Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 IA 294



118 Ia 294

40. Arrêt de la Ire Cour civile du 6 août 1992 dans la cause A. S.A. contre
V. S.A. et Cour de justice civile du canton de Genève (recours de droit
public) Regeste

    Gerichtsstandsklausel.

    1. Auch wenn die Garantie des Art. 59 BV zum Schutze des Schuldners
aufgestellt ist, kann der Gläubiger, geht es um die Gültigkeit einer
Gerichtsstandsklausel, gleichwohl eine unrichtige Anwendung dieser
Verfassungsbestimmung zugunsten des Schuldners und zu seinem eigenen
Nachteil rügen (E. 1).

    2. Gültigkeit einer Gerichtsstandsklausel, die in den einem Vertrag
oder einer Offerte beigelegten Allgemeinen Geschäftsbedingungen enthalten
ist, wenn es sich beim Empfänger um eine geschäftskundige Person handelt
(E. 2).

Sachverhalt

    A.- A la recherche d'un cadre, la société V. S.A., à Genève, a pris
contact avec A. S.A., à Bienne, par lettre du 8 janvier 1990, sous la
signature de "T.P., avocat". Après un premier entretien téléphonique,
A. S.A. a proposé à P. un candidat par téléphone du 5 février 1990. Le
même jour, elle a adressé à V. S.A. une lettre à laquelle étaient joints
le curriculum vitae du candidat ainsi qu'un exemplaire de ses conditions
générales. Celles-ci contenaient une clause de prorogation de for prévoyant
la compétence des tribunaux du canton de Genève.

    A. S.A. a ensuite organisé une entrevue entre le candidat et V. S.A.,
qui eut lieu le 13 février 1990. Cette dernière société a confirmé
à A. S.A. l'impression favorable produite par le candidat. Puis, par
lettre du 18 février 1990 à V. S.A., A. S.A. a pris "bonne note que vous
aviez prévu de nous recontacter d'ici à la fin du mois de février 1990
afin de déterminer les termes d'un contrat".

    Par lettre du 26 mars 1990, A. S.A. a confirmé à V. S.A. un entretien
fixé au 28 mars en vue de la "signature du contrat d'engagement de
notre candidat". A cette lettre était joint un exemplaire des conditions
générales. Le candidat proposé a finalement été engagé par V. S.A. le 8 mai
1990. Le 15 mai 1990, A. S.A. a demandé à V. S.A. le versement de 19'200
francs à titre d'honoraires "conformément à nos conditions générales",
une nouvelle fois annexées à la lettre.

    B.- Ce montant ayant été contesté, A. S.A. a assigné V. S.A. devant
les tribunaux genevois en paiement de 21'190 francs.

    Faisant d'entrée de cause valoir son domicile à Bienne, V. S.A. a
soulevé une exception d'incompétence ratione loci.

    Par jugement du 13 mai 1991, le Tribunal de première instance de Genève
s'est déclaré incompétent ratione loci pour connaître de la demande déposée
par A. S.A.; il l'a renvoyée à agir devant les tribunaux compétents.

    Statuant sur appel d'A. S.A., la Cour de justice du canton de Genève
a confirmé le jugement de première instance par arrêt du 10 décembre 1991.

    C.- A. S.A. forme un recours de droit public, concluant à l'annulation
de l'arrêt attaqué. Elle invoque la violation de l'art. 59 Cst.

    V. S.A. conclut au rejet du recours, tandis que la cour cantonale a
déclaré n'avoir pas d'observations à formuler.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Irrecevable dans un recours en réforme, le grief de la violation
de l'art. 59 Cst. ne peut être soulevé que dans un recours de droit public
(ATF 103 II 200 consid. 1). Selon la jurisprudence, le créancier n'est
pas protégé par cette disposition et, par conséquent, il ne saurait se
prévaloir de sa violation éventuelle (même arrêt et les références). Pour
la doctrine aussi, qui se réfère généralement à la jurisprudence, la
garantie de l'art. 59 Cst. profite au débiteur et non au créancier (AUBERT,
Traité de droit constitutionnel suisse, n. 846; FISCHER, Les conventions
de prorogation de for inter- et intracantonales, thèse Lausanne 1969,
p. 75; HESS, Die Gerichtsstandsgarantie des Art. 59 BV in der heutigen
Rechtswirklichkeit, thèse Zurich 1979, p. 64).

    Cependant, la jurisprudence citée ne prive pas le créancier de
se plaindre d'une mauvaise application de l'art. 59 Cst. en faveur
du débiteur et à son détriment. En pareil cas, il doit pouvoir faire
examiner, dans le cadre d'un recours de droit public, si le débiteur a
ou non été mis à juste titre au bénéfice de la norme constitutionnelle
précitée. Sa situation est comparable à celle de l'employeur, qui, ne
bénéficiant pas de la garantie de l'égalité de salaire entre travailleurs
masculins et féminins telle qu'elle découle de l'art. 4 al. 2, 3e phrase,
Cst., peut néanmoins se prévaloir d'une violation de cette disposition
constitutionnelle pour contester une décision prise à son détriment et
en faveur d'un employé (ATF 113 Ia 112 consid. 1d).

    Il y a, dès lors, lieu d'entrer en matière sur le présent recours,
le Tribunal fédéral examinant librement l'application du droit
constitutionnel fédéral (KÄLIN, Das Verfahren der staatsrechtlichen
Beschwerde, p. 184/185).

Erwägung 2

    2.- Il faut ainsi examiner la validité de la clause de prorogation
de for contenue dans les conditions générales de la recourante.

    a) Selon la jurisprudence, une renonciation au juge de son
propre domicile ne doit pas être admise facilement. Elle implique une
déclaration expresse, exprimant d'une façon claire et sans équivoque
la volonté de créer un for autre que le for ordinaire. Lorsque la
convention de prorogation de for se trouve dans un contrat préformé
(Formularvertrag), elle doit alors être mise en évidence et placée à un
endroit bien visible. Pour décider si ces conditions sont remplies, doit
aussi être prise en considération la situation personnelle de la partie
qui a renoncé au for ordinaire; le Tribunal fédéral fait, en particulier,
une distinction entre les personnes expérimentées en affaires, disposant
de quelques rudiments de droit, et celles qui n'ont aucune connaissance
en pareilles matières. Le fondement de cette jurisprudence réside dans
le principe de la confiance, qui entre également en ligne de compte
dans l'interprétation des contrats de procédure. Pour déterminer si
une renonciation au juge du domicile est valable, il faut, dès lors,
rechercher si le partenaire contractuel du renonçant pouvait admettre,
de bonne foi, qu'en acceptant de passer le contrat, son cocontractant a
également donné son accord à la clause de prorogation de for qui y est
contenue (ATF 109 Ia 56 consid. 3a et les arrêts cités).

    Comme on ne peut pas, en raison des différentes situations pouvant
se présenter, se contenter de distinguer entre les personnes initiées
en affaires et celles qui ne le sont pas, il faut, dans chaque cas
particulier, vérifier le caractère obligatoire de la convention
en faisant application du principe de la confiance (outre l'arrêt
déjà cité, cf. FORSTMOSER, Die rechtliche Behandlung von AGB) ..., in
Festgabe MAX KUMMER, Berne 1980, p. 123; GAUCH/SCHLUEP, Schweizerisches
Obligationenrecht, All. Teil, 5e éd., n. 1145).

    Sauf situation particulière, lorsque des conditions générales sont
jointes à un contrat ou à une offre adressée à une personne expérimentée
en affaires et connaissant le droit, on peut, par application du principe
de la confiance, raisonnablement exiger de cette dernière qu'elle les
examine avec soin et que, le cas échéant, elle décline une clause de
prorogation de for qui ne lui conviendrait pas (ATF 98 Ia 321 consid. 5a;
voir aussi SCHULER, Über Grund und Grenzen der Geltung von allgemeinen
Geschäftsbedingungen, thèse Berne 1978, p. 105 et 123; BAUDENBACHER,
Wirtschafts-, schuld- und verfahrensrechtliche Grundprobleme der
allgemeinen Geschäftsbedingungen, thèse Zurich 1983, p. 261). Cette
exigence doit en tout cas être reconnue et admise lorsque le contrat ou
l'offre mentionne l'existence des conditions générales ou s'y réfère.

    b) En l'espèce, la lettre de la recourante du 5 février 1990 constitue
une offre de conclure un contrat de courtage; elle fait suite à une
invitation de l'intimée de lui présenter une telle offre. La recourante y a
mentionné les conditions générales et en a joint un exemplaire tenant sur
une seule page et comportant neuf alinéas aisément lisibles. Le dernier
de ces alinéas contenait une clause de prorogation de for à Genève,
imprimée en caractère gras, parfaitement claire. Dès lors que l'intimée
s'est intéressée au candidat proposé par la recourante, elle a ainsi
accepté l'offre, en tout cas dès réception de la lettre du 18 février 1990.

    Eu égard au principe de la confiance, on pouvait raisonnablement
exiger du représentant de l'intimée, non seulement qu'il examine avec
soin les conditions générales mentionnées dans l'offre et jointes à elle,
mais encore qu'il réagisse si la clause de prorogation ne lui convenait
pas; ce représentant avait, en effet, mentionné sa qualité d'"avocat",
se présentant ainsi comme une personne censée connaître le droit. Dans
ces conditions, la recourante pouvait donc admettre, de bonne foi, que,
en acceptant de passer le contrat, son cocontractant avait également
donné son accord à la clause de prorogation de for contenue dans les
conditions générales. Elle pouvait d'autant plus le faire que, alors que
les démarches à l'endroit du candidat présenté étaient très avancées,
elle a réitéré son envoi des conditions générales, sans que cela entraîne
la moindre réaction négative de l'intimée.

    En considérant que la recourante n'avait pas démontré que sa
cocontractante savait ou, à tout le moins, devait savoir qu'elle renonçait
au for de son domicile, la cour cantonale n'a pas fait une correcte
application de l'art. 59 Cst. L'arrêt attaqué doit, en conséquence,
être annulé.