une quelconque impunité. Les délits politiques
sont fondamentalement aussi répréhensibles que les actes délictueux
dépourvus de tout caractère politique. Ce caractère peut être pris en
considération dans le cadre des règles légales au stade de la fixation de
la peine, non pas à celui de la réalisation de l'infraction. A cet égard,
il faut se garder d'oublier que le jugement de l'autorité cantonale a été
soumis à l'examen de la Cour de cassation du Tribunal fédéral, laquelle ne
l'a pas annulé. Il ressort aussi de l'arrêt de cette même cour, relatif
au recours de droit public du condamné, que les instances cantonales ont
procédé à une appréciation des preuves exempte d'arbitraire; du reste,
dans sa décision consécutive au pourvoi en nullité, ladite cour a admis
qu'il y avait eu dommages à la propriété qualifiés, sans se référer à la
haine ou à la soif de vengeance alléguées, ni à une prétendue manifestation
de ces sentiments (consid. 3 in fine). L'une des tâches principales de
la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral est de veiller à une
application uniforme du droit pénal (voir par exemple ATF 117 IV 403
consid. b); or, dans ces deux arrêts, elle est parvenue à la conclusion
que ni l'appréciation des preuves ni l'application du Code pénal (aussi
bien sur le plan de la réalisation de l'infraction que sur celui de la
peine) n'étaient contraires au droit fédéral pris dans un sens large.

    b) La chambre de céans apprécie librement si l'on est en présence
ou non d'un délit politique, sans être liée par des règles légales (voir
Bulletin Sténographique du Conseil national 1930 p. 72).

    c) Sur la notion du délit politique, on trouve dans la doctrine
récente diverses opinions, le plus souvent sans indication de motifs,
pour autant que le problème soit abordé. Selon TRECHSEL (op.cit., art. 352
n. 4 p. 870) la notion de délit politique figurant à l'art. 352 al. 2
CP se rapporte uniquement aux infractions prévues aux titres 13, 14 et
16 CP; cet auteur semble raisonner par analogie avec l'art. 105 PPF,
où l'on trouve également la notion de délit politique. D'après PETER et
d'après HUBER, cette disposition vise avant tout les infractions figurant
sous les titres 13 à 15 du Code pénal (PETER, Bundesstrafgerichtsbarkeit
und kantonale Gerichtsbarkeit, RPS 87 [1971] 173; HUBER, Probleme des
gerichtspolizeilichen Ermittlungsverfahrens im Bundesstrafprozess, RPS 101
[1984] 398); HUBER admet cependant qu'il n'est guère possible de donner
une définition générale des délits politiques (op.cit., p. 398). De
l'avis de PETER au sujet des art. 112 ch. 3 Cst. et 341 let. d CP, il
faut comprendre par crimes et délits politiques tous les actes délictueux
provoqués ou décidés pour des motifs politiques (op.cit., p. 174 avec
une référence à Carl Stooss in RPS 36 [1923] 46 ss).

    Ces auteurs ne peuvent être suivis dans la mesure où ils limitent
la portée de l'art. 352 al. 2 CP aux infractions prévues sous certains
titres du Code pénal. Pour BURCKHARDT déjà, les délits politiques au sens
de l'art. 67 Cst. ne comprenaient pas seulement les infractions contre
l'Etat prévues par les codes pénaux cantonaux et par le Code pénal suisse
projeté (op.cit., p. 606).

    d) Selon certains auteurs, la notion de délit politique valable sur
le plan intercantonal ne diffère pas de celle qui prévaut en matière
d'extradition internationale; celle-ci permet de refuser l'extradition
en cas de délit politique absolu ou pur mais aussi lorsqu'il s'agit d'un
délit politique relatif (voir dans ce sens SCHULTZ, Das schweizerische
Auslieferungsrecht, Bâle 1953, p. 411 ss, en particulier p. 415 n. 45;
LIENHART, op.cit., p. 80).

    aa) Un délit politique absolu est défini comme un acte délictueux
dirigé contre l'organisation politique et sociale de l'Etat; il implique
que l'atteinte portée à l'Etat et à ses installations essentielles soit,
en tant que telle, érigée en un délit spécifique dont elle est l'un des
éléments objectifs (voir dans ce sens ATF 110 Ib 284 consid. c et les
arrêts cités). Ce cas ne se présente manifestement pas ici. En effet, il
y a eu des dommages qualifiés à la propriété, au sens de l'art. 145 CP,
disposition qui n'est pas destinée à protéger de façon directe l'ordre
politique et social de l'Etat (voir ATF 109 Ib 71 consid. 6a).

    bb) En l'espèce, seul un délit politique relatif peut être
envisagé. Une telle infraction demeure punissable selon le droit commun,
mais son caractère politique prépondérant ne permet pas l'extradition
internationale. Ce caractère politique prépondérant s'apprécie en fonction
de la nature politique des circonstances, des mobiles et des buts qui
ont déterminé l'auteur à passer à l'action; ils doivent apparaître au
juge de l'extradition comme ayant exercé une influence prédominante
sur l'acte délictueux. Cependant, ce dernier doit toujours se situer
dans le cadre d'une lutte contre la puissance publique et l'on exige
un rapport adéquat avec l'objet de cette lutte. C'est par exemple le
cas lorsque l'acte répréhensible a été accompli afin de préparer, de
faciliter, d'assurer, de cacher un délit politique ou d'en obtenir plus
tard l'impunité (voir ATF 115 Ib 85 consid. 5b et les arrêts cités). D'une
part, un lien étroit, direct et clair doit exister entre l'acte délictueux
et les buts poursuivis; d'autre part, l'atteinte aux biens juridiquement
protégés d'autrui doit être proportionnée au but politique visé, et les
intérêts en jeu doivent revêtir une importance suffisante pour que le
comportement délictueux apparaisse, dans une certaine mesure au moins,
compréhensible (voir ATF 110 Ib 285 consid. d; PFENNINGER, pour qui
déjà le moyen utilisé doit correspondre au but allégué [Der Begriff
des politischen Verbrechens, RDS 1880, p. 100]; voir aussi SCHULTZ,
op.cit., p. 447, d'après lequel le délit politique relatif doit permettre
d'atteindre les buts politiques visés, par des moyens appropriés). De plus,
en matière d'extradition internationale, on exige en règle générale que
l'auteur ait pu s'attendre à ce que des changements dans l'organisation
politique et sociale de l'Etat résultent de son action et que celle-ci
dépasse le cadre d'un simple délit de droit commun (voir ATF 106 Ib 310).

    En général, on pose des exigences élevées pour admettre qu'une
infraction constitue un délit politique relatif: lorsque la Suisse
doit appliquer un traité multilatéral ou bilatéral en matière
d'extradition, l'exception relative au délit politique est interprétée
restrictivement. Cette pratique restrictive vaut en particulier lorsque
l'Etat requérant se trouve être un pays démocratique, où les autorités
judiciaires jouissent d'une véritable indépendance, comparable à celle
que l'on connaît en Suisse (voir ATF 115 Ib 85 consid. 5b, avec la
jurisprudence et la doctrine citées).

    cc) A la lumière de ces critères, l'acte du condamné ne paraît guère
revêtir un caractère politique prédominant; on ne saurait en particulier
admettre que le moyen choisi ait été adapté au but politique visé. L'auteur
ne pouvait pas non plus en attendre un changement, dans le sens voulu,
de l'organisation politique et sociale du canton de Berne. Dès lors,
l'infraction en cause doit être considérée comme un autre délit, commis
pour des motifs politiques, lequel ne constitue pas un délit politique
au sens du droit international de l'extradition (voir SCHULTZ, op.cit.,
p. 422, 429, 434; LIENHART, op.cit., p. 81; FLEINER, op.cit., p. 75 s.).

    e) Une partie de la doctrine est d'avis d'interpréter la notion de
délit politique encore plus strictement dans le domaine de l'entraide
intercantonale que sur le plan international (voir PFENNINGER et SERMENT,
RDS 1880, p. 95 et 141; selon LIENHART, il conviendrait d'abandonner
complètement le privilège accordé aux délits politiques dans les relations
intercantonales, op.cit., p. 83 s.). Cette opinion repose le plus souvent
sur des arguments tirés de l'existence de la Confédération, qui garantit
- comme démocratie - une entière liberté d'expression et met ainsi à
disposition de tous les courants politiques les moyens légaux propres à
les aider à faire prévaloir leurs idées. Dans ces conditions, le fait de
privilégier les délits politiques équivaudrait presque à encourager les
excès dans les moeurs politiques (voir LIENHART, op.cit., p. 84). De
même, Serment exigeait déjà que, tant que la liberté d'expression et la
liberté de presse seraient pleinement garanties, on ne permette pas que des
particuliers ou des partis soient poussés à imposer par la violence leurs
conceptions visant à changer l'ordre politique (op.cit., p. 142). Pour
PFENNINGER, la destruction de monuments publics peut constituer un
délit politique (op.cit., p. 47). Cependant, il est aussi d'avis que les
infractions de droit commun ne doivent en principe pas être considérées
comme des délits politiques lorsque les libertés du citoyen sont garanties;
dans ces circonstances, les actes politiques excessifs qui causent des
dommages ne constituent pas des délits politiques. Plus la liberté du
citoyen est étendue, plus grand doit être le respect des lois qu'il s'est
données; dans des cas très particuliers, il serait possible de faire preuve
de compréhension vis-à-vis d'un citoyen égaré par la passion politique et
de tenir compte de ce fait au stade de la fixation de la peine (op.cit.,
p. 96).

    f) A l'inverse, pour d'autres auteurs, la notion de délit politique
doit être interprétée plus largement qu'en matière d'extradition
internationale.

    Selon BURCKHARDT, il y a délit politique au sens de l'art. 67
Cst. lorsque le bien, objet de l'atteinte, sert juridiquement de support
à la puissance publique de l'Etat; en principe, le délit politique n'est
pas seulement celui qui porte atteinte aux installations politiques de
l'Etat et qui est érigé comme tel en infraction spécifique, mais encore
tout autre acte délictueux commis dans un but politique. De plus, la
notion de délit politique ne se limite pas aux cas où le but final de
l'auteur est de nature politique mais elle inclut aussi les actes dont
l'origine est la passion politique même s'ils sont dépourvus de tout
but politique (BURCKHARDT, op.cit., p. 606). HAFTER notamment partage
cette opinion (Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil, Berlin 1943,
p. 629). Pour SCHOLLENBERGER aussi, les délits politiques prévus à
l'art. 67 Cst. comprennent les infractions de nature politique au sens
large; il y inclut les actes délictueux dont les motifs ou les buts
sont de nature politique (op.cit., p. 454 et 460; voir aussi SERMENT,
RDS 1880, p. 146). De même pour BLUMER, les infractions de droit commun,
dont l'origine est liée à un but politique, doivent être en principe
considérées comme des délits politiques, cela pour autant que les
circonstances ne leur confèrent pas un caractère nettement prépondérant
de délit de droit commun (op.cit., p. 295). Selon HOFFMANN également,
un motif et un but final de nature politique suffisent (Das politische
Delikt im schweizerischen Recht und in der schweizerischen Rechtsprechung,
thèse Zurich 1933, p. 72 et 109). D'après KNAPP, les délits politiques
prévus à l'art. 67 Cst. sont ceux dont le but est principalement politique
(Commentaire de la Cst., art. 67 n. 12). Le procès-verbal de la Commission
parlementaire va dans la même direction; il précise que l'ancien art. 55
Cst. se rapporte simplement à "des objets de nature politique" (cité par
COLOMBI, op.cit., p. 489). Pour STOOSS encore, les délits politiques sont
ceux qui présentent un caractère politique (Die Bundesgerichtsbarkeit
für politische Vergehen in Interventionsfällen, RPS [36] 1923, p. 57).

    g) Si l'opinion, d'après laquelle les principes développés dans
le domaine du droit suisse de l'extradition internationale relatif aux
délits politiques valent également sur le plan intercantonal, pouvait
se justifier au siècle passé et partiellement encore dans les premières
décennies de ce siècle, ce n'est plus le cas aujourd'hui (voir HAFTER,
Schweizerisches Strafrecht, Berlin 1943, p. 630; aussi HOFFMANN, op.cit.,
p. 72). Les relations internationales mettent en présence, actuellement
encore, des Etats dont les ordres juridiques sont parfois le fruit de
traditions très éloignées. Si en matière d'extradition internationale le
droit étranger peut placer le juge suisse devant des problèmes délicats,
il n'en va pas de même en cas d'extradition intercantonale. Il s'agit
alors d'une application du même droit, le droit suisse. En effet, depuis
l'entrée en vigueur du Code pénal suisse, en 1942, un droit pénal uniforme
est applicable sur tout le territoire helvétique. Il doit être appliqué
par tous les tribunaux du pays et le Tribunal fédéral contrôle cette
application uniforme (voir par exemple ATF 117 IV 403 consid. b). Le droit
pénal cantonal est devenu secondaire; les cantons conservent le pouvoir de
réprimer les contraventions mais leur compétence en matière de peines est
limitée (art. 335 CP). Les lois de procédure pénale cantonales ont aussi
eu tendance à se rapprocher au cours de la décennie passée et prévoient,
dans leurs grandes lignes, des règles semblables. La CEDH a également
accéléré cette harmonisation. Ainsi, lorsqu'une infraction du Code pénal
est en cause, on doit pouvoir admettre que l'acte délictueux aurait été
jugé dans tous les cantons suisses selon les mêmes principes. Cependant,
malgré toutes ces garanties et dans des circonstances particulières, il
peut arriver que les autorités judiciaires d'un canton, appelées à juger
l'auteur d'une infraction dirigée d'une certaine manière contre ledit
canton, puissent donner l'impression de n'être pas impartiales en raison
du caractère politique de l'acte délictueux. On peut alors concevoir que
le droit du canton requis de refuser la remise du condamné constitue le
corollaire du droit du délinquant à être jugé par un tribunal indépendant
et impartial (art. 58 Cst.; voir ci-dessous consid. 7). Si le canton requis
fait usage de son droit de refuser l'extradition, il faut se conformer à
sa décision qui relève de l'appréciation et qui, dans une Confédération
comme la nôtre, n'est pas prise à la légère. Dans un tel cas, conformément
à l'avis des auteurs précités au considérant 4f et g, il ne faut pas se
montrer trop strict lorsqu'il s'agit de savoir si un délit est politique;
en effet, on ne porte pas ainsi une atteinte inacceptable à la justice
(ce qui sera expliqué ci-dessous). Cela vaut aussi bien en présence d'un
jugement passé en force qu'à un stade antérieur de la poursuite pénale. En
effet, dans la Confédération suisse pourvue de tribunaux indépendants,
on peut admettre que ceux-ci sont aussi en mesure de juger les délits de
nature politique en faisant preuve de l'indépendance voulue et après une
procédure digne d'un Etat fondé sur le droit. A cela s'ajoute le fait
que la faculté de refuser la remise prévue sur le plan intercantonal -
à la différence de l'extradition internationale - ne constitue pas un
privilège dont bénéficierait l'auteur du délit, car cette possibilité
n'aboutit pas nécessairement à l'impunité. A l'appui de l'opinion d'après
laquelle il ne convient pas de s'en tenir à une définition trop étroite
des délits politiques prévus à l'art. 67 Cst., on doit aussi mentionner le
fait que le constituant d'alors a inclus les délits de presse dans cette
même disposition; cette indication n'est pas négligeable (voir HAFTER,
Schweizerisches Strafrecht, p. 629). A cette époque aussi, on donnait
une interprétation large à la notion de délit politique (STOOSS, RPS [36]
1923, p. 49).

    Même si, déjà en 1928, certains ont qualifié cette disposition
constitutionnelle d'anachronisme, le législateur - à dessein - n'en
a pas proposé la suppression, ce qui montre qu'elle lui a paru utile
(voir Bulletin Sténographique du Conseil national 1930 p. 71; THORMANN,
op. cit., p. 192a; de même aujourd'hui TRECHSEL, Kurzkommentar, art. 352
n. 4 p. 870); elle demeure applicable encore à notre époque.

    h) Dès lors que la notion de délit politique au sens de l'art. 352
al. 2 CP doit être interprétée largement - on l'a vu -, l'acte punissable
du condamné doit être considéré comme tel. En effet, dans les circonstances
très particulières créées en l'espèce par l'affaire des "Caisses noires",
il apparaît que pour une part en tout cas la destruction de la Fontaine
de la Justice procède de motifs politiques.

    Il s'ensuit que le canton requis est en droit à cet égard de faire
valoir ici l'exception prévue à l'art. 352 al. 2 CP.

Erwägung 5

    5.- a) Quant aux conséquences d'un refus de la remise fondé sur
l'art. 352 CP, la lettre de l'art. 352 al. 2 CP n'indique pas clairement
quelles sont les obligations du canton requis. Alors que la première phrase
mentionne la remise "d'un inculpé ou d'un condamné", selon la seconde,
le canton qui refuse la remise est tenu de se charger du jugement.

    b) Le texte allemand proposé par la Commission du Conseil national
relatif à l'art. 371 CP devenu l'art. 352 imposait plus explicitement
au canton requis de procéder au jugement de l'inculpé ou du condamné
(emploi des termes "dessen Beurteilung"); c'est ce texte qui a été adopté
(Bulletin Sténographique du Conseil national 1930 p. 68, 71, 74). Le
Conseil des Etats a approuvé cette proposition (Bulletin Sténographique
du Conseil des Etats 1931 p. 683 s.). On ne discerne pas pourquoi la
rédaction du texte du Code pénal est différente. En cas de refus de la
remise, le canton requis à l'obligation - selon la volonté manifeste du
législateur - de faire juger par les tribunaux de ce canton l'inculpé ou
le condamné (FF 1918 IV 97).

    c) Une telle interprétation ne tiendrait pas compte du principe "ne
bis in idem" dans la mesure où l'on est en présence d'un jugement entré
en force de chose jugée (voir consid. d ci-dessous) qui devrait être
remis en cause. Selon la jurisprudence, ce principe de droit fédéral
fait partie du droit pénal matériel. Il signifie que personne ne peut
être poursuivi deux fois pour les mêmes faits; en d'autres termes, cela
veut dire que l'aboutissement d'une poursuite pénale, qui a donné lieu
à une première décision judiciaire, fait obstacle à l'ouverture d'une
seconde procédure pénale ou au prononcé d'un second jugement pour les
mêmes actes délictueux. Après une décision judiciaire entrée en force
et prononcée dans un premier canton, le principe "ne bis in idem", qui
est de rang constitutionnel puisqu'il découle de l'art. 4 Cst., s'oppose
ainsi à ce qu'un nouveau jugement soit rendu dans un autre canton (voir
ATF 116 IV 265 avec la jurisprudence et la doctrine citées). De plus, le
principe "ne bis in idem" figure à l'art. 4 du protocole No 7 à la CEDH
(RS 0.101.07; voir ATF 116 IV 265); aux termes du ch. 2 de cet article,
ce principe n'empêche pas la réouverture du procès "si des faits nouveaux
ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente
sont de nature à affecter le jugement intervenu". Il faut tenir compte de
cette règle restrictive, qui n'est pas seulement de rang constitutionnel
mais qui repose aussi sur le droit conventionnel découlant de la CEDH,
dans l'application de l'art. 352 al. 2 CP.

    La même restriction découle de la notion d'autorité de la chose jugée
d'après laquelle les faits qui ont été l'objet d'un jugement entré en force
de chose jugée ne peuvent plus être à nouveau examinés dans une procédure
dirigée contre la même personne. Un nouveau jugement est exclu sur le plan
de la procédure comme sur celui du droit matériel. Cette interdiction
d'engager une nouvelle action pénale ne vaut que si la personne est
la même et si les faits reprochés sont identiques (HAUSER, op.cit.,
p. 241; PIQUEREZ, Précis de procédure pénale suisse, Lausanne 1987,
p. 470 n. 2616 ss; SCHMID, Strafprozessrecht, Zurich 1988, n. 588 ss;
DONATSCH, Zum Verhältnis zwischen Steuerhinterziehung und Steuerbetrug,
Archives 60, p. 311 ss).

    d) En l'espèce, le jugement rendu par l'autorité cantonale bernoise
a fait l'objet de deux recours au Tribunal fédéral. Le recours de droit
public (dans la mesure où il était recevable) et le pourvoi en nullité
ont tous deux été rejetés. L'annulation d'un arrêt du Tribunal fédéral
n'est possible que s'il existe des motifs de revision (art. 136 ss
OJ). Ce n'est pas le cas ici. Le canton requis ne soutient d'ailleurs
pas le contraire. En particulier, nul ne fait valoir que la procédure
(fédérale) ayant précédé ces arrêts serait entachée de graves défauts
propres à influer sur l'issue du procès. Ainsi, le jugement de l'autorité
cantonale bernoise est entré en force de chose jugée.

    e) Cela étant, il s'ensuit qu'un nouveau jugement du condamné ne
peut plus être entrepris par le canton requis car une telle procédure
heurterait le principe "ne bis in idem" découlant de la Constitution
fédérale et de la CEDH. Le nouveau jugement prévu à l'art. 352 al. 2
CP n'est donc pas possible. Cela ne saurait cependant signifier que le
condamné puisse demeurer simplement impuni car, dans un Etat de droit,
les jugements entrés en force doivent être exécutés. Il reste à examiner
si le canton requis peut procéder lui-même à l'exécution de la peine ou
s'il a l'obligation de livrer le condamné au canton requérant en vue de
l'exécution de la sanction (voir art. 473 CP).

    f) Le fait que le refus de la remise ne puisse en tout cas pas
permettre que le condamné demeure impuni résulte du principe du
droit pénal de remplacement que contient l'art. 352 al. 2 CP; il a
été repris du droit intercantonal de l'extradition tel qu'il existait
avant l'entrée en vigueur du Code pénal suisse. Ce droit a été abrogé
conformément à l'art. 398 al. 2 let. b CP lors de l'entrée en vigueur
du Code pénal suisse le 1er janvier 1942. Il est vrai que le projet de
code pénal, selon le message du Conseil fédéral, devait soigneusement
refondre l'extradition et toute la question de l'entraide (FF 1918 IV
97); cependant, on s'est pratiquement limité à "codifier" l'entraide
intercantonale prévue jusque-là dans la Loi fédérale sur l'extradition
(voir HAFTER, Die Rechtshilfe der Kantone auf dem Gebiete des Strafrechts,
RPS 1929, p. 71). BURCKHARDT (op.cit., p. 605) indique aussi que, d'après
le projet du code pénal de 1918, les autorités des cantons auraient dû
pratiquer entre elles une entraide complète en matière d'application des
lois pénales fédérales; seule l'exécution des peines privatives de liberté
faisait exception en ce sens que l'exécution de celles-ci était soumise
aux mêmes règles qu'auparavant. L'adoption des art. 371 ss, devenus
352 ss CP, devait permettre une répression efficace de la criminalité en
Suisse (voir Bulletin Sténographique du Conseil national 1930 p. 73). On
voit qu'il ne s'agissait nullement de restreindre la pratique alors
en vigueur; celle-ci devait au contraire persister sous l'empire du
nouveau code pénal, après l'élimination de certaines de ses faiblesses.
Devant le Conseil des Etats, le rapporteur a souligné également que les
dispositions relatives à l'entraide contenaient des règles, "die jetzt
schon im interkantonalen Verkehr rechtens oder wenigstens üblich waren"
(Bulletin Sténographique du Conseil des Etats 1931 p. 682).

    Il convient ainsi d'examiner quels éléments la genèse de ces
dispositions permet de dégager en vue de trouver une solution au problème
posé en l'espèce.

Erwägung 6

    6.- a) Au cours des débats sur l'art. 55 de la Constitution fédérale
de 1848, on a expressément renoncé à définir plus précisément l'exception
prévue pour les délits politiques. Cependant, certains ont exprimé l'idée
que la législation de quelques cantons pouvait ne pas offrir les garanties
propres à assurer un jugement équitable et une sanction qui ne soit pas
inhumaine; on voulait en particulier éviter que la peine de mort, encore
prévue pour les délits politiques dans quelques cantons, ne puisse frapper
les citoyens d'un canton qui l'avait abolie (COLOMBI, op.cit., p. 491,
en particulier p. 407; voir aussi BLUMER, op.cit., p. 298 fin).

    b) aa) Conformément au mandat de légiférer prévu à l'art. 55 de la
Constitution de 1848, la Loi fédérale du 24 juillet 1852 sur l'extradition
de malfaiteurs ou d'accusés a été adoptée (ci-après: Loi sur l'extradition;
voir LIENHART, op.cit., notamment p. 112 ss et les arrêts suivants qui
en donnent une vision complète: ATF 12, 272 s.; 22 II 969; 25 I 346 s.;
27 I 49 s.; 30 I 687 s.; 31 I 106 s.; 48 I 529).

    bb) L'art. 1er al. 2 de la Loi sur l'extradition prévoyait le
principe du droit pénal de remplacement comme constituant une exception
à l'obligation générale d'extrader (voir ATF 48 I 438 s.). Cela reposait
sur les considérations selon lesquelles, dans un Etat fédéral, dont les
membres ont un devoir réciproque de garantir l'ordre légal plus impératif
que vis-à-vis des Etats étrangers, il serait tout à fait inacceptable de
laisser impuni le délinquant qui agit dans un canton et s'enfuit dans son
canton d'origine par exemple parce que ce dernier ne le menace d'aucune
sanction; d'un autre côté, compte tenu des importantes différences existant
entre les lois pénales cantonales, les lois de procédure et les peines
prévues (en particulier la peine de mort, voir FLEINER, op.cit., p. 459
et les citations) dont certaines de ces dernières avaient été abolies, on
ne pouvait pas édicter une obligation absolue d'extrader. L'extradition
était en revanche prévue dans le cas où le canton d'origine ne voulait
pas se charger lui-même de la poursuite et du jugement (voir COLOMBI,
op.cit., p. 495; voir aussi ATF 48 I 439). Au début, la Commission
parlementaire elle-même ne voulait pas prévoir d'exception, en faveur du
canton d'origine ou de domicile, à la règle imposant un devoir général
d'extrader; les commissaires estimaient cependant qu'il serait trop dur
de prévoir une obligation d'extrader vers un canton dont la législation
ne garantissait pas suffisamment le jugement équitable de l'inculpé ou
une sanction qui ne soit pas inhumaine (voir COLOMBI, op.cit., p. 497).

    La Loi sur l'extradition laissait les cantons libres de se charger
eux-mêmes du jugement de la personne poursuivie et de l'exécution
de la peine au lieu de l'extrader (ATF 27 I 478). En cas de refus de
l'extradition, seules deux possibilités subsistaient. Soit celle de
faire juger à nouveau le condamné par les tribunaux du canton requis,
soit d'exécuter la sanction déjà prononcée dans le canton requérant
(voir ATF 48 I 438 consid. 2; SCHOLLENBERGER, op.cit., p. 461). Dans ce
domaine, le Tribunal fédéral plaçait déjà au premier plan le principe de
l'application du droit pénal matériel (voir ATF 48 I 439; 27 I 479).

    cc) Au contraire, si l'extradition était refusée parce qu'il
s'agissait d'un délit politique, la Loi sur l'extradition ne prévoyait
aucune obligation, pour le canton requis, d'exécuter la peine; en effet,
l'art. 1er al. 2 de cette loi ne devait pas s'appliquer dans ce cas
(LIENHART, op.cit., p. 83; voir COLOMBI, op.cit., p. 499 s.).

    Ce traitement particulier de l'auteur d'un délit politique est dû,
à côté des raisons exposées au considérant 6b bb qui précède, aux grandes
oppositions qui existaient dans la vie politique et sociale des cantons
avant 1848: "In dem einen Kanton wurde ein und derselbe Mann als Ketzer
verflucht, in dem andern beinahe als Heiliger verehrt; in dem einen als
Verbrecher verfolgt, in dem andern als ehrbarer Mann geachtet" (BADER,
Das politische Verbrechen, Zurich 1900, p. 187; voir aussi GMÜR, RDS 1928,
p. 204a). Cette réglementation permettait que l'auteur du délit puisse
demeurer impuni tant qu'il ne se trouvait pas dans le canton où il l'avait
commis. Ce résultat est aussi souvent considéré comme contraire à l'esprit
d'un Etat fédéral, d'autant plus que cette situation s'expliquait alors
par des raisons historiques seulement; cela est décrit ainsi: "Unschöne
Narbe an unserem Rechtskörper, die aus der Zeit der Bürgerkriege, Putsche,
Umstürze und Freischarenzüge vor 1848 stammt" (LIENHART, op.cit., p. 84
let. f.; voir aussi BADER, op.cit., p. 187 s.).

    BLUMER ET MOREL sont d'un avis analogue; ils admettent toutefois
que dans des temps troublés, notamment, le jugement d'actes délictueux
de nature politique, qui dépend beaucoup des conceptions politiques,
pourrait ne pas être le même dans tous les cantons (Handbuch des
Schweizerischen Bundesstaatsrechts, Bâle 1891, p. 293). Pour THORMANN
également, la méfiance à l'égard de la législation et de la jurisprudence
de certains cantons se justifiait en partie (RDS 1928, p. 43a). De même,
d'après HAFTER, l'unification du droit pénal ne parviendrait pas à faire
complètement disparaître la méfiance à l'égard de la justice des différents
cantons; cela serait dû pour beaucoup à la diversité des relations,
aux conceptions différentes en matière de procédure et aux divergences
pouvant surgir dans l'appréciation des cas particuliers par le juge;
cela serait sensible en matière de délits politiques, particulièrement
en période de mutation (RPS 1929, p. 75 s.).

    c) Après l'unification du droit pénal fédéral, le besoin de conserver
dans la loi la possibilité de refuser l'extradition de citoyens ou
d'habitants d'un canton n'existait plus (ainsi déjà BLUMER/MOREL,
op.cit., p. 299). C'est pourquoi cette faculté ne se retrouve pas dans
l'avant-projet de 1903 du Code pénal (voir aussi BRAND, Die interkantonale
Vollstreckung der gerichtlichen Strafurteile in der Schweiz, RDS 1908,
p. 586). En même temps devait disparaître aussi le droit pénal de
remplacement prévu à l'art. 1 al. 2 de la Loi sur l'extradition (voir
HAFTER, op.cit., p. 72).

    La réserve prévoyant la possibilité sans limite de refuser
l'extradition en cas de délits politiques, prévue par la Loi sur
l'extradition, a été cependant reprise à l'art. 23 al. 2 de l'avant-projet,
malgré certaines critiques (voir dans ce sens BRAND, op.cit., p. 587 fin).

    Le projet de 1918 renferme également cette réserve pour les délits
politiques. Il y est cependant ajouté le principe du droit pénal de
remplacement en ce sens que le canton doit se charger du jugement s'il
refuse la remise de l'inculpé ou du condamné (THORMANN, op.cit., p. 41a;
FF 1918 IV 97 et 218).

    La volonté du législateur était de réglementer l'entraide
intercantonale, considérée comme une conséquence naturelle de l'unification
du droit pénal fédéral (Bulletin Sténographique du Conseil national
1930 p. 72) de façon qu'aucune lacune ne subsiste dans la répression des
actes délictueux. Cela résulte assez clairement de la comparaison avec
les délits de presse mentionnés dans le même alinéa, au sujet desquels un
conseiller national s'est exprimé en ces termes: "Und wenn schliesslich
keiner dieser Orte in Betracht kommen kann, weil der Wohnsitzkanton die
Zuführung verweigert, so sind die Behörden des Wohnortes zuständig. Es
gibt also kein Entrinnen!" (Bulletin Sténographique du Conseil national
1930 p. 70). Dans la doctrine aussi, l'on a admis que le nouveau droit
excluait l'impunité du délinquant (HOFFMANN, Das politische Delikt im
schweizerischen Recht, thèse Zurich 1933, p. 71; voir aussi LUDWIG,
RDS 1928, p. 208a).

    Selon la Loi sur l'extradition, déjà, l'extradition pouvait être
demandée même après le prononcé d'un jugement. L'annulation du jugement (et
de la procédure qui l'avait précédé) était soumise à des conditions posées
par la jurisprudence du Tribunal fédéral, à cette époque déjà; il fallait
que les règles de procédure prévues par la Loi sur l'extradition aient
été violées, en particulier par l'omission de présenter au canton concerné
une requête d'extradition, cela avant l'ouverture de la poursuite pénale.

    Dans la mesure où la doctrine s'est exprimée sur ce point, on trouve
déjà à propos de la Loi sur l'extradition l'avis que la prise en charge
de la poursuite pénale par le canton de résidence pouvait entrer en
considération seulement en l'absence de jugement rendu dans le canton
où l'infraction avait été commise (une condamnation par défaut n'a pas
été assimilée à un tel jugement, voir ATF 31 I 105); au contraire, s'il
existait un jugement conforme sous tous ses aspects, c'est-à-dire une
décision résultant d'une procédure exempte de toute violation du droit
fédéral et donc formellement inattaquable, il ne restait au canton requis
s'opposant à l'extradition que la possibilité d'exécuter lui-même la
peine, respectivement de livrer le condamné (SCHOLLENBERGER, op.cit.,
p. 461). Dans ces cas, la protection du citoyen du canton de domicile
ne pouvait pas s'imposer (voir THORMANN, Die Rechtshilfe der Kantone auf
dem Gebiete des Strafrechts, RDS 1928, p. 46a; LIENHART, op.cit., p. 63
ss, en particulier p. 67 avec des références à WERNER et BRAND). La Loi
sur l'extradition prévoyait déjà que l'exception à l'extradition était
admissible à condition qu'en tout cas un jugement et une sanction puissent
être prononcés dans le canton d'accueil (voir ATF 27 I 478).

    d) Cette interprétation est encore valable pour le droit en
vigueur. En effet, l'unification du droit pénal et le rapprochement
des lois cantonales de procédure, qui satisfont aujourd'hui à toutes
les exigences de l'Etat de droit, font que les arguments retenus par le
Tribunal fédéral dans son arrêt publié aux ATF 31 I 106 n'emportent plus
la conviction. Dans cette décision, le Tribunal fédéral avait certes admis
que la lettre de l'art. 1er al. 2 de la Loi sur l'extradition venait à
l'appui de l'alternative laissée au canton requis (soit d'exécuter le
jugement, rendu dans le canton requérant, soit de livrer le condamné);
il l'a cependant rejetée car cette réglementation avait pour origine la
diversité des législations pénales en matière de droit pénal de fond et de
procédure pénale. De toute façon, ce point n'était pas décisif dans le cas
précité, en raison d'un vice de procédure; le canton requérant avait omis
(au mépris de la Loi sur l'extradition) de consulter le canton requis,
avant de rendre un jugement par défaut.

    e) Ainsi, lorsqu'il existe un jugement entré en force de chose jugée
rendu au cours d'une procédure exempte de vice fondamental de nature à
l'affecter, ce jugement fait obstacle à une nouvelle décision judiciaire
pour les mêmes faits, cela en raison du principe "ne bis in idem", qui
découle du droit constitutionnel et de la CEDH; il s'ensuit qu'un nouveau
jugement n'est plus possible. De plus, l'art. 352 al. 2 CP, on l'a vu, tend
à éviter des lacunes dans la répression d'actes délictueux et concrétise
ainsi le principe "aut dedere aut punire" (voir TRECHSEL, op. cit.,
art. 352 n. 4 p. 870); il s'ensuit qu'en raison de l'impossibilité de
juger à nouveau le condamné pour les mêmes faits, le canton requis a
l'obligation soit d'exécuter à ses frais le jugement entré en force de
chose jugée, soit de remettre le condamné au canton requérant (ATF 48 I
440; voir ATF 69 IV 235).

Erwägung 7

    7.- Pour être complet, il convient d'ajouter que le 14 novembre
1986 lorsqu'il a été entendu comme suspect par la Police cantonale de
Berne, à Moutier, l'inculpé était domicilié dans ce canton; du 6 au 14
novembre 1986, il a été placé en détention préventive. Lors de l'audience
de jugement devant le Tribunal correctionnel de Berne des 15 et 16 mars
1989, à laquelle il était présent, ni lui ni son défenseur n'ont contesté
la compétence, quant au lieu, des autorités bernoises. On doit certes
admettre que l'accusé, en raison de son domicile dans le canton de Berne,
n'avait en principe pas de motifs pour soulever l'exception d'incompétence
quant au lieu; il n'a cependant pas demandé la récusation du juge ou des
autorités judiciaires bernoises pour une éventuelle partialité. En 1989
semble-t-il, l'accusé a déménagé; il s'est établi à Undervelier, dans le
canton du Jura. Lors de l'audience du 2 juillet 1990 devant la Cour suprême
du canton de Berne, l'accusé n'a pas non plus remis en cause la compétence,
quant au lieu, des autorités bernoises. Il n'a pas davantage allégué la
partialité de la cour. Ce dernier argument n'a pas été soulevé devant la
Tribunal fédéral. Le condamné n'a jamais soutenu que les décisions des
autorités bernoises aient été entachées par d'importantes violations de
garanties de procédure.

    Dans ces circonstances, force est de constater que le condamné a
renoncé à son droit de faire valoir, dans les formes prévues par les
règles de procédure, une éventuelle partialité des autorités bernoises.

Erwägung 8

    8.- D'après l'art. 380 CP, tout jugement passé en force, rendu en vertu
du Code pénal suisse, est exécutoire sur tout le territoire suisse en ce
qui concerne les amendes, les frais, les confiscations, les dévolutions
à l'Etat et les dommages-intérêts. Ainsi, dans la mesure où Hêche a été
condamné à payer des dommages-intérêts, des frais de procédure et des
dépens, le jugement est exécutoire sans aucune restriction et tel qu'il a
été prononcé; en effet, aucune remise au canton requérant n'est nécessaire
à cet égard.