Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 IA 410



118 Ia 410

56. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 29 octobre 1992 dans la cause
P. c. GE, Commission administrative de l'Hôpital cantonal universitaire
de Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 45 BV: Residenz- und Wohnsitzpflicht der Beamten.

    Die in Art. 45 BV garantierte Niederlassungsfreiheit kann für Beamte
nicht allgemein oder aus bloss fiskalischen Gründen eingeschränkt werden,
sondern nur, wenn zwingende Gründe des Dienstes oder das Erfordernis
besonderer Beziehungen zur Bevölkerung es verlangen.

Sachverhalt

    A.- Dominique P., né en 1960, est fonctionnaire à l'Hôpital Cantonal
Universitaire de Genève depuis le 1er juin 1985. Travaillant en qualité
de chauffeur-ambulancier, 41 heures par semaine, ses journées commencent
à heures fixes (6, 13 ou 20 heures).

    Dominique P. est marié à Francine, infirmière de formation. Le couple
a deux enfants, Jérôme, né en 1988, et Camille, née en 1990. La famille
a habité, depuis le 1er février 1987, un appartement de 4 pièces, cuisine
comprise, au chemin de la Petite-Boissière 42 à Genève.

    Le 24 octobre 1990, Dominique et Francine P. sont devenus
superficiaires d'une parcelle de 1001 m2 dans la commune de Saint-Cergue
(VD), immédiatement voisine de celle où habitent les parents de Mme P.,
dans l'intention d'y construire une résidence secondaire.

    Constatant que, même si son épouse reprenait son activité d'infirmière
à mi-temps, il lui serait impossible de cumuler les charges liées à la
maison de Saint-Cergue avec celles de l'appartement à Genève, Dominique
P. a sollicité une dérogation à l'obligation de domicile et de résidence
effective dans le canton de Genève, le 27 août 1991. Sa demande était
fondée essentiellement sur les difficultés de trouver à Genève un logement
plus grand à des prix raisonnables, ainsi que sur l'augmentation rapide
des loyers de l'argent, phénomènes qui l'avaient incité à vouloir établir
son domicile permanent à Saint-Cergue dès le 1er janvier 1992.

    Par lettre du 4 septembre 1991, le chef de la division de l'intérieur
de l'Hôpital cantonal a transmis cette demande à la division du
personnel, en précisant que le fait pour Dominique P. d'élire domicile
à Saint-Cergue ne l'empêcherait pas d'exercer correctement ses activités
de cardiomobiliste.

    Le chef de la division du personnel a accusé réception de la demande
de Dominique P. le 13 septembre 1991, en l'informant que celle-ci serait
examinée par la sous-commission du personnel lors de sa prochaine séance.

    Le 12 octobre 1991, Dominique et Francine P. ont toutefois résilié
le contrat de bail de leur appartement.

    Par courrier du 14 octobre 1991, le chef de la division du personnel
a informé Dominique P. que la sous-commission du personnel avait décidé
de rejeter sa requête qui ne répondait pas aux critères figurant dans
le texte de la loi générale relative au personnel de l'administration
cantonale et des établissements publics médicaux.

    Dominique P. a formé un recours de droit public contre la décision
de la Commission administrative de l'Hôpital Cantonal Universitaire de
Genève du 14 octobre 1991. Invoquant l'art. 45 Cst., il soutenait qu'au
regard de la fonction technique de chauffeur-ambulancier qu'il exerce
et des intérêts particuliers de sa famille à demeurer à Saint-Cergue,
l'obligation de résidence et de domicile dans le canton de Genève
constituait une exigence disproportionnée.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 45 Cst., le recourant bénéficie, comme tout
citoyen suisse, de la liberté d'établissement. Toutefois, à l'exemple
des autres droits fondamentaux, la liberté d'établissement peut être
limitée par des restrictions fondées sur une base légale suffisante,
si elles répondent à un intérêt public et respectent le principe de
la proportionnalité. Ces exigences s'appliquent aussi au rapport de
dépendance spécial, notamment en matière de statut des fonctionnaires
(ATF 115 Ia 210 consid. 3a et les arrêts cités, 114 Ib 165).

    La jurisprudence admet que l'intérêt public à l'obligation de
résidence d'un fonctionnaire n'existe pas seulement lorsque la nature
du service l'exige, mais aussi en raison des liens qui peuvent se créer
entre le fonctionnaire et la population, liens qui sont mieux garantis
lorsque l'intéressé habite au sein de la collectivité de l'employeur de
droit public (ATF 116 Ia 385 consid. 3 et les arrêts cités). Tel est le
cas pour les enseignants et pour les fonctionnaires de police (ATF 115
Ia 207 et s., 108 Ia 248 et s., 103 Ia 455 et s.; arrêts non publiés du
11 mai 1987 en la cause Amez-Droz c. Tribunal administratif du canton
de Neuchâtel et du 8 décembre 1989 en la cause Bigler-Pastori c. Conseil
d'Etat du canton de Vaud et commune de Lausanne) ou encore pour certains
employés communaux qui entretiennent des contacts particuliers avec la
population, comme un chef du contrôle de l'habitant et caissier communal
(arrêt non publié du 3 avril 1992 en la cause R. c. Conseil d'Etat du
canton de Saint-Gall et commune de Rorschach).

    Toutefois, le respect du principe de la proportionnalité exige que
le droit cantonal autorise des dérogations à l'obligation générale de
résidence et que l'autorité chargée de l'appliquer procède, dans chaque
cas, à une pesée des intérêts publics et privés opposés (ATF 116 Ia 386
consid. 4a). Le Tribunal fédéral admet ainsi que, dans les cas où l'intérêt
public est faible, l'intérêt privé du fonctionnaire peut être supérieur,
comme pour un gardien de prison (ATF 116 Ia 382 et ss) ou un professeur
à l'Université de Genève (ATF 111 Ia 214 et ss).

Erwägung 3

    3.- Dans le canton de Genève, l'obligation de domicile et de résidence
est prévue à l'art. 13 de la loi générale relative au personnel de
l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 15
octobre 1987 (en abrégé: LPAC), sous réserve des dérogations qui peuvent
être accordées lorsque les conditions légales sont réunies. Selon cette
disposition:

    "Les membres du personnel occupant une fonction permanente et qui
sont au
   bénéfice d'un engagement de durée indéterminée doivent avoir leur
   domicile et leur résidence effective dans le canton de Genève (al. 1).

    A la condition que l'éloignement de leur domicile ne porte pas
préjudice
   à l'accomplissement de leur devoir de service, le Conseil d'Etat,
   respectivement la commission administrative concernée, peut accorder
   aux fonctionnaires des dérogations pour tenir compte de la propriété
   d'immeuble antérieure à l'engagement, de contraintes familiales graves,
   du taux d'activité réduit ou de la fin prochaine des rapports de
   fonction d'un membre du personnel (al. 2)."

    En l'espèce, le recourant ne conteste pas l'application, comme
telle, de l'art. 13 LPAC, qui constitue une base légale valable à
l'obligation de domicile et de résidence effective des fonctionnaires
genevois. En revanche, il estime qu'au vu des circonstances, un domicile
hors du canton de Genève est parfaitement compatible avec sa fonction de
chauffeur-ambulancier et que son intérêt privé à obtenir une dérogation
à l'obligation de domicile l'emporte clairement sur l'intérêt public
invoqué par l'autorité intimée.

Erwägung 4

    4.- a) S'agissant de l'intérêt public, il faut d'abord constater que,
dans le cas du recourant, il n'existe pas d'impératifs de service. Son
travail se déroule en effet par tranches horaires fixées à l'avance, en
dehors desquelles il n'est pas appelé à intervenir. S'il est certes tenu
de commencer son service à des heures précises (6, 13 ou 20 heures),
il ne s'agit cependant pas des heures où le trafic est dense et la
relève se fait de toute manière, puisque le cardiomobile est occupé en
permanence. En outre, le recourant n'exerce pas une fonction dirigeante,
mais une activité essentiellement technique. Son poste et l'engagement
que l'on peut attendre de lui n'impliquent donc pas une intégration
particulière à la communauté locale.

    Cette absence d'impératifs de service a d'ailleurs conduit le chef de
la division de l'intérieur de l'Hôpital Cantonal Universitaire à déclarer
à la division du personnel que le fait d'élire domicile à Saint-Cergue
(Vaud) n'empêchera pas Dominique P. d'exercer correctement ses activités
de cardiomobiliste.

    De son côté, l'autorité intimée se prévaut uniquement d'un intérêt
public général à faire respecter l'obligation de domicile et de résidence
des fonctionnaires genevois et ne prétend pas qu'il existerait des
impératifs de service qui justifieraient que le recourant garde son
domicile dans le canton de Genève.

    Dès lors, si l'on fait abstraction de l'intérêt purement fiscal qui, à
lui seul, n'est pas décisif (ATF 103 Ia 458 consid. 4a), il faut admettre
que l'intérêt public à l'obligation de domicile fait défaut lorsque,
comme en l'espèce, il n'existe aucun motif de service qui obligerait
le fonctionnaire à élire domicile à proximité de son lieu de travail et
que la nature de la fonction exercée n'implique pas que le fonctionnaire
entretienne des relations étroites avec la population locale ou appartienne
à la communauté qu'il représente.

    Dans cette situation, la liberté d'établissement garantie à tout
citoyen suisse par l'art. 45 Cst. ne peut pas être limitée par les
considérations générales d'une collectivité publique qui, pour des raisons
fiscales sous-jacentes, veut imposer uniformément l'obligation de domicile
et de résidence à ses fonctionnaires. Le principe de la proportionnalité
lui impose en effet d'examiner, pour chaque demande de dérogation,
les intérêts publics et privés en jeu. Un refus de dérogation ne sera
donc justifié que si la disponibilité nécessaire pour le service exige un
domicile à proximité ou si le caractère particulier de la fonction demande
que son titulaire entretienne des liens étroits avec la population locale
ou soit membre de la communauté dont il assume la représentation.

    b) Il est vrai que l'obligation imposée aux fonctionnaires genevois
de demander une dérogation pour résider en dehors du canton subsiste et
que, sur ce point, l'autorité intimée reproche au recourant de l'avoir
mise devant un fait accompli, en résiliant le bail de son appartement à
Genève avant de connaître la décision de la Commission administrative sur
sa requête. Le comportement du recourant, qui déclare avoir été encouragé
dans ses démarches par le préavis favorable de son supérieur hiérarchique,
résulte toutefois plus d'un malentendu que d'une intention délibérée de
vouloir forcer l'autorité à admettre sa requête. Si une telle attitude
demeure répréhensible au regard de l'obligation légale, elle ne saurait
cependant servir de justification pour refuser d'accorder une dérogation
en l'absence d'un intérêt public à la domiciliation du fonctionnaire sur
le territoire cantonal.