Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 IB 462



118 Ib 462

56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 8 septembre
1992 dans la cause P. contre Service pénitentiaire du Département de
la justice, de la police et des affaires militaires du canton de Vaud
(recours de droit public et de droit administratif) Regeste

    Auslieferung; Spezialitätsgrundsatz; Schonfrist; Begriff der
"endgültigen Freilassung"; Art. V des Auslieferungsvertrages zwischen
der Schweiz und Brasilien.

    1. Der Ausgelieferte, welcher das schweizerische Hoheitsgebiet innert
dreissig Tagen seit seiner definitiven Freilassung nicht verlassen
hat (Schonfrist), kann sich nicht mehr auf den Spezialitätsgrundsatz
berufen. Es handelt sich nicht um eine definitive Freilassung, wenn der
inhaftierte Ausgelieferte nach seiner Übergabe an die schweizerischen
Behörden nur unter Einschränkung seiner Bewegungsfreiheit freigelassen wird
(E. 2a).

    2. Im vorliegenden Fall wurde der Ausgelieferte, der in
Untersuchungshaft versetzt worden war, vorläufig freigelassen mit der
Verpflichtung, dem Untersuchungsrichter jede Adressänderung und jeden
Aufenthalt ausserhalb des Kantons mitzuteilen; er hatte daher nicht
die Möglichkeit, das Land zu verlassen. Die Frist gemäss Art. V des
Auslieferungsvertrages zwischen der Schweiz und Brasilien hat somit im
Zeitpunkt seiner vorläufigen Freilassung nicht zu laufen begonnen (E. 2b).

Sachverhalt

    A.- Le 27 juillet 1981, le Tribunal correctionnel du district de Vevey
a condamné P., citoyen suisse, à la peine de trente mois de réclusion sous
déduction de cinq cent trente jours de détention préventive pour vol par
métier, abus de confiance, dommages à la propriété, violation de domicile,
faux dans les titres, violation grave des règles de la circulation, vol
d'usage d'un véhicule automobile, circulation sans permis de conduire,
sans permis de circulation et sans assurance RC et usage abusif de plaques
d'immatriculation.

    Le 15 juin 1983, la Commission de libération conditionnelle du canton
de Vaud a accordé à P. la libération conditionnelle dès le 1er juillet
1983; le délai d'épreuve initial de quatre ans a été prolongé jusqu'au
1er juillet 1989, à la suite d'une condamnation mineure.

    Le 13 février 1989, le Tribunal de police du district d'Aigle a
condamné P. à 1'000 francs d'amende pour violation grave des règles de
la circulation.

    Le 10 mars 1989, le chef du Département de la justice, de la police
et des affaires militaires du canton de Vaud a révoqué la libération
conditionnelle accordée le 1er juillet 1983 et ordonné la réintégration
de P. pour un solde de peine de un an et vingt-cinq jours d'emprisonnement.

    P. a quitté la Suisse pour s'établir au Brésil. Le 2 septembre 1989,
le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais a décerné contre lui un
mandat d'arrêt international pour les besoins d'une instruction ouverte
essentiellement du chef d'escroqueries commises dans l'exercice de ses
activités professionnelles de vendeur de véhicules automobiles. Sur la
base de ce mandat d'arrêt, les autorités brésiliennes ont incarcéré P. à
titre extraditionnel et l'ont remis aux autorités suisses, le 8 septembre
1990, en exécution d'un arrêt rendu le 17 août 1990 par le Tribunal
fédéral suprême de la République fédérative du Brésil. Selon cet arrêt,
l'extradition n'était accordée que pour onze des seize chefs d'accusation
énoncés dans le mandat d'arrêt international. Par note du 30 août 1990,
l'Ambassade de Suisse à Brasilia a confirmé, à la demande du Ministère de
la justice du Brésil, que la Suisse entendait respecter notamment l'art. V
du traité d'extradition entre la Suisse et le Brésil, conclu le 23 juillet
1932 (RS 0.353.919.8; ci-après: le traité), dont la teneur est la suivante:

    "La personne extradée ne pourra être poursuivie et punie, pour un délit
   perpétré avant l'extradition et pour lequel l'extradition n'aura pas
   été demandée, qu'après que l'Etat requis aura donné son consentement
   aux poursuites ultérieures.

    Cette restriction ne sera pas applicable si l'inculpé consent
   expressément à être jugé pour d'autres faits, ou s'il ne quitte pas
   dans les trente jours après sa mise en liberté le territoire de l'Etat
   auquel il a été livré, ou encore s'il revient sur ce territoire après
   l'avoir quitté.

    La déclaration de consentement sus-mentionné, en original, ou en copie
   authentique, sera transmise à l'autre Etat."

    P. a été placé en détention préventive à la prison de Martigny sur
ordre du Juge d'instruction pénale du Bas-Valais qui l'a remis en liberté
provisoire le 21 mars 1991 sous l'obligation de lui communiquer tout
changement d'adresse et tout séjour hors du canton.

    Le 7 décembre 1990, le Service pénitentiaire du canton de Vaud a
transmis à l'Office fédéral de la police une demande d'extension de
l'extradition de P. en vue de l'exécution du solde de la peine à purger
selon la décision de l'autorité administrative cantonale du 10 mars
1989. Cette démarche n'a pas eu de suite, le Service pénitentiaire ayant
constaté que le délai de répit de trente jours prévu à l'art. V al. 2
du traité était écoulé. Le 6 mai 1991, le Service a ordonné la mise à
exécution du solde de la peine et la réintégration effective de P. pour
un an et vingt-cinq jours d'emprisonnement. P., incarcéré le 7 mai 1991
aux Etablissements pénitentiaires de la Plaine de l'Orbe, a demandé sa
mise en liberté immédiate le 24 mai 1991 en se prévalant du principe de
la spécialité de l'extradition au sens de l'art. V du traité. Le Service
pénitentiaire a rejeté cette requête le 27 mai 1991, en considérant
sa décision de réintégration comme une pure mesure d'exécution d'une
décision entrée en force. P. a renouvelé sa demande de mise en liberté
le 4 mars 1992, que le Service pénitentiaire a rejetée le 19 mars 1992,
en estimant que le principe de la spécialité consacré par le traité ne
s'opposait pas à la mise à exécution de la peine, P. n'ayant pas quitté
la Suisse dans les trente jours dès sa mise en liberté provisoire.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit administratif formé
par P. contre cette décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le recourant ne conteste pas que les conditions de sa réintégration
dans l'établissement au sens de l'art. 38 ch. 4 CP soient réunies. Il
soutient que, même dans ce cas, la mise à exécution du solde de la peine
pour lequel la libération conditionnelle lui avait été accordée violerait
le principe de la spécialité consacré à l'art. V du traité.

    a) Cette norme du droit international protège l'extradé contre
toute poursuite ou sanction qui pourrait être respectivement dirigée ou
prononcée contre lui du chef d'autres infractions - commises antérieurement
à l'extradition - que celles pour lesquelles il a été remis aux autorités
de l'Etat requérant. Cette règle s'applique d'office sans que l'Etat requis
ait à en revendiquer le bénéfice ou exiger des assurances quelconques
quant à son respect. Ce n'est qu'avec le consentement de l'Etat requis,
obtenu sur la base d'une demande d'extension de l'extradition, qu'il peut
y être dérogé (HANS SCHULTZ, Das schweizerische Auslieferungsrecht, Bâle,
1953, p. 367, 377; PIERRE SCHMID/LIONEL FREI/ RUDOLF WYSS/JEAN-DOMINIQUE
SCHOUWEY, L'entraide judiciaire internationale en matière pénale, RDS
100/1981 II p. 305). Ce consentement n'est toutefois pas nécessaire
si l'extradé demeure sur le territoire de l'Etat requérant durant un
certain laps de temps - en l'occurrence, trente jours - après son
acquittement ou l'exécution de sa peine (HANS SCHULTZ, op.cit., p.
381 ss, DOMINIQUE PONCET/PAUL GULLY-HART, Le principe de la spécialité
en matière d'extradition, Revue internationale de droit pénal, 62/1991,
p. 199 ss, 215-216). On peut en effet présumer que celui qui accepte,
sans contrainte aucune, de demeurer à la disposition des autorités de
répression sur le territoire d'un Etat où il risque d'être poursuivi,
accepte aussi les conséquences de ce comportement et se soumet ainsi à
la juridiction territoriale de cet Etat. Même si le traité ne le dit pas
expressément, cette exception à la règle de la spécialité présuppose d'une
part l'élargissement définitif et d'autre part la possibilité effective
de quitter le pays (HANS SCHULTZ, op.cit., p. 382, note 129).

    L'élargissement définitif peut résulter de l'abandon des poursuites
engagées contre la personne extradée, de l'acquittement prononcé par
le tribunal de jugement, ou de l'exécution de la peine infligée à la
suite d'un verdict de culpabilité. Il n'y a pas élargissement définitif,
au sens du droit extraditionnel, lorsque la libération est subordonnée à
un délai d'épreuve, accordée à titre provisoire dans l'attente du renvoi
devant l'autorité de jugement ou assortie de restrictions à la liberté
de mouvement de l'extradé. Celui-ci doit en outre être avisé que l'effet
protecteur attaché au principe de la spécialité cessera à l'expiration du
délai de répit prévu par le traité, et que - s'il demeure sur le territoire
de l'Etat requérant - il risque, le cas échéant, d'y être poursuivi pour
d'autres faits que ceux pour lesquels l'extradition avait été accordée
(HANS SCHULTZ, op.cit., p. 382-383).

    Cette conception s'exprime aussi dans la déclaration faite par la
Suisse à l'art. 14 al. 1 let. b de la Convention européenne d'extradition
(CEExtr.; RS 0.353.1), ratifiée par la Suisse le 20 décembre 1966, dans
les termes suivants:

    "Le Conseil fédéral suisse déclare que les autorités suisses
considèrent
   l'élargissement comme définitif au sens de l'art. 14 de la convention,
   s'il permet à la personne extradée de circuler librement sans violer
   les règles de conduite et autres conditions imposées par l'autorité
   compétente. De l'avis des autorités suisses, l'extradé est toujours
   censé avoir la possibilité de quitter le territoire d'un Etat au sens
   de cette disposition lorsque ni une maladie ni quelque autre restriction
   réelle de sa liberté de mouvement ne l'empêche en fait de s'en aller."

    Quant à l'art. 38 al. 2 EIMP, il prévoit aussi que la personne extradée
doit avoir été "instruite des conséquences" de l'expiration du délai de
répit. La jurisprudence va dans le même sens (cf., en ce qui concerne
l'art. 14 CEExtr., ATF 109 Ib 335/336 consid. 15b et l'arrêt non publié
du 10 juillet 1985, B., relatif au délai de répit prévu à l'art. IX du
traité d'extradition conclu entre la Suisse et la Serbie le 28 novembre
1887, RS 0.353.981.8).

    b) L'extradition du recourant n'a été accordée à la Suisse en
vertu de l'arrêt rendu le 17 août 1990 par le Tribunal fédéral suprême
de la République fédérative du Brésil que pour onze des seize chefs
d'accusation exposés dans le mandat d'arrêt international décerné par le
Juge d'instruction pénale du Bas-Valais. Il est constant que cette mesure
de contrainte n'avait pas pour objet l'exécution du solde de la peine,
pour laquelle le Service pénitentiaire du canton de Vaud a ordonné la
réintégration dans l'établissement conformément à l'art. 38 ch. 4 CP,
et qu'aucune demande d'extension de l'extradition n'a été formulée de
ce chef auprès des autorités brésiliennes. Le recourant ne pouvait donc
faire l'objet de cette mesure privative de liberté avant l'échéance du
délai de répit fixé par l'art. V al. 2 du traité.

    L'autorité intimée ne le conteste pas mais soutient que le recourant
avait la possibilité de quitter la Suisse après avoir été mis en liberté
provisoire par le Juge d'instruction du Bas-Valais, et que, pour ne
l'avoir pas fait, le recourant ne pourrait plus se prévaloir de la règle
de la spécialité. Cette opinion ne saurait être partagée. Considérant que
sa détention n'était plus nécessaire pour les besoins de l'instruction
de la cause ayant donné lieu à son extradition, le Juge d'instruction
pénale du Bas-Valais a mis le recourant en liberté provisoire le 29 mars
1991. L'enquête étant toujours en cours, ce magistrat a imposé au recourant
l'obligation de lui communiquer tout changement d'adresse et tout séjour
hors du canton. Cette restriction témoigne du souci du Juge d'instruction
de contrôler les déplacements du recourant afin d'éviter qu'il ne se
soustraie à l'action de la justice. Ces limitations impliquaient une
interdiction de principe de quitter le territoire de la Confédération.
Jusqu'à sa réintégration ordonnée par l'autorité intimée, le recourant
était, partant, assujetti à une obligation de droit public dont l'exécution
lui ôtait la possibilité effective de quitter le pays. Il ne disposait
au demeurant pas d'un passeport valable, celui qui lui avait été délivré
par le Consulat général de Suisse à Rio de Janeiro le 4 septembre 1990
ayant perdu sa validité dès la fin de son voyage de retour en Suisse. Il
n'avait donc pas été libéré définitivement au sens du droit conventionnel,
de sorte que l'expiration d'un délai de répit qui n'avait même pas encore
commencé à courir ne lui était manifestement pas opposable. Le solde de la
peine pour lequel il avait été libéré conditionnellement le 1er juillet
1983 ne pouvait par conséquent être mis à exécution sans violer l'art. V
al. 2 du traité.