Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 IA 35



117 Ia 35

8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 janvier 1991
dans la cause Jean-François Frésard contre Chambre administrative du
Tribunal cantonal du canton du Jura (recours de droit public) Regeste

    Wohlerworbene Rechte; ehehafte Weiderechte.

    Der Beschluss der Gemeinde Le Noirmont, das Nutzungsreglement
betreffend die Gemeindeweiden dahin abzuändern, dass der Zugang zu
letzteren künftig auf in der Gemeinde überwinterte Tiere beschränkt
wird, ist verfassungswidrig, soweit er ein neues Erfordernis des
Weidenutzungsrechts (ehehaftes Weiderecht) ohne Anhörung der Berechtigten
einführt. Es besteht kein überwiegendes öffentliches Interesse, das
diese Beschränkung eines wohlerworbenen Rechts zu rechtfertigen vermag
(E. 2 und 3).

Sachverhalt

    A.- Agriculteur à Muriaux, où il dispose d'un domaine de 8,5 hectares,
Jean-François Frésard est également propriétaire de 6,79 hectares de
terres agricoles situées au Peu-Péquignot sur la commune du Noirmont. De
1978 à 1988, il a estivé sur le pâturage communal du Noirmont le nombre de
pièces de bétail correspondant aux encrannes (droit de pacage immémorial)
auxquelles lui donne droit la surface de ses terres cultivées sur le
territoire communal.

    Le 29 février 1988, l'assemblée communale du Noirmont a adopté un
nouveau règlement de jouissance des biens communaux dont l'art. 2 prévoit
que le droit de laisser paître du bétail sur les terres communales
est soumis à la double condition d'exploiter un domaine agricole sur
le territoire communal (lettre a) et d'hiverner le bétail sur ce même
territoire (lettre b).

    Jean-François Frésard, qui hiverne la majorité de son bétail à
Muriaux, s'est opposé en vain à la décision communale en invoquant la
nullité de l'art. 2 lettre b du règlement, contraire, selon lui, à ses
droits acquis. Par arrêt du 15 mars 1990, la Chambre administrative
du Tribunal cantonal du canton du Jura a mis un terme à la procédure
cantonale en rejetant le recours de l'agriculteur; le tribunal a estimé
en substance que l'obligation d'hivernage ne constitue en l'espèce qu'une
modalité réglant l'exercice de la jouissance des biens communaux sans
porter atteinte au droit lui-même; il ne saurait dès lors être question
d'une atteinte aux droits acquis.

    Agissant par la voie du recours de droit public, Jean-François
Frésard demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 15 mars 1990. Il
invoque une violation des art. 4 et 22ter Cst. Le Tribunal fédéral a
admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Les droits d'encrannes en vigueur dans la commune du Noirmont
constituent un droit de pacage qui appartient non seulement aux
personnes domiciliées dans la commune, mais également à celles qui,
ayant élu domicile ailleurs, sont propriétaires de terres cultivées sur
le territoire communal et remplissent les conditions stipulées par la
loi et les règlements du Noirmont. Ces droits de jouissance des pâturages
communaux sont ainsi étroitement liés à la propriété foncière dont dispose
l'ayant droit (Acte de classification de la commune du Noirmont du 16
juin 1875; voir aussi FOLLETÊTE, Us et coutumes des Franches-Montagnes,
in: Revue des juristes bernois 1910 p. 44 et RENNEFAHRT, Die Natur der
Allmend-Nutzungsrechte in den Freibergen, in: Revue des juristes bernois
1922 p. 11 ss).

    S'agissant de la nature des droits d'encrannes, la doctrine les
considère, à juste titre, comme des droits de pacage immémoriaux et leur
applique par conséquent le régime juridique des droits acquis (cf. GRISEL,
Traité de droit administratif, p. 591, RENNEFAHRT, op.cit., p. 15, RHINOW,
Wohlerworbene und vertragliche Rechte, p. 1 ss).

Erwägung 3

    3.- a) Dans le cas particulier, le recourant conteste à la commune
du Noirmont le droit de subordonner les droits d'encrannes auxquels peut
prétendre un propriétaire foncier à la condition que le bétail concerné
ait hiverné précédemment sur le territoire communal. L'intéressé voit
dans cette condition une atteinte inadmissible à ses droits acquis,
contraire à la garantie de la propriété (art. 22ter Cst.) et au principe
de la bonne foi (art. 4 Cst.).

    Il n'est pas contesté que l'obligation d'hivernage n'était pas imposée
aux titulaires des droits d'encrannes dans la commune du Noirmont avant
l'adoption du nouveau règlement (cf. arrêt rendu le 10 mai 1983 par le
Tribunal cantonal jurassien en la cause Brossard, ch. 10). Aucune coutume,
ni aucun texte légal antérieur à la règle litigieuse n'aménageaient de
cette manière les conditions de jouissance du droit de pacage sur le
territoire communal. La commune a par conséquent instauré une nouvelle
modalité pour déterminer les encrannes. Or, selon l'Acte de classification
de la commune du Noirmont de 1875, le mode de jouissance des pâturages
communaux n'est pas "invariable"; il peut "subir des changements
ou modifications ensuite de décisions prises par les ayants droit à
cette jouissance". En d'autres termes, le mode de jouissance du droit
acquis considéré ne peut en principe être modifié qu'après consultation
des propriétaires des terres cultivées de la commune; savoir s'il est
nécessaire, à cette occasion, d'obtenir une approbation de la modification
envisagée à l'unanimité des ayants droit ou simplement à leur majorité
(cf. pour les droits de parcours FOLLETÊTE, op.cit. p. 662) n'a pas à être
tranché dans le cadre du présent litige. Il suffit de constater qu'une
décision de l'assemblée communale sans consultation des ayants droit
ne peut pas changer les modalités du droit d'encrannes (cf. RENNEFAHRT,
op.cit., p. 15).

    Certes, l'Acte de classification réservait également les dispositions
des lois en vigueur et "celles qui à l'avenir pourraient changer l'état
actuel des choses, tant sous le rapport de la jouissance des biens
communaux que sous celui de l'administration en vue de la conservation
de la fortune publique". Il n'est donc pas exclu de considérer qu'une loi
postérieure à l'Acte de classification puisse changer le mode de jouissance
des encrannes. La question peut toutefois demeurer indécise dès lors qu'en
l'occurrence, aucune loi n'apporte de modification au régime juridique
établi pour la jouissance des pâturages communaux. Sous cet angle, le
règlement communal litigieux ne fait pas figure de "loi" au sens de l'Acte
de classification, puisque ce dernier document distingue clairement entre
la loi d'une part et les règlements communaux d'autre part.

    b) Du moment que le droit acquis considéré ne contient pas, tel qu'il
peut être connu par le biais de l'Acte de classification, de clause
particulière permettant à la commune de procéder à une modification
unilatérale de son étendue et de ses conditions d'exercice, il y a lieu
d'examiner si les normes constitutionnelles invoquées par le recourant
ont été violées ou si la commune pouvait s'appuyer sur d'autres règles,
plus générales, pour limiter valablement la portée du droit d'encrannes.

    Sous cet angle, il importe peu de déterminer si, en raison de son
caractère essentiellement réel, le droit acquis invoqué bénéficie de
la garantie de la propriété (art. 22ter Cst.; ATF 101 Ia 447) ou si
son respect est plutôt protégé par le principe de la bonne foi (art. 4
Cst.; ATF 107 Ia 195). Quelle que soit la disposition constitutionnelle
appliquée, il apparaît d'emblée que l'art. 2 lettre b du règlement
litigieux est incompatible avec le régime des droits acquis. Selon la
jurisprudence (ATF 113 Ia 362, 112 Ia 278), la garantie des droits acquis
n'est pas plus étendue que celle de la propriété, de sorte que cette
catégorie de droits peut être limitée sous les mêmes conditions. Ainsi,
que l'on applique l'art. 22ter Cst. ou l'art. 4 Cst., une atteinte aux
droits acquis n'est admise qu'à la condition de s'appuyer sur une base
légale suffisante, de répondre à un intérêt public pertinent, de respecter
le principe de la proportionnalité et de prévoir une indemnisation
totale de l'ayant droit lorsque l'atteinte équivaut à une expropriation
(HÄFELIN/MÜLLER, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, Zurich 1990,
No 773).

    En l'espèce, il apparaît d'emblée que la décision communale ne poursuit
aucun intérêt public prépondérant. On pourrait certes concevoir qu'une
commune ayant à faire face à une motorisation toujours plus poussée des
exploitations agricoles veuille éviter, en introduisant l'obligation
d'hivernage, l'usage des pâturages communaux par des agriculteurs
disposant d'écuries et d'une infrastructure très éloignées de la commune;
il s'agirait là d'une préoccupation d'intérêt public visant à renforcer le
tissu agricole de la corporation publique en favorisant les exploitants
disposant d'une infrastructure complète sur territoire communal. Dans
la même perspective, les arguments relevés par l'autorité intimée selon
lesquels l'obligation d'hivernage permettrait un meilleur contrôle du
bétail séjournant sur territoire communal et, partant, améliorerait la
lutte contre les épizooties ne sont pas dépourvus de sens si l'on admet
que les animaux mis en estivage sur les pâturages communaux viennent
de loin. Il faut toutefois constater qu'en l'occurrence, la commune du
Noirmont n'est pas submergée par la venue d'agriculteurs exploitant des
domaines éloignés du territoire communal. Les 18 bénéficiaires des droits
d'encrannes non domiciliés au Noirmont exploitent leur domaine principal
dans la proximité de la commune et il s'agit bien souvent de domaines
à cheval sur les limites de deux communes. Muriaux, en particulier, où
se situe l'autre partie du domaine du recourant, jouxte le village du
Noirmont au nord.

    Dans ces conditions, vu la proximité des domaines agricoles en
cause, les quelques arguments indiqués précédemment, qui auraient pu,
à la rigueur, fonder un intérêt public à la réglementation litigieuse,
ne peuvent pas prévaloir sur l'intérêt privé important du recourant à
jouir de ses droits sans restriction.

    Du moment que la décision attaquée ne répond pas à un intérêt public
prépondérant, l'atteinte aux droits acquis du recourant n'est pas valable;
partant, il s'avère superflu d'examiner si la restriction en cause
bénéficie d'une base légale suffisante, si elle est proportionnée ou
si, en raison de son contenu, elle équivaut à une expropriation, ce qui
justifierait éventuellement le versement d'une indemnité. Ces questions
peuvent demeurer indécises.

    c) En résumé, il faut constater que l'obligation d'hivernage introduite
par la commune n'est pas prévue dans le droit acquis tel qu'il s'applique
au Noirmont; de plus, les deux clauses d'évolution du droit d'encrannes
contenues dans l'Acte de classification - une décision des ayants droit
ou, éventuellement, une modification subséquente de la loi - ne sont
pas réalisées en l'espèce. Ainsi, à défaut d'utilisation de la procédure
d'adaptation mise en place par l'Acte de classification, l'art. 2 lettre
b du règlement constitue une atteinte au droit acquis considéré.

    Or, ne pouvant en l'espèce se fonder sur un intérêt public suffisant
pour prévaloir sur l'intérêt privé du recourant à user de ses droits
d'encrannes comme par le passé, cette atteinte doit être jugée contraire
à la garantie des droits acquis, offerte par l'art. 4 Cst. ou par
l'art. 22ter Cst. La décision attaquée doit par conséquent être annulée.