Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 118 IA 1



118 Ia 1

1. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 24 janvier 1992
en la cause F. c. Genève, Tribunal administratif et administration fiscale
cantonale (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV: Gleichbehandlung von im Konkubinat lebenden und
verheirateten Paaren (Bestätigung der Rechtsprechung): Soweit keine
absolute Gleichbehandlung erreicht werden kann, genügt es, wenn die
kantonale gesetzliche Regelung nicht in genereller Weise zu einer
wesentlich stärkeren und systematisch ungünstigeren Besteuerung der im
Konkubinat lebenden Partner im Verhältnis zu den in einer Ehe lebenden
Ehegatten führt (E. 3).

    Die Besteuerung eines Konkubinatspartners, der mit seinen Kindern
zusammenlebt und, obwohl er über diese keine elterliche Gewalt innehat,
für deren Unterhalt aufkommt, nach Massgabe der für ledige Personen
geltenden Kriterien verletzt den Grundsatz der Besteuerung nach der
wirtschaftlichen Leistungsfähigkeit (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Domicilié à Genève, F. vit maritalement depuis plusieurs années
avec Viviane L. et les deux enfants issus de cette union.

    De 1987 à 1989, F. a contribué seul aux besoins de la famille, car
Viviane L. a entrepris une formation de sage-femme.

    Pour l'impôt cantonal 1989, F. a porté en déduction de son revenu
imposable une somme à titre de contribution d'entretien pour ses deux
enfants.

    Par décision du 30 octobre 1989, l'Administration fiscale cantonale
a refusé la déduction.

    Après le rejet de sa réclamation, F. a saisi la Commission cantonale de
recours en matière d'impôts du canton de Genève, qui a rejeté le recours
par décision du 18 octobre 1990. Il a ensuite porté sa cause devant le
Tribunal administratif du canton de Genève, se plaignant d'être imposé
comme un célibataire, alors que ses charges de famille étaient comparables
à celles d'un homme marié. Il faisait valoir qu'il n'avait droit ni aux
déductions et abattements pour personnes à charge, ni aux défalcations
de ses contributions d'entretien, de sorte que son imposition violait le
principe de l'égalité de traitement, en particulier celui de l'imposition
selon la capacité contributive.

    Par arrêt du 6 mars 1991, le Tribunal administratif a rejeté son
recours pour le motif qu'en l'état de la législation genevoise et malgré
les critiques dont elle avait fait l'objet, F. ne pouvait prétendre aux
défalcations pour charges de famille, car il n'avait pas la garde de ses
enfants; par ailleurs, ses contributions d'entretien étaient fondées sur
le droit de famille et la loi en excluait la déduction; sa situation de
fait étant ainsi différente de celle d'un homme marié, son imposition ne
violait pas le principe de l'égalité de traitement.

    F. a formé devant le Tribunal fédéral un recours de droit public pour
violation de l'art. 4 Cst., qui a été admis partiellement.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité
de traitement lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se
justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait
à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent
au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est
pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne
l'est pas de manière différente (ATF 116 Ia 83 consid. 6b; 115 Ia 287
consid. 6 et références). Cela suppose que le traitement différent ou
semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF
114 Ia 323 consid. 3a). La question de savoir si une distinction juridique
repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon
les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment
(ATF 116 Ia 323 consid. 3c; 110 Ia 14).

    En matière fiscale, le principe de l'égalité de traitement est
concrétisé par les principes de la généralité et de l'égalité de
l'imposition, ainsi que par le principe de la proportionnalité de
la charge fiscale fondée sur la capacité économique (ATF 116 Ia 323
consid. 3d). D'après les principes de l'égalité d'imposition et de
l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont
dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale
semblable; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui
ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en
tenir compte et y être adaptée (ATF 114 Ia 323 consid. 3b).

    A cet égard, la comparabilité des faits à réglementer joue un
rôle important. Elle est plus faible s'agissant de l'égalité de
traitement verticale, c'est-à-dire de la répartition de l'impôt entre les
contribuables de situations financières différentes selon leur capacité
contributive, de sorte que le législateur dispose d'une large marge
d'appréciation et qu'on ne saurait exiger beaucoup plus qu'une évolution
régulière du barème ou de la courbe de la charge fiscale. La marge du
législateur est plus étroite s'agissant de la répartition horizontale de la
charge fiscale, c'est-à-dire de l'égalité de traitement des contribuables
ayant une même capacité contributive (ATF 110 Ia 14/15).

    b) En Suisse, les concubins ne constituent pas, pour des raisons
essentiellement pratiques, une catégorie de contribuables dans le droit
fiscal actuel. Ils sont imposés séparément comme les personnes vivant
seules et il n'est pas tenu compte de la communauté de fait qu'ils forment
(ATF 110 Ia 19), de sorte que chacun est imposé sur ses revenus propres
et qu'aucune compensation n'est possible entre les revenus, les pertes
et les déductions de l'un et de l'autre. Lorsque le couple concubin a
des enfants, le partenaire qui en a la garde (ou la charge effective,
ou qui a l'autorité parentale, selon la législation) est imposé selon le
régime réservé aux familles monoparentales lorsque le droit cantonal en
prévoit un; l'autre concubin est traité selon son état civil (célibataire,
divorcé, veuf) et bénéficie, le cas échéant, des abattements que prévoit
le droit cantonal pour l'entretien des enfants confiés à leur autre parent
(voir D. YERSIN, L'imposition du couple et de la famille, 1984, p. 21
ss et p. 72; H. MASSHARDT, Kommentar zur direkten Bundessteuer, art. 25,
Nos 8 et 9). Par rapport à un couple marié dont les éléments imposables
sont cumulés - et peuvent éventuellement se compenser -, la charge fiscale
globale des concubins dépend dans une certaine mesure de la manière dont
s'articulent les revenus des deux partenaires. Lorsque les deux concubins
réalisent des revenus semblables, ils sont favorisés sur le plan fiscal,
pour un revenu global donné, mais plus les écarts entre leurs revenus
sont marqués, moins ils tirent avantage de leur situation. Il peut même
arriver, lorsqu'un seul des deux partenaires assure l'entretien complet
du couple et des enfants, comme en l'espèce, que la charge fiscale globale
des concubins soit nettement supérieure à celle d'un couple marié.

    c) S'agissant de réaliser le postulat selon lequel les couples
mariés ne doivent pas payer plus d'impôt que des concubins, le Tribunal
fédéral a souligné que le législateur cantonal dispose d'une marge
d'appréciation importante. Outre qu'il s'agit de questions dont la
solution dépend dans une large mesure de facteurs politiques qui imposent
au juge constitutionnel de faire preuve de réserve (ATF 112 Ia 244),
la complexité des faits à réglementer et le nombre de paramètres entrant
en considération pour apprécier les situations à comparer, rendent très
difficile, voire impossible, une réglementation schématique et générale
apte à tenir compte de tous les éléments, souvent contradictoires,
en présence et à réaliser une égalité absolue. A vouloir assurer une
égalité parfaite dans le cadre d'une seule comparaison, le législateur
court le risque de créer par la même occasion une inégalité au préjudice
d'autres catégories de contribuables. Or, lorsqu'un domaine à réglementer
présuppose l'existence d'un schématisme important, l'art. 4 Cst. n'exige
pas que tous les contribuables soient traités d'une manière rigoureusement
égale, quelle que soit leur situation personnelle (mariés, concubins,
célibataires, avec ou sans enfants); sous réserve des cas où le tarif
conduit à une inégalité flagrante, la norme constitutionnelle ne peut
que garantir globalement l'égalité de traitement entre les justiciables
(arrêt du tribunal fédéral non publié du 8 décembre 1988 en la case
A. M. c. canton du Valais, consid. 2a).

    Ces considérations gardent toute leur valeur s'agissant de la situation
inverse, c'est-à-dire de la comparaison de la charge fiscale des concubins
avec celle d'un couple marié. Ainsi, une marge importante d'appréciation
doit être reconnue au législateur cantonal dans l'aménagement de
l'imposition des concubins, car l'art. 4 Cst. n'exige pas que leur
charge fiscale soit dans tous les cas rigoureusement semblable à celle des
couples mariés. Certes, il n'appartient pas au droit fiscal de combattre
le concubinage et de favoriser le mariage en lieu et place des dispositions
pénales idoines qui disparaissent de plus en plus. Le législateur cantonal
peut toutefois réserver un mode d'imposition différent aux concubins
dans ces limites. Du moment qu'il n'est pas possible d'empêcher que des
avantages soient accordés au mariage ou au concubinage, le statut juridique
du mariage et sa signification sociale commandent que le législateur fiscal
favorise non pas les concubins, mais les couples mariés (ATF 110 Ia 19/20).

    Dès lors, d'éventuelles différences au détriment des concubins -
qui sont la conséquence d'un statut librement choisi par les intéressés
- ne sont pas contraires à l'art. 4 Cst., dans la mesure où une égalité
absolue ne peut être réalisée entre ceux-ci et les couples mariés, les
concubins ne pouvant être imposés ensemble, comme une unité. Il suffit
que la réglementation prévue par le droit cantonal n'entraîne pas une
imposition systématiquement et délibérément plus lourde des couples vivant
en union libre par rapport à des époux (E. REIZE, Die Ehegattenbesteuerung
als verfassungsrechtliches und steuerrechtliches Problem, 1976, p. 80). A
cet égard, la comparaison peut se faire globalement, compte tenu de
l'ensemble des différentes situations dans lesquelles se trouvent les
concubins au cours de leur vie commune.

    d) Dans le cas particulier, le recourant ne prétend pas que le système
d'imposition des concubins en droit fiscal genevois soit, d'une manière
générale, défavorable à ces derniers. Il est vrai qu'ayant entretenu
seul sa famille au cours des années 1987 et 1988, il se trouve pénalisé
du fait qu'il ne bénéficie pas des mêmes abattements qu'un contribuable
marié. Toutefois, il n'établit pas que sa situation serait également
moins bonne que celle d'un couple marié dans le cas où lui-même et sa
compagne obtiendraient tous deux un gain de leur travail. Au contraire,
dès que Viviane L. aura terminé sa formation et exercera sa profession,
leur statut fiscal sera vraisemblablement plus favorable que celui
d'un couple marié, leurs revenus n'étant pas cumulés. Le régime que le
canton de Genève réserve aux concubins n'entraîne donc pas d'inégalité
de traitement contraire à l'art. 4 Cst. à leur détriment. Sur ce point,
le grief du recourant n'est pas fondé.

Erwägung 4

    4.- Comme il n'a bénéficié d'aucun des abattements prévus par la loi
genevoise sur les contributions publiques, le recourant soutient aussi
que sa charge fiscale est exagérée par rapport à sa capacité contributive.

    a) De manière schématique, la charge que représente l'enfant pour
lequel le contribuable verse une contribution d'entretien, sans en avoir
la garde ou sans avoir sur lui l'autorité parentale, est prise en compte
soit par l'accord d'une déduction sociale, complète ou partielle, soit
par la déduction des contributions d'entretien. Dans le premier cas,
la contribution n'est pas imposée comme revenu chez l'autre parent
(art. 25 let. c AIFD), alors qu'elle l'est dans le second (tendance
actuelle exprimée, pour l'avenir, aux art. 23 let. f et 33 let. c de la
loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990: LIFD; RO 1991,
p. 1184 ss, ainsi qu'aux art. 7 al. 4 let. g et 9 let. c de la loi fédérale
sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du
14 décembre 1990: LHID; RO 1991 p. 1256 et ss). Quant au conjoint qui a
la garde ou l'autorité parentale sur l'enfant, il bénéficie généralement
d'une déduction sociale et parfois d'un abattement supplémentaire justifié
par le ménage commun qu'il forme avec l'enfant (art. 25 let. b AIFD).

    b) S'agissant de contribuables séparés ou divorcés, le canton de
Genève prévoit que le parent qui verse des subsides d'entretien à l'autre
conjoint ou ex-conjoint pour son entretien et pour celui des enfants
dont il a la garde peut les déduire de son revenu (art. 21 let. f LCP);
il n'a pas droit à une déduction sociale pour l'enfant, celle-ci n'étant
accordée qu'au parent qui en a la garde. Le parent qui a la garde de
l'enfant est imposé sur les contributions d'entretien qu'il obtient,
au même barème que les couples mariés vivant en ménage commun, et peut
opérer une défalcation pour l'enfant à charge (art. 166 let. e, 31 al. 3
let. a et 31A al. 1 LCP). En revanche, la loi genevoise ne prévoit aucun
traitement fiscal particulier pour le contribuable célibataire qui verse
des contributions d'entretien en faveur d'un enfant dont il n'a pas la
garde, de sorte que son obligation d'entretien ne lui donne droit ni à
une déduction pour l'enfant à charge (dont il n'a pas la garde), ni à
la défalcation de ses contributions d'entretien (celle-ci étant réservée
aux contribuables séparés ou divorcés).

    c) Dans le système genevois, il n'est cependant pas arbitraire de
réserver l'application du barème de l'art. 32A LCP (couples mariés)
aux célibataires, veufs, divorcés, séparés qui ont la garde d'un enfant,
c'est-à-dire aux personnes seules avec enfants, selon la note marginale
de l'art. 31A LCP. Si cet avantage peut être accordé à des concubins,
il n'est pas insoutenable non plus de le réserver à celui qui a la garde
des enfants. Il en va de même de la déduction pour enfant mineur qu'il est
également possible de réserver au parent qui a la garde de l'enfant (art.
31 al. 3 let. a LCP). En effet, du moment que les concubins sont taxés
séparément et que toute compensation entre leurs éléments imposables est
exclue, il n'est pas arbitraire de refuser ces deux allégements à celui
qui n'a pas la garde des enfants. Enfin, le droit genevois ne peut être
considéré comme arbitraire du fait qu'il refuse à un contribuable la
déduction des contributions d'entretien fondées sur le droit de famille.

    En l'espèce, le recourant se trouve toutefois dans une situation
exceptionnelle, puisqu'il vit au sein de la communauté familiale et
en assure pratiquement l'entretien, dès lors que sa compagne qui a la
garde des enfants n'a elle-même pas touché de revenu. Or, en dépit
de cette situation très particulière, le recourant est imposé comme
un célibataire sans charge de famille, à la suite du refus simultané
de lui accorder la défalcation de ses contributions d'entretien ou la
déduction pour enfant mineur. Certes, on ne saurait exiger des autorités
genevoises qu'elles considèrent le recourant comme un homme marié ayant
une famille à charge, mais elles sont tenues de prendre en considération,
sous une forme ou sous une autre, l'obligation d'entretien qu'il assure
à ses deux enfants. L'autorité intimée admet d'ailleurs elle-même que
la situation du concubin qui vit avec ses enfants et contribue à leur
entretien n'est pas satisfaisante. Dans ces circonstances, sa décision -
qui ne tient compte sous aucune forme de la capacité contributive diminuée
du recourant par rapport à un célibataire sans charge de famille - viole
le principe de l'imposition selon la capacité contributive découlant de
l'art. 4 Cst. et doit être annulée.

    d) Le recours doit ainsi être admis partiellement dans ce sens
qu'il appartiendra aux autorités genevoises de trouver une solution qui
tienne compte de la situation du recourant et de sa capacité contributive
diminuée.