Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 II 410



118 II 410

81. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 octobre 1992 dans la
cause S. et H. contre M. (recours en réforme) Regeste

    Art. 271 Abs. 1 BStP; Rechtsmittel gegen die im kantonalen Urteil
zugesprochene Zivilforderung.

    Hat der letztinstanzliche kantonale Entscheid ausschliesslich
Zivilansprüche zum Gegenstand, so ist die Nichtigkeitsbeschwerde an den
Kassationshof des Bundesgerichts unzulässig (E. 1).

    Art. 49 OR; Genugtuung im Falle der Unzucht mit Kindern.

    Kriterien, die bei der Bemessung der Genugtuung zu beachten sind;
Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts (E. 2a). Unzüchtiges Verhalten
gegenüber zwei Mädchen, deren Grossmutter mit dem Täter in eheähnlicher
Gemeinschaft lebt (E. 2b).

Sachverhalt

    A.- M., né en 1932, a été atteint de poliomyélite à l'âge de 9 ans
et est resté invalide, ne pouvant se déplacer qu'à l'aide de cannes. Il
bénéficie des prestations de l'assurance-invalidité. En 1961, M. a ouvert
une droguerie qu'il exploite encore à l'heure actuelle. Marié en 1962,
il n'a pas eu d'enfant et a divorcé en 1981. Cherchant à sortir de sa
solitude, il a fait la connaissance, en 1987, de R., née en 1935. Cette
personne avait une fille, divorcée de W. De cette union étaient issues
deux filles, S., née en 1977, et H., née en 1979. M. et R. se sont mariés
après les événements qui sont à l'origine du procès pendant.

    B.- Dès l'automne 1989, M. a commis des attentats à la pudeur, lors
de visites ou de séjours chez lui de S. et de H. Ainsi, à une occasion au
moins, il a pratiqué des attouchements sous les habits de S., la caressant
partout et mettant sa main également dans la culotte de la fillette. Ces
agissements ont duré une dizaine de minutes.

    A plusieurs reprises, M. a pris H. sur ses genoux, l'a touchée un
peu partout sous la culotte, lui a caressé la poitrine et l'a embrassée
sur les seins, voire, une fois, sur le pubis. L'enfant a indiqué que ces
attouchements lui faisaient mal parfois, mais qu'elle n'osait pas en parler
à sa mère, M. lui ayant interdit de le faire. En avril 1990, H. s'en est
néanmoins ouverte à sa mère, qui a alors dénoncé M. à la justice pénale.

    Par jugement du 19 avril 1991, le Tribunal du IIIe Arrondissement
pour le district de X. a reconnu M. coupable d'attentat à la pudeur des
enfants, au sens de l'art. 191 ch. 2 al. 5 CP, et l'a condamné à 10 mois
d'emprisonnement avec sursis. Il a, en outre, alloué 10'000 francs à
H. et 5'000 francs à S. à titre d'indemnités pour tort moral.

    Saisi d'un appel de M. et d'un appel joint de H. et S. portant
uniquement sur le montant de cette indemnité - le premier concluant à
ce que cette dernière fût ramenée à 1'500 francs pour H. et à 500 francs
pour S., les secondes à ce qu'elle fût portée à 30'000 francs pour H. et à
15'000 francs pour S. -, le Tribunal cantonal du canton du Valais, statuant
le 26 février 1992 comme Cour civile II, conformément à l'art. 181 CPP
val., a modifié le jugement de première instance et condamné le défendeur
M. à payer aux demanderesses S. et H., respectivement, les sommes de
1'000 francs et de 6'000 francs avec intérêts à 5% l'an dès le 26 novembre
1990. Il a mis les frais d'appel pour moitié à la charge du défendeur et
pour l'autre moitié à celle des demanderesses par égales parts.

    C.- Les demanderesses ont interjeté un pourvoi en nullité en
invitant le Tribunal fédéral à le traiter au besoin comme un recours en
réforme. Elles concluent à la réforme du jugement attaqué, en ce sens que
le défendeur est condamné à payer 15'000 francs à H. et 8'000 francs à
S. A titre subsidiaire, elles requièrent le renvoi de la cause à la Cour
civile II pour nouveau jugement.

    Le défendeur conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et,
subsidiairement, au rejet de celui-ci.

    Admettant partiellement le recours, le Tribunal fédéral fixe à 10'000
francs l'indemnité allouée à H. et confirme le jugement attaqué pour
le surplus.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 271 al. 1 PPF, lorsque les conclusions
civiles ont été jugées en même temps que l'action pénale, il appartient
au lésé, au condamné et au tiers déclaré responsable avec le condamné
de se pourvoir en nullité en ce qui concerne les conclusions civiles.
Il n'y a pas de recours en réforme. Ainsi, pour que le pourvoi en
nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral soit recevable,
il faut que les conclusions de la partie civile aient été "jugées" et,
de surcroît, qu'elles l'aient été "en même temps" que l'action pénale:
la première de ces deux conditions cumulatives n'est pas réalisée lorsque
la partie civile a été renvoyée à agir devant le juge civil (ATF 104
IV 71 consid. 3b; MESSMER/IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel in
Zivilsachen, p. 71, note 28 ad n. 51; CORBOZ, in SJ 1991 p. 74 in limine);
quant à la seconde, sa réalisation suppose que les actions civile et
pénale aient été jugées définitivement par la même autorité, autrement
dit que la décision cantonale soit susceptible d'un pourvoi en nullité à
la Cour de cassation du Tribunal fédéral en ce qui concerne tant l'action
pénale que les conclusions civiles (ATF 96 I 633 consid. 1b).

    En l'espèce, le Tribunal cantonal valaisan était saisi d'un appel et
d'un appel joint ne portant que sur la sentence civile et les frais, et
il a statué sur ces moyens de droit en tant que Cour civile, conformément
aux prescriptions de l'art. 181 al. 1 CPP val. (cf. Revue valaisanne de
jurisprudence, 1985 p. 103 et 1987 p. 358), même si, par suite d'une
inadvertance, le rubrum de son jugement porte la mention de "Cour pénale
II". C'est dire que les conclusions civiles n'ont pas été jugées en même
temps que l'action pénale, contrairement à ce qui avait été le cas en
première instance. Dès lors, le pourvoi en nullité n'est pas recevable
en l'occurrence. Rien ne s'oppose toutefois à ce qu'il soit traité comme
un recours en réforme, puisque le mémoire des demanderesses satisfait
aux exigences formelles propres à cette voie de droit, que la valeur
litigieuse requise est atteinte et que le conseil des demanderesses a
expressément sollicité semblable conversion avant l'expiration du délai
de recours (art. 54 al. 1 OJ). Il y a lieu, partant, d'entrer en matière.

Erwägung 2

    2.- A l'appui de leur recours en réforme, les demanderesses invoquent
la violation de l'art. 49 CO et reprochent à la cour cantonale de leur
avoir alloué une indemnité ne correspondant pas au tort moral que le
défendeur leur a causé.

    a) L'ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de
l'atteinte - ou, plus exactement, de la gravité de la souffrance qui est
résultée de cette atteinte, car celle-ci, quoique grave, peut n'avoir
que des répercussions psychiques modestes suivant les circonstances - et
de la possibilité d'adoucir de manière sensible, par le versement d'une
somme d'argent, la douleur morale. Sa détermination relève du pouvoir
d'appréciation du juge. En raison de sa nature, elle échappe à toute
fixation selon des critères mathématiques (ATF 117 II 60 consid. 4a/aa
et les références). L'indemnité pour tort moral est destinée à réparer un
dommage qui, par sa nature même, ne peut que difficilement être réduit à
une simple somme d'argent. C'est pourquoi son évaluation en chiffres ne
saurait excéder certaines limites. Néanmoins, l'indemnité allouée doit
être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de
l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire
à la victime. S'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les
adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation
de la monnaie (ATF 89 II 25/26).

    Comme la fixation du montant d'une indemnité pour tort moral
relève, pour une part importante, de l'appréciation des circonstances, la
juridiction de réforme, bien qu'elle la revoie librement - il ne s'agit, en
effet, pas là d'une question d'appréciation au sens strict, qui limiterait
le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à l'abus ou à l'excès (arrêt non
publié du 24 avril 1987, dans la cause D. c. C. et Ministère public du
Bas-Valais, consid. 6b) -, n'intervient que si la cour cantonale a mésusé
de son pouvoir d'appréciation, prenant en considération des éléments qui
ne devaient pas l'être ou omettant de tenir compte de facteurs pertinents
(ATF 116 II 299 consid. 5a, 115 II 32 consid. 1b, 108 II 352 No 67). Au
demeurant, s'il est lié par les constatations de fait de la dernière
autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ), au nombre desquelles figurent
celles qui ont trait aux répercussions psychiques de l'atteinte illicite,
le Tribunal fédéral examine, en revanche, librement si la somme allouée
au demandeur tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou
si elle est disproportionnée avec l'intensité des souffrances morales
causées à la victime.

    b) Appliqués au cas particulier, ces principes conduisent à distinguer
le cas de S. de celui de sa soeur H., ainsi que l'ont fait les deux
instances cantonales. Certes, la gravité objective de tout attentat
à la pudeur des enfants n'est plus à démontrer (cf., parmi d'autres,
E. TRUBE-BECKER, Vernachlässigung, Misshandlung, sexueller Missbrauch
und Tötung von Kindern, 2e éd., Heidelberg 1987, p. 128; U. ENDERS,
Zart war ich, bitter war's: sexueller Missbrauch an Mädchen und Jungen,
Cologne 1990, p. 76 ss; J. RUTGERS, Sexueller Missbrauch von Kindern, Pro
Juventute 1990, p. 16 ss). Il n'en reste pas moins que, dans la présente
espèce, les agissements du défendeur n'ont pas eu les mêmes répercussions
psychiques sur les deux enfants qui en ont été les victimes.

    S'agissant de S., l'aînée des deux filles, qui avait 12 ans lorsque le
défendeur a attenté à sa pudeur, la cour cantonale retient, sur le vu du
dossier, qu'elle "n'a pas connu de problèmes particuliers et n'a pas été
autrement traumatisée". Cette constatation de fait lie la juridiction de
réforme, de sorte que la demanderesse lui oppose en vain l'avis différent
qu'elle prête, à ce sujet, au Tribunal de première instance. Dans ces
conditions, en allouant à S. une indemnité de 1'000 francs, "pour réparer
le tort moral qu'elle a pu subir", les juges précédents n'ont pas mésusé
de leur pouvoir d'appréciation. Le jugement attaqué sera donc confirmé
sur ce point.

    Il ressort du jugement déféré que les agissements du défendeur ont
marqué plus fortement H., qui n'avait que 10 ans quand elle a dû les
subir. A l'époque, en effet, la demanderesse paraissait triste, mentait,
volait de l'argent, oubliait un peu tout et avait de graves problèmes
scolaires. Elle avait même laissé traîner sur son bureau une lettre
manuscrite dans laquelle elle expliquait qu'elle voulait mourir parce que
personne ne l'aimait. Son comportement s'est amélioré, dès le mois d'avril
1990, après qu'elle se fut confiée à sa mère, sans toutefois que les
problèmes scolaires disparaissent pour autant. Au dire du pédopsychiatre
qui traite l'enfant depuis avril 1991, H. n'a pas été très perturbée par
les événements, mais ceux-ci sont difficiles à gérer par la famille; son
état de santé est en voie d'amélioration, mais il n'est pas exclu, bien
que cela ne soit pas du tout certain, que les atteintes subies par elle
entraînent des conséquences à l'âge adulte. Dans de telles circonstances,
l'indemnité pour tort moral de 6'000 francs, que la cour cantonale a mise
à la charge du défendeur, apparaît trop faible pour pouvoir encore être
qualifiée d'équitable. En effet, en l'arrêtant à ce montant, les juges
cantonaux n'ont pas suffisamment tenu compte de l'intensité des souffrances
éprouvées par l'enfant sur le moment et au cours des années suivantes,
et ont trop mis l'accent sur le caractère aléatoire des répercussions
futures que pourraient avoir les actes délictueux du défendeur. C'est
le lieu de rappeler que ces actes ont été commis durant une période de
six mois au moins et qu'ils n'étaient pas anodins - quand bien même le
défendeur n'a pas fait subir l'acte sexuel ou un acte analogue à ses
victimes et ne leur a pas non plus montré son sexe -, d'autant qu'ils
étaient le fait d'une personne en qui les enfants avaient une confiance
totale, parce qu'elle vivait maritalement avec leur grand-mère. Dès lors,
et tout bien pesé, une indemnité de 10'000 francs apparaît équitable au
vu de l'ensemble des circonstances de la présente espèce. Le jugement
attaqué sera donc réformé en ce qui concerne l'indemnité allouée à H.,
ce qui implique l'admission partielle du recours.