Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 V 55



116 V 55

10. Arrêt du 29 janvier 1990 dans la cause S. SA contre Office fédéral
de l'industrie, des arts et métiers et du travail et Département fédéral
de l'économie publique Regeste

    Art. 32 Abs. 2 AVIG, Art. 50 AVIV: Härtefall wegen des Karenztags. Die
Voraussetzungen des Art. 50 Abs. 1 lit. a AVIV für die Anerkennung eines
Härtefalles, welcher die Befreiung von der Pflicht zur Übernahme des
Karenztages rechtfertigt, verstossen nicht gegen das Gesetz.

Sachverhalt

    A.- La société anonyme S. est une entreprise spécialisée dans la
fabrication de machines-outils de précision, d'instruments de mesure et
d'appareils scientifiques. En raison d'un recul du niveau des commandes,
l'ensemble de son personnel a été mis au chômage partiel à partir du 1er
octobre 1987. Le 30 septembre 1987, l'Office cantonal genevois de l'emploi
a déclaré ne pas s'opposer au versement de l'indemnité en cas de réduction
de l'horaire de travail, pour chacun des deux secteurs de l'entreprise,
"Production" et "Administration, Développement, Qualité, Commercial",
cela pour la période du 1er octobre 1987 au 31 mars 1988.

    La société S. a demandé ultérieurement à être dispensée de l'obligation
de prendre à sa charge le jour d'attente mensuel. Elle a indiqué que
le taux de la réduction avait atteint 52 pour cent dans le secteur
"Production" et 21 pour cent dans le secteur "Administration". Elle
invoquait une forte diminution des commandes entre le 1er octobre 1986
et le 1er septembre 1987, ainsi qu'une réduction importante du chiffre
d'affaires prévisible pour l'année 1988.

    Sur préavis de l'office cantonal de l'emploi, l'Office fédéral
de l'industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT) a admis de
libérer partiellement la requérante, en ce sens que l'assurance-chômage lui
rembourserait le jour d'attente à raison de 75 pour cent pour les périodes
de décompte allant du 1er octobre 1987 au 31 mars 1988, durant lesquelles
la perte de travail atteindrait 50 pour cent au moins, le calcul devant
s'effectuer par secteurs d'exploitation (décision du 14 décembre 1987).

    B.- La société S. a recouru contre cette décision devant le
Département fédéral de l'économie publique (DFEP) en concluant à ce
que l'exonération fût accordée intégralement, cela pour l'ensemble du
personnel, d'exploitation et d'administration, soumis au chômage partiel.

    Statuant le 2 août 1988, le DFEP a rejeté le recours, après avoir
constaté que la société S. disposait, à fin septembre 1986, d'une réserve
de 8,55 millions de francs et qu'elle avait réalisé des bénéfices au
cours des années 1985, 1986 et 1987.

    C.- Contre cette décision, la société S. interjette un recours de
droit administratif en concluant à:

    "a) la libération par la Caisse de Chômage de Fr. 43'746.--
représentant
   le 25% du jour d'attente du secteur Production pendant la période
   octobre

    1987 à mars 1988 pendant laquelle la réduction était supérieure à 50%.

    b) une mesure de dérogation pour obtenir la libération du solde du jour
   d'attente soit Fr. 411'794.-- étant entendu que la société S. gardera
   à sa charge les frais non remboursables de Fr. 450'238.--."

    Tant le DFEP que l'OFIAMT proposent le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Est litigieuse, en l'espèce, une décision de l'OFIAMT relative
à la libération de la prise en charge par l'employeur du jour d'attente
en matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail.
De semblables décisions peuvent être déférées au DFEP par la voie du
recours administratif (art. 101 let. c LACI). Les décisions de celui-ci
peuvent ensuite être attaquées devant le Tribunal fédéral des assurances
par un recours de droit administratif (art. 101 let. d LACI; art. 98
let. b en corrélation avec l'art. 128 OJ).

    Comme il s'agit, d'autre part, d'un litige en matière de prestations
d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est
pas limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus
du pouvoir d'appréciation - mais il s'étend également à l'opportunité
de la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait
constaté par l'autorité inférieure, et il peut s'écarter des conclusions
des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ;
voir aussi l'art. 105 al. 1 OJ).

Erwägung 2

    2.- Les travailleurs dont la durée normale de travail est réduite
ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de réduction de
l'horaire de travail si, entre autres conditions, la perte de travail doit
être prise en considération, si la réduction de l'horaire de travail est
vraisemblablement temporaire, et si l'on peut admettre qu'elle permettra
de maintenir les emplois en question (art. 31 al. 1 let. b et d LACI). La
perte de travail n'est prise en considération que si elle est due à des
facteurs d'ordre économique et qu'elle est inévitable (art. 32 al. 1
let. a LACI).

    Selon l'art. 32 al. 2 LACI, par période de décompte on déduit de la
durée de la perte de travail à prendre en considération un jour entier de
travail, à titre de jour d'attente; le Conseil fédéral peut prévoir des
exceptions pour les cas de rigueur. Est réputé période de décompte, un laps
de temps d'un mois ou de quatre semaines consécutives (art. 32 al. 5 LACI).

Erwägung 3

    3.- La déduction d'un jour d'attente a été considérée par le
législateur comme un moyen simple et efficace de prévention des abus,
car elle permet d'éviter des demandes d'employeurs non justifiées
par des raisons économiques ou des réductions d'horaire de travail
décidées prématurément ou à la légère. Au demeurant, cette mesure fait
pendant à l'échelonnement des indemnités journalières en cas de chômage
complet, prévu à l'art. 22 al. 3 LACI (Message concernant une nouvelle
loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas
d'insolvabilité du 2 juillet 1980, FF 1980 III 596; Gerhards, Kommentar
zum Arbeitslosenversicherungsgesetz (AVIG), p. 439, note 116; Stauffer,
Die Arbeitslosenversicherung, p. 166).

    a) L'employeur est tenu de prendre à sa charge l'indemnité durant le
jour d'attente (art. 37 let. b LACI). Il ne saurait en faire supporter
le coût à ses salariés, ce qui irait à l'encontre du but recherché; du
reste, toute convention éventuelle dans ce sens serait nulle (art. 324 en
corrélation avec l'art. 362 CO). En outre, l'employeur a l'obligation de
continuer à payer entièrement les cotisations aux assurances sociales,
prévues par les dispositions légales et contractuelles, comme si la
durée de travail était normale, à l'exception de celles qui sont versées
à l'assurance obligatoire en cas d'accidents (art. 37 let. c, première
phrase, LACI).

    Dès l'instant où ces frais (fixes) ne trouvent pas de contrepartie
productive, ils peuvent être de nature, selon les cas, à menacer
l'équilibre financier de l'entreprise, voire son existence même. Dès lors,
conformément à la compétence donnée par l'art. 32 al. 2 LACI, le Conseil
fédéral a fixé à l'art. 50 al. 1 OACI les conditions de reconnaissance
des cas de rigueur, qui sont les suivantes:

    "Sur demande, l'OFIAMT peut libérer complètement ou partiellement
   l'employeur de l'obligation de prendre le jour d'attente à sa charge
   lorsque:

    a. 50 pour cent au moins des heures normales de travail (art. 32, 1er
   al., let. b, LACI) sont perdues au cours d'une période de décompte;

    b. de plus, l'employeur rend plausible le fait qu'il ne peut pas
prendre
   le jour d'attente à sa charge sans mettre notablement en danger la
   survie de l'entreprise."

    b) Le Tribunal fédéral des assurances examine en principe librement la
légalité des dispositions d'application prises par le Conseil fédéral. En
particulier, il exerce son contrôle sur les ordonnances (dépendantes)
qui reposent sur une délégation législative. Lorsque celle-ci accorde à
l'autorité exécutive un large pouvoir d'appréciation, comme c'est le cas
ici, le tribunal doit se borner à examiner si les dispositions litigieuses
sortent manifestement du cadre des compétences que la loi accorde au
Conseil fédéral ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi
ou à la Constitution. Ce faisant, il doit veiller à ne pas substituer sa
propre appréciation à celle du Conseil fédéral (ATF 114 V 184 consid. 2b,
303 consid. 4a, 114 Ib 19 consid. 2, 112 V 178 consid. 4c).

    La recourante - qui demande une "mesure de dérogation" - ne conteste
pas, au vrai, la validité de l'art. 50 al. 1 OACI, qui n'est du reste
pas douteuse.

    D'une part, compte tenu du caractère exceptionnel de l'exonération,
limitée de par la loi aux seuls cas de rigueur, l'exigence d'une mise en
danger de la survie de l'entreprise apparaît effectivement fondée. Une
réduction de l'horaire de travail est déjà, en soi, révélatrice de
difficultés économiques. Il s'imposait donc de poser ici des conditions
nettement plus sévères que celles qui fondent la reconnaissance du droit
à l'indemnité en tant que tel. Faute de quoi, l'on eût assisté à une
généralisation de l'exonération et la volonté du législateur n'eût plus
été respectée.

    D'autre part, il n'était pas arbitraire de subordonner la dispense
à une perte de 50 pour cent au moins des heures normales de travail. En
effet, en règle ordinaire, c'est seulement à partir d'un ralentissement
important de l'activité - et, par là même, des rentrées - que la prise en
charge du jour d'attente peut représenter pour l'employeur un sacrifice
disproportionné à ses ressources. Dans le cas d'un faible ralentissement,
en revanche, une ponction sur le bénéfice ou les réserves permettra,
le plus souvent, de faire face au paiement de l'indemnité, sans que cela
entraîne des conséquences irréversibles pour l'entreprise. Au demeurant,
l'art. 50 al. 2 OACI permet au DFEP d'abaisser le pourcentage de 50 pour
cent en période de crise - ce que le Département a fait par une ordonnance
du 16 décembre 1983 (RO 1983 II 2002), abrogée avec effet au 1er septembre
1986 par une ordonnance du 18 juin précédent (RO 1986 I 1212).

Erwägung 4

    4.- Se fondant sur l'art. 52 al. 1 OACI (cf. art. 32 al. 4 LACI),
qui fixe les conditions auxquelles un secteur d'exploitation est
assimilable à une entreprise, le DFEP a admis, à l'instar de l'OFIAMT,
qu'il se justifiait de distinguer les deux secteurs d'exploitation
annoncés par la société S. ("Production" et "Administration"). Il n'y
a pas de raison de remettre en cause cette distinction, d'ailleurs non
contestée par la recourante. Force est donc de constater que, pour ce qui
est du secteur "Administration", la condition d'une perte de travail de
50 pour cent au moins n'est pas remplie. Dès lors, dans la mesure où il
conteste l'application de l'art. 50 al. 1 let. a OACI au cas d'espèce -
ce qu'il implique par sa conclusion tendant à l'octroi de la dispense
pour l'ensemble de l'exploitation, y compris celui des deux secteurs qui
a subi une réduction de l'horaire de travail inférieure à 50 pour cent -,
le recours de droit administratif se révèle mal fondé.

    Il sied de relever à ce propos que la situation eût été plus
défavorable à la recourante si l'administration n'avait pas opéré de
distinction entre les deux secteurs d'activité en cause, en considérant ces
derniers comme un tout: sur le vu du dossier, les secteurs "Production"
et "Administration" employaient à l'époque, respectivement, 255 et 301
collaborateurs, de sorte que la perte de travail moyenne eût été très
largement inférieure à 50 pour cent et, par conséquent, insuffisante pour
justifier, fût-ce partiellement, une dispense.

Erwägung 5

    5.- Cela étant, il reste à examiner si, pour le secteur "Production",
ayant chômé à plus de 50 pour cent, la seconde condition - qui doit être
satisfaite cumulativement avec la première - posée par l'art. 50 al.
1 let. b OACI est également remplie. L'OFIAMT et le DFEP l'ont admis
quant au principe, et le seul point encore litigieux est en fait celui
de l'ampleur de la réduction, fixée à 75 pour cent par l'administration,
et qui, selon la recourante, devrait être portée à 100 pour cent.

    a) La recourante fait valoir pour l'essentiel que si elle a - au
terme d'une quinzaine d'années très difficiles au cours desquelles elle
a enregistré des pertes pour un montant cumulé de 24 millions de francs -
retrouvé progressivement sa capacité bénéficiaire, dès l'exercice 1984/85,
l'équilibre ainsi rétabli demeure très fragile et est menacé depuis deux
ans par une diminution du volume d'affaires, consécutive à la très forte
baisse du cours du dollar, à la recrudescence de la concurrence japonaise
et à la diminution des ressources des pays exportateurs de pétrole. Selon
la recourante, le coût - sans contrepartie productive - de la réduction
de l'horaire de travail, pour la période de chômage partiel allant
d'octobre 1987 à fin juin 1988 (la réduction de l'horaire de travail
s'est poursuivie au-delà du 31 mars 1988, mais dans une mesure inférieure
à 50 pour cent), s'est élevé à 993'270 francs, soit 543'032 francs au
titre de la réduction du jour d'attente et 450'238 francs au titre des
coûts non remboursés pour vacances, jours fériés et charges sociales.
Compte tenu de la décision de l'OFIAMT de n'accorder la libération du
jour d'attente que jusqu'à concurrence de 75 pour cent, le montant pris
en charge par l'assurance-chômage représente 131'238 francs seulement, si
bien que le coût des jours d'attente non couvert est de 411'794 francs;
cela sans que soient pris en considération les frais supplémentaires
susmentionnés, non remboursables, de 450'238 francs.

    b) Il n'est pas contesté, cependant, que la recourante disposait, à
fin 1986, d'une réserve de 8,55 millions de francs. Certes, la recourante
souligne que cette réserve provient pour l'essentiel d'agios sur une
augmentation de capital et sur l'émission de bons de participation,
ainsi que de la vente de terrains; elle est due, pour 1,15 million de
francs seulement, au prélèvement sur les résultats des trois derniers
exercices. Mais, ce qui est décisif au regard de l'art. 50 OACI, c'est que
des réserves - non négligeables - existent et que, en cas de nécessité,
elles puissent être libérées; peu importe, en définitive, la façon dont
elles ont été accumulées.

    On constate en outre, à la lecture du rapport du conseil
d'administration à l'assemblée générale des actionnaires du 22 mars
1988, que la société a réalisé durant l'exercice 1986/87 un bénéfice net
de 1'194'845 francs, après versements aux amortissements industriels
exceptionnels et aux réserves latentes (le bénéfice de l'exercice
précédent ayant atteint 2'119'556 francs). Ce bénéfice a été affecté
jusqu'à concurrence d'un million de francs au versement d'un dividende
(5 pour cent) aux actionnaires. Or, la décision d'introduire le chômage
partiel a été prise en été 1987, les préavis y relatifs ayant été adressés
à l'autorité cantonale le 21 septembre 1987, soit antérieurement au
bouclement des comptes de l'exercice 1986/87 (l'exercice comptable de la
société S. s'étend du 1er octobre au 30 septembre de chaque année). A
la date de l'assemblée générale des actionnaires, le 22 mars 1988, la
situation difficile découlant des conditions du marché était connue et
la période de chômage partiel touchait à sa fin. C'est donc en pleine
connaissance de cause que les actionnaires ont accepté de verser un
dividende, en dépit d'une réduction de près de la moitié du bénéfice
par rapport à l'exercice précédent. Ils n'ont pas considéré, à ce
moment-là, que la société se trouvait dans une situation d'équilibre
très fragile. Du reste, le rapport annuel ne fait pas état d'une
situation ou de perspectives vraiment alarmantes. Sans doute les
effets négatifs de la baisse du cours du dollar et du prix du pétrole y
sont-ils mentionnés. Mais, d'un autre côté, on y lit que des "progressions
réjouissantes" du niveau des commandes ont été réalisées en ce qui concerne
les marchés allemand et italien.

    Dans ces conditions, la fixation à 75 pour cent au plus du taux de
l'exonération pour le personnel du secteur "Production" échappe à la
critique. L'effort financier qui était demandé à la recourante d'assumer
le 25 pour cent restant de l'indemnité n'était à l'évidence pas de nature
à mettre en péril ou du moins à menacer sérieusement son existence.