Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 IV 256



117 IV 256

46. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 septembre
1991 dans la cause X. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 140 Ziff. 1 StGB, Veruntreuung.

    In einem Krankenversicherungssystem, in dem der Patient allein
Schuldner in bezug auf die Kosten seiner medizinischen Versorgung bleibt,
stellt die Leistung der Krankenkasse an den Versicherten kein anvertrautes
Gut dar.

Sachverhalt

    A.- Mme X. a reçu à la fin du mois d'août 1988 une facture de la
"Clinique S." en raison de son hospitalisation durant une quinzaine de
jours pour un accouchement. Elle a transmis la facture à son assurance
(caisse d'assurance-maladie) qui lui a versé le montant intégral demandé
par la clinique, soit 13'058 fr. 55. Cette somme a été virée sur le compte
de chèques postaux de l'assurée, mais celle-ci - en proie à des difficultés
financières - a utilisé cet argent pour désintéresser d'autres créanciers
que la clinique. Cet établissement hospitalier a obtenu un acte de défaut
de biens de 14'377 fr. 45 au mois de juin 1989.

    B.- A la suite d'une plainte pénale déposée par la clinique, X. a été
renvoyée devant le Tribunal correctionnel du district de Lausanne pour
abus de confiance. Elle a été acquittée après s'être engagée à payer par
acomptes la facture de la clinique, ce qui avait entraîné le retrait de
la plainte.

    C.- La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis
le recours du Ministère public du canton de Vaud. X. a été condamnée à
2 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans pour abus de confiance.

    D.- L'accusée se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Elle
soutient pour l'essentiel que la prestation d'assurance ne lui avait pas
été confiée; elle demande l'annulation de l'arrêt de la Cour de cassation
du canton, ainsi que le renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin
d'être acquittée, sous suite de frais et dépens.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) D'après l'art. 140 ch. 1 CP, commet un abus de confiance celui
qui, dans un dessein d'enrichissement illégitime, s'approprie sans droit
une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée ou
celui qui, sans droit, emploie à son profit ou à celui d'un tiers une chose
fongible, notamment une somme d'argent laquelle lui avait été confiée.

    L'un des éléments de cette infraction est le caractère de chose confiée
de l'objet ou de l'argent que l'auteur s'est approprié sans droit. Ce
dernier acquiert, grâce à la confiance dont il jouit, la possibilité de
disposer de la chose appartenant à autrui; en d'autres termes, un pouvoir
sur la chose d'autrui doit lui avoir été confié à la suite d'un accord
avec le propriétaire de dite chose (ATF 111 IV 132 consid. 1a). Ainsi,
une chose est confiée au sens de l'art. 140 ch. 1 CP lorsqu'elle est
remise ou laissée à l'auteur pour qu'il l'utilise de manière déterminée
dans l'intérêt d'autrui, en particulier pour la garder, l'administrer ou
la livrer selon des instructions qui peuvent être expresses ou tacites
(ATF 106 IV 259 consid. 1, 101 IV 33 et arrêts cités).

    b) L'autorité cantonale n'a pas ignoré la jurisprudence précitée mais
lui a donné une extension qu'elle ne comporte pas. En effet, rien dans
l'état de fait ne permet de penser que le contrat d'assurance maladie
de la recourante contienne des clauses particulières. Or, selon les
art. 22bis al. 7 et 22quater al. 6 LAMA (RS 832.10), les assurés membres
d'une caisse-maladie demeurent débiteurs des honoraires dus au médecin
et des montants demandés par l'établissement hospitalier dans lequel
ils ont séjourné; les dispositions conventionnelles contraires sont
réservées. En principe donc, les relations nouées entre le patient et
la clinique sont régies par le droit des obligations. La caisse maladie
n'est en rien débitrice des créances de l'établissement hospitalier
mais se limite à garantir, en tant que "tiers garant", leur prise en
charge dans la mesure où elles incombent à l'assuré (voir ALFRED MAURER,
schweiz. Sozialversicherungsrecht, Berne 1981, vol. II p. 354 ss). Dans ce
système d'assurance, des liens juridiques étroits, sinon exclusifs, sont
maintenus entre le patient et son médecin ou l'établissement hospitalier;
l'assuré supporte le risque de devoir payer la différence entre ce qu'il
a payé et la prestation versée par la caisse (ATF 116 V 129 consid. 3).

    Ainsi, en l'absence d'un accord contraire, le rôle d'une caisse maladie
se limite à verser à ses assurés les sommes qu'elle leur doit en vertu du
contrat passé avec eux. Il n'y a pas de lien juridique entre la caisse et
la clinique qui obligerait la première à faire en sorte que la seconde
reçoive du patient le montant des frais d'hospitalisation facturés. La
caisse est libérée de toutes ses obligations, quant à la couverture
des frais médicaux au sens large, dès qu'elle verse à son assuré la
prestation qui découle du contrat; la clinique ne peut lui réclamer à
aucun titre (garantie, porte-fort, solidarité) le montant d'une facture
en souffrance. Il n'incombe pas non plus à la caisse de contrôler - avant
de verser sa prestation - que le patient a payé la clinique. Il n'est en
effet pas rare que celui-ci règle la facture, de ses propres deniers,
avant de recevoir la prestation de la caisse. Dans un tel système, on
ne voit pas sur quelle clause du contrat d'assurance-maladie pourrait
reposer un rapport de confiance particulier entre les cocontractants,
tendant à ce que l'assuré utilise la prestation touchée conformément à
la volonté de la caisse.

    En l'espèce, il existait deux contrats distincts. L'un avait été conclu
entre la caisse-maladie et la recourante. L'autre liait cette dernière
à l'établissement hospitalier. En revanche, il n'y avait aucun lien de
droit entre la caisse-maladie et la clinique. Dès lors, la prestation
d'assurance reçue par la recourante n'était assortie d'aucune condition
ou charge propre à créer un rapport de confiance particulier protégé par
l'art. 140 CP. Après le paiement de la prestation à l'assurée, la caisse
n'avait plus d'autres obligations relatives aux soins en cause; on ne
discerne donc pas d'obligation dont l'exécution aurait été confiée à la
recourante. En d'autres termes, la volonté de l'assurance n'était pas de
payer la clinique (ce qu'elle aurait pu pratiquement faire sans passer
par un versement à l'assurée) mais seulement d'honorer ses engagements
contractuels vis-à-vis de la seule recourante; la prestation a été versée
dans l'intérêt exclusif de l'assurée (voir ATF 86 IV 169 consid. 3).

    Même si, par hypothèse, l'on admettait une obligation légale pour
le patient de payer la clinique au moyen de l'indemnité versée à cette
fin par la caisse-maladie, il n'existerait pas pour autant un rapport
de confiance au sens de l'art. 140 ch. 1 CP; cette conclusion repose sur
les mêmes motifs que ceux énoncés aux ATF 106 IV 356 consid. 3.

    c) La cour cantonale a raisonné en liant les obligations résultant
de deux contrats distincts (entre la caisse-maladie et la recourante
d'une part, entre la clinique et la patiente d'autre part). A tort, cette
autorité a ainsi admis que la prestation d'assurance avait été confiée
à la recourante (voir SCHUBARTH, Kommentar zum schweiz. Strafrecht,
B.T. vol. 2, Berne 1990, art. 140 p. 86 n. 39). L'art. 140 CP n'instaure
pas une protection pénale générale de la bonne foi dans l'exécution de tous
les contrats (voir SCHUBARTH, op.cit., p. 82 n. 24). La somme d'argent
doit avoir été confiée, élément qui fait ici défaut. En particulier,
contrairement à ce que paraît soutenir le Ministère public cantonal,
le lien juridique entre la recourante et la clinique (qui n'a pas versé
de somme d'argent et qui n'a rien confié) n'est pas protégé ici.

    Le pourvoi doit être admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale
afin que la recourante soit acquittée.