Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 IA 297



117 Ia 297

48. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 20 août 1991 dans la
cause D.E. contre S.E. (recours de droit public) Regeste

    Genfer Urteil betreffend Massnahmen zum Schutz der ehelichen
Gemeinschaft. Falsche Rechtsmittelbelehrung; Einsprache erhoben anstelle
einer Berufung.

    1. Unter gewissen Bedingungen schützt der Grundsatz von Treu und
Glauben denjenigen, der sich auf eine falsche Auskunft der Behörde
verlassen hat. Der Irrtum kann in der falschen Angabe des zu ergreifenden
Rechtsmittels bestehen (E. 2).

    2. Da Art. 363 der Genfer ZPO nicht in klarer Weise das Säumnisurteil
bei einem Entscheid betreffend Eheschutzmassnahmen ausschliesst und damit
auch nicht die Einsprachemöglichkeit, konnten sich die Partei und deren
Bevollmächtigter darauf verlassen, dass dieses irrtümlicherweise von
der Behörde angegebene Rechtsmittel zur Verfügung steht. Umdeutung der
irrtümlichen Rechtsvorkehr? (E. 3).

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Selon la décision attaquée, l'opposition au jugement de mesures
protectrices de l'union conjugale n'était pas recevable. Seul l'appel
l'était (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET, note 2 ad art. 78), avant comme après les
modifications de la loi genevoise de procédure civile entrées en vigueur
les 1er janvier 1982 et 1er août 1987 (SJ 1973 p. 12 ss; 1988 p. 638).

    Il s'agit donc de savoir si le recourant - respectivement son conseil -
pouvait se fier à l'indication erronée du tribunal ou de son greffe et
suivre la voie de l'opposition, puis de rechercher le cas échéant les
conséquences de son erreur.

    Découlant directement de l'art. 4 Cst. et valant pour l'ensemble
de l'activité étatique (ATF 107 Ia 211 consid. 3a), le principe de la
bonne foi donne au citoyen le droit d'être protégé dans la confiance
légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités (ATF 108
Ib 385 consid. b, 105 Ib 159 consid. b, 103 Ia 508). Il le protège donc
lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou
un comportement déterminé de l'administration. Entre autres conditions -
cumulatives - auxquelles la jurisprudence subordonne le recours à cette
protection (ATF 109 V 55 consid. 3a), il faut que l'administré ait eu de
sérieuses raisons de croire à la validité des assurances et du comportement
dont il se prévaut et qu'il ait pris sur cette base des dispositions qu'il
ne pourrait modifier sans subir un préjudice (ATF 104 Ib 237 consid. 4,
103 Ia 114, 508 et les arrêts cités).

    Lorsque ces conditions sont réunies, le principe de la bonne foi
l'emporte sur celui de la légalité (ATF 112 Ia 355 consid. cc, 107 V 160
consid. 2) et permet au justiciable de se prévaloir, en particulier, d'une
indication erronée de l'autorité quant au délai de recours, s'il pouvait,
dans les circonstances concrètes de l'espèce, s'y fier de bonne foi (ATF
113 Ia 229, 112 Ia 310 consid. 3, 111 Ia 357 et les arrêts cités). Même
tardif, son recours doit alors être déclaré recevable, conformément à la
règle des art. 38 PA et 107 al. 3 OJ, qui est de portée générale (ATF
105 Ib 160 consid. 5, 100 Ib 457/458 consid. 3a, 96 II 72, 96 III 99)
et selon laquelle la fausse indication des voies de recours n'entraîne
aucun préjudice pour les parties.

    La protection de la bonne foi n'est exclue que si l'erreur - ainsi sur
la compétence (ATF 108 Ib 385 consid. b) - est clairement reconnaissable,
en raison d'éléments objectifs (la nature de l'indication fournie et le
rôle apparent de celui dont elle émane) et subjectifs (la position ou la
qualité de l'administré ou du justiciable concerné). S'agissant des voies
et formes de recours, une plus grande sévérité serait certes de mise à
l'endroit d'un homme de loi qu'à l'égard d'un simple particulier: il n'y
a pas de protection pour la partie dont l'avocat eût pu déceler l'erreur
à la seule lecture du texte légal, sans recourir à la jurisprudence ou
à la doctrine (ATF 112 Ia 310, 106 Ia 16 ss consid. 3 et les arrêts cités).

    L'erreur peut consister - outre l'absence d'une "Rechtsmittelbelehrung"
obligatoire - dans l'indication fausse, peu claire ou équivoque de
l'autorité compétente ou du délai à respecter, mais aussi de la voie
à suivre (ATF 114 Ib 46 consid. Ia), ici l'appel ou l'opposition. En
revanche, le renseignement ne peut évidemment créer un recours qui
n'existe pas (ATF 108 III 26, 111 Ib 153). Mais le remède peut varier
(délai respecté ou restitution, transmission à l'autorité compétente,
etc.). Le principe est que la possibilité de recourir ne saurait être
restreinte ni écartée; l'administré ou le justiciable ne doit pas subir
un dommage.

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, l'indication de la voie de recours émanait du Tribunal
de première instance ou de son greffe et elle était annexée au jugement,
désigné comme rendu par défaut. Elle était inexacte selon la jurisprudence
et la doctrine genevoises.

    a) L'argument de la cour cantonale, selon laquelle le recourant
ne subit aucun préjudice, est manifestement insoutenable. En effet,
si le mémoire du recourant est considéré comme une requête de nouvelles
mesures protectrices de l'union conjugale, celles qui ont été prises le
1er novembre 1990 subsisteront, en principe, et pour le moins, jusqu'à la
date du dépôt dudit mémoire, le 7 décembre suivant (cf. pour les mesures
provisoires dans le divorce: SJ 1954 p. 486; 1961 p. 49). Les art. 173
al. 3 et 176 al. 1 ch. 1 CC et leur interprétation récente (ATF 115 II 201,
114 II 18 et 26) ne sauraient écarter l'autorité d'une première décision
restée inattaquée. Il s'ensuit que la solution de la cour cantonale laisse
un dommage réel à la charge du recourant.

    b) Il faut ensuite se demander si le recourant et son avocat avaient
des raisons sérieuses de mettre en doute, dans le délai utile, la validité
des renseignements que la décision de première instance leur donnait.

    Le mandataire affirme, sans être contredit, qu'il a été consulté
deux jours seulement avant l'expiration du délai d'opposition. Et, selon
la décision attaquée, le texte de l'art. 363 PC gen. n'exclut pas de
manière limpide le prononcé d'un jugement par défaut, et donc la voie de
l'opposition. On peut concéder à l'intimée que si, pour connaître l'effet
de l'absence de comparution, l'art. 363 PC gen. n'est pas décisif dans son
texte, l'art. 365 PC gen. en revanche, dans le même chapitre IV des mesures
protectrices et autres interventions en matière d'union conjugale, ouvre
expressément la seule voie de l'appel, et sans doute pas par inadvertance,
d'autant que, pour de nombreuses autres procédures spéciales du titre XVI,
la loi genevoise prévoit et règle la procédure d'opposition (chap. I-III
et V-VII par exemple, art. 332-334, 340, 354, 368, 376 al. 4, 395 et 396
PC gen.). Il n'en demeure pas moins que, dans les seuls deux jours dont
il disposait pour défendre les intérêts de son client, le mandataire du
recourant pouvait, vu le silence du texte de l'art. 363 PC gen., se fier
à l'indication de la décision à attaquer, alors que la voie indiquée est
la règle en cas de non-comparution, qu'elle est prévue dans de nombreuses
procédures spéciales, que la jurisprudence genevoise a dû clarifier la
situation, enfin et surtout que le tribunal lui-même a estimé opportun
de donner des directives aussitôt après sa propre décision, qui exprimait
un avis contraire.

    c) Il est vrai que le mandataire du recourant était enfin au clair
lorsqu'il écrivit à la Cour de justice le 28 janvier 1991. Il eût donc pu
former appel, tardivement certes, mais avec l'espoir certain qu'on ne lui
en tiendrait pas rigueur et que la cour cantonale entrerait en matière
sur ce second recours, après avoir considéré le délai comme respecté ou
sinon restitué. Mais le tribunal lui avait communiqué que son mémoire
avait été transmis à la Cour de justice "pour des motifs de compétence"
et le conseil du recourant demandait précisément à celle-ci, dans ladite
lettre, d'"examiner ce qu'il en est afin que les parties puissent,
le cas échéant, être convoquées". Or, il ne reçut pas de réponse, mais
seulement la décision attaquée céans. En revanche, le dossier cantonal
contient une formule adressée le 1er février 1991 par le greffe de la
Cour à celui du Tribunal de première instance pour l'aviser "que par
acte déposé le 7.12.90, à la requête de D. E., il a été interjeté appel
du jugement du 1er novembre 1990 rendu entre lui et S. E.". Tant le
tribunal que la cour avaient donc considéré - du moins de prime abord -
le mémoire d'opposition (laquelle ressortit à la compétence du premier)
comme un appel (de la compétence de la seconde).

    De fait, la question de la conversion de l'acte se posait. C'était
un premier remède envisageable à l'erreur commise dans le dispositif de
la décision du tribunal et l'indication de la voie de recours. La cour
cantonale ne l'a pas examinée. Sa décision doit dès lors être annulée et
la cause renvoyée pour nouveau jugement. Il ne paraît guère admissible
en soi que l'on puisse reprocher au recourant de n'avoir pas respecté
les formes de l'appel, car ce serait seulement un effet des erreurs du
tribunal. Au demeurant, contrairement à l'avis de l'intimée, il n'est pas
du tout certain que dans le mémoire en opposition ne figurent pas "les
griefs de fait et de droit" requis par l'art. 300 al. 1 let. c PC gen.,
alors que l'opposition "contient ... l'exposé des faits" et "mentionne
en outre les moyens de droit" (art. 88 al. 1 let. c et al. 2 PC gen.).

    Si la conversion n'était pas possible, la cour cantonale devrait
rechercher un autre moyen de sauvegarder les droits légitimes du recourant,
éventuellement par la restitution du délai d'appel, à l'instar par exemple
du délai d'opposition lorsqu'à raison "d'autres circonstances de force
majeure", le défaillant n'a pu "former opposition dans le délai fixé"
(art. 86 al. 1 PC gen.) ou encore de la règle de l'art. 35 OJ, applicable
aussi aux délais fédéraux légaux (ATF 85 II 46) et qui peut apparaître
comme la conséquence d'un principe général (POUDRET, Commentaire de la
loi fédérale d'organisation judiciaire, Berne 1990, vol. I, p. 288).