Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 IA 221



117 Ia 221

37. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 29 mai 1991 dans la cause
République et canton de Genève contre Confédération suisse (réclamation
de droit public) Regeste

    Art. 3 und Art. 11 der Verordnung vom 5. März 1990 über die Behandlung
von Staatsschutzakten des Bundes; Kompetenzkonflikt.

    1. Gegenstand des vorliegenden Verfahrens der staatsrechtlichen Klage
bildet einzig die Frage, ob die streitige Kompetenz dem Bund oder den
Kantonen zukomme. Es ist insbesondere nicht zu prüfen, ob die Verordnung
mit den verfassungsmässigen Rechten im Einklang steht (E. 1b).

    2. Zur Wahrung der innern und äussern Sicherheit verfügt der Bund
über eine ungeschriebene Zuständigkeit, welche kantonale Kompetenzen auf
dem gleichen Gebiet ausschliesst (E. 3).

    3. Diese Zuständigkeit umfasst auch die Kompetenz, über die Behandlung
der Staatsschutzakten zu befinden. Die streitige Verordnung, welche die
Einsicht der Betroffenen umschreibt, das Einsichtsverfahren regelt und
auch die von den kantonalen Behörden im Auftrag des Bundes angelegten
Akten mit einbezieht (Art. 3 und 11), wahrt den Zuständigkeitsbereich
des Bundes (E. 4).

Sachverhalt

    A.- La Commission parlementaire chargée d'enquêter sur les événements
survenus au Département fédéral de justice et police a déposé son rapport
le 22 novembre 1990, qui traite notamment des activités de police
politique de la Confédération. Elle a insisté sur la protection des
droits fondamentaux et des libertés individuelles lors de la collecte
et l'exploitation de données personnelles, sur la nécessité d'accorder
aux intéressés un droit de consultation et de rectification, et sur la
possibilité de recourir à une autorité judiciaire. Le Conseil fédéral a
été prié, par la voie d'une motion, de soumettre ou d'édicter sans délai
des dispositions sur la protection des données (FF 1990 I p. 593 ss, 785,
805-806, 842).

    Le 5 mars 1990, le Conseil fédéral a édicté une ordonnance relative
au traitement des documents de la Confédération établis pour assurer
la sécurité de l'Etat (ci-après: l'ordonnance; RO 1990 p. 386 ss; RS
172.014). Cette ordonnance institue notamment un préposé spécial chargé
de garder et de trier les documents, et de statuer sur les demandes
de consultation (ci-après: le préposé spécial). Les art. 3 et 11 de
l'ordonnance ont la teneur suivante:

    Art. 3. Définitions

    On entend par documents établis pour assurer la sécurité de l'Etat au
   sens de la présente ordonnance (ci-après: les documents) les
   informations, classées d'après les personnes concernées, qui se
   trouvent dans les fichiers et les dossiers du Ministère public de la
   Confédération ainsi que dans ceux des services spéciaux ou des services
   de renseignements des cantons lorsque ceux-ci agissent sur mandat de
   la Confédération.

    Art. 11

    Lorsqu'une personne concernée adresse à des autorités cantonales une
   demande d'autorisation de consulter les documents qu'elles ont élaborés
   sur mandat du Ministère public de la Confédération, les autorités
   cantonales transmettent cette demande au préposé spécial. Si le
   canton détient une fiche contenant des inscriptions relatives à des
   documents du

    Ministère public de la Confédération, la fiche sera jointe à la
demande.

    Sont considérés comme documents du Ministère public de la
Confédération,
   les documents que les autorités cantonales ont adressés à la police
   fédérale et que celle-ci ne leur a pas retournés, ainsi que les travaux
   préliminaires ayant conduit à l'élaboration de ces documents.

    Le préposé spécial indique aux services spéciaux ou aux services de
   renseignements des cantons quels documents doivent être retirés
   ou détruits. Les documents que les cantons ne détruisent pas sont
   considérés comme documents cantonaux. Leur traitement est régi par le
   droit cantonal.

    B.- La loi genevoise du 29 septembre 1977 sur les renseignements
et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne
vie et moeurs a été modifiée le 11 février 1989 pour être adaptée à la
jurisprudence récente du Tribunal fédéral relative au droit de consulter
les données personnelles contenues dans les dossiers de police et d'obtenir
la rectification ou la radiation des données inexactes (ATF 113 Ia 1,
257). Son art. 1er al. 1 et 2 et son art. 3 ont la teneur suivante:

    Art. 1er. Constitution des dossiers de police. Principe. Données
   personnelles.

    La police organise et gère les dossiers et fichiers en rapport avec
   l'exécution des tâches lui incombant aux termes de l'art. 3 de la loi
   sur la police du 26 octobre 1957.

    Les dossiers et fichiers de police peuvent comporter des données
   personnelles, pour autant que celles-ci soient nécessaires à l'exécution
   desdites tâches, en particulier en matière de répression des infractions
   ou de prévention des crimes ou délits.

    Art. 3 A. Droit d'accès. Droit aux renseignements, rectification et
   radiation de données inexactes.

    Toute personne a le droit d'être renseignée sur les données
personnelles
   la concernant qui sont contenues dans des dossiers et fichiers de
   police et en (sic) requérir la rectification ou la radiation lorsque
   celles-ci sont inexactes. Le droit d'être renseigné sur les données
   personnelles s'étend à l'usage qui en est fait.

    Selon l'art. 3 B de la loi, le chef de la police statue sur les
demandes de renseignements, de rectification ou de radiation, le recours
étant ouvert auprès du président de la Chambre d'accusation (art. 3 C).

    Selon l'art. 3 de la loi genevoise sur la police, les compétences
de cette dernière s'étendent aux activités de police judiciaire,
administrative, rurale et des étrangers, ainsi qu'à la sauvegarde de la
tranquillité, de la sécurité et de l'ordre publics.

    C.- Les autorités genevoises ont été saisies de très nombreuses
demandes fondées sur cette loi, tendant à la consultation de dossiers de
police, contenant notamment les renseignements ayant trait à la protection
de l'Etat recueillis dans le cadre du mandat général donné par le Ministère
public de la Confédération; des décisions refusant l'accès à ces documents
ont été portées devant la Chambre d'accusation.

    Afin de déterminer l'autorité compétente pour statuer sur la remise
de ces documents, le chef de la police genevoise s'est adressé au préposé
spécial. Ce dernier a fait savoir, le 28 mai 1990, que les documents en
question, établis pour le compte de la police fédérale, étaient propriété
de la Confédération, et que lui seul était compétent pour rendre une
décision relative à leur consultation.

    D.- Agissant par la voie d'une réclamation de droit public, le canton
de Genève soumet au Tribunal fédéral les conclusions suivantes:

    "Constater l'existence d'un conflit positif de compétences législatives
   en matière de réglementation des dossiers de police relatifs à la
   sécurité de l'Etat élaborés par la police genevoise et se trouvant en
   ses mains, conflit résultant de l'adoption par le Conseil fédéral des
   articles 3 et

    11 de l'ordonnance du 5 mars 1990 relative au traitement des
documents de
   la Confédération établis pour assurer la sécurité de l'Etat.

    Dire que la Confédération a usurpé la compétence législative
fédérale au
   détriment du canton de Genève en réglementant notamment le droit
   d'accès des citoyens à ces dossiers de police se trouvant en mains
   des autorités cantonales.

    Annuler les articles 3 et 11 de l'ordonnance du Conseil fédéral du
5 mars

    1990 relative au traitement des documents de la Confédération
établis pour
   assurer la sécurité de l'Etat.

    Débouter la Confédération de toutes autres ou contraires conclusions."

    Invitée à présenter ses observations, la Confédération a, dans un
"contre-mémoire" du 22 août 1990, pris les conclusions suivantes:

    1. Déclarer que ... le Conseil fédéral a la compétence d'édicter
les règles relatives au traitement des documents de la Confédération
établis pour assurer la sécurité de l'Etat, notamment en ce qui concerne
l'autorisation de consulter lesdits documents.

    2. Déclarer que le Conseil fédéral a la compétence de qualifier de
documents de la Confédération établis pour assurer la sécurité de l'Etat
toutes les informations qui se trouvent dans les fichiers et les dossiers
du Ministère public de la Confédération, ainsi que ceux des services
spéciaux ou des services de renseignements des cantons, lorsque ceux-ci
agissent sur mandat de la Confédération.

    3. Déclarer que le préposé spécial au traitement des documents établis
pour assurer la sécurité de l'Etat est compétent ... pour autoriser la
consultation desdits documents.

    4. Rejeter intégralement la réclamation de droit public déposée par
la République et canton de Genève.

    Dans sa réplique, le canton de Genève demande que le Tribunal fédéral
procède sur place à l'examen des documents se trouvant en mains des
autorités genevoises "afin de saisir quelle est la véritable nature des
informations recueillies par la police genevoise ...". La Confédération
s'y est opposée.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition
si et, le cas échéant, dans quelle mesure la présente réclamation de
droit public est recevable (ATF 106 Ib 158 consid. 1b, 103 Ib 249).

    a) Selon l'art. 83 let. a OJ, identique dans ses termes à l'art. 113
al. 1 ch. 1 Cst., la voie de la réclamation de droit public est ouverte
pour les conflits de compétence entre autorités fédérales d'une part et
autorités cantonales d'autre part. Cette voie de droit est ainsi ouverte
lorsqu'il y a désaccord entre un canton et la Confédération au sujet de
la délimitation de leurs attributions respectives, qu'il s'agisse d'un
conflit de compétence positif ou négatif (ATF 108 Ib 395).

    Le présent litige résulte de la réglementation, concurremment adoptée
par le Conseil fédéral et le canton de Genève, concernant le droit des
particuliers de consulter les données rassemblées à leur sujet par ce
canton en vue d'assurer la sécurité de la Confédération. En tant qu'elle
vise à résoudre un tel conflit, la réclamation est en soi recevable,
le canton de Genève ayant un intérêt juridique évident au règlement du
différend qui l'oppose à la Confédération. La réclamation n'est soumise
à aucun délai (ATF 74 I 29).

    b) Dans son "contre-mémoire", la Confédération a pris différentes
conclusions dont les trois premières semblent concerner, dans une certaine
mesure, la validité matérielle de l'ordonnance du 5 mars 1990, notamment
l'existence d'une base légale suffisante, et paraissent donc aller au-delà
d'une simple proposition de rejet. Il n'est toutefois pas nécessaire
d'examiner si la Confédération a ainsi entendu élever une réclamation de
droit public ayant une portée propre, car, comme on le verra, de telles
conclusions seraient irrecevables dans le cadre du présent litige.

    En présence d'un conflit entre la Confédération et un canton
relativement soit à la législation (AUBERT, Traité de droit constitutionnel
suisse, Neuchâtel 1967, No 1621), soit à une décision, le Tribunal fédéral
doit examiner uniquement si l'ordre de répartition des compétences
au sein de l'Etat fédéral a été respecté (HALLER, Commentaire de la
Constitution fédérale de la Confédération suisse; ad art. 113 Cst., No 14),
c'est-à-dire à laquelle des deux collectivités, fédérale ou cantonale,
appartient la compétence litigieuse. Le rôle du Tribunal fédéral se borne
à déterminer la collectivité qui, dans un domaine particulier, se trouve
en "droit d'agir" (SALADIN, Commentaire, ad art. 3 No 79). Il n'a pas
à rechercher en outre, au sein de la collectivité compétente, de quel
organe (législatif ou exécutif) devait émaner l'acte normatif litigieux
(BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, Zurich 1950, p. 285, 291 let. b). En
outre, si un examen matériel de l'ordonnance litigieuse est nécessaire
(infra consid. 4a) afin de déterminer si la Confédération est restée dans
le cadre de sa compétence (BIRCHMEIER, op.cit., p. 293-294; HUBER, Der
Kompetenzkonflikt zwischen dem Bund und den Kantonen, thèse, Berne 1926,
p. 60 ss), le Tribunal fédéral n'a pas non plus, dans le cadre du présent
litige, à examiner la conformité matérielle de cet acte avec l'ensemble
de la Constitution, en particulier avec les droits constitutionnels des
citoyens; la question de savoir si, à cet égard, l'ordonnance du Conseil
fédéral repose sur une base légale suffisante (principe de la légalité) ou
si, de manière générale, l'activité de police politique de la Confédération
repose sur un tel fondement, n'a pas à être examinée dans le cadre de la
présente procédure. Par conséquent, les conclusions de la Confédération,
visant à ce que soient constatées d'une part la compétence du Conseil
fédéral pour édicter l'ordonnance litigieuse (ch. 1 et 2), et, d'autre
part, la compétence du préposé spécial pour statuer sur les demandes de
consultations (ch. 3), sont irrecevables dans la mesure où elles vont
au-delà d'une simple proposition de rejet, figurant déjà sous ch. 4 de
ses conclusions.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 3 Cst., les cantons sont souverains
en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution
fédérale, et, comme tels, ils exercent en principe tous les droits
qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. L'art. 3 Cst. n'est pas
une règle de conflit; il ne fait qu'instituer une compétence générale
et résiduelle des cantons (SALADIN, op.cit., No 78, 121). Le partage
des compétences entre autorités fédérales et cantonales est opéré,
sans lacunes, par le droit constitutionnel fédéral écrit, notamment le
chapitre premier de la Constitution (BRIDEL, Précis I, p. 164, AUBERT,
op.cit., No 615). En outre, les textes attributifs de compétences ne
sont pas d'interprétation littérale; ils doivent être interprétés selon
les méthodes ordinaires. En particulier, il n'est pas nécessaire que les
compétences fédérales se fondent sur un texte exprès, la Confédération
ayant aussi des compétences "tacites" (AUBERT, op.cit., No 615 ss, 633,
HANGARTNER, Die Kompetenzverteilung zwischen Bund und Kantone, Berne 1974,
p. 69, 73). Ces dernières comprennent les pouvoirs inhérents, soit ceux
qui reviennent naturellement à l'Etat central, par son essence même, et
les compétences implicites, c'est-à-dire celles qui sont étroitement liées
à l'exercice d'une autre compétence (SALADIN, op.cit., No 125 ss). Enfin,
la question de savoir si une compétence est exclusive ou concurrente doit,
elle aussi, être résolue par la voie de l'interprétation (SALADIN, op.cit.,
No 185 in fine).

Erwägung 3

    3.- a) La doctrine reconnaît d'une manière générale à la Confédération
certaines compétences dites inhérentes, liées à sa souveraineté (SALADIN,
op.cit., No 125 ss). En effet, l'existence même d'un Etat suppose que
celui-ci puisse se défendre contre les atteintes susceptibles de lui être
portées. Aussi est-il dans la nature des choses que la Confédération
veille à sa sûreté extérieure et intérieure (AUBERT, Traité de droit
constitutionnel suisse, supplément 1967-1982, No 616, op.cit., No 632;
HANGARTNER, op.cit., p. 69 ss); il faut même y voir l'accomplissement
d'une "tâche primaire de la Confédération" (EICHENBERGER, Commentaire,
ad art. 102 Cst., No 149).

    b) Ces pouvoirs inhérents trouvent leur expression dans différentes
dispositions constitutionnelles. Sans doute l'art. 2 Cst., donnant
notamment pour but à la Confédération d'assurer l'indépendance de la patrie
contre l'étranger et de maintenir la tranquillité et l'ordre intérieurs,
est-il trop général pour fonder une compétence de la Confédération
(AUBERT, op.cit. (1967), No 617 s.). En revanche, selon l'art. 85 ch. 6
et 7 Cst., les mesures pour la sûreté extérieure et intérieure, ainsi
que pour le maintien de la tranquillité et de l'ordre rentrent dans les
attributions de l'Assemblée fédérale. De même, selon l'art. 102 ch. 9
et 10 Cst., le Conseil fédéral doit veiller à la sûreté extérieure de
la Suisse, à sa sûreté intérieure, au maintien de la tranquillité et de
l'ordre. La question de savoir si, et à quelles conditions, l'Assemblée
fédérale, respectivement le Conseil fédéral, peuvent s'appuyer sur ces
dispositions pour édicter des normes dans ces domaines n'a, on l'a vu
(cf. aussi MOOR, Droit administratif, Berne 1988, p. 183; SCHELBERT,
Die rechtliche Bewältigung ausserordentlicher Lagen im Bund, thèse,
Berne 1986, par. 12 VIII 1), pas à être tranchée dans le cadre du
présent litige relatif à la compétence; il suffit de constater que les
règles constitutionnelles précitées sont le reflet d'une attribution de
compétence en faveur de la Confédération.

    c) L'adoption par la Confédération de différents actes normatifs se
rapportant à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat montre que
le législateur fédéral s'est aussi fondé sur l'existence de pouvoirs
inhérents de la Confédération dans ce domaine. Or, la manière dont la
Constitution a été comprise, à l'occasion de son application, est un
élément à prendre en considération lors de son interprétation.

    Instituée pour la première fois par les art. 43 à 46 de la loi fédérale
du 5 juin 1849 sur l'organisation judiciaire, puis supprimée par un arrêté
fédéral de portée générale du 23 septembre 1856, la fonction de Procureur
général de la Confédération a été rétablie par une loi fédérale du 28 juin
1889 (RS I, p. 379). Selon l'art. 3 de cette loi, ce fonctionnaire était
chargé de surveiller la police des étrangers pour les actes compromettant
la sécurité extérieure ou intérieure de la Suisse, ainsi que des enquêtes y
relatives; lui revenaient d'autres tâches dans le domaine pénal incombant
au Département fédéral de justice et police. Dans son message à l'appui
de cette loi, le Conseil fédéral avait souligné que le développement des
enquêtes de nature politique avait révélé les carences de l'organisation
policière, empêchant notamment la répression des infractions politiques
(FF 1889 III p. 794).

    Par la suite, une loi sur la protection de l'ordre public, réprimant
les menées contre la discipline militaire ainsi que le service de
renseignements politiques pour l'étranger, a été refusée en votation
populaire le 11 mars 1934.

    Le 21 juin 1935, l'Assemblée fédérale a adopté un arrêté fédéral urgent
tendant à garantir la sûreté de la Confédération, qui réprimait les actes
officiels exécutés sans droit pour un Etat étranger ainsi que le service
de renseignements politiques, militaires et économiques dans l'intérêt
de l'étranger. Fondé sur les art. 2, 64bis, 85 ch. 6 et 7 et 102 ch. 9
et 10 Cst., cet arrêté prévoit notamment à son art. 8 le renforcement
du Ministère public fédéral par l'attribution du personnel nécessaire,
"afin de lui permettre d'assurer de manière uniforme le service des
enquêtes et des informations dans l'intérêt de la sûreté intérieure et
extérieure de la Confédération". Dans son message à l'appui de cet arrêté,
le Conseil fédéral expliquait qu'il n'entendait pas créer un corps de
police fédéral destiné à assurer l'ordre, ni à instituer une police
d'Etat qui remplirait sa mission de manière indépendante, sans entrer
en rapport avec celles des cantons; il s'agissait simplement d'assurer
une collaboration efficace entre les ministères publics fédéral et
cantonaux dans le domaine de la police politique, afin de permettre au
Conseil fédéral de remplir la mission que lui confère l'art. 102 ch. 8
à 10 Cst. Bien que certains cantons se soient déjà dotés d'organes de
police aptes à conduire les recherches nécessaires, le Conseil fédéral
estimait indispensable que toutes les forces de police collaborent sous
une direction unique lorsque des investigations dictées par le souci de la
sûreté extérieure et intérieure présentaient un intérêt pour l'autorité
fédérale (FF 1935 745 ss, 746, 750-752). Cet arrêté a été abrogé par la
loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (art. 169;
RO 1944 271, 325); son art. 8 précité a été intégré à l'art. 17 al. 3 de
la loi sur la procédure pénale fédérale (PPF).

    Les compétences de la Confédération en matière de sûreté intérieure
et extérieure sont également évoquées à l'appui de l'arrêté du Conseil
fédéral du 29 avril 1958 concernant le Service de police du Ministère
public fédéral, dont le préambule mentionne notamment les art. 70 et
102 ch. 8 à 10 Cst. et 17 PPF. Le projet d'arrêté fédéral concernant
l'aide à la Police mobile intercantonale, du 4 juin 1969, se fondait sur
l'art. 86 ch. 7 Cst. (RO 1969 p. 533). Enfin, le projet de loi fédérale sur
l'accomplissement des tâches de la Confédération en matière de police de
sécurité, selon laquelle les cantons devaient mettre à la disposition de
la Confédération les forces de police nécessaires en matière de sécurité,
notamment en vue de la lutte contre le terrorisme, est fondé uniquement
sur la "compétence de la Confédération dans le domaine de la police de
sécurité" (FF 1978 I 640). Dans son message, le Conseil fédéral insiste
sur l'existence de certaines compétences de la Confédération, écrites ou
non, en matière de police.

    d) L'interprétation de la Constitution, notamment à la lumière
des actes normatifs adoptés successivement par la Confédération en vue
d'assurer sa propre sécurité, démontre donc que, dans cette matière, la
Confédération dispose d'une compétence originaire implicite, excluant,
en vertu de l'art. 3 Cst., celle - même résiduelle - des cantons dans le
même domaine; il n'est dès lors pas nécessaire de rechercher en l'état
si la Confédération a valablement exercé sa compétence.

    e) Certes, les cantons ont eux aussi, en vertu de leur souveraineté, le
devoir d'assurer la sécurité sur leur territoire (MOOR, op.cit., p. 388),
de sorte que, comme le relève le canton de Genève, ils disposent,
en matière de police, de compétences propres parallèles (AUBERT,
op.cit. (1967), No 707; SALADIN, op.cit., Nos 132 et 208). Ainsi, dans son
message à l'appui de l'arrêté fédéral du 21 juin 1935, le Conseil fédéral
soulignait qu'il n'était pas question de "supprimer la police politique
des cantons" (FF 1935 I p. 745). De même, dans son message relatif à la
loi fédérale précitée sur l'accomplissement des tâches de la Confédération
en matière de police de sécurité (FF 1978 I p. 640), il précise que "pour
des raisons d'ordre politique tenant à la structure fédéraliste du pays,
la Confédération fera preuve de retenue chaque fois que ses attributions
risqueront de se heurter à la souveraineté des cantons en matière de
police, voire d'empiéter sur leurs prérogatives" (FF 1977 II p. 1249-1251).

    C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient de déterminer,
dans le cadre du présent litige, à quelle collectivité incombe la
compétence de réglementer le droit de consultation des documents établis
pour assurer la sécurité de la Confédération.

Erwägung 4

    4.- L'Etat de Genève soutient qu'il était de sa compétence de
réglementer la consultation de tous les documents qu'il détient, y compris
ceux établis sur mandat du Ministère public fédéral.

    a) Les documents dont le traitement est réglé par l'ordonnance
litigieuse sont, d'après son art. 3, les informations, classées d'après les
personnes concernées, qui se trouvent dans les fichiers et les dossiers
du Ministère public de la Confédération ainsi que dans ceux des services
spéciaux ou des services de renseignements des cantons lorsque ceux-ci
agissent sur mandat de la Confédération. Destiné à assurer le service des
enquêtes et des informations dans l'intérêt de la sûreté intérieure et
extérieure de la Confédération, le Service de police du Ministère public
fédéral est chargé de la surveillance et de la prévention d'actes de nature
à mettre en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Confédération
(police politique), ainsi que des recherches de la police judiciaire dans
la poursuite des infractions contre la sûreté intérieure ou extérieure
de la Confédération (police judiciaire; art. premier de l'arrêté du
Conseil fédéral du 29 avril 1958 concernant le Service de police du
Ministère public fédéral, RS 172.213.52). Les fiches et dossiers ainsi
constitués contiennent des données utiles à la lutte contre le terrorisme,
l'espionnage, l'extrémisme violent et le crime organisé (cf. art. 4 al. 2
in fine, 5 al. 3 let. a de l'ordonnance), ainsi que des secrets pouvant
intéresser des services étrangers de renseignements et de sécurité.

    b) Dans le cadre de la présente contestation, le Tribunal fédéral
n'a pas, on l'a vu, à statuer sur l'admissibilité de ces activités de
police politique, au regard notamment des droits constitutionnels des
citoyens (supra consid. 1b); il n'a à trancher qu'une pure question de
compétences. Or, telles qu'elles sont définies par l'ordonnance litigieuse,
les données dont la consultation est réglementée concernent en premier lieu
la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération, domaine qui relève
de sa propre compétence (supra consid. 3). En outre, ces renseignements
visent des domaines qui, par leur nature et leur importance, doivent être
traités de manière centralisée par la Confédération. Dès lors, quand bien
même les renseignements qui y figurent peuvent aussi intéresser les cantons
dans le cadre de leur propre police, il convient de considérer qu'en
établissant certains documents sur mandat du Ministère public fédéral,
ceux-ci ont exécuté une tâche appartenant à la Confédération (AUBERT,
op.cit., No 708 ss).

    c) Ainsi définie, la compétence de la Confédération pour
l'établissement des documents destinés à assurer sa sécurité implique
également celle d'en définir le traitement, c'est-à-dire, d'une part,
l'étendue du droit de consultation des particuliers et, d'autre part, les
procédures de traitement et de consultation. En matière de consultation
également, il convient d'assurer une pratique uniforme, et d'établir une
certaine centralisation. L'institution d'un préposé spécial, chargé de la
garde (art. 4 al. 1), du tri (art. 4 al. 2), et de statuer en première
instance sur les demandes de consultation (art. 5 ss) reste dans les
limites des compétences fédérales. Pour les motifs évoqués ci-dessus,
cette compétence s'étend aux documents établis par les cantons sur mandat
du Ministère public fédéral (cf. art. 11).

    d) Sur le vu de ce qui précède, la Confédération est restée,
en adoptant l'ordonnance litigieuse, dans le cadre de sa compétence
inhérente, non écrite, en matière de sûreté intérieure et extérieure. Cette
compétence impliquant celle de réglementer l'accès par les particuliers
aux renseignements récoltés en vue d'assurer la sécurité de l'Etat,
l'ordonnance est ainsi fondée sur un "pouvoir implicite du second degré"
(cf. SALADIN, op.cit., No 132).

Erwägung 5

    5.- La réclamation de droit public du canton de Genève doit par
conséquent être rejetée sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen
des documents se trouvant en mains des autorités genevoises; une telle
mesure probatoire ne serait en effet pas propre à prouver des faits
pertinents. Vu la nature du litige, il convient de ne pas percevoir de
frais de justice.