Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 IB 502



117 Ib 502

59. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 26 novembre
1991 dans la cause Fondation World Wildlife Fund (WWF) Suisse contre
B. (recours de droit administratif). Regeste

    Raumplanung (Ausnahmebewilligung).

    Bauten für eine bodenunabhängige Geflügelzucht sind grundsätzlich in
einer Landwirtschaftszone nicht zonenkonform (E. 4). Eine solche Baute
kann indessen im Sinne von Art. 24 Abs. 1 RPG bewilligt werden, wenn es
sich um eine Aufstockung eines landwirtschaftlichen Betriebes handelt,
welche für dessen Erhaltung nötig ist. Im vorliegenden Fall ist der Zweck
der Anlage standortgebunden (E. 5).

Sachverhalt

    A.- B. exploite un domaine agricole de 10,5 ha; il a en outre 18
bovins et une quarantaine de porcs. Le 25 janvier 1989, il a obtenu de
l'Office fédéral de l'agriculture une autorisation pour la construction
d'une halle d'engraissement d'une surface de 300 m2 pour 5500 poulets
de chair (autorisation fondée sur l'art. 13 de l'ordonnance instituant le
régime de l'autorisation pour la construction d'étables, du 13 avril 1988 -
OCE, RS 916.016). Il a ensuite demandé à la Direction des travaux publics
du canton de Fribourg (ci-après: la direction) un permis de construire
pour une halle de type "Optigal", en zone agricole et à proximité
des bâtiments de son exploitation. Le 10 août 1989, la direction a
délivré l'autorisation spéciale, en application de l'art. 24 al. 1 LAT
(construction dont l'implantation est imposée par sa destination). La
Fondation WWF Suisse (ci-après: la fondation) s'est pourvue devant le
Conseil d'Etat, en alléguant qu'une halle d'engraissement n'avait pas sa
place en zone agricole. Le 11 décembre 1990, le Conseil d'Etat a rejeté
le recours, au motif que la construction était conforme à la destination
de cette zone (art. 22 al. 2 let. a LAT). Le Tribunal fédéral a rejeté
le recours de droit administratif formé par la fondation.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Dans la décision attaquée, le Conseil d'Etat retient que la
halle d'engraissement pour 5500 poulets est conforme à la destination
de la zone agricole. La recourante conteste cette interprétation et
elle estime qu'une telle installation ne peut être autorisée dans cette
zone, que ce soit en application de l'art. 22 LAT ou de l'art. 24 LAT,
et qu'elle n'aurait sa place que dans la zone artisanale et industrielle.

    Selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT, la délivrance d'une autorisation de
construire est subordonnée à la condition, notamment, que le bâtiment
ou l'installation soient conformes à l'affectation de la zone. Si la
conformité n'est pas admise, il convient d'examiner si la construction
nécessite, en raison de ses dimensions et de ses incidences sur
l'environnement, l'élaboration d'un plan d'affectation spécial, en
vertu d'une obligation d'aménager résultant du droit fédéral (art. 2
LAT; cf. ATF 116 Ib 53 consid. 3a; 115 Ib 513 consid. 6a, 114 Ib
315 consid. 3a). Si tel n'est pas le cas, il reste à examiner si une
autorisation exceptionnelle au sens de l'art. 24 LAT peut être accordée
(ATF 116 Ib 229 s. consid. 2 et les arrêts cités). Il faut alors déterminer
si les conditions pour la délivrance d'une autorisation en application
de l'art. 24 al. 2 LAT et du droit cantonal auquel cette disposition
renvoie sont réunies; dans la négative, le projet doit être examiné
au regard de la réglementation de droit fédéral de l'art. 24 al. 1 LAT
(ATF 108 Ib 132 consid. 1a et les arrêts cités).

Erwägung 4

    4.- a) Selon l'art. 16 LAT, les zones agricoles comprennent les
terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou horticole du sol et
ceux qui, dans l'intérêt général, doivent être utilisés pour l'agriculture.
Seules les constructions dont la destination correspond à la vocation
agricole du sol peuvent y être autorisées en application de l'art. 22
al. 2 let. a LAT. Le sol doit être le facteur de production primaire
et indispensable. Les modes d'exploitation dans lesquels le sol ne joue
pas un rôle essentiel ne sont pas agricoles au sens de l'art. 16 LAT
(ATF 116 Ib 134 consid. 3a, 115 Ib 297 consid. 3a).

    Les constructions et installations pour l'élevage de bétail ne
peuvent être jugées conformes et partant autorisées en application de
l'art. 22 LAT que si une part prépondérante des fourrages provient de
la production propre à l'exploitation (LEO SCHÜRMANN, Admissibilité
d'exploitations en développement dans la zone agricole, Avis de droit,
Office fédéral de l'aménagement du territoire, Berne 1990, p. 4). La
fonction du sol pour la mise en valeur du purin n'est plus déterminante:
le fait que les engrais de ferme puissent être épandus sur les terres ne
suffit pas à qualifier l'élevage d'activité conforme à la destination de
la zone agricole (ATF 115 Ib 298 consid. 2c). Une exploitation dont les
activités sont en relation étroite avec la culture du sol peut disposer
de locaux accessoires se trouvant dans une relation fonctionnelle directe
avec la production agricole (grange, hangar à machines, par exemple).
L'admission de la conformité d'un projet de bâtiment ou d'installation
doit résulter d'une appréciation globale du système d'exploitation,
analysé à long terme, et des moyens mis en oeuvre pour sa réalisation
(ATF 116 Ib 137 consid. 3d).

    b) Les offices fédéraux de l'aménagement du territoire et de
l'agriculture ont constitué un groupe de travail qui, dans un rapport
intermédiaire du 29 mai 1991, a émis l'opinion selon laquelle une halle
d'engraissement sans base d'affouragement propre pourrait être qualifiée
de conforme à la destination de la zone agricole dans la mesure où elle
permet d'assurer, par le revenu complémentaire qu'elle procure, l'existence
de l'exploitation. Il en serait ainsi lorsque la part de la production non
dépendante du sol représenterait 30%, voire jusqu'à 40%, du revenu total de
l'exploitant, le solde provenant de la production directement liée au sol.

    c) Dans un arrêt récent (arrêt du 18 septembre 1991 dans la cause WWF
et consorts c. X., commune de Steinen et canton de Schwyz, ATF 117 Ib 278
consid. 3), le Tribunal fédéral a jugé que les halles pour l'engraissement
de la volaille ne pouvaient être qualifiées de constructions conformes
à la destination de la zone agricole. Il n'a pas retenu à cet égard
les critères économiques proposés par le groupe de travail des offices
fédéraux de l'aménagement du territoire et de l'agriculture. En la
présente espèce, dans la décision attaquée, le Conseil d'Etat a reconnu
qu'une installation d'engraissement de volailles dont le fourrage ne
provient pas de l'exploitation agricole et dont les engrais de ferme ne
peuvent être épandus sur les terres de l'exploitant n'est pas conforme à
la destination de la zone agricole. Il a toutefois admis, pour la halle
litigieuse, la conformité selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT, en ce sens que
cette activité accessoire procurerait un revenu supplémentaire permettant
le maintien de l'exploitation. L'autorité cantonale a invoqué l'ordonnance
sur la construction d'étables (OCE) à l'appui de son interprétation. Au vu
cependant de la jurisprudence précitée, c'est à tort que le Conseil d'Etat
a admis que le projet de halle d'engraissement présenté par B. pouvait
être autorisé en application de l'art. 22 LAT.

    d) Au demeurant, le projet litigieux n'est pas tel, dans ses incidences
sur la planification locale ou sur l'environnement, qu'il ne puisse être
élaboré que par le biais d'un plan d'affectation spécial (ATF 116 Ib
53 consid. 3a, 115 Ib 513 consid. 6a). Il reste donc à examiner si une
autorisation exceptionnelle au sens de l'art. 24 LAT peut être accordée.

Erwägung 5

    5.- Le projet litigieux concerne une construction nouvelle: l'art. 24
al. 2 LAT n'entre pas en considération. Quant à l'art. 24 al. 1 LAT, il
soumet la délivrance d'une autorisation exceptionnelle à la condition que
l'implantation de la construction hors de la zone à bâtir soit imposée par
sa destination (let. a) et à ce qu'aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose
(let. b). Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 116 Ib 230 consid. 3).

    a) Pour satisfaire à la première des conditions (art. 24 al. 1
let. a LAT), l'implantation de l'ouvrage à l'emplacement prévu doit
être justifiée par des motifs objectifs; les seuls motifs personnels -
la commodité de l'exploitation - ou financiers ne suffisent pas (ATF 116
Ib 230 consid. 3a, 115 Ib 299 consid. 3a).

    aa) B. exploite un petit domaine. Il cultive des céréales (sur
une surface d'environ 5 ha), des pommes de terre (1 ha) et des pois
(0,7 ha); le revenu annuel global de ces cultures représente environ
22'000 francs. Son bétail lui procure en outre un revenu de l'ordre de
30'000 francs. Ces activités sont agricoles au sens de la jurisprudence
relative à l'art. 22 LAT (cf. consid. 4a supra). L'Office fédéral de
l'agriculture estime le revenu annuel tiré de l'engraissement de poulets à
3 fr. 50 l'unité; en l'espèce, avec 5500 têtes, B. réaliserait un revenu
supplémentaire de 19'250 francs.

    bb) Le maintien des petites exploitations agricoles répond à un
intérêt public important. Cela résulte notamment de l'art. 31bis al. 3
let. b Cst., qui permet de déroger au principe de la liberté du commerce
et de l'industrie pour conserver une forte population paysanne, assurer
la productivité de l'agriculture et consolider la propriété rurale. Ces
objectifs correspondent à ceux de l'art. 22quater Cst., aux termes
duquel l'aménagement du territoire doit tendre à assurer une utilisation
judicieuse du sol et une occupation rationnelle du territoire. Les mesures
d'aménagement ont notamment pour but de protéger les bases naturelles de
la vie, de favoriser la vie sociale, économique et culturelle des diverses
régions et de garantir des sources d'approvisionnement suffisantes dans
le pays (art. 1er al. 2 let. a, c et d LAT). Les autorités doivent alors
veiller à préserver le paysage, à réserver à l'agriculture suffisamment
de bonnes terres cultivables et à conserver les sites naturels et les
territoires servant au délassement (art. 3 al. 2 LAT). Les mesures qui
contribuent à assurer l'existence et le maintien de petites exploitations
agricoles sont en accord avec ces buts et principes (ATF 117 Ib 282
consid. 4b/bb).

    cc) L'ordonnance sur la construction d'étables soumet à une procédure
d'autorisation la construction d'installations pour l'engraissement et
l'élevage dans diverses branches de production, en particulier pour les
poulets à l'engrais (art. 1 et 2 OCE). Lorsqu'une exploitation adopte une
nouvelle branche de production au sens de l'art. 6 OCE ("accroissement
des effectifs"), l'octroi de l'autorisation est soumis aux conditions de
l'art. 13 OCE. Ainsi, le revenu de l'exploitation ne doit pas dépasser le
montant de 85'000 francs par année, après l'accroissement des effectifs
(art. 13 al. 1 let. a OCE), l'exploitation doit comporter une proportion
raisonnable de terres ouvertes (art. 13 al. 1 let. b OCE) et, après
l'accroissement des effectifs, 50% au moins du revenu de l'exploitation
doit provenir de branches de production purement agricoles (art. 13
al. 1 let. c OCE). Cette disposition est conforme à un des objectifs
de la politique agricole de la Confédération, qui met l'accent sur le
"développement interne" - soit l'introduction ou l'intensification de
la production animale dans les petites exploitations, sans augmentation
de la surface cultivée (cf. SCHÜRMANN, op.cit., p. 8; Sixième rapport
sur l'agriculture, FF 1984 III p. 737 ss). Il faut tenir compte de ces
éléments dans l'examen, au regard de l'art. 24 al. 1 let. a LAT, d'un
projet d'installation d'engraissement: ils peuvent justifier l'octroi d'une
autorisation, pour un accroissement des effectifs modéré, lorsque cette
solution s'impose, pour des motifs d'économie d'entreprise, afin d'assurer
le maintien d'une exploitation existante (ATF 117 Ib 283 consid. 4b/cc).

    dd) En l'espèce, l'autorisation fondée sur l'art. 13 OCE a été délivrée
à B., dont l'exploitation remplit les conditions requises. Il ne pourrait
pas être exigé que la halle d'engraissement, nécessaire pour assurer le
maintien de l'exploitation, soit édifiée à un emplacement plus éloigné des
bâtiments existants; en effet, cette activité nécessite la présence d'un
personnel de surveillance. L'implantation prévue pour cette construction
est donc imposée par sa destination au sens de l'art. 24 al. 1 let. a LAT.

    b) L'art 24 al. 1 let. b LAT exige encore qu'aucun intérêt prépondérant
ne s'oppose à la délivrance de l'autorisation. La fondation n'a pas
établi, ni même invoqué précisément, l'existence de tels intérêts, que
ce soit dans son recours adressé au Conseil d'Etat ou dans le présent
recours de droit administratif. Dans sa décision du 10 août 1989 prise en
application de l'art. 24 al. 1 LAT, la direction avait retenu qu'aucun
intérêt prépondérant ne s'opposait à la construction. Cette décision
était fondée sur les préavis favorables de divers services spécialisés,
dont l'Office cantonal de la protection de l'environnement. Dans les
circonstances de l'espèce, il se justifie donc d'admettre que l'exigence
de l'art. 24 al. 1 let. b LAT est remplie.