Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 II 193



118 II 193

40. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 avril 1992 dans la
cause G. S.A. contre V. S.p.A. et Tribunal arbitral (recours de droit
public) Regeste

    Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Art. 190 Abs. 2 lit. b IPRG.

    Ein Schiedsgericht, das über eine Streitsache betreffend Erfüllung
oder Nichterfüllung eines Vertrages zu entscheiden hat, ist zur Prüfung
zuständig, ob diese Vereinbarung unter dem Gesichtspunkt von Art. 85
des Vertrages zur Gründung der Europäischen Wirtschaftsgemeinschaft vom
25. März 1957 (Römer Vertrag) gültig ist, obschon Schiedsgerichten nicht
die Eigenschaft von Behörden der Mitgliedstaaten der Gemeinschaft zukommt.

Sachverhalt

    A.- Désireuses de mettre à profit "les complémentarités que
représentent leurs activités", G. S.A., société belge, et V. S.p.A.,
société italienne, ont, le 23 octobre 1986, signé un "Contrat de
spécialisation et de participation". A son art. 21, ce contrat contient
une clause arbitrale pour toute contestation relative à son exécution.

    En octobre 1989, les parties sont convenues de soumettre à un
arbitrage trois litiges survenus entre elles, le siège du Tribunal étant
Genève. Trois arbitres ont été désignés, l'un fonctionnant en qualité
de président.

    Le 4 juin 1990, statuant par sentence partielle sur des exceptions
préjudicielles, le Tribunal arbitral a refusé de donner suite à une
demande de V. S.p.A. de surseoir à la procédure arbitrale en attendant des
décisions de la Commission des Communautés; il a, en particulier, estimé
n'avoir pas à statuer sur une conclusion subsidiaire de V. S.p.A. tendant
à ce qu'il se prononce sur la compatibilité du contrat avec le droit
communautaire.

    Puis, le 22 décembre 1990, le Tribunal arbitral a rendu sa sentence
finale.

    Chaque partie a formé un recours au Tribunal fédéral contre la sentence
arbitrale au sens des art. 190 ss LDIP et 85 let. c OJ. Pour sa part,
V. S.p.A. conclut à son annulation pour violation de l'art. 190 al. 2
let. b LDIP.

    Admettant partiellement le recours de V. S.p.A., le Tribunal fédéral a
annulé la sentence arbitrale attaquée, le Tribunal arbitral étant déclaré
compétent pour connaître de la question de la validité ou de la nullité
du contrat du 23 octobre 1986.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 5

    5.- Selon la recourante, le Tribunal arbitral aurait violé l'art. 190
al. 2 let. b LDIP en niant sa compétence pour connaître de l'application
de l'art. 85 du Traité de Rome.

    a) La disposition invoquée ouvre la voie du recours lorsque le tribunal
arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent. Le Tribunal
fédéral examine librement non seulement si tel est le cas, mais aussi
d'éventuelles questions préjudicielles de droit matériel qui pourraient
devoir être résolues pour statuer sur la compétence ou l'incompétence
du tribunal arbitral (ATF 117 II 97 s. consid. 5a). L'art. 190 al. 2
let. b LDIP vise la compétence ou l'incompétence pour connaître non
seulement de l'ensemble du litige mais aussi d'un point particulier
(LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international
en Suisse, p. 424, ch. 5 let. b, ad art. 190).

    b) Alors même que le Tribunal arbitral s'est prononcé sur le fond,
il s'est, en revanche, déclaré incompétent pour se prononcer sur la
validité du contrat au regard de l'art. 85 du Traité de Rome. Il reste
que toute la sentence ne peut être comprise que comme étant rendue en
fonction d'un contrat considéré comme valable.

    Quant à la question de savoir si, à défaut de décision communautaire ou
dans l'attente d'une telle décision, il y a lieu de présumer la validité
du contrat, ainsi que l'a fait le Tribunal arbitral, elle relève du fond
et ne touche en rien celle de la compétence; elle ne peut, de surcroît,
être éventuellement discutée qu'aux conditions de l'art. 190 al. 2 let. e
LDIP. Ce point sera repris plus loin.

    Dès lors qu'il a présumé de la validité du contrat, le Tribunal
arbitral n'a pas méconnu la soumission au droit communautaire des relations
entre les parties. Il reste que le Tribunal arbitral a nié sa compétence
pour constater la nullité du contrat au regard de ce droit. Le grief de la
recourante entre donc bien dans le cadre de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.

    c) La recourante se demande si le Tribunal arbitral a considéré que
le litige n'était pas arbitrable ou s'il a estimé qu'une décision quant
à la nullité du contrat relevait de la compétence exclusive des organes
communautaires.

    aa) Selon ch. IV du compromis arbitral, les parties ont soumis la
procédure arbitrale "à la convention des Parties et à la loi fédérale
du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (chapitre 12 sur
l'arbitrage international)". L'arbitrabilité signifie qu'une cause
est susceptible d'arbitrage en raison de sa nature propre et/ou du fait
qu'aucune disposition légale impérative ne l'attribue exclusivement à
une autorité étatique; elle peut ainsi être définie comme une qualité de
l'objet du litige (JOLIDON, A propos de l'arbitrabilité (objective) en
matière de brevets d'invention et de concurrence. Aperçu de droit comparé,
in Etudes de droit suisse et de droit comparé de la concurrence, publiées
à l'occasion du XXIXe congrès de la Ligue internationale du droit de la
concurrence, p. 117).

    L'arbitrabilité d'une cause en matière internationale est traitée à
l'art. 177 LDIP qui constitue une règle matérielle de droit international
privé (LALIVE/POUDRET/REYMOND, op.cit., p. 305, n. 1 ad art. 177; BUCHER,
Le nouvel arbitrage international en Suisse, p. 38, n. 90). Elle est,
en conséquence, régie par la lex arbitrii sans égard aux dispositions
peut-être plus strictes de la lex causae ou de la loi nationale des
parties, ce qui peut entraîner des conséquences quant à la reconnaissance
à l'étranger d'une sentence rendue en Suisse. En rapport avec le grief
fondé sur l'arbitrabilité de la question litigieuse, le recours ne
discute toutefois pas les conditions posées par la disposition précitée;
non seulement, il ne la cite pas - ce qui n'est pas encore décisif -
mais encore il n'y fait même pas une lointaine allusion. Sur ce point,
le moyen est ainsi irrecevable.

    bb) La recourante fait aussi valoir que le juge et l'arbitre sont
toujours compétents pour appliquer l'art. 85 par. 2 du Traité de Rome,
même si la Commission a engagé une procédure pour constater la violation du
paragraphe premier de cette disposition; seules les autorités nationales
chargées d'appliquer le droit de la concurrence - ce qui n'est pas le
cas d'un tribunal arbitral - seraient obligées, en vertu de l'art. 9
du Règlement 17 de 1962, de se dessaisir en faveur de la Commission
lorsque celle-ci a commencé une procédure; la Commission ne déciderait,
d'ailleurs, pas que les accords violant l'art. 85 par. 1 sont nuls,
mais elle se bornerait à constater une violation de cette disposition ou
l'existence d'une exception au sens de l'art. 85 par. 3.

    L'art. 85 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique
européenne (Traité de Rome) dispose à son par. 1 que sont incompatibles
avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes
décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées,
qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui
ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser
le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment
un certain nombre d'entre eux qu'il énumère. Aux termes du par. 2, les
accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de
plein droit. Le par. 3 permet de déclarer des exceptions aux dispositions
du par. 1. Quant à l'art. 9 par. 1 du Règlement d'application n. 17, du 6
février 1962, du Conseil de la Communauté économique européenne, il dispose
que, sous réserve du contrôle de la décision par la Cour de justice,
la Commission a compétence exclusive pour déclarer les dispositions
de l'art. 85, par. 1, inapplicables conformément à l'art. 85, par. 3,
du Traité.

    Pour STOUFFLET/CHAPUT (Pratiques restrictives de concurrence, in Traité
de droit européen, vol. 3, Collection des Juris-Classeurs), en présence
d'une entente nouvelle, c'est-à-dire conclue postérieurement à l'entrée
en vigueur du règlement 17/62, le 13 mars 1962 (op.cit., p. 4 n. 17,
Fasc. 1430/164-G-4), l'absence de décision de la Commission ne saurait
dispenser le juge de l'obligation de faire droit aux justiciables qui
invoquent la nullité de plein droit, qu'il s'agisse des parties à l'entente
ou de tiers (op.cit., p. 16, n. 130). La nullité d'une entente peut,
en principe, être prononcée ou reconnue par voie d'exception sans qu'une
infraction à l'art. 85 par. 1 du Traité par les autorités communautaires
ait été constatée au préalable. Ces auteurs en voient le motif dans
l'art. 1er du règlement n. 17, selon lequel les ententes et abus de
position dominante sont interdits sans qu'une décision préalable soit
nécessaire à cet effet; ils se fondent aussi sur l'art. 85 du Traité, qui
déduit de l'interdiction une nullité de plein droit (p. 16, n. 132). Pour
ces auteurs, les autorités nationales sont compétentes pour relever une
contravention à l'art. 85, au moins tant qu'une procédure communautaire
n'est pas engagée (loc.cit. et n. 142, p. 17). Ils mettent en doute
la compétence des autorités communautaires pour déclarer la nullité,
soulignant que si la déclaration de nullité est implicitement comprise
dans la décision par laquelle la Commission du Marché commun constate
l'irrégularité d'une entente, elle ne pourrait tirer les conséquences
de la nullité et ordonner, par exemple, la restitution des prestations
exécutées par les parties; et la Cour de justice n'est pas davantage
compétente (op.cit., p. 17, n. 138). Ils reconnaissent, en revanche,
la compétence des tribunaux nationaux et des juridictions arbitrales
même si celles-ci n'ont pas la qualité d'autorités d'un Etat membre au
sens de l'art. 9 par. 3 du règlement n. 17. Ils expliquent leur point de
vue en précisant que cette disposition ne vise pas telle action ou telle
exception, procédure de pur droit privé, mais une demande tendant à titre
principal, comme la procédure devant la Commission, à faire reconnaître
que les art. 85 et 86 sont applicables ou non (ibid., op.cit., p. 17,
n. 140 et 141). Enfin, même en cas d'ouverture d'une procédure par la
Commission, rien ne s'oppose à ce que le tribunal statue, le sursis à le
faire ne s'imposant pas à lui (op.cit., p. 17, n. 143 et 144).

    KOCH (in GRABITZ, Kommentar zum EWG-Vertrag), s'exprime dans un
sens analogue. La nullité d'une entente selon l'art. 85 par. 2 du
Traité intervenant ipso jure dès que les conditions posées par cet
article sont réalisées et, cette nullité étant absolue, les tribunaux
doivent la constater d'office (op.cit., n. 138, ad art. 85). Pour cette
constatation, les tribunaux nationaux sont exclusivement compétents,
indépendamment d'une procédure ouverte par la Commission (op.cit., n. 141,
ad art. 85). S'agissant d'une sentence arbitrale, elle violerait l'ordre
public de la Communauté si elle devait se révéler incompatible avec
l'art. 85 du Traité; il appartiendrait alors aux tribunaux d'exécution
de veiller au respect de ce principe (op.cit., n. 293, ad art. 85).

    Quant à DOMINIQUE HAHN, elle n'émet pas un avis différent; elle admet
aussi que l'arbitre doit constater la nullité de plein droit au sens de
l'art. 85 par. 2 du Traité - sanction de nature civile - de tout ou partie
d'un accord anticoncurrentiel, même en l'absence d'une décision préalable
d'autorités administratives (L'arbitrage international en Suisse face aux
règles de la concurrence de la CEE, Lausanne, 1983, p. 50/51, 134). Pour
GOFFIN également, l'arbitre doit se prononcer si la nullité est invoquée
devant lui par une des parties, alors même que la Commission n'a pas statué
(L'arbitrage et le droit européen, in Revue de Droit international et de
Droit comparé, tome LXVII, 1990, p. 227, ch. 12; cf. aussi dans le même
sens, dans le cas d'un procès introduit par un tiers, p. 325 s., ch. 10).

    Ces opinions récentes sont convaincantes. Ni l'art. 85 du Traité,
ni son règlement d'application n. 17 n'interdisent au juge national ou
à l'arbitre saisi d'une cause ayant pour objet le règlement de comptes
qui doit intervenir entre parties en relation avec l'exécution ou
l'inexécution d'une convention d'en examiner la validité. A cet égard,
le risque de décisions contradictoires n'est pas déterminant; ne l'est
pas non plus le risque de voir l'autorité d'exécution ne pas accorder
l'exequatur. L'examen par les arbitres de la conformité des conventions
qui leur sont soumises à la réglementation communautaire s'impose si l'on
veut éviter des décisions qui y seraient contraires. Aussi le Tribunal
arbitral ne pouvait-il rendre sa sentence sans avoir examiné au préalable
s'il devait le faire en fonction d'une convention valable ou non.