Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 II 369



118 II 369

73. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 16 décembre 1992 dans
la cause Eglise de Scientologie de Lausanne contre Editions Sélection
du Reader's Digest et Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(recours de droit public) Regeste

    Art. 87 OG; nicht wiedergutzumachender Nachteil.

    Der Nachteil im Sinne dieser Bestimmung liegt in der Gefahr, dass die
rechtliche Stellung des Beschwerdeführers aus der Sicht der zur Verfügung
stehenden Rechtsmittel beeinträchtigt wird. In einem Fall der vorliegenden
Art wird das Bundesgericht bei einer Anfechtung des Sachentscheids die
diesem vorangegangenen vorsorglichen Verfügungen nicht überprüfen können
(E. 1).

    Art. 28c Abs. 3 ZGB; Persönlichkeitsverletzung durch periodisch
erscheinende Medien; Begehren um Richtigstellung auf dem Weg vorsorglicher
Massnahmen.

    Die Richtigstellung auf dem Weg vorsorglicher Massnahmen ist nur
zulässig, wenn die Voraussetzungen des Rechts auf Gegendarstellung
(Art. 28g ZGB) nicht erfüllt sind (E. 4a). Es ist nicht willkürlich,
Art. 28c Abs. 3 ZGB als auf ein Begehren anwendbar zu erklären, mit dem
die Berichtigung auf dem Massnahmenweg verlangt wird (E. 4c).

Sachverhalt

    A.- Par requête de mesures provisionnelles du 14 septembre 1991,
l'Eglise de Scientologie de Lausanne a demandé à la Cour civile du Tribunal
cantonal vaudois d'interdire aux Editions Sélection du Reader's Digest
(ci-après: l'intimée) d'éditer et distribuer en Suisse tout ou partie
d'un article déjà paru dans l'édition du 6 mai 1991 du "Time Magazine" et
intitulé "Scientology, A Dangerous Cult Goes Mainstream". Elle invoquait le
caractère diffamatoire et mensonger de cet article. Le juge instructeur de
la cour a fait droit, en urgence, à la requête. L'intimée ayant toutefois
passé outre à l'interdiction et envoyé son magazine aux abonnés suisses,
la requérante a aussitôt demandé que l'intimée soit astreinte à publier
un rectificatif. Par ordonnance du 25 novembre 1991, le juge a rejeté
les requêtes de mesures provisionnelles de l'Eglise de Scientologie
de Lausanne.

    Celle-ci a fait appel de cette décision et maintenu sa demande de
rectificatif, dont elle a précisé la teneur.

    Contre l'arrêt de la Cour civile du 5 mai 1992 rejetant cet appel,
l'Eglise de Scientologie de Lausanne a formé un recours de droit public
auprès du Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 4 Cst. dans
l'application de l'art. 28c CC, elle a conclu à l'annulation de l'arrêt
attaqué. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il
était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 87 OJ, le recours de droit public qui a
pour objet la violation du seul art. 4 Cst. n'est recevable que contre
les décisions finales prises en dernière instance; il n'est recevable
contre des décisions incidentes que s'il en résulte un dommage irréparable
pour l'intéressé.

    Le Tribunal fédéral considère comme finale la décision sur mesures
provisoires. Lorsqu'il laisse la question indécise, il admet qu'un
dommage irréparable est à craindre si la mesure prise pour la durée d'un
procès devient caduque en raison du prononcé sur le fond et ne peut être
attaquée avec lui, n'en constituant dès lors pas une étape (ATF 108 II
71 consid. 1, 103 II 122 consid. 1 et les arrêts cités). Le dommage en
tant que condition de recevabilité du recours de droit public diffère
du préjudice en tant que condition de fond de la protection juridique
provisoire: ce n'est pas une atteinte à la situation juridique matérielle
du recourant, mais l'impossibilité du contrôle constitutionnel par le
Tribunal fédéral; le dommage juridique nécessaire, c'est donc le risque
d'une atteinte à la position juridique du justiciable quant aux voies de
droit à sa disposition (ATF 116 Ia 447 et les arrêts cités). Le Tribunal
fédéral ne doit certes être saisi qu'une fois, mais seulement s'il pourra
examiner avec le jugement au fond telle décision qui l'aura précédé
(cf. MESSMER/IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen,
Zurich 1992, p. 195 et les références, spéc. note 23; HANS MARTI, Die
staatsrechtliche Beschwerde, 4e éd., 1979 p. 98).

    Tel n'est pas le cas en l'espèce, et le recours est donc en principe
recevable. Au demeurant, les conditions de la mesure provisoire et celles
du prononcé sur le fond ne sont pas identiques, même si le contenu de la
rectification demandée ne varie pas. Les premières ne sont d'ailleurs pas
moins rigoureuses en tous points et le procès ouvert peut durer longtemps.

Erwägung 4

    4.- a) Les juridictions cantonales et les parties admettent qu'après la
parution de l'article contesté la recourante a demandé au juge d'ordonner
la publication d'un texte qui constitue réellement un rectificatif.
En effet, le droit de réponse de l'art. 28g CC permet à la personne
touchée dans sa personnalité par la présentation de faits qui la concernent
d'obliger l'entreprise de médias à caractère périodique qui l'a donnée à
diffuser gratuitement, par le même canal, sa propre version des faits;
il doit pouvoir s'exercer, sauf refus injustifié, sans intervention
judiciaire; il ne suppose pas l'illicéité de l'atteinte (PIERRE TERCIER,
Le nouveau droit de la personnalité, p. 175 No 1295; DESCHENAUX/STEINAUER,
Personnes physiques et tutelle, 2e éd. 1986, p. 176/177 No 680; ATF 117
II 1 et 115, 115 II 113, 114 II 385 et 388, 112 II 465; cf. aussi, parmi
les décisions cantonales, SJ 1989 p. 63, RVJ 1989 p. 160). La réponse
s'oppose donc à la présentation de faits, objet de la preuve, dont se
distingue l'expression d'un jugement de valeur ou d'une opinion, qui
reposent sur une appréciation subjective (DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit.,
p. 180 nos 689/690) et ne peuvent qu'être rectifiés.

    Une mesure provisionnelle ne saurait être ordonnée qu'en présence d'un
préjudice impossible à détourner autrement, sans quoi elle paraîtrait
disproportionnée. Il s'ensuit qu'une rectification par voie de mesures
provisoires n'est en principe recevable que si les conditions du droit de
réponse ne sont pas remplies; elle l'est dans le cas contraire (TERCIER,
op.cit., p. 175 Nos 1296 à 1298; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 177 no
681; ANDREAS BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité,
2e éd. 1982, p. 174 No 643; cf. sous l'ancien droit les ATF 107 Ia 283-285
et 104 II 5, lequel relève qu'une rectification ordonnée par le juge peut
avoir un impact plus grand qu'une réponse du lésé).

    Certes, il est parfois malaisé de distinguer la présentation de faits
d'une part, le jugement de valeur, la simple expression d'une opinion et
le commentaire d'autre part (ATF 114 II 387/388 et les références). Mais
tel n'est pas le cas en l'espèce, de l'avis des juridictions cantonales
et des parties (du moins devant le Tribunal fédéral pour l'intimée),
qui admettent aussi la périodicité de l'entreprise de médias.

    La recourante, en revanche, conteste que l'art. 28c al. 3 CC soit
applicable.

    b) Cet argument est nouveau. Le juge instructeur déjà, en termes
exprès et clairs, avait fondé sa décision sur l'art. 28c al. 1 et 3 CC.
Dans son mémoire d'appel, la recourante s'est placée sur le même terrain.
Exerçant son droit à la rectification à l'encontre d'une entreprise
de médias à caractère périodique, elle y prétend que la mesure n'est
"pas disproportionnée" par rapport à la "gravité incontestable" du
préjudice causé et qu'elle est habilitée à intervenir immédiatement dans
le cadre d'une action en "cessation de trouble": toutes expressions qui
se réfèrent à l'al. 3, dont l'applicabilité n'est pas discutée (ce qui a
conduit l'intimée à l'appel à se borner à rappeler que la cause relevait
de l'art. 28c al. 3 CC uniquement). Nouveau, l'argument du recours de
droit public sur ce point est donc irrecevable.

    c) Fût-il recevable, qu'il serait mal fondé, du moins dans une
procédure de mesures provisionnelles examinée céans sous le seul angle de
l'arbitraire. Lesdites mesures doivent avoir un lien avec la procédure au
fond, dont elles sont l'accessoire (OSCAR VOGEL, Probleme des vorsorglichen
Rechtsschutzes, RSJ 1980 p. 93). Il convient donc d'interpréter l'art. 28c
al. 3 CC dans le cadre, non seulement des deux premiers alinéas, mais
aussi de l'art. 28a CC. Au reste, les expressions utilisées imposent
ces références.

    Selon l'art. 28c al. 3 CC, le juge ne peut interdire ou faire cesser
à titre provisionnel une atteinte portée par les médias à caractère
périodique que si elle est propre à causer un préjudice particulièrement
grave, si sa justification ne semble manifestement pas donnée et si
la mesure ne paraît pas disproportionnée: ces trois conditions sont
cumulatives. Les deux mesures prévues s'inscrivent dans le cadre de
l'al. 2, où elles sont mentionnées à titre d'exemples ("notamment"). Il
s'agit de savoir si elles comprennent la "rectification" ("Berichtigung",
"rettificazione").

    Selon l'art. 28a CC, le demandeur dispose de trois actions défensives
(al. 1) et de prétentions en réparation (al. 3). Il peut requérir le juge
d'interdire une atteinte illicite si elle est imminente (tel n'était plus
le cas en l'espèce après la publication de l'article malgré l'interdiction
urgente), de la faire cesser si elle dure encore, enfin d'en constater
le caractère illicite si le trouble qu'elle a créé subsiste. L'al. 2 de
la disposition en déduit "en particulier" la possibilité de publier ou
communiquer à des tiers une rectification.

    La rectification est donc une modalité des conclusions que peut prendre
le demandeur, en relation avec chacune des trois actions défensives,
mais plus spécialement - comme avant la révision - un moyen approprié de
faire cesser l'atteinte (Message du CF, FF 1982 II 686; TERCIER, op.cit.,
p. 136 Nos 999 et 1000; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 155 No 601 et
p. 175 No 676; OLIVIER

RODONDI, Le droit de réponse dans les médias, thèse Lausanne
1991, p. 43/44). Elle peut même assumer une fonction réparatrice
(PEDRAZZINI/OBERHOLZER, Grundriss des Personenrechts, 3e éd. 1989,
p. 156). C'est une mise au point en vue de réduire, voire supprimer, le
trouble laissé par un article auprès des destinataires, une atteinte qui
existe toujours et doit être écartée, le cas échéant, le plus rapidement
possible. Ce moyen de défense était déjà admis sous l'ancien droit (ATF
106 II 101 consid. 4, 104 II 2/3, 103 II 166, 100 II 180 consid. 6 et
les arrêts cités).

    Il le fut déjà au titre d'une mesure provisoire destinée à faire cesser
l'atteinte (ATF 107 Ia 277 ss, spéc. p. 282 ss; cf. RSJ 1988 p. 421 No
69 et ZR 1988 p. 26 No 10 et p. 203 No 90). En l'absence d'un droit de
réponse institué par le droit cantonal, l'art. 28 CC autorisait qu'une
rectification immédiate fût ordonnée, lorsque c'est le seul moyen de
limiter le dommage causé par une atteinte vraisemblablement illicite aux
intérêts personnels du lésé (ATF précité p. 283 consid. c/aa; cf. PETER
JÄGGI, Fragen des privatrechtlichen Schutzes der Persönlichkeit,
RDS 1960 p. 255a; MAX KUMMER, Der zivilprozessrechtliche Schutz
des Persönlichkeitsrechtes, RJB 1967 p. 111; HANS MICHAEL RIEMER,
Persönlichkeitsschutz und Presse, in Die Verantwortlichkeit im Recht,
I Zurich 1981, p. 233; PIERRE ENGEL, Protection de la personnalité, 1985,
p. 17).

    Il n'est pas insoutenable de maintenir cette jurisprudence, appuyée
par la doctrine, dans le nouveau droit (cf. BUCHER, loc.cit.). En effet,
les art. 28a al. 1 et 28c al. 2 usent des mêmes termes: faire cesser
l'atteinte qui subsiste, et la seconde disposition contient une énumération
non exhaustive des mesures à prendre.

    Pour la même raison de texte, jointe à l'interprétation de
l'art. 28a al. 2 CC, l'on ne saurait taxer d'arbitraire l'opinion des
juridictions cantonales qui ont admis l'applicabilité de l'art. 28c al. 3
CC à la demande de rectification par voie de mesures provisionnelles
(cf. TERCIER, op.cit., p. 155 No 1151, p. 157 No 1167, p. 175 Nos 1294
et 1298; DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 177 No 681: si le droit
de réponse n'est pas donné, parce qu'il ne s'agit pas seulement de
faits; BUCHER, loc.cit.). Il n'est certes pas incompréhensible que l'on
veuille restreindre l'application de la disposition en jeu au stade de
la recherche des informations, puis de leur diffusion. Si la note 1151
de TERCIER n'est pas parfaitement claire, car l'auteur évoque aussi la
cessation de l'atteinte et rappelle la relation rectification/droit
de réponse, il est assez manifeste que le message du Conseil fédéral
entendait surtout éviter la censure judiciaire (FF 1982 II 690/691).
Mais s'il existe un doute, voire une interprétation préférable contre
le texte apparemment large de la loi, celle des juridictions vaudoises
n'en devient pas pour autant arbitraire (cf. ATF 117 Ia 106 consid. b,
122 consid. 1b, 139 consid. c et les arrêts cités). Au demeurant, la
cour de céans a constaté que, dans la genèse de la révision de la loi,
on a admis tant la voie des mesures provisionnelles que l'application de
l'art. 28c al. 3 CC (ATF 117 II 117/118).