Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 IV 245



117 IV 245

44. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 28 juin 1991 dans
la cause H. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste

    Art. 66bis StGB; Absehen von Bestrafung, wenn der Täter durch die
unmittelbaren Folgen seiner Tat so schwer betroffen ist, dass eine Strafe
unangemessen wäre.

    Kriterien, die bei der Anwendung dieser Bestimmung zu berücksichtigen
sind.

Sachverhalt

    A.- Venant de Suisse allemande au volant de son train routier, H.,
chauffeur professionnel, après avoir dormi sur une aire de stationnement,
est arrivé à Genève dans la matinée du 16 novembre 1989 pour y charger
de la marchandise; ayant fait une pause de 11 h 30 à 13 h 30, il reprit
la route, son employeur lui ayant demandé par téléphone de se trouver à
16 h 30 à Diemtigen dans l'Oberland bernois; sur le tronçon rectiligne
précédant Henniez, H. s'est assoupi au volant de son convoi de 27 tonnes,
qui s'est progressivement déplacé sur la gauche, a heurté la remorque
d'un train routier circulant en sens inverse, puis, partant en dérapage,
a touché la roue d'un camion arrêté, avant de s'immobiliser dans un
champ. Les dégâts matériels ont été considérables. Pour sa part, H. a
subi plusieurs lésions, soit une fracture du fémur gauche, une fracture
éclatée de la rotule gauche, une fracture du premier os du métatarse
gauche, une fracture du deuxième orteil gauche ainsi que des ecchymoses
au visage. Elles ont entraîné son hospitalisation jusqu'au 27 novembre
1989, puis une incapacité de travail de 100% jusqu'au 20 mai 1990, de 50%
jusqu'au 5 août 1990, et de 25% pour une durée indéterminée. L'autorité
cantonale a retenu que H. ne travaillait pas au moment de son jugement
principalement en raison d'une jaunisse dont il n'était pas prouvé qu'elle
soit en relation de causalité avec l'accident; elle a d'autre part estimé
qu'il n'était pas établi que l'accusé subisse des séquelles permanentes
dues au fait de l'accident.

    L'enquête effectuée a montré que H. n'avait pas rempli correctement
son livret de travail, qu'il n'avait pas observé le temps de repos prescrit
le 14 novembre 1989, et qu'il avait roulé à une vitesse excessive pour ce
genre de convoi le jour de l'accident; selon les premières déclarations de
l'accusé - tenues pour véridiques par l'autorité cantonale - il se sentait
fatigué et il devait lutter contre le sommeil avant que ne survienne
l'accident. Ses antécédents ne sont pas favorables, ayant fait l'objet
de deux condamnations antérieures.

    B.- Le 26 octobre 1990, le Tribunal de police du district de Payerne
a condamné H., pour violation grave des règles de la circulation et
infractions à l'OTR, à 10 jours d'emprisonnement, ainsi qu'aux frais de
la procédure, prolongeant par ailleurs le délai d'épreuve d'un sursis
antérieur et décidant de maintenir au casier judiciaire une condamnation
à l'amende.

    Par arrêt du 27 mars 1991, la Cour de cassation cantonale a rejeté
le recours du condamné.

    C.- Contre cet arrêt, H. s'est pourvu en nullité à la Cour de cassation
du Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 66bis CP, applicable
en tant que lex mitior (art. 2 al. 2 CP), il conclut, sous suite de frais
et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Le recourant se plaint d'une violation du nouvel article
66bis CP, applicable aux faits de la cause en tant que lex mitior (art.
2 al. 2 CP).

    L'art. 66bis al. 1 CP prévoit que "si l'auteur a été atteint
directement par les conséquences de son acte au point qu'une peine
serait inappropriée, l'autorité compétente renoncera à le poursuivre,
à le renvoyer devant le tribunal ou à lui infliger une peine".

    Le message du Conseil fédéral a clairement exposé le but et la portée
de cette disposition. "Les conséquences d'un acte punissable frappent
parfois non seulement des tiers mais aussi, voire exclusivement l'auteur
lui-même, à tel point que celui-ci paraît déjà suffisamment puni et qu'une
condamnation serait vide de sens et inappropriée" (FF 1985 II 1028 s.). "La
décision quant au caractère inapproprié de la peine dépend essentiellement
de la faute de l'auteur" (FF 1985 II 1030). "L'exemption de poursuite ou
de peine est soumise à la condition que l'auteur soit lui-même durement
atteint par les conséquences directes de son acte" (FF 1985 II 1030);
on peut donc prendre en considération les lésions corporelles ou les
troubles psychiques causés par un accident, mais non pas l'obligation
pour l'auteur de réparer le préjudice causé et de subir les conséquences
de la procédure (FF 1985 II 1030; TRECHSEL, Kurzkommentar StGB n. 2 ad
art. 66bis; STRATENWERTH, Bes. Teil, Teilrevisionen 1987 bis 1990, p.
15 No 7). "La question de savoir à quel degré l'auteur doit avoir été
atteint, physiquement ou psychiquement, pour qu'une peine apparaisse
inappropriée, dépend des circonstances de chaque cas particulier, dont
l'appréciation appartient en dernier lieu aux autorités de poursuite
pénale. Par conséquent, leur décision devra dépendre essentiellement
de la gravité et de la punissabilité de l'acte et, partant, de la faute
imputable à l'auteur. Plus celle-ci sera lourde, plus les conséquences
touchant la personne de l'auteur devront être graves pour rendre la peine
inadéquate" (FF 1985 II 1030; voir également: STRATENWERTH, op.cit.,
p. 15 s. Nos 8 et 9; TRECHSEL, op.cit., n. 3 ad art. 66bis). Le message
du Conseil fédéral précise: "la nouvelle disposition vise des faits que
l'on pourrait qualifier généralement de cas limites et pour la plupart
desquels le simple sentiment de justice commande déjà que l'on renonce
à toute poursuite pénale. Comme nous l'avons relevé précédemment, elle
trouve sa justification première dans le fait que l'auteur est déjà
suffisamment puni, autrement dit que la fonction expiatoire de la peine
est déjà remplie. Il est évident que l'exemption de peine ne peut être
envisagée que si la poursuite pénale se révèle inappropriée à tous les
points de vue imaginables, notamment sous l'angle de la prévention spéciale
et générale "..." enfin, il est permis de supposer que les cas de ce genre
seront rares ou, du moins, ne feront pas partie du quotidien des autorités
judiciaires" (FF 1985 II 1031 s.). Lorsque les conditions légales sont
remplies, l'autorité doit procéder conformément à l'art. 66bis al. 1 CP
(FF 1985 II 1032; STRATENWERTH, op.cit., p. 16 No 10; TRECHSEL, op.cit.,
n. 4 ad art. 66bis). Les critères d'application de l'art. 66bis al. 1 CP
donnent cependant à l'autorité cantonale un large pouvoir d'appréciation
(FF 1985 II 1030; STRATENWERTH, op.cit., p. 16 No 10; TRECHSEL, op.cit.,
n. 4 ad art. 66bis). En outre, si les conséquences de l'acte, mises
en balance avec la gravité de la faute, ne sont pas telles qu'elles
justifient l'application de l'art. 66bis al. 1 CP, le juge peut en tenir
compte en procédant à une réduction de la peine (STRATENWERTH, op.cit.,
p. 16 s. No 11; TRECHSEL, op.cit., n. 3 ad art. 66bis).

    L'art. 66bis al. 1 CP est violé s'il n'est pas appliqué dans un cas
où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour
l'auteur ou, à l'inverse, s'il est appliqué dans un cas où une faute grave
n'a entraîné que des conséquences légères pour l'auteur. Entre ces cas
extrêmes, pour toute la variété des situations intermédiaires, le juge
doit prendre sa décision en analysant les circonstances concrètes du cas
d'espèce et il dispose donc d'un large pouvoir d'appréciation. La Cour de
cassation ne doit pas substituer son appréciation à celle de l'autorité
cantonale. Elle ne peut intervenir, en considérant que le droit fédéral
a été violé, que si celle-ci ne s'est pas fondée sur les critères fixés
par la loi ou a fait des éléments déterminants une appréciation erronée
qui constitue un abus ou un excès de son pourvoir d'appréciation (ATF 116
IV 285; voir également CORBOZ, Le pourvoi en nullité, SJ 1991, p. 78 et
les références citées).

    b) Selon l'autorité cantonale, l'art. 66bis CP n'est applicable que
s'il existe une évidente disproportion entre les lésions directes subies
à la suite de l'infraction et la peine à prononcer, abstraction faite
desdites lésions; l'art. 66bis CP ne pourrait en outre trouver application
que si l'auteur de l'infraction a subi des lésions exceptionnelles. Les
exemples mentionnés à ce propos sont l'hémiplégie ou la cécité.

    L'autorité cantonale pose ainsi des conditions qui ne ressortent pas
de la disposition légale et qui ne trouvent aucun point d'ancrage dans les
principes développés ci-dessus (voir consid. 2a). En effet, si le message
mentionne que les cas d'application de l'art. 66bis CP ne devraient
pas faire partie du quotidien des tribunaux, il ne conçoit néanmoins
pas cette disposition comme une disposition d'exception qui ne devrait
trouver application que dans des cas tout à fait extrêmes. Il ressort des
débats parlementaires que le législateur entendait limiter l'application
de l'art. 66bis aux cas dans lesquels la sanction indirecte subie par
l'auteur en raison des conséquences de son acte est suffisamment lourde
pour qu'on puisse en attendre un effet d'amendement et de resocialisation,
de sorte qu'il serait vain de prononcer une peine privative de liberté
(voir CAVELTY, BO 1987 CE 365). Il a ainsi voulu amener les autorités de
poursuite pénale à mettre en balance la faute commise et les conséquences
subies. Il va dès lors de soi que plus la faute sera lourde plus
l'atteinte devra être exceptionnelle pour justifier la mise au bénéfice de
l'art. 66bis CP. Néanmoins, l'autorité cantonale ne pouvait pas en conclure
que, quelle que soit la faute imputable à l'auteur, seules des conséquences
extrêmes permettaient d'envisager l'application de la nouvelle disposition.
Elle a donc ainsi posé des conditions excessives. Est seul relevant
le fait qu'eu égard à la faute de l'auteur d'une part, et à l'atteinte
directe subie par celui-ci d'autre part, une peine paraisse inappropriée
au point que le simple sentiment de justice commande que l'on renonce à
toute poursuite. L'autorité cantonale a par conséquent violé le droit
fédéral en se fondant sur des critères autres que ceux fixés par la loi.

    Comme cela a déjà été relevé, un large pouvoir d'appréciation est
reconnu à l'autorité cantonale qui applique l'art. 66bis CP. Saisi d'un
pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral ne peut déterminer si le juge du
fait a ou non abusé de ce pouvoir d'appréciation que si tous les critères
déterminants pour l'application de cette disposition sont examinés dans
l'arrêt attaqué. Ainsi, lorsqu'elle estime que les lésions subies par le
délinquant sont suffisamment graves pour que l'application de l'art. 66bis
CP ne soit pas d'emblée purement et simplement exclue, l'autorité cantonale
doit dans un premier temps apprécier la culpabilité de l'auteur, en se
référant aux critères de l'art. 63 CP. Dans ce cadre, elle doit examiner
tous les éléments relevants, qu'ils aient trait aux circonstances de
l'acte ou à la personne de l'auteur (voir ATF 117 IV 114 s.). Elle doit
ensuite mettre en regard de la culpabilité les conséquences directes de
l'acte pour le délinquant. Sur ce point également, la motivation doit
porter sur tous les éléments déterminants pour apprécier la gravité de
l'atteinte subie. Le juge doit donc mentionner les lésions corporelles et
les troubles psychiques infligés à l'auteur et donner les raisons qui l'ont
amené à estimer qu'eu égard à la faute commise, ces conséquences étaient
ou non d'une gravité justifiant l'application de l'art. 66bis CP. Il doit
mettre en balance la culpabilité du délinquant et les conséquences de
l'acte avec suffisamment de précision pour permettre au Tribunal fédéral
de contrôler qu'il n'ait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en
choisissant soit d'exempter l'auteur de toute peine soit de se limiter à
infliger une sanction moins lourde que celle justifiée par la culpabilité,
abstraction faite des lésions subies.

    En l'espèce, l'autorité cantonale a certes décrit de manière
relativement détaillée la gravité de la faute et l'importance des
conséquences subies par le recourant. Elle n'a en revanche pas fait
preuve de la même précision lorsqu'il s'est agi de les mettre en regard,
puisqu'elle s'est alors limitée à relever que les lésions subies n'avaient
rien d'exceptionnel. On doit ainsi admettre que l'arrêt attaqué n'est
pas suffisamment motivé pour permettre au Tribunal fédéral de contrôler
que l'autorité cantonale n'ait pas abusé de son pouvoir d'appréciation.

    Pour cette raison également, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué
et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle procède,
de manière plus détaillée et en vertu de critères conformes à la loi,
à une mise en balance, d'une part, de la faute imputée à H. et, d'autre
part, des lésions qu'il a subies lors de l'accident.