Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 II 168



118 II 168

34. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 mai 1992 dans la cause
Coopérative C. contre L. (recours en réforme) Regeste

    Kündigung des zwischen einer Wohngenossenschaft und einem Mitglied
abgeschlossenen Mietvertrages.

    1. Es besteht keine notwendige materielle Streitgenossenschaft zwischen
Eheleuten, welche die Wohnung gemeinsam gemietet haben (E. 2).

    2. Eine Wohngenossenschaft kann das Mietverhältnis mit einem Mitglied
nur wegen eines in den Statuten vorgesehenen Ausschlussgrundes oder wegen
wichtiger Gründe kündigen. Vorbehalten ist der Fall, dass im Mietvertrag
in dieser Hinsicht eine besondere Regelung vorgesehen ist (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Depuis 1959, la coopérative d'habitation C. loue un appartement de
six pièces aux époux L.; L. est membre de la coopérative. Le 6 avril 1987,
la bailleresse a résilié le contrat pour le 28 février 1988 et notifié
aux époux L. la décision du conseil d'administration de les exclure de
la société.

    L. a ouvert une action tendant à la constatation de la nullité du
congé, subsidiairement à la prolongation du bail. Par arrêt du 2 octobre
1989, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève
a annulé un jugement du Tribunal des baux et loyers qui avait débouté le
demandeur au motif qu'il aurait dû agir conjointement avec son épouse. Dans
un second jugement, le Tribunal des baux et loyers a débouté L. de toutes
ses conclusions. Statuant sur appel le 3 juin 1991, la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers a mis à néant ce jugement et annulé le congé.

    Par ailleurs, l'assemblée générale de la coopérative a confirmé
l'exclusion de L. Le Tribunal de première instance du canton de Genève
a annulé cette décision par jugement du 2 mars 1989 ayant acquis depuis
lors force de chose jugée.

    B.- La coopérative C. interjette un recours en réforme contre les
arrêts rendus les 2 octobre 1989 et 3 juin 1991 par la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers. Elle conclut, principalement, au rejet de
la requête en prolongation de bail et, subsidiairement, à la validité
du congé.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) Sauf exceptions dont les conditions ne sont pas réalisées en
l'espèce, le recours dirigé contre la décision finale se rapporte aussi
aux décisions qui l'ont précédée (art. 48 al. 3 OJ). Ainsi un jugement
préjudiciel écartant une objection, comme le défaut de qualité pour agir,
peut être revu dans le recours en réforme interjeté contre la décision
finale, pour autant que les recours cantonaux aient été préalablement
épuisés (POUDRET, COJ II, n. 4.1.1 et 4.1.2 ad art. 48). En l'occurrence,
il y a donc lieu d'entrer en matière sur le grief dirigé contre l'arrêt
du 2 octobre 1989 par lequel la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers a admis la qualité du demandeur à contester seul le congé notifié
le 6 avril 1987.

    b) Selon la défenderesse, les époux L., cosignataires du bail, devaient
agir ensemble en vertu d'une consorité matérielle nécessaire. Pour sa
part, la cour cantonale a admis que le demandeur aurait dû en principe
agir avec son épouse, tout en estimant que cette exigence procédait en
l'espèce d'un formalisme excessif.

    Il y a consorité matérielle nécessaire (active) lorsque plusieurs
personnes sont ensemble titulaires du droit en cause, de sorte que
chaque cotitulaire ne peut pas l'exercer seul en justice. C'est le
droit matériel qui indiquera dans quels cas la consorité est nécessaire
(HABSCHEID, Schweizerisches Zivilprozess- und Gerichtsorganisationsrecht,
2e éd., n. 280 ss; GULDENER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd.,
p. 296; KUMMER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., p. 155; VOYAME,
Droit privé fédéral et procédure civile cantonale, in RDS (80) 1961,
p. 128). Ainsi, par exemple, le droit au partage contre un héritier doit
être, en principe, déduit en justice par tous les autres héritiers, en tant
que consorts nécessaires (ATF 86 II 451, 100 II 440; voir également ATF
90 II 1). En l'occurrence, les époux L. sont colocataires solidaires. Si
tous les deux disposent d'un droit sur la chose louée, cela ne signifie pas
pour autant qu'il ne puisse être exercé que conjointement. La solidarité
implique précisément que chacun puisse faire valoir les droits découlant
du contrat (art. 150 CO; LACHAT/ MICHELI, Le nouveau droit du bail, p. 81;
KOCH, Der Schutz der Familienwohnung aus mietrechtlicher Sicht, in Plädoyer
n. 6/89, p. 46). Au demeurant, le demandeur vivait dans l'appartement en
cause avec son épouse. Or, que l'on applique l'ancien droit matrimonial -
en vigueur au moment de l'introduction de l'action - ou le nouveau droit
valable depuis le 1er janvier 1988, l'époux était habilité à agir seul. En
effet, conformément à l'art. 162 al. 1 aCC, le mari représente l'union
conjugale. Par ailleurs, selon les art. 271a al. 2 aCO et 273a al. 1 CO,
le conjoint du locataire peut, en particulier, contester le congé lorsque
la chose louée sert de logement à la famille (ATF 115 II 362/363). Si les
conjoints peuvent exercer individuellement les droits découlant du bail
lorsqu'ils ne sont pas colocataires, il n'y a pas de raison de nier cette
possibilité lorsqu'ils le sont. En conclusion, le moyen tiré de l'absence
de qualité pour agir du demandeur doit être rejeté.

Erwägung 3

    3.- a) Selon l'arrêt attaqué du 3 juin 1991, tout membre de la
coopérative dispose d'un droit à obtenir un logement propriété de la
société et, par conséquent, un droit à sa jouissance durable. Dans ces
circonstances, le bail ne peut être résilié que dans les cas graves,
qui justifieraient l'exclusion d'un membre, ainsi que dans les cas
expressément prévus par les statuts. Le grief de l'occupation intermittente
de l'appartement ne constituant pas un motif de résiliation selon les
statuts, le congé du 6 avril 1987 doit être annulé.

    Pour la défenderesse, les statuts n'accordent aux coopérateurs aucun
droit subjectif à l'octroi d'un logement. La bailleresse était dès lors
habilitée à résilier le bail, en se bornant à respecter les délais de
congé prévus dans le contrat. En niant cette possibilité, la cour cantonale
aurait violé le droit fédéral en matière de résiliation des baux à loyer.

    b) Les parties sont liées par deux rapports de droit. D'une part,
elles ont conclu un contrat de bail à loyer. D'autre part, le demandeur
est associé de la coopérative. Le problème en l'occurrence est de savoir
si et dans quelle mesure le premier rapport est dépendant du second.

    aa) Selon la définition légale, la société coopérative a pour but
principal de favoriser ou de garantir, par une action commune, des
intérêts économiques déterminés de ses membres (art. 828 CO). Bien
qu'il ne soit pas mentionné expressément dans la loi, le droit des
associés d'utiliser les installations sociales découle directement
de ce but (MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, Grundriss des schweizerischen
Gesellschaftsrechts, 6e éd., p. 340, n. 46; FJS 1158, p. 7). En l'espèce,
le but de la coopérative d'habitation C. est de procurer à ses membres
des logements familiaux aux conditions de l'arrêté fédéral du 8 octobre
1947 concernant les mesures destinées à encourager la construction de
maisons d'habitation (art. 2 des statuts). L'art. 3 des statuts ajoute
que les appartements de l'immeuble social sont destinés à être loués aux
membres de la coopérative. Certes, les statuts ne contiennent aucun article
mentionnant en toutes lettres le droit de chaque membre à disposer d'un
appartement. Il ressort toutefois clairement du but tel que retranscrit
plus haut que ce droit est garanti implicitement par les statuts.

    La résiliation du bail par le bailleur revient à supprimer
le droit d'usage du coopérateur-locataire contre la volonté de ce
dernier. Pratiquement, une telle mesure équivaut à l'exclusion de la
société coopérative. Logiquement, il convient dès lors de soumettre
ces deux actes juridiques à des conditions identiques (ZR 1979, n. 65,
p. 142; SUSY B. MOSER, Wohnbaugenossenschaften, thèse Zurich 1978, p. 164;
voir également BARBEY, Commentaire du droit du bail, Protection contre
les congés concernant les baux d'habitation et de locaux commerciaux,
Introduction et art. 271-271a CO, n. 180, p. 71, selon lequel l'application
exclusive du droit du bail apparaît difficilement acceptable sur le plan
juridique lorsque le droit d'usage du logement et la qualité de coopérateur
sont liés). Le congé n'est ainsi admissible que pour des motifs statutaires
ou de justes motifs, sous réserve du cas où le contrat de bail prévoirait
expressément une réglementation particulière à ce sujet. Sur ce dernier
point, il faut toutefois préciser que la possibilité de résilier librement
le bail serait incompatible avec le système de la coopérative d'habitation
(ZR 1979, n. 65, p. 142; MOSER, Wohnbaugenossenschaften, thèse Zurich
1978, p. 164).

    bb) Aux termes de l'art. 3 du bail du 16 mars 1959, le contrat se
renouvelle d'année en année, sauf résiliation notifiée trois mois avant
l'échéance. Au surplus, aucun motif de congé ne figure dans le contrat. Il
faut donc admettre en l'espèce que le bail ne peut être résilié par la
bailleresse que si l'un des motifs d'exclusion de la coopérative prévus à
l'art. 10 des statuts est réalisé. Les hypothèses envisagées sous la lettre
a de l'art. 10 n'entrant pas en ligne de compte, il convient d'examiner si
le demandeur a intentionnellement agi en contradiction avec les statuts
ou les décisions de la coopérative (let. b) ou si le comportement qui
lui est reproché constitue un "autre juste motif" (let. c). Or, dans
la procédure parallèle en exclusion engagée contre le demandeur pour
les mêmes motifs, le Tribunal de première instance a déjà estimé dans
son jugement du 2 mars 1989 que les conditions de l'art. 10 n'étaient
pas réalisées et que l'exclusion du demandeur de la coopérative n'était
ainsi pas justifiée. Il n'y a pas lieu de revenir ici sur cette décision
qui n'a fait l'objet d'aucun recours et qui a acquis force de chose jugée.

    En conclusion, la Chambre d'appel n'a pas violé le droit fédéral en
annulant le congé signifié le 6 avril 1987. L'arrêt du 3 juin 1991 sera
dès lors confirmé.