Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 II 563



117 II 563

104. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 octobre 1991 dans la
cause B. S.A. contre X. (recours en réforme) Regeste

    Haftung des Anwalts (Art. 398 Abs. 2 OR).

    1. Umfang der Sorgfaltspflicht des Rechtsanwalts (E. 2a).

    2. Der Anwalt haftet grundsätzlich für jedes, auch für leichtes
Verschulden (Präzisierung der Rechtsprechung; E. 2a und b).

    3. Haftung des Anwalts für die Unterlassung, einen klar erkennbaren
Irrtum in den Instruktionen zur Eintragung eines Bauhandwerkerpfandrechts
zu berichtigen; der Auftraggeber hatte zwar die zu belastende Parzelle
falsch bezeichnet; der Irrtum liess sich jedoch aufgrund der Abklärungen
des Anwalts klar erkennen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Du 26 avril au 21 juin 1984, B. S.A., agissant comme sous-traitant,
a livré à l'entrepreneur général, la société C. S.A., des éléments en
béton fabriqués spécialement pour un bâtiment en construction sur une
parcelle sise à Meyrin et appartenant aux époux M.

    C. S.A., en proie à de sérieuses difficultés financières, ne versa
qu'un acompte de 25'800 francs sur les 86'000 francs représentant le prix
total de ces livraisons. Aussi, dans le courant du mois de juillet 1984,
B. S.A. chargea-t-elle Me X., avocat à Genève, de requérir l'inscription
d'une hypothèque des artisans et entrepreneurs d'un montant de 60'200
francs, en garantie du paiement du solde de sa créance. A cet effet,
elle lui transmit une série de pièces qui faisaient toutes référence à
un immeuble résidentiel situé 9, avenue X., à Meyrin.

    Au début du mois d'août 1984, Me X. confia à son stagiaire le soin
d'effectuer des recherches afin de déterminer quel était le bien-fonds
correspondant à l'adresse qui lui avait été indiquée par B. S.A. Il en
ressortit que cette adresse était celle de la parcelle No 10.166, d'une
contenance de 272 m2, copropriété des époux M., sur laquelle avait été
construit un bâtiment occupant une surface de 147 m2. Le stagiaire se
rendit ensuite sur place et y vit le bâtiment en question ainsi qu'un
chantier à proximité.

    Le 5 septembre 1984, Me X. déposa une requête tendant à l'inscription
provisoire, sur la parcelle No 10.166, d'une hypothèque légale d'un montant
de 60'200 francs qui fut porté par la suite à 71'008 fr. 20, B. S.A. ayant
procédé dans l'intervalle à une nouvelle livraison. Les époux M. ne
s'opposèrent pas à l'augmentation du montant du gage et ne prirent pas
de conclusions concernant cette requête qui fut admise le 20 septembre
1984 par le Tribunal de première instance du canton de Genève. Dans
la procédure au fond qui s'ensuivit, ils s'opposèrent, en revanche, à
l'admission de la demande de B. S.A. en alléguant que les matériaux livrés
par le sous-traitant n'avaient pas engendré une plus-value susceptible
de justifier l'inscription d'une hypothèque légale sur la parcelle No
10.166, du moment qu'aucun bâtiment nouveau n'avait été édifié sur ce
bien-fonds. La procédure probatoire permit effectivement d'établir que les
éléments en béton livrés par B. S.A. avaient été incorporés, non pas au
bâtiment sis sur ladite parcelle, mais bien à celui qui était en cours de
construction sur les parcelles voisines Nos 10.161, 10.160 et 13.091 (7-7A,
avenue X.), appartenant également aux époux M. La demande de B. S.A. fut,
en conséquence, rejetée par jugement du Tribunal de première instance du
20 juin 1985, que la Cour de justice du canton de Genève confirma le 28
février 1986 sur appel de B. S.A.

    Entre-temps, l'autorité compétente avait homologué le concordat
proposé par C. S.A. à ses créanciers et B. S.A. avait obtenu finalement
un dividende de 15%, soit la somme de 10'651 fr. 20.

    B.- Le 18 décembre 1987, B. S.A. a introduit, contre Me X., une action
en responsabilité en vue d'obtenir le paiement de la somme de 60'357
francs, représentant le montant non couvert de sa créance envers C. S.A.,
et la restitution de la provision de 4'000 francs qu'elle avait versée
à cet avocat, le tout avec intérêts.

    Le défendeur a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement,
au paiement de 12'746 fr. 50, plus intérêts, à titre de solde d'honoraires.

    Par jugement du 21 juin 1990, le Tribunal de première instance du
canton de Genève, considérant que l'avocat avait certes violé son devoir
de diligence, mais sans que l'on puisse le lui imputer à faute, a rejeté
la demande principale et admis la demande reconventionnelle.

    Statuant le 19 avril 1991, sur appel de la demanderesse, la
Cour de justice du canton de Genève a confirmé le rejet de la demande
principale, mais ramené à 7'746 fr. 50, plus intérêts, le montant alloué
au défendeur. Elle a estimé, à cet égard, que l'avocat n'avait commis
qu'une faute légère, laquelle ne pouvait engager sa responsabilité mais
commandait néanmoins une réduction de 50% de ses honoraires.

    C.- La demanderesse a recouru en réforme au Tribunal fédéral en
concluant à l'annulation de l'arrêt cantonal et à l'allocation d'un
montant de 64'537 (recte: 64'357) francs en capital.

    Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours, annulé l'arrêt
attaqué, dans la mesure où la demande principale avait été entièrement
rejetée, et renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement
dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) L'activité de l'avocat relève du mandat. En tant que mandataire,
l'avocat ne répond pas d'un résultat, mais de la bonne et fidèle exécution
du mandat (art. 398 al. 2 CO). L'étendue de son devoir de diligence se
détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être
posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes,
car la qualité des services que le mandant peut attendre de l'avocat
dépend des circonstances et du degré des difficultés auxquelles celui-ci
est confronté. L'exercice de sa profession deviendrait impossible si le
mandant pouvait le rendre responsable après coup de tout insuccès, compte
tenu, d'une part, de la complexité de la législation et des faits, des
aléas des procédures et, d'autre part, de certaines imperfections humaines
mineures qui se manifestent nécessairement lors de l'exercice d'une telle
profession, empreinte de risques. Cependant, s'agissant d'un mandataire
au bénéfice d'un diplôme de capacité professionnelle, qui s'est vu délivrer
une autorisation officielle de pratiquer et qui exerce son activité contre
rémunération, on doit pouvoir attendre de lui une diligence particulière
en relation avec ses connaissances spécifiques et compter, notamment,
qu'il conseille et oriente son client quant aux possibilités juridiques ou
pratiques qui se présentent à lui dans certaines situations. En définitive,
l'avocat ne méconnaît son devoir de diligence que si le manquement qui lui
est reproché représente la violation de règles généralement reconnues et
admises, telles que le respect de délais de péremption ou de prescription
(arrêt non publié G. c. L., du 23 avril 1983, partiellement reproduit in
JdT 1984 I 146 ss, avec de nombreuses références; voir aussi: ATF 115 II
64 consid. 3a, 91 II 439/440, 87 II 368 ss consid. 1).

    La violation, par l'avocat, de son devoir de diligence constitue, du
point de vue juridique, une inexécution ou une mauvaise exécution de son
obligation de mandataire et correspond ainsi, au plan contractuel, à la
notion d'illicéité propre à la responsabilité délictuelle (cf. ATF 115 Ib
181 et les références). Elle entraîne la perte du droit aux honoraires et
au remboursement des frais consentis pour l'exécution du mandat (art. 402
al. 1 CO a contrario; cf. ATF 110 II 285/286 consid. 3a et les arrêts
cités). Si elle occasionne un dommage au mandant et qu'elle se double d'une
faute de l'avocat, le client pourra obtenir des dommages-intérêts. La
faute, qui est présumée (art. 97 al. 1 CO), est l'élément subjectif
de la responsabilité. Elle n'existe que si la violation du devoir de
diligence peut être imputée à l'avocat, ce qui suppose que le mandataire,
à considérer les circonstances du cas particulier, aurait pu adopter
un comportement adéquat mais ne l'a pas fait, soit intentionnellement,
soit, en règle générale, par négligence. Sous ce dernier aspect, l'avocat
pourra se disculper en démontrant que tout avocat ayant des connaissances
et une capacité professionnelle conformes à la moyenne n'aurait pas agi
différemment s'il avait été placé dans la même situation que lui. Comme
n'importe quel autre mandataire, en particulier le médecin (ATF 115 Ib
180 consid. 2b, 113 II 432/433 consid. 3a et les références), l'avocat
répond en principe de toute faute; sa responsabilité est donc aussi engagée
pour une faute légère (question tranchée dans le sens inverse in ATF 79
II 438 consid. 4, puis laissée ouverte in ATF 87 II 372 consid. 1).

    b) Examinée à la lumière de ces principes, la motivation de
l'arrêt attaqué apparaît erronée dans la mesure où elle fait dépendre
la responsabilité de l'avocat de l'existence d'une faute grave. Aussi,
à supposer qu'une violation de son devoir de diligence soit établie en
l'espèce, le défendeur ne pourrait-il échapper à une condamnation au
paiement de dommages-intérêts que dans l'hypothèse où ce manquement ne
pourrait pas lui être imputé à faute. Dans le cas contraire, le degré
de gravité de la faute n'influerait que sur l'étendue de la réparation
(art. 43 al. 1 CO en liaison avec l'art. 99 al. 3 CO).

Erwägung 3

    3.- a) Le défendeur n'a pas violé fautivement son devoir de
diligence du seul fait qu'il n'a pas procédé lui-même à la recherche
des renseignements nécessaires à l'établissement des faits pertinents,
mais en a confié le soin à son stagiaire. Il doit, toutefois, se laisser
opposer le comportement de ce dernier en vertu de l'art. 101 al. 1 CO.

    b) L'hypothèque des artisans et des entrepreneurs vise à garantir le
paiement de la créance de l'entrepreneur dont le travail est à l'origine
d'une plus-value pour un immeuble. Elle doit donc être inscrite sur
l'immeuble qui bénéficie de cette plus-value (ATF 116 II 682 consid. 4a,
112 II 216/217 consid. 2, 111 II 34 ss). Etant donné la relative brièveté
du délai péremptoire dans lequel l'inscription doit être opérée (art. 839
al. 2 CC), l'avocat qui est chargé de la requérir viole objectivement son
devoir de diligence s'il n'effectue pas les recherches indispensables quant
à l'immeuble susceptible d'être grevé d'une telle hypothèque, lorsque
les circonstances ne sont pas claires. Sans doute n'est-il pas tenu,
en règle générale, d'examiner si le contenu matériel des indications
que son client lui a fournies à cet égard est exact, pour autant que
ces indications lui permettent de déposer une requête en bonne et due
forme. Dans le cas contraire, il lui incombe, en revanche, de procéder
avec soin aux investigations nécessaires et de clarifier la situation si
elles font apparaître des inexactitudes ou des contradictions.

    En l'occurrence, s'agissant de l'immeuble devant être grevé de
l'hypothèque légale, les pièces mises à la disposition du défendeur
n'indiquaient qu'une adresse, au demeurant fausse. C'est donc avec
raison que l'avocat a cru de son devoir d'obtenir des renseignements
complémentaires concernant ledit immeuble. Son stagiaire, chargé de cette
mission, s'est procuré un plan cadastral et a consulté le registre foncier,
ce qui lui a permis de constater qu'à l'adresse indiquée par le mandant
correspondait la parcelle No 10.166, d'une contenance de 272 m2, dont une
partie, soit 147 m2, était occupée par un bâtiment. Il s'est également
rendu sur place et a vu le bâtiment en question ainsi que le chantier
voisin. De telles constatations auraient dû nécessairement l'amener à
la conclusion que l'immeuble pour lequel l'entrepreneur avait fourni les
éléments en béton préfabriqués ne pouvait être la parcelle No 10.166 et,
partant, à poursuivre ses investigations afin de lever toute incertitude à
ce sujet. Il pouvait aisément tirer semblable conclusion non seulement de
l'examen du plan cadastral, mais encore et surtout du fait que le volume
des livraisons effectuées par l'entrepreneur, tel qu'il ressortait des
pièces en possession de l'avocat, excluait d'emblée la possibilité que
ces éléments en béton (cadres de façade, dalles de balcons, sommiers,
etc.) fussent destinés à un bâtiment à construire sur les 125 m2 restants
de la parcelle No 10.166. Par conséquent, le fait d'avoir considéré que
l'hypothèque légale pouvait être constituée sur cette parcelle équivaut
objectivement à une violation du devoir de diligence incombant à l'avocat.

    c) A sa décharge, le défendeur met en évidence le caractère erroné
des indications qui lui ont été fournies par la demanderesse. Cet état de
choses ne suffit toutefois pas à infirmer, en l'espèce, la présomption
de faute découlant de la mauvaise exécution du mandat. En effet, ce qui
est décisif ici n'est pas de savoir si l'avocat aurait pu se reposer sur
ces indications et se contenter, par exemple, de rechercher le numéro
de la parcelle correspondant à l'adresse qui lui avait été indiquée,
mais bien le fait qu'ayant entrepris des démarches supplémentaires en
vue de clarifier la situation, démarches qui avaient fait apparaître
clairement l'erreur commise par le mandant dans la désignation de la
parcelle devant être grevée de l'hypothèque légale, le défendeur a omis
de rectifier cette erreur. Il n'est du reste nullement établi qu'il n'ait
pas disposé de suffisamment de temps pour le faire. Bien au contraire,
c'est la conclusion inverse qui s'impose, selon l'expérience générale,
à en juger par le fait que les premières démarches visant à déterminer
l'objet du gage ont été entreprises au début du mois d'août 1984, alors
que la requête tendant à l'inscription provisoire de l'hypothèque légale
n'a été déposée que le 5 septembre de la même année. Il va sans dire que,
dans l'intervalle, le défendeur aurait eu le temps de prendre contact
avec son mandant pour obtenir tous les éclaircissements voulus. Sa
responsabilité contractuelle est dès lors engagée en l'espèce puisqu'il
a violé fautivement son devoir de diligence.