Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 117 IA 170



117 Ia 170

29. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 27 juin 1991 dans
la cause X. contre Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de la Gruyère, Y. et consorts (recours de droit public) Regeste

    Art. 58 Abs. 1 BV und 6 Ziff. 1 EMRK; Anspruch auf einen unparteiischen
Richter.

    1. Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts bei Beschwerden wegen Verletzung
der Garantie des verfassungsmässigen Richters (E. 1).

    2. Das zwischen zwei Schwägern bestehende Verhältnis ist derart, dass
ein Richter sich in den Ausstand zu begeben hat bzw. abgelehnt werden kann,
wenn er einen Entscheid zu fällen hat, der Einfluss auf ein Verfahren
haben kann, in das der Ehemann der Schwester seiner Frau verwickelt ist;
im konkreten Fall ist diese Gefahr umso grösser als der besagte Ehemann
der Schwester Anwalt ist und selbst verantwortlich ist für Handlungen,
die im Zusammenhang stehen mit solchen, weswegen der beschuldigte
Beschwerdeführer in Untersuchungshaft genommen wurde (E. 2 und 3).

Sachverhalt

    A.- Le 27 janvier 1987, X., son épouse et Y. ont constitué une société
dont le but est la décoration d'intérieur, l'achat et la vente de mobilier,
d'objets d'art et de décoration, et dont le capital social est de 100'000
francs, divisé en nonante actions nominatives de 1'000 francs et cent
actions nominatives de 100 francs. Au début, X. et son épouse détenaient
respectivement cinquante-neuf et une actions de 100 francs, le solde
appartenant à Y. L'exploitation de la société a été déficitaire. En août
1989, Y. reprit la totalité des actions et un contrat de travail fut passé
avec X., stipulant que celui-ci était désormais engagé comme directeur.

    Au début de 1989, une procédure de divorce a opposé les époux X. devant
le Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère. Le mari était assisté
par un avocat de Fribourg, qui a toutefois résilié son mandat le 24 août
1989. Le 28 septembre de la même année, cet avocat, agissant au nom de la
société et de Y., a déposé plainte pénale contre X. pour abus de confiance,
subsidiairement gestion déloyale et éventuellement escroquerie. En bref,
les plaignants lui reprochaient de s'être approprié sans droit des fonds
appartenant à la société.

    En décembre 1989, X. a déposé plainte pénale contre Y. et l'avocat pour
atteinte à l'honneur, en raison des faits que ceux-ci lui reprochaient
dans leur plainte pénale. Il contestait les accusations portées contre
lui, faisant notamment valoir que les encaissements de factures auxquels
il avait procédé se rapportaient à des travaux de restauration de meubles
anciens, activité qu'il exerçait à titre personnel en dehors du cadre de
la société.

    Le 9 avril 1990, Y. et l'avocat ont réagi en déposant une nouvelle
plainte pénale contre X. pour dénonciation calomnieuse et atteinte
à l'honneur.

    Par arrêt du 26 juin 1990, la Chambre d'accusation du tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg a renvoyé X. devant le Tribunal correctionnel de la
Gruyère sous la prévention de gestion déloyale et éventuellement d'abus de
confiance. Selon ordonnances de renvoi complémentaires des 23 octobre et
12 décembre 1990 du Juge d'instruction de l'arrondissement de la Gruyère,
X. était également accusé de violation d'une obligation d'entretien,
de lésions corporelles simples, éventuellement graves par négligence,
d'atteinte à l'honneur (injures), de menaces et de dommages à la propriété.

    Le 5 avril 1991, X. a demandé la récusation du Président du Tribunal
correctionnel de la Gruyère, au motif que ce magistrat et l'avocat avaient
épousé deux soeurs et que le second, beau-frère du président du tribunal,
avait un intérêt direct à l'issue du procès pénal dirigé contre X. Par
ordonnance du 17 avril 1991, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de la Gruyère, présidé par un autre juge, a rejeté la demande de récusation
en niant tout intérêt direct de l'avocat à l'issue de la procédure pénale
pendante. Saisi d'un recours de droit public de X. pour violation des
art. 4, 58 Cst. et 6 CEDH, le Tribunal fédéral a annulé cette ordonnance.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Lorsque, dans un recours de droit public, la violation du droit
à un juge équitable est invoquée, le Tribunal fédéral examine uniquement
sous l'angle de l'arbitraire la manière dont le droit cantonal a été
interprété et appliqué. Il apprécie en revanche librement la compatibilité
de la procédure cantonale avec les garanties constitutionnelles et
conventionnelles (ATF 112 Ia 292 consid. 2a et les arrêts cités).

Erwägung 2

    2.- L'art. 53 let. a OJ frib. dispose notamment qu'un magistrat de
l'ordre judiciaire ne peut prendre part au jugement d'une affaire et
doit se récuser lui-même si le mari de sa belle-soeur y est directement
intéressé. Selon la jurisprudence cantonale, seul a un intérêt direct,
dans une procédure, celui qui court le risque que la décision à rendre
porte une atteinte immédiate à ses droits ou à la possibilité de les
réaliser normalement (ATC 1969, p. 152 ss). La décision attaquée retient
que (l'avocat) étant cité dans le cadre du présent litige en qualité de
témoin, le jugement à rendre par le tribunal correctionnel présidé par
son beau-frère (au sens large) ne l'intéressera - de toute évidence - pas
directement. Il est pour le moins douteux que la solution, en l'espèce,
soit aussi évidente que ne l'affirme l'autorité intimée. C'est à juste
titre, semble-t-il, que le recourant se prévaut à cet égard de la connexité
existant entre les diverses affaires pénales qui l'opposent à son ancien
avocat. Mais la question de savoir si le tribunal correctionnel a appliqué
arbitrairement l'art. 53 let. a OJ frib. peut finalement rester indécise
dans le cas particulier.

Erwägung 3

    3.- En effet, outre les dispositions cantonales sur la récusation,
les art. 58 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH garantissent le droit à un juge
impartial et peuvent être invoqués directement par tout justiciable.

    a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne
des droits de l'homme, la garantie du juge naturel fait obstacle à ce que
des circonstances extérieures au procès puissent influer sur le jugement
d'une manière qui ne serait pas objective, en faveur ou au préjudice
d'une partie: celui qui se trouve sous de telles influences ne peut
être un "juste médiateur" et ne doit donc pas pouvoir fonctionner comme
juge. L'impartialité peut s'apprécier selon une démarche subjective, qui
conduit à déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur en
telle circonstance, et une démarche objective, qui consiste à rechercher
si ce juge offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute
légitime à cet égard. La démarche dite objective implique la prise
en compte de considérations de caractère fonctionnel et organique,
ce qui conduit à mettre l'accent sur l'importance que les apparences
mêmes peuvent revêtir. Doit dès lors se récuser tout juge dont on peut
légitimement craindre un manque d'impartialité, soit sitôt qu'aux yeux
des parties il y a apparence de justice partiale (ATF 114 Ia 50 ss,
112 Ia 290 ss et les nombreuses références).

    b) Ainsi que l'admet expressément le recourant, le comportement
personnel du président (du tribunal correctionnel) n'est nullement en
cause dans le cas particulier. Ce magistrat se trouverait toutefois
dans des circonstances qui, objectivement, pourraient faire douter de
son impartialité.

    Après avoir été son conseil pour la procédure de divorce, (l'avocat
en question) a déposé plainte pénale contre X. pour abus de confiance,
escroquerie et gestion déloyale, au nom de l'associé de celui-ci et
de la société créée en commun, ce qui a valu au recourant d'être placé
en détention préventive du 5 au 18 octobre 1989. Alléguant être atteint
dans son honneur en raison des faits qui lui étaient reprochés dans cette
dénonciation, X. a déposé à son tour une plainte pénale contre l'avocat
et son (propre) associé, ce qui a déclenché une nouvelle plainte de
ces derniers contre X. pour dénonciation calomnieuse et atteinte à
l'honneur. Selon décision du juge d'instruction du 16 janvier 1991,
ces nouvelles procédures pénales sont suspendues jusqu'à droit connu sur
l'affaire d'abus de confiance, escroquerie et gestion déloyale. Il est
difficile, dans ces conditions, de nier - comme semble le faire le tribunal
correctionnel - l'interdépendance de toutes ces affaires. Le recourant
soutient avec raison que la relation existant entre deux beaux-frères est
suffisamment importante pour qu'un magistrat puisse se trouver gêné de
prendre une décision susceptible d'avoir une influence sur une procédure
dans laquelle le mari de la soeur de son épouse est impliqué. Ce risque
est d'autant plus grand que le beau-frère en question exerce la profession
d'avocat et qu'il devra lui-même répondre d'actes qui sont en relation avec
la mise en détention préventive du recourant. Il y a donc lieu d'admettre,
conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, qu'en l'espèce le
président (du tribunal correctionnel) se trouve objectivement dans le cas
d'un juge dont on peut légitimement craindre un manque d'impartialité et
qui ne serait pas, vis-à-vis du recourant, un "authentique médiateur",
auprès de qui le justiciable doit se sentir juridiquement en sécurité
(cf. STEFAN TRECHSEL, Gericht und Richter nach der EMRK, cité in ATF 114
Ia 56).

    Le recours doit en conséquence être admis et l'ordonnance attaquée
annulée.