Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 II 290



117 II 290

56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 25 juin 1991 dans la
cause Association Canes contre Nestlé S.A. (procès direct) Regeste

    Erhöhung des Grundkapitals durch Ausgabe von Vorratsaktien; Klage
auf Aufhebung von Beschlüssen der Generalversammlung (Art. 706 OR).

    1. Zulässigkeit von Vorratsaktien (E. 4).

    2. Der Verstoss gegen das Gesetz oder die Statuten, auf den sich
die Klage nach Art. 706 OR stützt, hat konkret und nicht bloss virtuell
zu sein.

    a) Die Statutenbestimmung, mit der dem Verwaltungsrat die Befugnis
eingeräumt wird, unter bestimmten Bedingungen die Eintragung von
Namenaktionären rückgängig zu machen, ist nicht gesetzwidrig (E. 6b aa).

    b) Voraussetzungen, unter denen die Statuten ohne Verletzung des
Gebots der Gleichbehandlung der Aktionäre Ausnahmen von einer allgemeinen
Beschränkung des Stimmrechts vorsehen können (E. 6b bb).

    3. Mit Art. 705 OR ist vereinbar, wenn für die Abberufung der
Mitglieder der Verwaltung ein besonderes Quorum und ein qualifiziertes
Mehr verlangt wird (E. 7a).

    4. Aufhebung einer Statutenbestimmung, mit der die in Art. 648 Abs. 1
OR zwingend vorgeschriebenen Bedingungen betreffend Stimmquorum erleichtert
werden (E. 7b).

Sachverhalt

    A.- Canes est une association constituée exclusivement d'actionnaires
de Nestlé. Son but initial étant de veiller à ce que l'activité
économique et sociale de Nestlé tienne compte de considérations éthiques,
l'association l'a, en mai 1989, étendu à la promotion et à la défense des
intérêts légitimes des actionnaires de la société. Canes est elle-même
propriétaire d'une action au porteur de Nestlé.

    B.- Nestlé a convoqué l'assemblée générale de ses actionnaires
pour le 25 mai 1989. Outre diverses autres modifications statutaires,
étaient prévues deux augmentations successives du capital social, dont
l'une par l'émission d'actions de réserve. Avec cette augmentation, le
capital passait de 346'500'000 francs à 364'000'000 francs; un consortium
bancaire avait, selon convention conclue avec Nestlé, pris l'engagement de,
notamment, souscrire au pair et de libérer les 175'000 nouvelles actions de
100 francs chacune, les actionnaires renonçant à leur droit de souscription
préférentiel. L'émission de telles actions devait, notamment, garantir
le droit de conversion ou le droit d'option résultant d'emprunts par
obligations futures. Réunissant le 48,9% du capital-actions, l'assemblée
générale a approuvé toutes les résolutions qui lui ont été soumises.

    C.- Le 25 juillet 1989, Canes a ouvert action contre Nestlé devant
le Tribunal fédéral. Elle a conclu à la nullité, subsidiairement à
l'annulation tant de la décision de l'assemblée générale portant la
seconde augmentation du capital à 364'000'000 francs qu'à celles entraînant
diverses autres modifications statutaires.

    Nestlé a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande et,
subsidiairement, à son rejet.

    Aux débats principaux de ce jour, le Tribunal fédéral, après avoir
entendu les plaidoiries des parties, a partiellement admis l'action;
il a annulé la décision de l'assemblée générale du 25 mai 1989 portant
modification de l'art. 15ter des statuts en ce sens que les cinq derniers
mots de l'alinéa 1 de cette disposition sont biffés.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extraits des considérants:

Erwägung 4

    4.- Pour la demanderesse, la deuxième augmentation du capital
social par l'émission d'actions de réserve serait contraire à la loi;
cette décision irait à l'encontre de dispositions impératives régissant
la société anonyme, comme l'interdiction de souscrire et d'acquérir ses
propres actions; elle violerait également le droit de souscription des
actionnaires, de même que certains principes généraux du droit comme
l'égalité de traitement entre actionnaires et la proportionnalité;
enfin, ces actions de réserve constitueraient des actions à droit de vote
privilégié déguisées qui auraient dû être approuvées à la majorité prévue
à l'art. 648 al. 1 CO.

    a) Société de capitaux, la société anonyme se caractérise par
la participation financière de ses membres. Au caractère personnel
de la mise de fonds se substitue l'aspect impersonnel de la qualité
de membre, l'actionnaire agissant exclusivement intuitu pecuniae
(MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, Grundriss des schweizerischen Gesellschaftsrechts,
6e éd., p. 56, n. 8). Fixé d'avance, le capital social représente une
clause essentielle des statuts (art. 626 ch. 3 CO). Dès lors que sa
modification entraîne un changement de statuts, l'assemblée générale est
seule compétente pour en décider. D'un point de vue organique, l'assemblée
peut ne se prononcer que sur le principe et la mesure d'une augmentation
du capital social et laisser à l'administration le soin d'en établir les
modalités. Diverses lois étrangères régissant la société anonyme prévoient
d'ailleurs expressément une telle délégation de compétence; cette faculté
a conduit, comme en Allemagne, au système du capital autorisé (WIELAND,
Handelsrecht, vol. 2, p. 167 et les renvois à la note de pied 23).

    En droit suisse, l'augmentation du capital social est réglée à
l'art. 650 CO, sous le titre marginal "émission d'actions nouvelles";
les prescriptions régissant la fondation de la société anonyme lui sont
applicables. Ainsi, la décision de l'assemblée générale constate que
les nouvelles actions ont été souscrites et que le montant légal ou un
montant supérieur fixé par les statuts a été libéré (art. 653 al. 1 CO en
relation avec les art. 635 al. 2, 638 ch. 2, 640 al. 2 et 641 ch. 4 CO). Le
caractère inaliénable de la compétence dévolue à l'assemblée générale
pour la modification des statuts exclut, en principe, un capital autorisé
(art. 698 al. 2 CO; FORSTMOSER, Schweizerisches Aktienrecht, vol. I/1,
p. 476, n. 183). Cela correspond déjà à l'opinion dominante d'avant la
réforme de 1936 (WEISS, Berner Kommentar, Einleitung zum Aktienrecht,
n. 82 ss; WIELAND, même citation). La révision de 1990 approuvée par les
Chambres fédérales prévoit expressément le système du capital autorisé.

    En l'absence d'une solution légale, de nombreuses sociétés suisses
ont, lors d'augmentations du capital, fait souscrire les actions par
des fiduciaires qui tenaient les titres à leur disposition (FORSTMOSER,
op.cit., p. 476, n. 188; VON GREYERZ, SPR VIII/2, p. 260). Ces émissions
avaient, notamment, pour but de garantir le droit de conversion ou le
droit d'option résultant d'emprunts par obligations ou de permettre
l'émission d'actions en faveur des collaborateurs ou encore de réaliser
l'achat d'une participation. La défenderesse a elle-même déjà émis des
actions de réserve en 1984. L'institution s'est considérablement élargie en
Suisse pour satisfaire des besoins essentiellement économiques ressentis
surtout par les sociétés anonymes à caractère public. Reste à examiner
la compatibilité d'une telle pratique avec le droit suisse.

    b) Les actions de réserve sont des actions émises pour être
tenues à la disposition future de la société, après exclusion du
droit de souscription préférentiel des actionnaires. L'actionnaire,
qui a souscrit et libéré de telles actions, est lié à la société par une
convention traitant, en particulier, de la vente et de la disposition des
titres (ZOBL, Rechtliche Probleme mit der Schaffung von Vorratsaktien,
SAG 1991, p. 1 ss, notamment 2 et les renvois). Pour l'essentiel, il
existe un rapport fiduciaire entre la société et le souscripteur des
actions de réserve. Dans les rapports externes, ce dernier apparaît
seul titulaire des droits. Dans les rapports internes avec la société,
il se trouve limité dans l'exercice des droits rattachés aux actions et
soumis à directives. A la fin du contrat de fiducie, le fiduciaire est
tenu de céder sa qualité de titulaire du titre (WILLENER, Vorratsaktien,
insbesondere Übernahme von Vorrats- bzw. Reserveaktien durch abhängige und
nahestehende Gesellschaften, thèse Zurich 1985, p. 7 et 47 ss; voir aussi
ATF 115 II 468; autre avis, niant le rapport fiduciaire: ROLF KORMANN,
Die Wandelanleihe im schweizerischen Recht, thèse Zurich 1965, p. 91).

    En l'occurrence, eu égard tant au point 6.2 de l'ordre du jour qu'au
rapport explicatif s'y rapportant, il n'est pas douteux - et cela n'est
pas contesté - que, avec la deuxième augmentation du capital social,
la défenderesse a émis des actions de réserve. Et la convention passée
le 18 mai 1989 entre la défenderesse et un consortium de banques n'a
précisément d'autres buts que de régler le rapport de fiducie entre les
parties. En effet, les banques s'engageaient à prendre ferme les actions
de la deuxième augmentation du capital social ainsi qu'à les libérer
(art. II), à les conserver dans un dépôt spécial, à les tenir à disposition
pour les buts déterminés de la société et à les utiliser conformément aux
directives (art. III); elles s'obligeaient également, en ce qui concerne
les droits rattachés aux actions, à renoncer à percevoir un dividende et,
en cas de nouvelles augmentations de capital ou d'émissions d'emprunts
convertibles ou à options ou de bons de participation, à exercer le
droit de souscription préférentiel ou alors à le faire conformément
aux directives; enfin, en cas de négociation des actions au-dessus de
la valeur nominale au terme de la fiducie, ces mêmes banques prenaient
l'engagement de verser l'excédent à la défenderesse (art. IV). De son côté,
cette dernière s'engageait à prendre à sa charge des taxes d'émission
sur la valeur nominale et sur l'agio, à libérer les banques de toutes
les charges fiscales en relation avec l'exécution de la convention, à
s'acquitter des commissions uniques ou périodiques ainsi qu'à conserver
des avoirs à vue non porteurs d'intérêt et à hauteur de la valeur nominale
des participations détenues par chacune des banques (art. V). En outre,
la défenderesse convenait de restituer la valeur nominale des actions lors
de leur livraison (art. VII) et, en cas d'émission incomplète des titres,
de désigner le tiers prêt à reprendre le solde des actions à la valeur
nominale (art. IX).

    c) Le rapport entre la convention de fiducie et la décision d'augmenter
le capital social appelle une remarque préliminaire.

    Tant selon la jurisprudence que selon l'opinion majoritaire de la
doctrine, l'activité fiduciaire est admissible pour autant qu'elle implique
la pleine acquisition des droits par le fiduciaire; encore faut-il que
le transfert des droits ait été sérieusement voulu et non pas simplement
simulé. Dans ses rapports avec le fiduciant, le fiduciaire apparaît
seulement lié par une convention de caractère obligatoire; à l'égard
des tiers, le fiduciaire apparaît comme le véritable titulaire du droit
avec, notamment, le pouvoir d'en disposer (ATF 85 II 99 consid. 1 et les
références; parmi d'autres, JÄGGI/GAUCH, n. 176 ss ad art. 18 CO; KRAMER,
n. 128 ss ad art. 18 CO; WIEGAND, Fiduziarische Sicherungsgeschäfte, RJB
116/1980 p. 537 ss, 541 et 549 avec les renvois). Il n'en va d'ailleurs
pas différemment lorsque, lors de la fondation d'une société anonyme, les
actions sont souscrites par un homme de paille (ATF 115 II 470 consid. 1
et les références; KRAMER, n. 139 ad art. 18 CO).

    Lors de la souscription d'actions, l'acquisition de la qualité
d'actionnaire est abstraite; elle se réalise indépendamment de l'acte
générateur d'obligation sur lequel elle se fonde. En tout cas, une
fois la fondation de la société ou l'augmentation du capital social
inscrite au registre du commerce, elle ne peut plus être attaquée pour,
par exemple, simulation ou vice de la volonté (ATF 102 Ib 24 et les
références). Qui souscrit et libère des actions de réserve acquiert
ainsi la qualité d'actionnaire même si le rapport fiduciaire à la base
de l'acquisition n'était pas valable (WILLENER, op.cit., p. 59). Par ses
effets, l'acte de disposition peut donc aller même plus loin que l'acte
générateur d'obligation. Et l'engagement du fiduciaire de, notamment,
restituer les actions présente un caractère purement contractuel. Quant
au tiers, non partie au contrat de fiducie, il n'est en rien concerné par
ce rapport contractuel (voir BUCHER, Schweizerisches Obligationenrecht,
Allgemeiner Teil, 2e éd., p. 49 ss).

    Par contre, le rapport fiduciaire est nul au sens de l'art. 20 CO
lorsqu'il se révèle être un moyen de contourner des dispositions légales
impératives, celles du droit de la société anonyme notamment (ATF 113
II 36 consid. c, 85 II 102 consid. 3, 81 II 540 consid. 2). Savoir si,
dans un cas particulier, un procédé tend à contourner la loi dépend de
l'interprétation téléologique de la disposition légale ou statutaire
concernée. Vise, en définitive, à éluder la loi le comportement qui, tout
en respectant la lettre même d'une mesure d'interdiction, en méconnaît
l'esprit (ATF 114 Ib 15 consid. 3a, 107 II 445/446). Dans ces conditions,
une souscription fiduciaire d'actions pourra, le cas échéant, être déclarée
entièrement ou partiellement nulle, si les parties au contrat de fiducie
y introduisent des obligations juridiquement inadmissibles, constituant
un procédé de fraude; tel sera, par exemple, le cas lorsque le droit de
vote du fiduciaire prévu dans la convention recherche un but manifestement
contraire aux statuts (GLATTFELDER, Die Aktionärbindungs-Verträge, RDS
78/1959 II 144a ss, 178a ss; JÄGGI, Diskussionsvotum in RDS 78/1959 II
733a s).

    En l'occurrence, la convention de souscription du 18 mai 1989 présente
un caractère purement obligatoire. Ne relevant pas du droit des sociétés,
elle échappe à l'action en annulation prévue à l'art. 706 CO. Peut,
dès lors, rester indécis si et dans quelle mesure l'assemblée générale
devait prendre une décision valant acceptation de l'accord précité. N'a
pas davantage à être résolue la question de la compétence pour conclure une
telle convention; à cet égard, on pourrait se demander si elle n'entre pas
dans les attributions du Conseil d'administration, l'action de l'art. 706
CO ne pouvant, en pareille hypothèse, pas entrer en ligne de compte (ATF
91 II 303 et les références; BÜRGI, n. 6 ad art. 706 CO). N'ont ainsi à
être examinés dans la présente procédure ni la validité des engagements
à caractère obligatoire découlant de la convention précitée, ni si des
prétentions peuvent être élevées de ce chef.

    d) Par contre, il faut se demander si la décision attaquée conduit
à éluder des dispositions impératives du droit de la société anonyme,
à savoir l'interdiction pour la société d'acquérir ses propres actions
(art. 659 CO), d'émettre des actions au-dessous du pair (art. 624 al. 1
CO) et de restituer leurs versements aux actionnaires (art. 680 al. 2 CO).

    aa) L'art. 659 al. 1 CO interdit, en principe, à la société d'acquérir
ses propres actions. Cette norme ne vise que l'acquisition dérivée
d'actions, l'acquisition originaire n'étant pas expressément réglée par
la loi (SIEGWART, n. 13 ad art. 659 CO). Savoir si ce mode d'acquisition
tombe aussi sous le coup de l'interdiction de l'art. 659 al. 1 CO doit
être recherché par voie d'interprétation.

    Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'acquisition de ses
propres actions par une société anonyme est interdite essentiellement
pour le motif qu'elle lui permettrait d'exercer, par le biais de ses
organes, une influence inadmissible lors des votes à l'assemblée générale
(ATF 96 II 21/22 et les références). Mais le but et le sens de la norme
vont cependant plus loin. Des considérations économiques interviennent au
premier plan. En effet, si des actions étaient acquises au moyen du capital
social, il y aurait restitution aux actionnaires de leurs versements et,
par conséquent, violation de l'art. 680 al. 2 CO. En cas d'achat au moyen
du disponible, la société acquerrait un élément patrimonial se trouvant
déjà en sa propriété; et, tant qu'elle ne le réalise pas, cet élément de
fortune représente une "non-valeur". Par ailleurs, le risque économique
découlant de la participation passerait de l'actionnaire à la société,
les pertes éventuelles touchant alors cette dernière non seulement
comme entreprise, mais encore en raison de sa participation. L'absence
de rentabilité aurait ainsi pour elle des effets doubles (VON GREYERZ,
op.cit., p. 138; SIEGWART, n. 4 ss ad art. 659 CO). Visant donc en
priorité le maintien de l'ensemble de la fortune sociale et non seulement
du capital social, l'art. 659 CO tend essentiellement à protéger les
créanciers (ZOBL, op.cit., p. 3).

    Mais le sens de l'art. 659 CO interdit également l'acquisition
originaire de ses actions par une société anonyme. Souscrire ses propres
actions contredit, en effet, le principe de la libération effective
du capital social (art. 632 et 680 al. 1 CO; DALLÈVES, L'obligation
convertible en droit comparé et spécialement en droit suisse, thèse Genève
1963, p. 143; ADELRICH FURRER, Erwerb eigener Aktien, thèse Zurich 1933,
p. 44; ZOBL, op.cit., p. 3 note de pied 6). Cela va aussi à l'encontre
de l'interdiction de conclure avec soi-même (NIKLAUS C. STUDER, Die
Quasifusion, thèse Berne 1974, p. 71; PAUL SCHERRER, Der Erwerb eigener
Aktien, thèse Bâle 1957, p. 5). De manière générale, une telle acquisition
est tenue pour absolument inadmissible (ATF 99 II 60). Reste cependant
réservée l'augmentation du capital social sans accroissement de la fortune
sociale par l'émission d'actions gratuites (ATF 99 Ib 146 consid. 1).

    Pour une partie de la doctrine, l'émission d'actions de réserve
violerait l'art. 659 CO dans la mesure où la société mettrait elle-même
à disposition les moyens nécessaires à la libération des actions ou,
du moins, garantirait les crédits bancaires nécessaires; il s'agirait,
en définitive, d'une libération purement fictive du capital social
(VON GREYERZ, op.cit., p. 260 et 268/269; PETER OBRECHT, Bezugsrecht und
Vinkulierung, thèse Berne 1984, p. 27). Apparaît toutefois déterminante
l'opinion selon laquelle l'art. 659 CO ne serait éludé que si la société
supportait le risque économique lié à l'émission des actions de réserve;
il ne le serait en revanche pas si ce risque passait réellement à
l'actionnaire fiduciaire (ZOBL, op.cit., p. 3; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER,
op.cit., n. 33 p. 235; MARTIN FORSTER, Das autorisierte Kapital der
Aktiengesellschaft, thèse Zurich 1970, p. 99; BEAT HESS, Die mangelhafte
Kapitalerhöhung bei der Aktiengesellschaft, thèse Fribourg 1977, p. 61;
MARIANNE HENSLER, Die bedingte Kapitalerhöhung, thèse Berne 1980,
p. 31 s.).

    Dès lors que l'art. 659 CO protège aussi bien la structure corporative
de la société que les droits sociaux des actionnaires, l'émission
d'actions de réserve ne peut a priori constituer un moyen de contourner
des normes impératives du droit de la société anonyme. Le fiduciaire
ayant qualité de véritable actionnaire, son indépendance est garantie
en tant que sociétaire. Et, à l'égard de la société, d'éventuelles
limitations à ses droits sociaux ont un caractère purement obligatoire;
elles n'entraînent aucun effet en droit de la société anonyme.

    Savoir si des limitations à la liberté d'agir de la société visée
ont été contournées par la création des actions de réserve dépend du
sens et du but des dispositions instituant ces limitations. Le maintien
de la fortune sociale visé par l'art. 659 CO servant tant les intérêts
des créanciers que ceux des actionnaires, il faut rechercher si, lors
de la création de ce type d'actions, les risques du fiduciaire, en tant
qu'actionnaire, sont supportés par lui ou par la société. Par exemple, si
le prix des actions chute au-dessous du prix d'émission ou si la société
devient insolvable, il y aura lieu de déterminer qui supporte finalement
les pertes, notamment si celles-ci restent à la charge de la société avec
incidence sur sa fortune sociale. Tel sera le cas si la société s'est
valablement engagée à reprendre les actions de réserve ou si, notamment,
les actions ont été libérées à l'aide de biens mis à disposition par
cette dernière ou si le fiduciaire n'a pas effectué sa prestation ou
encore si la société s'oblige à restituer partiellement ou totalement
le montant ayant servi à la libération des actions dans l'hypothèse où
les actions ne peuvent pas être vendues ou, du moins, pas à leur valeur
d'émission. Une partie de la doctrine parle alors d'actions de réserve
propres (FORSTER, op.cit., p. 99; mais non WILLENER, op.cit., p. 6 ss).
Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. Les dépôts à vue constitués
par la société défenderesse auprès des banques membres du consortium
constituent des prêts; leur validité ne dépend pas de l'évolution
économique des actions de réserve. De surcroît, le fiduciaire n'a pas
un droit au remboursement de ses versements. En cas de faillite de la
défenderesse, il doit même restituer le dépôt sans aucune possibilité de
compensation quelconque en sa qualité d'actionnaire (art. 213 al. 4 LP;
ZOBL, op.cit., p. 3). Autrement dit, le consortium bancaire supporte le
risque de l'actionnaire nonobstant le compte spécial créé en application
de l'art. V/4 de la convention. Dans ces conditions, la fortune sociale
de la défenderesse ne se trouvera ni amoindrie, ni même mise en danger
par la décision attaquée. Cette dernière ne constitue donc pas un procédé
propre à contourner la règle de l'art. 659 CO. Peu importe, au demeurant,
que ce compte ne porte pas d'intérêt; cet état de choses contrebalance
la renonciation des banques à percevoir des dividendes (art. IV/1 de
la convention), ces deux opérations se neutralisant en définitive. Des
conclusions différentes ne peuvent être tirées de l'obligation de la
défenderesse de verser les commissions aux banques (art. V/5), du moins
aussi longtemps que le prix d'émission des actions de réserve est garanti
(voir HEFERMEHL/BUNGEROTH, n. 39 § 56 DAktG). Il n'en va pas différemment
de l'art. IX de la convention; l'engagement de désigner, sous certaines
conditions, un ou plusieurs tiers prêts à reprendre dans tous les cas
les actions de réserve non négociées à la valeur nominale ne peut déjà
vouloir dire que, en cas d'incapacité à désigner ces tiers, la défenderesse
devra alors payer des dommages-intérêts à concurrence de la valeur des
actions. En tout état de cause, cette question peut rester ouverte, car,
à supposer que la convention constitue un procédé clairement contraire à
l'art. 680 al. 2 CO et, partant, nul, la validité de la décision attaquée
ne s'en trouverait pas affectée pour les motifs indiqués plus haut.

    En définitive, la décision attaquée ne viole pas l'interdiction
contenue à l'art. 659 CO, ni ne constitue un procédé visant à contourner
cette disposition; cette dernière n'est, au demeurant, qu'une prescription
d'ordre (ATF 110 II 299 consid. 3a et les références).

    bb) Les actions de réserve ont été offertes à leur valeur nominale.
L'interdiction d'émettre au-dessous du pair au sens de l'art. 624 al. 1
CO n'est ainsi manifestement pas transgressée.

    cc) Quant à l'art. IX de la convention, il n'est pas davantage
contraire à l'art. 680 al. 2 CO. Cette disposition n'institue, en effet,
pas pour la défenderesse l'obligation de fournir une prestation en
violation de l'interdiction de rembourser le capital. De toute façon,
elle ne fait pas l'objet de la décision attaquée et n'a qu'une portée
obligatoire. Elle n'a de surcroît encore suscité aucune application.

    e) Aux termes de l'art. 652 CO, chaque associé a le droit de
souscrire une fraction des nouveaux titres proportionnée au nombre de
ses actions, sauf disposition contraire des statuts ou de sa décision
portant augmentation du capital. Comme cela ressort clairement du
texte légal, le droit préférentiel de souscription n'est pas un droit
acquis de l'actionnaire, à moins que les statuts ne le garantissent
expressément (ATF 99 II 59 consid. 3, 98 II 100 consid. c, 91 II 300
consid. 2). L'exclusion de ce droit de souscription n'est cependant pas
laissée au bon vouloir de l'assemblée générale. Elle exige au contraire
une justification objective, respectant tant le principe de l'égalité de
traitement que le principe selon lequel un droit doit être exercé avec
ménagement (Prinzip der schonenden Rechtsausübung; ATF 91 II 298; ZOBL,
op.cit., p. 4 et les renvois de la note de pied No 21).

    aa) L'exclusion ou le retrait du droit préférentiel de souscription
se justifie objectivement lorsqu'il est décidé dans l'intérêt de la
société et apparaît nécessaire pour la poursuite de ses buts légitimes
(ATF 91 II 309 consid. 7). La société possède un tel intérêt lorsque,
après une pesée des intérêts en présence, le but poursuivi requiert
l'augmentation du capital social, les intérêts des titulaires du droit de
souscription préférentiel passant après cet objectif. Apparaît ainsi fondé
le retrait qui doit permettre l'émission d'actions en faveur d'employés
ou de cadres, des apports en nature ou l'acquisition de participations,
voire d'entreprises ou de parties d'entreprise par échange d'actions
(prise de participation, quasi-fusion); il en va de même si l'exclusion
doit rendre possible l'exercice du droit de conversion ou d'option
(VON GREYERZ, op.cit., p. 161), la transformation du capital étranger en
capital propre ou encore l'extension du cercle des investisseurs (GAUDENZ
ZINDEL, Bezugsrechte in der Aktiengesellschaft, thèse Zurich 1984, p. 228
ss). Il reste que lors d'émission d'emprunts convertibles ou à option,
un droit de souscription anticipé sur les titres doit, en principe, être
accordé aux anciens actionnaires pour autant toutefois que cela soit
possible au regard du droit applicable, de législations étrangères en
particulier. Cela se justifie dès lors que, pour la société, l'origine
des fonds importe peu (ZOBL, op.cit., p. 4/5 avec les renvois à la note
de pied 25). Dans la mesure où la création des actions de réserve a pour
but de "répondre à tout autre objectif qui servirait les intérêts de la
société", il faut se demander si la suppression du droit de souscription
préférentiel repose sur un motif suffisant. En réalité, il s'agit moins de
savoir si le retrait apparaît fondé plutôt que de décider si l'assemblée
générale peut déléguer ses compétences en faveur de l'administration.

    Ainsi qu'on l'a vu, le retrait du droit de souscription préférentiel
doit s'avérer indispensable à la réalisation des buts fixés, même si ces
buts ne doivent pas nécessairement apparaître décisifs pour le maintien ou
le développement de la société (voir ZINDEL, op.cit., p. 239); à cet égard,
l'arrêt publié à l'ATF 93 II 309 peut prêter à malentendu dans la mesure
où sa formulation pourrait laisser croire le contraire. En définitive,
le retrait du droit doit obéir au principe de la nécessité, qui est une
émanation du principe de la proportionnalité; il se rapproche également
du principe selon lequel un droit doit s'exercer avec ménagement ou de la
manière la moins dommageable possible (DESCHENAUX, Le titre préliminaire
du Code civil, in TDP tome II/I, p. 171).

    S'agissant du retrait du droit de souscription préférentiel lors
d'une augmentation du capital social, cette mesure apparaît objectivement
justifiée si elle sert les intérêts de la société, ceux des actionnaires
exclus devant néanmoins être pris en considération. Savoir quand les
conditions d'une telle limitation sont remplies ne peut être décidé une
fois pour toutes, mais dépend des circonstances de chaque cas particulier
(ATF 102 II 268 consid. 3).

    En l'espèce, selon la décision attaquée, les actions de réserve sont
destinées, d'une part, à garantir le droit de conversion ou d'option
résultant d'emprunts obligataires et, d'autre part, à servir à la
réalisation d'autres buts dans l'intérêt de la société. Le retrait
du droit de souscription préférentiel décidé par l'assemblée générale
lors de l'augmentation du capital par l'émission des actions de réserve
apparaît objectivement justifié. S'agissant toutefois de prêts qui,
dans le futur, pourront donner lieu à l'acquisition de participations, un
droit de souscription doit, dans la mesure du possible, être accordé aux
actionnaires le moment venu, afin que leur propre droit de participation
soit à nouveau pris en considération. Pour la réalisation des autres buts
dans l'intérêt de la société, ce retrait ne pourra se justifier qu'au gré
des circonstances. En tout état de cause, la décision attaquée respecte
l'égalité de traitement puisque le droit de souscription préférentiel a
été exclu à l'égard de tous les actionnaires de la même manière (ATF 102
II 267, 99 II 58 consid. 2; ZOBL, op.cit., p. 5 et les références).

    Pour le reste, l'administration devra toujours veiller au respect des
exigences légales en matière de suppression du droit litigieux lors de
la négociation effective des titres. Cela pose, en réalité, la question
de la délégation de compétence en faveur du conseil d'administration
(voir consid. cc) ci-après).

    bb) Quant au principe selon lequel un droit doit être exercé
avec ménagement, il est violé lorsque les décisions de la majorité
compromettent les droits de la minorité alors même que le but poursuivi
dans l'intérêt de la société aurait pu être atteint de manière peu ou pas
dommageable pour cette minorité et sans inconvénient pour la majorité
(MEIER-HAYOZ/ZWEIFEL, Der Grundsatz der schonenden Rechtsausübung im
Gesellschaftsrecht, in Festschrift Harry Westermann, p. 383 ss, 393;
ZINDEL, op.cit., p. 244). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce
principe connaît ses limites dans le principe de la majorité régissant le
droit de la société anonyme, auquel se soumet tout actionnaire au moment
de l'acquisition de sa qualité de membre (ATF 102 II 268 consid. 3, 99
II 62 consid. b). Mais, dans le cas particulier, il n'est pas nécessaire
de trancher cette question controversée, les droits faisant l'objet de la
décision attaquée n'ayant pas encore été mis en oeuvre, mais leur exercice
seulement délégué à l'administration par l'assemblée générale. Reste,
dès lors, le problème de cette délégation de compétence.

    cc) L'art. 698 CO confère à l'assemblée générale une série de droits
inaliénables. Cette dernière doit remplir des tâches qui, en raison de
la hiérarchie au sein des organes de la société anonyme, lui reviennent
nécessairement en sa qualité d'organe suprême (ATF 100 II 387 consid. 2a
et les arrêts cités). Ce caractère inaliénable des compétences exclut
toute délégation en faveur de l'administration. En revanche, une telle
délégation est, en principe, possible pour autant qu'il s'agisse simplement
d'une compétence définie par les statuts et que, lors du transfert,
les conditions nécessaires pour la modification de cette disposition
statutaire soient remplies (BÜRGI, n. 6 ad art. 690 CO; VON GREYERZ,
op.cit., p. 185). Parmi d'autres tâches, l'administration doit exécuter
les décisions de l'assemblée générale (art. 722 al. 2 ch. 1 CO; BÜRGI,
n. 15 ss ad art. 721 CO). De manière générale, ses compétences à l'égard
de la société sont déterminées par les décisions de l'assemblée générale
(art. 721 al. 1 CO; ATF 78 II 373 consid. 3a). Reste à savoir si, en
l'espèce, une tâche assignée à l'administration constitue un pur acte
d'exécution et non déjà une délégation inadmissible de compétence. En
raison du principe hiérarchique, l'assemblée générale doit - mais cela
suffit - définir le principe et la mesure d'une augmentation du capital
social. La fixation des modalités particulières de cette mesure reste dans
les tâches usuelles de l'administration. En droit suisse, ces modalités
concernent le moment de l'augmentation, le prix d'émission, le montant
de la libération ou encore d'autres conditions particulières d'émission
(HESS, op.cit., p. 62 ss; FORSTER, op.cit., p. 90 ss). Pour une majorité
de la doctrine, l'assemblée générale peut laisser à l'administration la
compétence d'exclure le droit préférentiel de souscription; au regard
des pouvoirs dévolus à l'assemblée générale, la délégation de compétence
constitue une compétence moindre par rapport à l'exclusion même de ce droit
(FORSTMOSER, op.cit., p. 483; EDWARD E. OTT, Das Bezugsrecht der Aktionäre,
thèse Zurich 1962, p. 56 s; HESS, op.cit., p. 70; FORSTER, op.cit., p. 92;
WILLENER, op.cit., p. 41; ZINDEL, op.cit., p. 252). D'autres auteurs
soutiennent le même point de vue au moins dans le résultat, mais par un
raisonnement erroné; ils admettent que l'exclusion par l'administration
du droit de souscription préférentiel peut être attaquée par la voie de
l'art. 706 CO (SIEGWART, n. 12 ad art. 652 CO; HANS KASPAR FREY, Rechtliche
und wirtschaftliche Probleme der Aktionärbegünstigung bei Kapitalerhöhungen
und durch Aktienteilung, thèse Saint-Gall 1969, p. 29). Est finalement
aussi défendue l'idée qu'une telle délégation n'est pas possible (KURT
KOLB, Die Gratisaktie, thèse Berne 1945, p. 21; ULRICH F. KREBS, Gefährdung
und Schutz der Minderheit bei Kapitalerhöhungen in der Aktiengesellschaft
nach schweizerischem Recht, thèse Zurich 1980, p. 82 et 141).

    Si l'on admet le principe de la délégation de compétence, il n'y a plus
guère de discussion; un retrait du droit de souscription préférentiel
par l'administration est admissible aux mêmes conditions qu'il le
serait si la décision émanait de l'assemblée générale. Par ailleurs,
celle-ci ne peut investir l'administration d'une attribution qui lui
serait défendue. En définitive, l'administration peut, sur la base d'une
délégation, exclure le droit si cette mesure peut reposer sur des motifs
objectifs et respecte l'égalité de traitement notamment. L'avis exprimé
par la majorité des auteurs doit être approuvé. Si l'assemblée générale
est compétente pour exclure le droit, rien ne s'oppose à ce qu'elle ne
prenne pas définitivement la décision, mais la fasse dépendre de modalités
laissées à l'appréciation de l'administration; la délégation reste bien en
deçà du pouvoir de l'assemblée générale d'exclure ce droit. De surcroît, à
supposer que l'actionnaire touché puisse faire valoir ses droits contre la
décision de l'administration sans plus de difficultés que si elle émanait
de l'assemblée générale, le juge devra, dans les deux cas, décider,
selon les mêmes principes, si la mesure est ou non admissible. Certes,
la décision de l'administration est soustraite à l'action de l'art. 706
CO (ATF 91 II 303); mais l'action en responsabilité des administrateurs
demeure cependant à la disposition de l'actionnaire. Reste à savoir si
cette restriction constitue une entrave à la délégation.

    Selon l'arrêt publié à l'ATF 91 II 298, la délégation à
l'administration de la faculté d'exclure le droit de souscription
préférentiel n'est pas valable si elle donne le pouvoir de prendre une
mesure lésant gravement le principe de l'égalité de traitement entre
actionnaires (p. 303/304); dans l'arrêt précité, l'exclusion n'avait
été ordonnée qu'à l'égard de certains actionnaires dans le but avoué
d'affaiblir leur influence dans la société. Toutefois, cet arrêt n'exclut
pas de manière générale une telle délégation de compétence. En réalité,
son admissibilité dépend des circonstances du cas particulier. Elle n'est
pas valable lorsqu'elle tente d'éluder les limites légales à l'exclusion
du droit de souscription préférentiel et si, en raison de ce transfert
de compétence, l'actionnaire est mis hors d'état d'exercer ses droits
de sociétaire ou si les moyens d'agir d'une minorité d'actionnaires se
trouvent amoindris d'une façon intolérable. En pareille hypothèse, on
ne peut exiger de l'actionnaire visé qu'il se contente d'une action en
responsabilité contre les administrateurs; il a bien plutôt un intérêt
juridique suffisant à faire examiner le caractère inadmissible du retrait
de son droit dans le cadre de l'action prévue à l'art. 706 CO. Cependant,
l'intérêt de l'actionnaire à la protection de sa situation financière et
à la sauvegarde de ses droits patrimoniaux cède le pas devant l'intérêt
de la société à procéder à une augmentation du capital social par des
modalités aussi flexibles que possible. Dans la mesure où l'actionnaire
se trouve lésé dans ses seuls intérêts financiers, on peut raisonnablement
exiger de lui qu'il fasse valoir ses droits patrimoniaux dans le cadre
d'une action en responsabilité contre les administrateurs.

    En l'espèce, la décision litigieuse n'autorise pas l'administration
à s'écarter des règles permettant d'exclure le droit de souscription
préférentiel. Au contraire, elle définit assez précisément le cadre dans
lequel les actions de réserve doivent être utilisées. Peu importe à cet
égard que la délégation ne mentionne pas que les principes de l'égalité de
traitement et de proportionnalité doivent être respectés; l'administration
en est tenue de par la loi. Dans ces conditions, la décision emportant
la délégation de compétence en faveur de l'administration ne souffre
aucune critique.

    Au demeurant, la demanderesse ne détient qu'une seule action au porteur
d'une valeur nominale de 100 francs, alors que la défenderesse est une
multinationale avec un capital supérieur à 300 millions. De surcroît,
les actions sont cotées en bourse. Dans ces conditions, la demanderesse
a toujours la possibilité de maintenir sa participation dans la société
en acquérant des actions sur le marché. Son droit digne de protection
présente ainsi un caractère purement pécuniaire. Aussi bien l'action en
responsabilité (art. 754 CO) que l'action en annulation sont, dès lors, de
nature à garantir ses intérêts. Une diminution de sa protection juridique
n'est pas à craindre dans les circonstances particulières, de sorte que
les conditions pour attaquer la décision emportant délégation ne sont
pas données en l'espèce. Il reste que l'administration de la défenderesse
devra, le moment venu, utiliser les actions de réserve incriminées dans
l'intérêt de la société conformément à la décision, respecter les principes
du droit de la société anonyme comme, par exemple, l'égalité de traitement,
et, selon le mode d'augmentation du capital social choisi, veiller, dans la
mesure du possible, à garantir indirectement aux actionnaires leur droit
de souscription, notamment lors d'émissions d'obligations convertibles ou
à option. A défaut, les administrateurs engageraient leur responsabilité
à l'égard des actionnaires concernés.

    La délégation de compétence étant ainsi admissible en l'occurrence,
les objections de la demanderesse concernant une information prétendument
insuffisante des actionnaires et l'indétermination quant à l'utilisation
des actions de réserve ou encore à la personne qui, le cas échéant,
reprendra finalement les actions de réserve tombent à faux. Au surplus,
les modalités d'utilisation de ces actions devront résulter de décisions
de l'administration au moment de la négociation définitive des titres;
elles dépendront également des directives données par l'administration
aux banques fiduciaires. Leur conformité au droit ne peut donc pas être
examinée dans le cadre de la présente procédure.

    f) Selon la demanderesse, les actions de réserve devraient être
déchues du droit de vote; cette situation serait incompatible avec le
droit de la société anonyme interdisant que des actions soient dépourvues
des droits relevant du sociétariat, dont le droit de vote (interdiction de
"place libre").

    L'intéressée ne fait cependant pas valoir que la décision constatant
la deuxième augmentation du capital social ne serait pas valable en raison
de l'exercice non autorisé du droit de vote à titre fiduciaire par les
banques. Savoir si les actions détenues par les banques tombent sous
le coup de l'art. 659 al. 5 CO peut rester indécis, s'il s'avère que,
de toute façon, l'interdiction précitée n'est pas violée.

    A cet égard, l'interdiction d'actions dépourvues des droits sociaux
est une émanation du principe selon lequel le nombre des places dans le
sociétariat est constant; autrement dit, les droits sociaux délivrés
doivent nécessairement correspondre au nombre des actions ni plus ni
moins. Une société anonyme peut compter autant de membres que d'actions
émises, de sorte que, sans modification du capital social, aucune exclusion
ni aucune sortie n'est possible. Pour ces motifs d'ailleurs, un actionnaire
ne peut renoncer aux droits sociaux qui servent non seulement ses intérêts,
mais encore garantissent le fonctionnement des structures organiques de
la société; il en va notamment ainsi pour le droit de vote. L'actionnaire
n'a cependant pas l'obligation de voter. En l'espèce, les titulaires
des actions de réserve n'ont renoncé qu'à l'exercice du droit de vote,
mais non au droit lui-même (voir ATF 114 II 61 consid. bb). Et seules les
actions sans droit de vote violent l'interdiction précitée. Ne tombent,
en revanche, pas sous le coup de cette interdiction les actions dont le
droit de vote est suspendu en vertu, par exemple, des art. 659 al. 5 CO ou
655 CO. Or, les actions de réserve ne sont pas des actions sans droit de
vote; ce droit social est seulement mis en veilleuse aussi longtemps que
les actions sont détenues à titre fiduciaire, conformément aux directives
de la défenderesse. Dès lors que, en définitive, les actions de réserve
disposent des droits sociaux inhérents à toute action, l'interdiction de
"place libre" n'est pas violée. La décision attaquée apparaît donc conforme
au droit de la société anonyme.

    g) En outre, les actions de réserve ne constituent pas des actions à
droit de vote privilégié déguisées, même si elles ont été acquises à la
valeur nominale de 100 francs, alors que, en bourse, elles sont cotées
à quelque 7'500 francs. Le quorum de l'art. 648 al. 1 CO - disposition
de droit impératif (SIEGWART, n. 13 ad art. 648 CO; FORSTMOSER, op.cit.,
p. 172 n. 81) - ne leur est, en conséquence, pas applicable. Au demeurant,
les actions à droit de vote privilégié sont des actions à valeur nominale
moins élevée que les autres actions, mais qui donnent néanmoins droit à
une voix; c'est l'application du système "une action = une voix", cela
quelle que soit sa valeur nominale (art. 693 CO). Selon la jurisprudence
du Tribunal fédéral, lors d'une augmentation du capital social par émission
d'actions à droit de vote privilégié, le quorum qualifié de l'art. 648
al. 1 CO doit être respecté seulement lorsque la situation juridique des
anciens actionnaires se trouve amoindrie en raison du privilège accordé
à une catégorie d'actions (ATF 116 II 525 ss).

    Les actions à droit de vote privilégié créent une brèche dans le
système du droit de vote proportionnel à l'importance de la participation
financière (art. 692 CO). Et le quorum qualifié de l'art. 648 al. 1 CO
tend, en définitive, à la protection de la minorité contre la volonté
d'une majorité simple. Pour le droit de vote est seulement déterminante la
participation de chaque actionnaire au capital social, mais non le prix
d'acquisition pour cette participation. Aussi bien l'émission d'actions
nouvelles en dessous de leur valeur intrinsèque ne porte pas atteinte
aux droits patrimoniaux acquis de l'actionnaire, de la même manière
elle ne touche pas le droit de vote proportionnel à l'importance de la
participation. En définitive, la mise en oeuvre de la protection prévue à
l'art. 648 al. 1 CO ne se justifie pas lors d'émission d'actions en dessous
de la valeur intrinsèque, même si le droit de souscription préférentiel
a été exclu dans le même temps. L'action est aussi mal fondée sur ce point.

    h) La décision attaquée ne violant ni la loi ni les statuts, l'action
en annulation ou en nullité doit être rejetée, sans avoir encore à examiner
si l'admissibilité des actions de réserve pourrait aussi s'appuyer sur
le droit coutumier.

Erwägung 6

    6.- La demanderesse conclut à la nullité, subsidiairement à
l'annulabilité, de diverses décisions portant modification de dispositions
statutaires.

    a) En conformité de l'art. 706 al. 1 CO, l'action dirigée contre
des décisions de l'assemblée générale doit toujours se fonder sur une
atteinte portée ou à la loi ou aux statuts. Est assimilée à une décision
contraire à la loi celle qui heurte un principe général non écrit du
droit de la société anonyme (ATF 100 II 386 consid. 1). L'art. 706 CO
peut ainsi être invoqué pour se plaindre, notamment, d'une violation du
principe de l'égalité de traitement entre actionnaires (BÜRGI, n. 35 ad
art. 706 CO; FORSTMOSER, Einführung in das schweizerische Aktienrecht, §
21 II n. 15; DE STEIGER, op.cit., p. 233; PATRY, Précis de droit suisse
des sociétés, vol. II, p. 242/243; KUNO WALTER ROHRER, Aktienrechtliche
Anfechtungsklage, thèse Berne 1979, p. 59 ss). Pour être attaquable,
la décision de l'assemblée générale ne doit pas porter atteinte au droit
de l'actionnaire de manière seulement générale, mais de façon concrète.
Cette atteinte doit représenter une entrave injustifiée à l'exercice d'un
droit inaliénable (BÜRGI, n. 29 ad art. 706 CO). En revanche, n'est pas
attaquable la décision qui ne contrevient ni à la loi ni aux statuts, mais
qui apparaît simplement inappropriée ou inopportune (ATF 100 II 392/393;
BÜRGI, n. 27 ad art. 706 CO).

    b) A l'appui de ses conclusions tendant à la nullité, voire
à l'annulabilité, des nouveaux art. 6 al. 6 et 14 des statuts, la
demanderesse fait, pour l'essentiel, valoir que l'exigence de clarté
de ces nouvelles normes ne serait pas remplie; telles que formulées,
les dispositions statutaires précitées ouvriraient la voie à des
"interprétations les plus larges" ou "inadmissibles", pouvant aboutir à des
situations choquantes. Outre qu'elle conduirait à renforcer exagérément
les pouvoirs du Conseil d'administration et, par voie de conséquence,
à porter atteinte au principe de la prééminence de l'assemblée générale,
cette situation comporterait encore un risque d'inégalité de traitement
entre les actionnaires.

    Les prétendues atteintes que porteraient les normes incriminées
à plusieurs principes généraux non écrits ne sont, en réalité, que
virtuelles. En l'état, et cela est décisif, la demanderesse n'a pas
démontré que les dispositions précitées violeraient en tant que telles
la loi d'une quelconque manière. Quant à leur prétendue incompatibilité
avec des principes généraux non écrits, la demanderesse ne peut se fonder
que sur une interprétation personnelle des textes ou sur des hypothèses
que rien ne permet d'admettre qu'elles se réaliseront un jour. Ainsi,
par exemple, pour s'opposer à la modification du nouvel art. 6 al. 6 des
statuts, elle se demande, au-delà de l'analyse des textes ("personnes
morales unies", "action concertée"), si un intérêt social justifiait
des mesures de protection aussi étendues que celles mises en place par
la règle statutaire critiquée; de même, elle estime que la défenderesse
exagère les risques d'une offre publique d'achat. Et encore, à l'appui de
ses conclusions tendant à la nullité du nouvel art. 14, la demanderesse
envisage un "abus de compétence" du Conseil d'administration pour
"s'assurer le vote favorable des banques dans certaines situations, soit
pour consolider une majorité au sein de l'assemblée, soit pour empêcher
une minorité de blocage de se manifester" et léser ainsi les droits des
actionnaires minoritaires; de la même manière, selon la demanderesse,
le Conseil d'administration "pourrait être tenté d'utiliser la compétence
conférée par l'art. 14 al. 3 pour juguler une opposition gênante"; elle va
même jusqu'à imaginer, s'agissant des actions en dépôt auprès des banques,
que ces dernières exerceront le droit de vote rattaché à ces actions
sans même requérir d'instruction particulière auprès des détenteurs,
cela en raison du rapport étroit de ces banques avec la défenderesse,
banques qui, de manière générale, apportent "presque toujours un vote
massif" en faveur des propositions du Conseil d'administration.

    Cela étant, en l'absence d'une violation claire de la loi ou des
statuts, le Tribunal fédéral n'a pas à se livrer à une analyse des
interprétations qui seraient conformes à la loi et de celles qui ne le
seraient pas. Telle n'est pas la finalité de l'art. 706 CO. Au demeurant,
la demanderesse admet elle-même que les effets des règles attaquées ne
pourront être appréciés "complètement" que lors de leur application "au
cas concret". Et rien n'indique que la défenderesse - elle s'en défend
d'ailleurs vigoureusement - n'interprétera pas ces nouvelles normes
statutaires conformément à la loi.

    Deux points méritent cependant une attention particulière.

    aa) Le premier concerne le nouvel art. 6 al. 6 let. f des statuts. La
demanderesse critique le pouvoir accordé par cette disposition au Conseil
d'administration pour annuler, avec effet rétroactif, l'inscription
d'actionnaires détenant des actions nominatives en violation des règles
contenues aux lettres a à e du même alinéa 6. Une telle règle serait non
seulement contraire au principe de la prééminence de l'assemblée générale;
mais, surtout, elle serait illicite, car la radiation d'un actionnaire
du registre des actions ne pourrait procéder que d'une décision judiciaire.

    Pour la doctrine, la compétence du Conseil d'administration doit
assez largement être admise sauf disposition statutaire contraire (BÜRGI,
n. 21 ad art. 685 CO; ULRICH BENZ, Aktienbuch und Aktionärswechsel,
thèse Zurich 1981, p. 23 et les renvois; ANDRE KUY, Der Verwaltungsrat im
Übernahmekampf, thèse Zurich 1989, p. 86/87) en raison de la présomption
générale de compétence découlant de l'art. 721 al. 2 CO. Quant à
la jurisprudence du Tribunal fédéral, elle laisse la société anonyme
libre de déterminer l'organe compétent pour procéder à l'inscription au
registre (ATF 76 II 68). Il en résulte, en l'espèce, que la dévolution
de la compétence au Conseil d'administration ne viole en rien la loi. On
ne voit, au demeurant, pas pourquoi l'organe compétent pour inscrire au
registre ne le serait pas pour opérer les radiations. Le moyen peut ainsi
être rejeté sans plus ample examen.

    De manière générale, les auteurs admettent que si l'inscription au
registre des actions procède d'un vice de consentement de la part de la
société, la décision y relative peut être attaquée. Quant à la question
de savoir si la société peut de son propre chef annuler ou radier
l'inscription d'un actionnaire du registre des actions, elle divise
la doctrine. Si certains auteurs ne prennent pas clairement position
(PETER LUTZ, Vinkulierte Namenaktien, thèse Zurich 1988, p. 79; DANIEL
WÜRSCH, Der Aktionär als Konkurrent der Gesellschaft, thèse Zurich
1989, p. 123/124; KUY, op.cit., p. 88), d'autres conditionnent la
radiation à l'intervention obligatoire du juge (BÜRGI, n. 9 ad art. 685,
qui ne motive cependant pas son opinion; MANFRED KÜNG, Aberkennung der
Aktionärseigenschaft durch den Verwaltungsrat? in SAG 1989, p. 181 ss et
Die Prüfungspflicht des Handelsregisterführers in materiellrechtlichen
Fragen, in Revue suisse de droit des affaires 1990, p. 45 ss). Enfin,
d'autres auteurs soutiennent que la société peut, de son propre chef,
radier un actionnaire du registre lorsqu'un vice du consentement a
influencé la décision d'admission (FORSTMOSER, Die Rückgängigmachung von
Eintragungen im Aktienbuch - problemlos oder unzweideutig rechtswidrig? in
SAG 1989, p. 175 ss; BENZ, op.cit., p. 103). Les auteurs qui prônent
l'exigence d'une décision judiciaire font, pour l'essentiel, valoir
qu'en acceptant l'inscription d'un actionnaire au registre des actions,
le Conseil d'administration exerce un droit formateur, sa décision ayant
alors un caractère irrévocable; à supposer que la décision de la société
soit entachée d'un vice de volonté, les dispositions générales du code des
obligations, notamment des art. 23 ss CO, ne trouveraient alors pas sans
autre application, l'acte d'admission ne pouvant être assimilé à un acte
juridique bilatéral; doit, en effet, être également pris en considération
l'intérêt de tiers, notamment celui des autres actionnaires. Et ces
auteurs de relever que si la société était habilitée à procéder seule à la
radiation d'un actionnaire, il en résulterait une insécurité juridique,
au niveau de la composition de l'assemblée générale et de l'exercice du
droit de vote en particulier.

    Ces arguments n'apparaissent toutefois pas décisifs. Selon la
jurisprudence, l'inscription ou le refus d'inscription sur le registre
des actions n'a pas une signification propre, mais n'est qu'une mesure
d'exécution de la décision prise; elle n'opère pas le transfert de la
propriété des actions, mais le suppose. Cette mesure ne saurait donc
déterminer qui la société peut et doit traiter comme actionnaire. Ni la
personne inscrite ni la société ne peuvent invoquer une inscription à
laquelle on aurait procédé sans avoir cette preuve (ATF 90 II 172/173
et les arrêts cités). L'inscription n'a donc pas un effet constitutif
(BÜRGI, n. 9 ad art. 685 CO). Aussi doit-on admettre que l'inscription
concerne au premier chef le rapport entre l'acquéreur d'une action
nominative et la société anonyme concernée. Entre ces parties s'établit
un rapport juridique bilatéral auquel les dispositions générales du code
des obligations, notamment celles concernant les vices du consentement,
s'appliquent. Ainsi, dans l'hypothèse où une personne est inscrite au
registre des actions en violation des conditions d'admission énoncées
par les statuts, parce qu'elle a fourni des informations incomplètes,
erronées ou fallacieuses, la société trompée ne se trouve pas liée par la
décision d'admission et peut s'en départir si elle en fait la déclaration
(art. 31 CO). Mais elle ne pourra le faire que si, au moment de son
admission, l'actionnaire ne remplissait pas les conditions statutaires;
si ces dernières ne se trouvent plus réalisées seulement à un moment où
l'actionnaire est déjà inscrit, la société ne pourra, en revanche, plus
radier sans être au bénéfice d'une décision judiciaire (voir sur ce point
la distinction opérée par WÜRSCH, op.cit., p. 123). Il reste que, malgré
sa radiation du registre, l'intéressé pourra toujours, le cas échéant,
faire reconnaître sa qualité d'actionnaire par le juge.

    Il suit de là que l'art. 6 al. 6 let. f des statuts n'est pas contraire
à la loi.

    bb) Le deuxième point concerne la prétendue inégalité de traitement
engendrée par la règle du nouvel art. 14 al. 5 des statuts. Cette
disposition institue une exception à la limite du droit de vote à 3%
en faveur des banques et des institutions financières qui assument des
mandats de représentation.

    En principe, les actionnaires ont droit au même traitement. Cette
garantie n'est toutefois pas absolue. Un traitement différencié peut ainsi
être licite à condition de ne pas être arbitraire, mais de constituer un
moyen approprié pour atteindre un but justifié. L'égalité de traitement
de tous les actionnaires n'implique, notamment, pas que les conséquences
économiques soient les mêmes pour tous (ATF 102 II 267 consid. 1 et
les arrêts cités; ROHRER, op.cit., p. 61 et les références; DE STEIGER,
op.cit., p. 191/192).

    S'agissant d'une telle inégalité en faveur des banques, la
demanderesse part de l'idée que celles-ci renoncent le plus souvent à
consulter les déposants et votent en faveur des propositions du Conseil
d'administration. Dès lors que cette hypothèse n'est en rien vérifiée mais
est, au contraire, contredite par le dossier, elle ne saurait fonder le
grief d'inégalité de traitement entre actionnaires. Par conséquent, les
craintes de la demanderesse de voir se consolider, par le biais de cette
disposition, une majorité au sein de l'assemblée générale n'apparaissent
pas sérieuses.

    Quant aux institutions boursières ou financières (Nominees), elles
agissent en qualité de "fiduciaires stables de porteurs-changeants";
en tant que telles, leur situation en qualité d'actionnaires ne
peut être assimilée à celle d'un actionnaire ordinaire. S'agissant,
en définitive, de deux types d'actionnariat différents, une égalité de
traitement absolue ne peut dès lors être exigée. Au demeurant, l'exception
instituée à l'art. 14 al. 5 en faveur de ces institutions apparaît être la
contrepartie tolérable de l'admission d'actionnaires nominatifs étrangers
et de la cotation internationale des titres de la défenderesse.

    Le principe d'égalité de traitement entre actionnaires n'a ainsi en
rien été violé.

Erwägung 7

    7.- La demanderesse s'en prend également au nouvel art. 15ter des
statuts.

    a) Selon l'intéressée, le quorum renforcé et la majorité aggravée
prévus au nouvel art. 15ter des statuts seraient incompatibles avec
l'art. 705 CO, qui consacre le droit inaliénable de révoquer les
administrateurs; or, dans le cas de la société défenderesse, des majorités
si élevées seraient pratiquement impossibles à réunir, l'introduction de
telles exigences dans les statuts apparaissant ainsi illicite.

    aa) Aux termes de l'art. 705 al. 1 CO, l'assemblée générale
peut révoquer les administrateurs et les contrôleurs, ainsi que tous
les fondés de procuration et mandataires nommés par elle. Ce droit
ne peut être supprimé ni par les statuts, ni par convention (BÜRGI,
n. 6 ad art. 705 CO). Si, en vertu de l'art. 703 CO - disposition non
impérative -, l'assemblée générale peut prendre une telle décision à la
majorité absolue des voix attribuées aux actions représentées, elle peut
également, en vertu des statuts, le faire à une majorité différente; dès
lors que la loi n'impose ni majorité ni quorum qualifiés pour la décision
prévue à l'art. 705 CO, la révocation d'un administrateur peut aussi être
prononcée à une majorité aggravée (BÜRGI, n. 25 ad art. 703 CO). Il reste
que la mesure de l'aggravation ne doit pas rendre impossible la révocation
(BÜRGI, n. 25-27 ad art. 703 CO; TANNER, op.cit., p. 175; ULRICH GEILINGER,
Die erschwerten Beschlüsse der Generalversammlung der Aktionäre, thèse
Zurich 1948, p. 46/47). Quant à la limite de cette aggravation, elle ne
peut être fixée que de cas en cas, mais elle ne devrait jamais consacrer
le principe de l'unanimité. Pour BÜRGI (n. 26 ad art. 703 CO), elle ne
devrait pas dépasser une majorité ou un quorum des 3/4, TANNER (op.cit.,
n. 136, p. 176) tenant cependant cette limite pour illusoire s'il s'agit -
comme en l'espèce - de sociétés publiques.

    bb) Si, en l'occurrence, les parties admettent le principe
de l'aggravation de la majorité, il reste à déterminer si, dans la
pratique, la mesure adoptée à l'art. 15ter rend impossible le droit de
révoquer plus de 1/3 des administrateurs. Certes, eu égard à la dimension
internationale de la défenderesse, réunir une participation à l'assemblée
générale des actionnaires représentant les 2/3 du capital-actions apparaît
difficile. Toutefois, malgré la dispersion des actions sur les marchés
boursiers, il n'en demeure pas moins que par le biais de la représentation
des actionnaires à l'assemblée générale notamment (art. 689 al. 2 CO),
une telle majorité n'est pas impossible à réunir. En tout état de cause,
à supposer même que le droit de révoquer plus de 1/3 des administrateurs
doive être qualifié d'illusoire, il reste que l'assemblée générale conserve
le pouvoir de remplacer chaque année la moitié du Conseil d'administration
par l'effet combiné de l'art. 21 des statuts, prévoyant que 1/5 du Conseil
d'administration doit être renouvelé chaque année, et de la possibilité
de révoquer 1/3 des administrateurs à la majorité ordinaire prévue aux
art. 703 CO et 15 des statuts.

    b) En outre, dans la mesure où il soumet sa propre modification à
l'exigence d'un quorum des 2/3 du capital social et de la majorité des
3/4 des actions représentées, le nouvel art. 15ter violerait, selon la
demanderesse, la règle impérative de l'art. 648 al. 1 CO.

    aa) Selon cette disposition, les décisions ayant, notamment, pour
objet la suppression de clauses statutaires qui aggravent les conditions
sous lesquelles l'assemblée générale peut prendre une décision doivent
être approuvées par les voix des 2/3 au moins de l'ensemble du capital
social. Cette règle est impérative et ne peut, par conséquent, être
modifiée ni par les statuts ni même par décision de l'assemblée générale.

    bb) Si, au regard du grief précédent, un tel moyen apparaît quelque
peu paradoxal, il s'avère néanmoins fondé. La disposition incriminée est
contraire à l'art. 648 al. 1 CO, puisqu'elle en allège les conditions;
elle peut, en effet, être modifiée par une décision prise, en définitive,
à la moitié des voix (soit 2/3 des 3/4) au lieu de la majorité obligatoire
des 2/3 prévue par la norme précitée.

    Que l'art. 15 al. 3 des statuts réserve expressément les dispositions
contraires impératives de la loi ne saurait rien y changer. En effet,
dans le même temps, cette norme "réserve" également les art. 15bis et
15ter. Aussi, contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, l'art. 15 ne
peut avoir la portée d'une "disposition générale" à l'égard, notamment,
de l'art. 15ter. En réalité, la question paraît avoir échappé au
Conseil d'administration qui, dans son rapport relatif à l'art. 15,
s'est référé à l'art. 648 CO, sans toutefois en tirer les conséquences
qui s'imposaient. Peu importe enfin le contenu - hypothétique - du nouveau
droit de la société anonyme, dès lors que la norme statutaire incriminée
va à l'encontre d'une disposition impérative de la loi en vigueur.

    cc) Enfin, s'agissant de la portée de l'annulation sur le
texte de l'art. 15ter al. 1, elle se limitera aux cinq derniers
mots de la disposition incriminée, à savoir "et modifier le présent
article". L'annulation partielle ne nuit, en effet, pas à l'économie
de la norme litigieuse; alors que cette dernière avait essentiellement
un but de protection, cette défense s'en trouvera encore renforcée en
ce qui concerne l'exigence de majorités pour sa modification, la règle
de l'art. 648 al. 1 CO posant précisément des conditions plus sévères
(voir ATF 86 II 78 et 84 II 550).