Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 II 1



118 II 1

1. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 23 janvier 1992 dans la
cause M.P. et G.G. M. Bigot de Morogues contre P. et B. Bigot de Morogues
(recours en réforme) Regeste

    Anfechtung einer Namensänderung; Beiname; Verjährung; Verwirkung;
wichtige Gründe; richterliche Prüfungsbefugnis.

    1. Die im Zivilstandsregister eingetragenen Beinamen unterliegen den
Bestimmungen über die Namensänderung (E. 3).

    2. Verjährung. Die Klage auf Beseitigung der Verletzung nach Art. 30
Abs. 3 ZGB ist Ausfluss des Persönlichkeitsrechts. Aus diesem Grund kann
sie solange angehoben werden, als der umstrittene Name getragen wird. Sie
ist insbesondere nicht einer zehnjährigen Verjährungsfrist in Anwendung
von Art. 7 ZGB und 127 OR unterworfen (E. 4 und 5).

    3. Verwirkung. Dem Kennen der Namensänderung muss der Fall
gleichgestellt werden, in dem der Kläger in Anbetracht der Umstände von
dieser hätte Kenntnis haben müssen (E. 6b).

    4. Wichtige Gründe im Sinne von Art. 30 Abs. 1 ZGB (E. 7a-c).

    5. Prüfungsbefugnis des Richters, bei dem die Klage nach Art. 30 Abs. 3
ZGB anhängig gemacht worden ist, hinsichtlich des Verwaltungsentscheids,
der in Anwendung von Art. 30 Abs. 1 ZGB ergangen ist (E. 8).

Sachverhalt

    A.- Les frères M. et G. M., originaires d'O./ZH et domiciliés en
Suisse, obtinrent en 1964 du Conseil d'Etat du canton de Zurich, en
application de l'art. 30 al. 1er CC, l'autorisation de modifier leur nom
de famille "M." en y accolant le patronyme "Bigot de Morogues".

    Cette décision fut publiée dans la feuille officielle du canton
de Zurich.

    Les ressortissants français P. et B. Bigot de Morogues, également
frères et tous deux domiciliés en France, sont descendants en ligne
directe de la dernière branche masculine de la famille Bigot de Morogues.

    B.- P. et B. Bigot de Morogues ont ouvert, le 2 février 1978, action
en contestation du changement de nom contre M. et G. M. Bigot de Morogues
devant le Tribunal de district d'A./ZH.

    Devant cette instance, les défendeurs M. et G. M. Bigot de Morogues
ont fait valoir en substance que l'action introduite contre eux était
prescrite; que les demandeurs avaient eu connaissance du changement de nom
bien plus d'un an avant l'ouverture d'action, que ces derniers étaient
dès lors forclos en vertu de l'art. 30 al. 3 CC; que, sur le fond, les
demandeurs n'étaient pas lésés dans leurs intérêts juridiquement protégés;
enfin que l'intérêt des défendeurs à la conservation de leur nouveau
patronyme prévalait sur celui des demandeurs à en obtenir l'annulation.

    Le 20 décembre 1979, le Tribunal de district d'A. a prohibé l'usage
par les défendeurs de l'adjonction "Bigot de Morogues" à leur patronyme
"M."; il a ordonné aux autorités d'état civil compétentes de radier le
changement de nom et astreint les défendeurs à faire rectifier leurs
documents officiels en conséquence.

    C.- Le 1er mars 1983, le Tribunal supérieur du canton de Zurich a
confirmé sur recours le jugement de première instance.

    E.- Ensuite d'un recours au Tribunal de cassation de Zurich, l'affaire
a été renvoyée au Tribunal de district qui, par jugement du 2 mars 1988,
a derechef admis l'action en contestation du changement de nom. Ce jugement
a été confirmé sur recours par le Tribunal supérieur le 22 mars 1989.

    Ensuite d'un nouveau recours au Tribunal de cassation, une partie
des motifs du jugement attaqué a été retranchée.

    Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a déclaré irrecevable le
recours de droit public interjeté par les défendeurs contre le second
jugement du Tribunal de cassation.

    F.- Contre le jugement du Tribunal supérieur du 22 mars 1989, M. M. et
G. M. Bigot de Morogues ont interjeté un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Ils concluent à l'annulation du jugement attaqué et au rejet
de l'action en contestation du changement de nom, avec suite de frais
et dépens.

    Le Tribunal supérieur a renoncé à produire des observations sur
le recours.

    Les intimés P. et B. Bigot de Morogues proposent le rejet du recours
et la confirmation du jugement attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- En vertu de l'art. 30 al. 3 CC, toute personne lésée par un
changement de nom peut l'attaquer en justice dans l'année à compter du jour
où elle en a eu connaissance. Il s'agit d'un droit formateur résolutoire
("aufhebendes Gestaltungsrecht"; cf. KOLLBRUNNER, Die Namensänderung
nach Art. 30 ZGB, thèse Berne 1933, p. 97; WYSS, La péremption dans
le code civil suisse, thèse Lausanne 1957, p. 53; SPIRO, Die Begrenzung
privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, vol. I,
Berne 1975, p. 1541).

    En l'espèce, le patronyme de noblesse française "Bigot de Morogues"
a été juxtaposé au nom de famille initial des recourants.

    Les adjonctions destinées à désigner plus précisément la personne,
sans être employées comme un nom dans la vie courante, ne modifient pas ce
dernier. En revanche, lorsqu'une adjonction au nom initial, inscrite dans
les registres de l'état civil (Beiname), est utilisée dans la vie courante
comme partie intégrante du patronyme, elle est soumise aux dispositions
relatives au nom et, en particulier, à celles concernant le changement
de nom (cf. KOLLBRUNNER, op.cit., p. 22 let. c; GROSSEN, Les personnes
physiques, in: Traité de droit civil suisse, Tome II/1, p. 60 ch. IV).

Erwägung 4

    4.- Devant les instances cantonales, les recourants ont soulevé - en
vain - l'exception de prescription. Ils maintiennent cette exception devant
le Tribunal fédéral. Selon les recourants, les dispositions relatives à
la contestation d'un changement de nom autorisé par voie administrative
présentent une lacune en ce sens qu'elles ne règlent pas le point de
savoir dans quel laps de temps absolu un changement de nom peut être
attaqué. Le principe de la prescription de toute action, applicable,
en vertu du renvoi de l'art. 7 CC, à tous les rapports de droit civil,
commande, aux yeux des recourants, l'application par analogie des articles
127 et suivants CO à la présente espèce; l'action de l'art 30 al. 3 CC
serait de ce fait soumise à un délai de prescription absolu de dix ans. En
méconnaissant le principe énoncé ci-dessus, estiment les recourants, le
Tribunal supérieur aurait violé le droit fédéral: le sens et l'esprit de
la loi ne sauraient permettre la contestation d'un changement de nom sans
aucune limite de temps, le cas échéant plusieurs siècles ou générations
après sa survenance. Une telle interprétation de la loi entraînerait pour
le porteur du nouveau patronyme une insécurité inadmissible, car il ne
pourrait jamais s'assurer de porter son nom définitivement et à bon droit.

Erwägung 5

    5.- a) Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'art. 7 CC,
aux termes duquel "les dispositions générales du droit des obligations
relatives à la conclusion, aux effets et à l'extinction des contrats
sont aussi applicables aux autres matières du droit civil", ne conduit
pas ipso facto et sans restrictions à admettre que l'action de l'art. 30
al. 3 CC serait soumise à un délai de prescription absolu. Il faut bien
plutôt examiner, de cas en cas, dans quelle mesure et à quelle conditions
le rapport de droit considéré est accessible à la notion de prescription
absolue, cela au regard de sa nature et de sa mise en oeuvre dans la
loi (cf. ATF 107 II 399 consid. 4a; 101 II 208; 86 II 343 consid. 3;
DESCHENAUX, Traité de droit civil suisse, Fribourg 1969, vol. II/1,
Le titre préliminaire du code civil, pp. 54-62; TUOR/SCHNYDER, Das
schweizerische Zivilgesetzbuch, 10e éd. Zurich 1986, p. 19 haut de la
page). Comme le Tribunal de district l'avait déjà relevé dans son premier
arrêt, le droit civil ne connaît pas, à la différence du droit pénal,
une notion générale de prescription absolue.

    Une prétention de droit civil peut être imprescriptible en vertu de la
loi (cf. art. 134 CO, 149 al. 5 LP; cf. en outre les prétentions relevant
du droit de la famille, des successions et des droits réels énoncés par
FRIEDRICH, Berner Kommentar I/1, sous n. 79-83 ad art. 7 CC); elle peut
aussi être rendue quasiment imprescriptible par l'interruption renouvelée
de la prescription selon l'art. 135 CO. On ne saurait dès lors considérer
que la prétention déduite de l'art. 30 al. 3 CO se prescrit par dix ans
en application directe des art. 127 ss CO.

    b) La nature même du droit au nom - qui constitue un attribut de la
personnalité - s'oppose également à l'argumentation des recourants. En
effet, les droits de la personnalité, auxquels on ne peut valablement
renoncer, sont intransmissibles et imprescriptibles (cf. ATF 83 II 256
consid. 3; EGGER, n. 13 ad art. 29 CC; GROSSEN, op.cit., p. 58; TERCIER,
Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, pp. 64-65). S'agissant
d'une émanation du droit de la personnalité, les actions en cessation du
trouble prévue par le législateur en matière de changement, respectivement
d'usurpation du nom, sont ouvertes aussi longtemps que le trouble
subsiste, c'est-à-dire aussi longtemps que le nom contesté est porté
(cf. GROSSEN, op.cit., p. 81; JÄGGI, Fragen des privatrechtlichen
Schutzes der Persönlichkeit, in RDS 1960 II, pp. 177a/178a/183a). En
fixant à l'art. 30 al. 3 CC, à la différence de l'art. 29 al. 2 CC, un
délai de péremption d'une année dès la connaissance du changement de nom,
le législateur a entendu tenir compte du fait que, dans le premier cas,
le port du nom n'est pas le fruit d'une usurpation, mais repose sur
une autorisation administrative. Il n'y a toutefois pas place pour une
prescription absolue de dix ans.

    c) L'inconvénient, évoqué par les recourants, de se voir le cas échéant
exposé à une action en contestation du changement de nom de nombreuses
années après l'octroi de l'autorisation administrative, doit être pris
en compte lors de l'examen au fond des intérêts réciproques des parties:
d'un côté, celui du demandeur à obtenir l'interdiction pour le défendeur de
porter le nom visé; de l'autre, l'intérêt du défendeur à la conservation de
son nouveau nom. Dans le cadre de cette appréciation, l'écoulement du temps
peut, dans certaines circonstances, constituer un facteur non négligeable.

    d) On ne saurait tirer de l'ATF 101 II 204 l'infirmation de ce
qui précède. Dans l'affaire citée, le Tribunal fédéral a considéré que
les articles 23-31 CO étaient applicables à l'invalidation d'un contrat
d'adoption pour vice du consentement; estimant que l'action était soumise
à un délai relatif de péremption d'une année dès la connaissance du vice,
la Cour de céans a cependant laissé ouverte la question de savoir si
l'action était soumise à un délai de prescription absolu de dix ans dès
la conclusion du contrat. Du reste, les principes de l'invalidation pour
vices de consentement des contrats relevant du droit de la famille ne sont
pas sans autre applicables par analogie à la contestation d'une lésion
persistante d'un droit absolu de la personnalité. Enfin, la notion de droit
imprescriptible n'est pas inconnue de la plus récente jurisprudence. Ainsi,
le Tribunal fédéral a confirmé que la dissolution judiciaire d'une personne
morale en raison de son but illicite ou contraire aux moeurs relève du
droit de la personnalité, et ne se prescrit pas tant que dure la lésion
(ATF 115 II 414, consid. 3b bas de la page, et les renvois).

    e) Quelques auteurs (ROSSEL/MENTHA, Manuel du droit civil suisse,
vol. 1, p. 105 et HAFTER, Personenrecht, 2e édition Berne 1919, n. 16-17
ad art. 30 CC) considèrent à tort le délai de l'art. 30 al. 3 CC comme
un délai de prescription. Pourtant, ces auteurs renvoient aux articles
130 ss CO - et non à l'art. 127 CO - quant à la naissance, la suspension
et l'interruption du délai.

    S'agissant des droits de la personnalité, SPIRO (op.cit., vol. II, pp.
1540-1543 § 535) se montre partisan d'un système combinant une péremption
rapide et un délai, plus long, de prescription absolue. S'il déplore que
le législateur n'ait pas prévu ce second délai à l'art. 30 al. 3 CC, il
observe toutefois (p. 1540 n. 1) qu'on ne saurait simplement y suppléer
par une application analogique de l'art. 60 CO. L'auteur relève qu'une
lésion ignorée pendant un temps très long par l'intéressé ne pourrait
que difficilement être qualifiée de grave: dans une telle hypothèse,
l'intérêt du défendeur à la conservation du nom contesté l'emporterait
alors sur celui du demandeur, au vu de l'écoulement du temps.

    Quant à KOLLBRUNNER (op.cit., p. 105), il préconise l'application de
la disposition générale de l'art. 127 CO à la prescription de l'action de
l'art. 30 al. 3 CC. L'argument avancé par l'auteur, selon lequel la ratio
legis du délai de péremption d'une année dès la connaissance pourrait être
aisément éludée si ce délai n'était complété d'une prescription absolue,
n'est toutefois pas convaincant car il omet de tenir compte de la nature
particulière des droits de la personnalité.

Erwägung 6

    6.- Les instances cantonales ont mis à la charge des intimés la preuve
du moment exact auquel ces derniers ont eu connaissance du changement
de nom; elles ont écarté - à bon droit - l'argument des recourants selon
lequel il y aurait lieu de présumer que le délai commence à courir dès la
publication du changement de nom dans la feuille officielle cantonale;
en effet, une telle présomption n'est pas consacrée par la loi (arrêt
non publié du 4 novembre 1927 en la cause B. c. B.).

    a) Conformément à la jurisprudence (ATF 84 II 598 bas de la page)
et à la doctrine (cf. KUMMER, n. 151 et 316 ad art. 8 CC), la preuve
que la connaissance d'un fait a été acquise dans un délai déterminé
appartient à celui qui entend en déduire un droit. Exiger la preuve que
cette connaissance ne remonte pas à un moment antérieur reviendrait à
imposer la preuve d'un fait négatif, dans la plupart des cas impossible
à rapporter. C'est au défendeur d'alléguer et de prouver, ou du moins
de rendre vraisemblable, que le demandeur a eu connaissance du fait
déterminant plus d'une année avant l'ouverture d'action. S'il existe des
doutes légitimes quant aux faits avancés par le demandeur sur ce point
(une preuve stricte du contraire serait de nature à soulever les mêmes
problèmes que ceux qu'entraînerait la preuve de l'absence de connaissance
antérieure par le demandeur), il est loisible au demandeur de rapporter
la preuve qu'une telle connaissance antérieure n'a précisément pas eu lieu.

    b) En l'espèce, les recourants font toutefois valoir qu'à la
connaissance effective (Kenntnis) du changement de nom, il y aurait
lieu d'assimiler le cas où le demandeur aurait dû en avoir connaissance
(Kennenmüssen). Il est vrai que cet argument est d'autant plus pertinent,
à la lumière du principe de la bonne foi, que l'imprescriptibilité de
l'action en contestation du changement de nom est acquise, on l'a vu,
en son principe. Afin d'éviter de vider le délai de péremption de son
sens, on peut attendre des intéressés entendant agir contre l'utilisation
prétendument abusive de leur nom qu'ils effectuent un certain nombre de
démarches visant à les renseigner.

    Ce qui précède n'est pourtant d'aucun secours pour les recourants. Car
même s'il était constant que dame Bigot de Morogues, la mère des intimés,
a rendu visite au prêtre qui a officié lors du mariage du recourant 1 - ce
qui n'est pas établi - et qu'il faille imputer aux intimés - dont seul l'un
était alors encore mineur - ce qu'elle a pu apprendre à l'occasion de cette
visite, cette connaissance ne pouvait porter, sur la foi des actes d'état
civil dont avait disposé le prêtre, que sur le fait que le mariage civil
du couple M. Bigot de Morogues - P. de C. avait été célébré à L. (Suisse),
sans qu'il y fût fait référence au changement de nom intervenu.

    Les recourants eux-mêmes n'évoquent point de recherches qu'à leurs
yeux, les intimés auraient raisonnablement dû entreprendre et qui auraient
pu les amener à prendre connaissance du changement de nom. C'est à tort
que les recourants croient pouvoir affirmer que le nom "Bigot de Morogues"
accolé à leur nom de famille initial ne pouvait être interprété qu'en
tant que fruit d'un changement de nom.

    En conséquence, on doit en rester aux constatations de fait de
l'autorité cantonale de dernière instance, selon lesquelles les intimés
n'ont eu connaissance du changement de nom que par la lettre datée du 24
février 1977 et émanant du recourant 1, M. M. Bigot de Morogues, lettre à
laquelle était jointe la décision du Conseil d'Etat du canton de Zurich
du 23 janvier 1964, après que les recherches entreprises par le conseil
parisien des intimés furent restées vaines.

    L'action ouverte par requête de conciliation auprès de la justice de
paix, suivie du dépôt, en date du 2 février 1978, d'une demande devant le
Tribunal de district d'A., n'est dès lors pas périmée au sens de l'art. 30
al. 3 CC.

Erwägung 7

    7.- a) Par décision du 23 janvier 1964, le Conseil d'Etat du canton
de Zurich a autorisé les recourants à modifier leur patronyme "M." en
"M. Bigot de Morogues". Comme justes motifs au sens de l'art. 30 al. 1er
CC (texte allemand: wichtige Gründe) avancés par les recourants à l'appui
de la requête, le Conseil d'Etat a retenu le respect envers les ancêtres
(Pietätsrücksichten): il est parfaitement compréhensible, a-t-il estimé,
que les descendants d'une famille illustre soient hautement intéressés
à relever, par la procédure de l'art. 30 al. 1 CC, un nom porté pendant
des générations par leurs ancêtres et menacé d'extinction.

    Or en réalité, le nom Bigot de Morogues n'était en rien menacé de
disparition, comme la simple existence des demandeurs, issus du même
A. Bigot de Morogues, le prouve.

    b) Le Tribunal de district a reconnu au nom "Bigot de Morogues"
une renommée particulière autant qu'un caractère de rareté. Selon
l'autorité cantonale de première instance, le nom de famille "Bigot
de Morogues" est un prestigieux patronyme de la noblesse française,
jouissant d'un grand renom, et dont sont issus nombre de scientifiques
et d'officiers de haut rang. Le Tribunal de district a estimé qu'en tant
que descendants de cette famille et porteurs du nom de Bigot de Morogues,
les intimés avaient un intérêt digne de protection à empêcher des tiers de
s'approprier l'usage de leur nom. L'intérêt des recourants, issus de la
même famille par une branche féminine n'était pas, aux yeux du Tribunal,
suffisant pour contrebalancer le droit des intimés à l'exclusivité de
leur nom. La rareté relative du nom contesté, liée à une représentation
erronée d'un lien entre le nouveau porteur et l'ancien suffisent à fonder
l'action en contestation. A cela, ajoute le Tribunal de district, on ne
saurait objecter que les porteurs du nom modifié ont entre-temps fondé une
famille, que le nom contesté ne constitue qu'une adjonction au patronyme
initial et, enfin, que les parties sont en l'espèce domiciliées dans des
Etats différents.

    c) Le Tribunal supérieur s'est rallié, quant au résultat, à la
pesée des intérêts effectuée par le tribunal de première instance. Il
a relevé, de plus, que la seconde circonstance avancée en son temps par
les recourants devant le Conseil d'Etat au titre de juste motif, soit la
perspective d'un substantiel héritage français provenant d'une grand-tante
restée sans enfants - promesse que l'aïeule aurait soumise à la condition
que les recourants relèvent le nom de jeune fille de leur grand-mère -
n'avait pas été reprise dans le procès en contestation et n'aurait du reste
pas constitué un intérêt suffisant à la conservation du nom litigieux. Le
Tribunal supérieur a considéré que l'absence de risque de confusion,
lié au fait que les recourants avaient conservé leur patronyme initial,
n'était pas déterminant au regard de l'intérêt - supérieur - des intimés,
pas plus que ne l'était le fait d'avoir porté le patronyme modifié pendant
19 ans.

    d) Les recourants soutiennent que les intimés n'ont pas rapporté à
satisfaction de droit la preuve d'une lésion consistant en un préjudice
particulier dû au changement de nom des recourants. Etant donné que
les recourants ont conservé leur patronyme initial de M., le risque de
confusion est exclu et on ne saurait soutenir, estiment-ils, que le nom
modifié suscite dans l'esprit des tiers des associations erronées quant
à des liens entre intimés et recourants. Le fait qu'entre le changement
de nom et l'action en justice des intimés se soient écoulées plus
d'une dizaine d'années contribue, selon les recourants, à ce qu'on nie
l'existence d'une lésion des intérêts des intimés. La façon dont l'instance
cantonale a apprécié la circonstance du domicile respectif des parties
n'est, aux yeux des recourants, pas compatible avec la jurisprudence.
Il n'y aurait pas, selon eux, d'intérêt public à l'annulation d'un
changement de nom autorisé voici vingt-cinq ans. La balance des intérêts
commanderait dès lors de donner tort aux intimés notamment en raison du
fait que les enfants des recourants portent le nom modifié de par leur
naissance et ne seraient pas concernés par l'issue de la procédure,
fût-elle négative.

Erwägung 8

    8.- En vertu de l'art. 30 al. 3 CC, toute personne lésée par un
changement de nom peut l'attaquer en justice. Pour déterminer si les
conditions subjectives de l'action sont remplies, le juge examine si le
demandeur a un intérêt suffisant et digne de protection à contester le
changement de nom. Si tel est le cas, le juge procède à une pesée des
intérêts en présence; il s'agit de savoir si l'intérêt du défendeur au
changement de nom (et non pas à l'abandon de l'ancien nom, ce qui est du
ressort de l'autorité administrative) l'emporte ou non sur l'atteinte subie
dans ses intérêts par le demandeur (ATF 95 II 505 consid. 2; 81 II 401;
72 II 150 consid. 3; 67 II 191; 60 II 390 consid. 2; 52 II 103; EGGER,
n. 15 ad art. 30 CC; GROSSEN, op.cit., p. 62). La requête en changement
de nom étant soustraite à toute publication, les tiers intéressés sont
privés de la possibilité de se déterminer sur celle-ci dans le cadre de
la procédure administrative; le juge saisi de l'action en contestation
est toutefois habilité à tenir compte des motifs ayant abouti à l'abandon
du nom initial.

    La fonction du patronyme ne se limite pas à l'individualisation de
son porteur, ni à permettre à ce dernier, en cas de lésion, d'intenter une
action en cessation du trouble (ATF 102 II 308 et les références citées);
le nom de famille exprime également l'appartenance à une famille donnée,
permettant à son porteur de jouir de la position sociale afférant à
celle-ci. (...) Selon les constatations de fait des autorités cantonales,
le nom Bigot de Morogues n'est pas commun et jouit en France d'une renommée
particulière. En tant que descendants directs d'ancêtres illustres, les
demandeurs ont dès lors une prétention légitime à empêcher des tiers de
porter leur nom sans raison valable (ATF 67 II 191; 52 II 107). L'existence
d'un risque de confusion (en l'espèce de peu d'actualité, les intimés
vivant en France et les recourants en Suisse) n'est pas une condition
nécessaire à l'action. Ce qui est déterminant, c'est que le changement
de nom évoque un lien entre les nouveaux porteurs et les anciens (ATF 72
II 150). A cela, le fait que les recourants ne portent le nom de Bigot de
Morogues qu'en appendice à leur patronyme initial ne saurait rien changer.

    Les motifs invoqués par les recourants à l'appui de leur changement
de nom ne sont pas concluants. La déférence envers les ancêtres et en
particulier le risque de voir le nom disparaître, invoqués devant le
Conseil d'Etat du canton de Zurich, se sont révélés des motifs non
conformes à la réalité. Du reste, ils ne constituent pas des justes
motifs au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 108
II 250 consid. 5 s'agissant du patronyme VON STOCKALPER; solution
approuvée en doctrine par LIVER in RJB 120 (1984), pp. 104-105). En
instance fédérale, les recourants se sont abstenus de revenir sur les
considérations d'ordre financier évoquées plus haut, d'ailleurs passées
sous silence par le Conseil d'Etat. Pour autant qu'on puisse lui accorder
la moindre pertinence, ce motif ne pourrait être pris en considération
vu qu'il relève entièrement de la volonté à cause de mort d'un tiers,
soit d'un acte unilatéralement révocable. Le jugement attaqué ne contient
d'ailleurs aucune constatation de fait quant au transfert effectif des
biens immobiliers promis, une fois obtenu le changement de nom.

    Que les défendeurs aient porté leur patronyme modifié pendant 28 ans ne
leur est ici d'aucun secours. On ne saurait considérer, par ailleurs, que
les intimés auraient abusivement tardé à ouvrir action; ils ne peuvent,
pas plus, être tenus responsables de la durée de la procédure. Les
recourants ne peuvent prétendre au patronyme contesté par l'effet d'une
"prescription acquisitive".

    Certes, les recourants sont effectivement descendants, par leur
grand-mère maternelle, de la famille dont les intimés portent le nom. Cela
ne rend cependant pas plus digne de protection leur prétention à porter ce
même nom en tant qu'adjonction à leur nom initial que ne l'est le droit
des intimés - qui apparaissent, en vertu des règles sur la transmission
du nom de famille, comme seuls porteurs légitimes de celui-ci - à agir en
cessation du trouble (cf. l'arrêt Eynard, ATF 52 II 103, où même la mère
du défendeur provenait de ladite famille). Ce qui précède n'est nullement
en contradiction avec les conceptions juridiques actuelles. Ainsi, le
code civil suisse prévoit que le nom du mari est le nom de famille des
époux (art. 160 al. 1er CC). Il est aussi le nom des enfants de conjoints
(art. 270 al. 1er CC).

    En l'absence de motifs importants de nature à prévaloir sur l'atteinte
subie par les intimés dans leur droit au nom, c'est à bon droit que les
instances cantonales ont admis l'action de ces derniers. Vu ce qui précède,
le recours apparaît mal fondé et doit être rejeté.

Erwägung 9

    9.- Les recourants font allusion au sort de leurs enfants, qui
portent le patronyme M. Bigot de Morogues de par leur naissance. Cette
question relève en premier lieu des autorités d'état civil. Elle n'a
aucune influence sur l'issue du présent litige.