Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 IV 125



116 IV 125

24. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 22 février
1990 dans la cause S. c. Procureur général du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 231 StGB (Verbreiten menschlicher Krankheiten).

    Die Infektion mit einem HIV-Virus (Seropositivität, die im allgemeinen
zu AIDS führt) ist eine gefährliche übertragbare menschliche Krankheit
(E. 1-4).

    Art. 122 (schwere Körperverletzung) und Art. 231 StGB; Idealkonkurrenz.

    Diese beiden Bestimmungen sind anwendbar auf denjenigen, welcher
vorsätzlich ein HIV-Virus auf einen andern überträgt (E. 5).

Sachverhalt

    A.- Le 6 avril 1989, S. a été reconnu coupable, par le Tribunal
correctionnel du district de Lausanne, notamment de propagation
intentionnelle d'une maladie de l'homme (par dol éventuel); il avait
entretenu des relations sexuelles, sans précautions, avec une jeune fille
alors qu'il se savait séropositif (c'est-à-dire infecté par un virus HIV,
Himmunodeficiency Virus, en français VIH: soit virus de l'immunodéficience
humaine); sa partenaire a de la sorte été infectée. Compte tenu d'autres
infractions (dont une infraction grave à la LStup), de condamnations
précédentes, surtout pour vols, et d'une responsabilité légèrement
diminuée, la peine a été fixée à 3 ans et demi d'emprisonnement, sous
déduction de la détention préventive subie.

    B.- S. et le Procureur général du canton de Vaud ont tous deux recouru
à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois.

    L'accusé s'en est pris à sa condamnation du chef de propagation d'une
maladie de l'homme au sens de l'art. 231 CP. Le Ministère public a soutenu
que le délinquant s'était, de plus, rendu coupable de lésions corporelles
graves prévues à l'art. 122 CP, ce qui devait entraîner une peine de 4
ans d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive subie.

    Statuant le 3 juillet 1989, la Cour de cassation du Tribunal
cantonal vaudois a condamné S. à une peine de 4 ans d'emprisonnement
(sous déduction de 267 jours de détention préventive) notamment pour
lésions corporelles graves intentionnelles et propagation intentionnelle
d'une maladie de l'homme.

    Cette autorité a constaté en bref les faits suivants. Au mois de
février 1987, S. purgeait une peine de prison. Il a écrit à une jeune
fille qu'il connaissait depuis une dizaine d'années. Une correspondance
s'est établie. En mars 1987, dès ses premiers congés, il a entretenu des
relations sexuelles avec cette personne. En février 1987, celle-ci s'était
soumise à un test de dépistage du sida (Syndrome d'immunodéficience acquis;
en anglais AIDS, soit Acquired Immunodeficiency Syndrome) qui était
négatif. En juillet 1988, un nouveau test s'est révélé positif. Or, la
partenaire de S. n'a eu de relations intimes, durant cette période, qu'avec
lui et elle ne s'est pas piquée au moyen d'une seringue infectée. Il ne
lui avait jamais laissé entendre qu'il pouvait être atteint d'un virus
de cette nature, quand bien même il le savait.

    En effet, un rapport médical du 10 mars 1987 atteste que S., ancien
toxicomane, était séropositif pour HIV. Une information complète relative
aux mesures prophylactiques d'usage lui a été communiquée. Il avait été
longuement informé de sa séropositivité VIH et des mesures à prendre,
notamment lorsqu'il sortirait du pénitencier. Ainsi, dès mars 1987,
l'accusé savait pertinemment qu'il était atteint d'un virus du sida. Il
a caché ce fait à sa partenaire et lui a transmis ce virus.

    C.- S. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il demande
principalement l'annulation de l'arrêt du 3 juillet 1990 et le renvoi de
la cause à l'autorité cantonale afin d'être libéré des chefs d'accusation
découlant des art. 122 et 231 CP, sous suite de dépens; subsidiairement, il
conclut à sa libération uniquement de la prévention de lésions corporelles
graves. Il a requis l'assistance judiciaire.

    D.- L'instance cantonale de recours a déclaré n'avoir pas
d'observations à présenter.

    Invité à se déterminer, le Procureur général du canton de Vaud a
conclu au rejet du pourvoi, avec suite de frais.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) D'après le recourant, l'art. 231 CP aurait été appliqué
à tort car le virus du type VIH ne constituerait pas une maladie,
au contraire du sida; cela serait corroboré par le fait que le virus
VIH, pris pour lui-même, ne nécessite aucun traitement et n'entraîne
aucune incapacité de travail. Même un risque élevé de devenir malade
ne serait pas assimilable à une maladie. Le condamné rejette la notion
de l'Organisation mondiale de la santé, citée dans la décision attaquée,
d'après laquelle le renoncement à toute relation sexuelle sans préservatif
ainsi qu'à la possibilité d'avoir des enfants équivaudrait à une maladie;
il admet certes que la séropositivité représente une atteinte à la santé
d'une certaine importance. Il affirme toutefois qu'une disposition pénale
nouvelle réprimant le risque créé par le comportement dangereux d'un
séropositif, tel que la sexualité non protégée, serait nécessaire si on
voulait punir l'acte qui lui est reproché.

    b) Subsidiairement, le recourant soutient que, même si l'on admettait
qu'il a commis l'infraction prévue à l'art. 231 CP, il serait contraire
au droit fédéral de retenir à sa charge - concurremment - les lésions
corporelles graves au sens de l'art. 122 CP. Selon lui, il serait
nécessaire que la maladie soit transmise pour que l'infraction soit
consommée; ainsi, la propagation de la maladie de l'homme comprendrait
forcément la lésion corporelle grave; dès lors, le fait de retenir les
deux dispositions en concours aboutirait à punir l'auteur deux fois pour
le même acte, ce qui serait inacceptable. A l'appui de son argumentation,
l'accusé invoque l'avis d'une partie de la doctrine.

    Le recourant trace encore un parallèle avec la jurisprudence relative
au concours entre les violations des règles de la circulation routière
et l'homicide par négligence ou les lésions corporelles par négligence
(art. 90 LCR et 117 ou 125 CP). Dans ces cas, l'infraction de circulation
est réputée entièrement absorbée par ces dispositions du Code pénal,
ce qui exclut le concours idéal.

Erwägung 2

    2.- a) La notion de maladie se prête difficilement à une définition
stricte car les états et les processus morbides peuvent revêtir des
formes très diverses. La notion juridique de la maladie ne se confond
pas nécessairement avec celle qui prévaut dans le domaine des sciences
médicales (ATF 114 V 155 consid. 2a, 163 consid. 1a). Toutefois, en
matière d'assurances sociales, le Tribunal fédéral des assurances a jugé
qu'on ne saurait parler de maladie, dans un cas concret, s'il n'existe
aucun trouble dû à des phénomènes pathologiques. Mais il a reconnu, par
exemple, que l'infertilité consécutive à un état pathologique équivalait
à une maladie au sens juridique du terme (ATF 113 V 44 consid. b).

    Ces considérations générales sur la maladie paraissent applicables
en droit pénal bien que les buts poursuivis dans ce domaine ne soient
pas ceux du droit des assurances.

    b) Si l'infection par le ou les virus VIH en tant que telle ne
constitue pas une maladie au sens de l'art. 231 CP, le recourant a été
condamné à tort de ce chef. Il est dès lors nécessaire d'examiner les
conséquences de ce virus sur la santé; on se fondera sur les données
médicales actuellement disponibles, quand bien même chacun espère que
les intenses recherches entreprises permettront rapidement des progrès
décisifs.

    c) On connaît plusieurs stades cliniques de l'infection par le virus
VIH, lui-même à l'origine du sida.

    Le premier stade (après le contact sexuel ou intraveineux, notamment)
est marqué par une primo-infection aiguë. Dans un délai de 2 semaines à
trois mois, dès la date de pénétration du virus VIH dans l'organisme,
20% à 50% des individus contaminés développent une maladie fébrile
aiguë. Celle-ci guérit d'elle-même et aucun traitement ne modifie son
évolution. Vers la fin de cette phase, le système immunitaire de la
personne infectée produit des anticorps, anti-VIH, décelables dans le
sang. Dès ce moment, le sujet est devenu séropositif.

    Le deuxième stade est celui de la séropositivité anti-VIH, dont les
porteurs sont appelés asymptomatiques ou porteurs dits sains du virus.

    Pendant les 5 ans qui suivent la primo-infection aiguë du premier
stade, près de 50% des sujets ne présentent aucun symptôme ou signe
clinique de la maladie. Cependant, le virus est toujours présent dans
l'organisme de la plupart d'entre eux. Ils constituent une source
potentielle d'infection; ils sont susceptibles d'être atteints du sida
ultérieurement. Leur séropositivité peut être détectée par des analyses
de sang visant à déceler la présence d'anticorps anti-VIH.

    Le troisième stade est caractérisé par le fait que 30% des personnes
séropositives développent un syndrome de malaise chronique (perte de poids,
diarrhées, fièvres), sans présenter toutefois les infections opportunistes
graves ou les cancers propres au sida. Cette période est désignée par
l'abréviation ARC (AIDS-Related-Complex). Elle peut durer plusieurs années.
Certains sujets développeront ultérieurement un sida déclaré.

    Le quatrième stade constitue celui du sida proprement dit. On assiste à
l'apparition d'infections opportunistes sévères ou à des cancers, le cumul
étant possible. Le sida affecte aussi le système nerveux central. Le virus
VIH peut vivre et se multiplier dans les cellules du cerveau. Certains
sujets présentent des symptômes de dégénérescence cérébrale en l'absence de
toute infection opportuniste ou de cancer. L'issue est fatale (DOMINIQUE
BERTRAND, Sida, droit pénal et médecine pénitentiaire, in Bulletin de
criminologie 1989 p. 29 ss).

    On doit ajouter que certains porteurs asymptomatiques (stade II)
passent directement au stade IV, soit à celui du sida. En résumé, après
une durée moyenne et une période d'incubation de 6 à 10 ans (les extrêmes
sont de quelques mois à 15 ans), 75 sujets sur 100 tombent malades à coup
sûr; mais il est probable que près de 100% des séropositifs atteindront le
point culminant du développement infectieux, c'est-à-dire les stades III
et IV. La durée de l'incubation dépend de l'âge du sujet et d'affections
concomitantes qui l'abrègent (toxicomanie, etc.). Passé le stade le plus
grave, la durée moyenne de survie n'est que de 12 mois, malgré tous les
efforts thérapeutiques parfois couronnés de succès momentanés. Quoi
qu'il en soit, la quasi-totalité des sidéens meurent en l'espace de
trois ans (Concept SIDA de la FMH, in Bulletin des médecins suisses,
1989 p. 1997/1998).

Erwägung 3

    3.- Lié par les constatations de l'autorité cantonale, le Tribunal
fédéral doit se fonder sur l'état de fait, dont les éléments essentiels
sont ici les suivants (art. 273 al. 1 let. b et 277bis PPF).

    Entre le mois de février 1987 et celui de juillet 1988, la partenaire
du recourant ne s'est pas piquée avec une seringue infectée et n'a pas
entretenu de relations intimes avec un autre homme. Or, elle avait subi un
test de dépistage du sida, qui s'était révélé négatif au début de cette
période; en juillet 1988, au contraire, un nouveau test de cette nature
s'est révélé positif.

    Il est également établi que l'accusé savait dès le mois de mars 1987
qu'il était séropositif VIH, qu'il avait été longuement informé des mesures
à prendre, qu'il n'avait pas pris de précautions avec sa partenaire et
ne lui avait pas parlé de l'état de santé dans lequel il se trouvait.

Erwägung 4

    4.- a) L'art. 231 CP, relatif à la propagation d'une maladie de
l'homme, figure en tête du titre huitième du Code pénal intitulé "Crimes
ou délits contre la santé publique". Il est rédigé en ces termes:

    "1. Celui qui, intentionnellement, aura propagé une maladie de l'homme
   dangereuse et transmissible sera puni de l'emprisonnement d'un mois
   à cinq ans.

    La peine sera la réclusion pour cinq ans au plus si le délinquant a agi
   par bassesse de caractère.

    2. La peine sera l'emprisonnement ou l'amende si le délinquant a
agi par
   négligence."

    Déjà dans son message du 23 juillet 1918 à l'appui d'un projet de Code
pénal (FF 1918 IV 1 ss), le Conseil fédéral relevait que l'hygiène publique
avait fait, au cours des dizaines d'années antérieures, de très grands
progrès et avait atteint de beaux résultats en ce qui concerne soit la
lutte contre les facteurs qui produisent la maladie, soit les efforts faits
pour combattre la propagation des maladies transmissibles. La santé humaine
y était désignée comme le bien juridique protégé. Le Conseil fédéral
ajoutait que l'article en question (à l'époque l'article 196) visait
le fait de propager une maladie humaine, dangereuse et transmissible,
et que la Confédération avait fait usage du pouvoir que lui conférait
la Constitution fédérale en édictant la loi du 2 juillet 1886 concernant
les mesures à prendre contre les épidémies; ces dispositions avaient une
portée générale et visaient aussi la propagation de maladies non prévues
par la loi fédérale du 2 juillet 1886 concernant les mesures à prendre
contre les épidémies.

    Certes, en 1918 le sida n'était pas encore identifié. Il ne l'était
pas non plus en 1970 lorsque le Conseil fédéral a présenté un message
à l'appui d'une loi sur la lutte contre les maladies transmissibles de
l'homme, dite aussi loi sur les épidémies (message du 11 février 1970,
FF 1970 I 389 ss; loi: RS 818.101, entrée en vigueur le 1er juillet
1974). Le Conseil fédéral y exprime la volonté de tenter de prévoir et de
prévenir l'approche d'une épidémie par l'analyse de tous les éléments qui
la précèdent, l'accompagnent, la facilitent, la provoquent ou l'empêchent
(FF 1970 I 398); il précise aussi que le concept de "lutte" englobe
bien entendu non seulement le traitement de la maladie lorsqu'elle
s'est déclarée mais encore sa prévention qu'il n'est pas nécessaire
de mentionner (p. 413; ad art. 1er du projet de loi). Le message
contient aussi des considérations historiques sur la peste, le typhus,
la variole et sur les moyens de vaincre ces maladies. Il est mentionné
que la découverte de nouveaux médicaments permet d'espérer la disparition
prochaine des maladies transmissibles mais que les maladies à virus ne
sont en général pas influencées par ces nouveaux produits (p. 392). La
difficulté de dépister les porteurs d'infection, par exemple du choléra,
qui excrètent ses agents sans manifester les symptômes de la maladie,
est expressément citée (p. 394/395). Le Conseil fédéral relève encore
que la disparition d'Europe des grandes épidémies a précédé l'apparition
d'une série de maladies transmissibles autrefois inconnues, mal connues
ou méconnues, dont les dangers s'ajoutent à ceux, toujours latents,
d'une grande épidémie classique (p. 397).

    En 1987, alors que l'existence du sida était connue, le Conseil fédéral
s'est fondé sur l'art. 27 de la loi fédérale sur les épidémies pour prendre
une ordonnance concernant la déclaration des maladies transmissibles de
l'homme (Ordonnance sur la déclaration, RS 818.141.1). De ces dispositions,
il ressort que les médecins sont tenus de déclarer au médecin cantonal
notamment le sida. Les laboratoires doivent déclarer la mise en évidence
de certains agents pathogènes dont le virus de l'immunodéficience humaine
(HIV); le médecin a l'obligation de faire de même lorsque la mise en
évidence d'agents pathogènes n'a pas été effectuée par un laboratoire
tenu de déclarer.

    b) Sur le plan spécifiquement pénal, les premiers commentateurs
admettent que les maladies, auxquelles les dispositions concernant les
épidémies s'appliquent, constituent aussi des maladies au sens du Code
pénal (par exemple: LOGOZ, Partie spéciale II, Neuchâtel 1956, p. 460
ch. 2; HAFTER, Bes. Teil II, Berlin 1943 p. 538 n. 3; THORMANN/VON
OVERBECK, Zurich 1941, ad Art. 231 n. 2 p. 278). De l'avis des auteurs
actuels, les maladies transmissibles et dangereuses, au sens de l'art. 231
CP, sont celles citées dans la loi sur les épidémies et dans l'Ordonnance
sur la déclaration (RS 818.101, 818.141.1; TRECHSEL, Schweizerisches
Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, Zurich 1989, ad art. 231 n. 1; BERTRAND,
op.cit. p. 37; VICTOR ROTH, Staatliche Zwangsmassnahmen zur Bekämpfung
von AIDS?, in Recht gegen AIDS, Berne 1987 p. 18).

    En matière de virus VIH cependant, la question est controversée dans
les cas où, comme ici, l'auteur est un porteur dit sain de ce virus;
il se trouve au stade II décrit au consid. 2c ci-avant, c'est un porteur
asymptomatique. D'après l'autorité cantonale, un séropositif VIH doit être
considéré comme atteint d'une maladie. Le Tribunal fédéral ne s'est pas
encore prononcé sur ce problème. Dans le domaine des assurances sociales,
le Tribunal fédéral des assurances n'a pas encore statué à ce jour.

    D'un examen de la doctrine sur ce point précis, il ressort que
seul Schwander admet que l'infraction prévue à l'art. 231 CP n'est pas
consommée par la simple transmission des bacilles causant l'infection mais
seulement par le déclenchement de la maladie chez la personne infectée
(SCHWANDER, Das schweiz. Strafgesetzbuch, 2e éd., Zurich 1964 p. 443
n. 675); à l'époque, le sida était inconnu. Au contraire, pour THORMANN/VON
OVERBECK et HAFTER, qui ne parlent pas non plus du sida, la transmission
des agents pathogènes semble suffire (THORMANN/VON OVERBECK, op.cit.,
ad art. 231 n. 3 p. 279; HAFTER, op.cit., p. 539 et 540). TRECHSEL ne
prend pas une position catégorique (TRECHSEL, op.cit., ad art. 231 n. 5
ss). Le cas du sida est cité par HAUSER et REHBERG; selon ces auteurs,
exiger que la maladie se soit déclarée chez la personne infectée serait
contraire à la ratio legis de l'art. 231 CP (HAUSER/REHBERG, Strafrecht
IV, Zurich 1989 p. 125). Un arrêt zurichois va dans ce sens (arrêt du
Tribunal cantonal du canton de Zurich du 9 septembre 1988, publié in
RSJ 1988 p. 400). CHRISTIAN HUBER souligne notamment combien la simple
infection, comme telle et considérée objectivement, porte atteinte à
l'état normal d'une personne; il se réfère aussi à l'évolution de la
jurisprudence allemande et cite l'avis de l'Académie des sciences des
Etats-Unis d'Amérique; il relate un cas où il a été admis que l'infection
HIV, à son stade asymptomatique déjà, constitue une atteinte à la santé
(RSJ 1989 p. 149 ss, en particulier p. 156 cas 6).

    En réponse à la question ordinaire Longet du 6 octobre 1989 sur la
prévention du sida, le Conseil fédéral a notamment indiqué que conformément
à la doctrine et à la jurisprudence l'art. 231 CP s'appliquait également
à la transmission du virus VIH; cette autorité a aussi admis qu'en l'état
actuel des connaissances, l'infection VIH aboutissait généralement, plus
ou moins rapidement, à la mort du malade. En conséquence, les dispositions
en vigueur paraissaient satisfaire, selon le Conseil fédéral, aux exigences
de la lutte contre le sida (BO-CN 1989 p. 2303).

    L'Office fédéral des assurances sociales a admis que, face à une
infection congénitale VIH établie avec certitude, le caractère d'infirmité
congénitale au sens de l'Ordonnance concernant les infirmités congénitales
(RS 831.232.21) pouvait être reconnu. D'après cet office fédéral, il n'est
pas nécessaire que des symptômes soient apparus ou que le sujet suive un
traitement; il est précisé que dans les cas dus à des infections VIH, dont
la prise en charge doit être assurée par l'Assurance Invalidité en vertu
de l'art. 11 LAI, l'obligation de fournir des prestations court dès le
moment où l'infection à VIH est constatée sans qu'il y ait lieu d'attendre
l'apparition de symptômes (Bulletin de l'AI No 283, du 30 novembre 1988,
à l'intention des organes d'exécution de l'AI, p. 4 ch. 1857).

    c) Des citations qui précèdent, il ressort que les avis exprimés
dans différents domaines (médical, assurances sociales, parlementaire)
conduisent à admettre le caractère de maladie à la séropositivité VIH
déjà. On ne discerne pas de motifs propres à imposer une autre solution en
droit pénal, même si la doctrine ne paraît pas unanime. A cela s'ajoute
le fait qu'en présence de l'augmentation actuelle du nombre de sidéens
le rôle de prévention générale, conféré aussi au droit pénal, ne doit
pas être négligé.

    Dès lors, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
considérant que le virus VIH, transmis par le recourant, constituait une
maladie au sens de l'art. 231 CP.

Erwägung 5

    5.- a) A titre subsidiaire, le condamné s'en prend à l'application
de l'art. 122 CP (lésions corporelles graves) en concours idéal avec
l'art. 231 CP. Il ne soutient pas que les éléments constitutifs de
l'infraction prévue à l'art. 122 CP feraient ici défaut mais il estime
que, s'il doit être condamné du chef de l'art. 231 CP, il n'y a pas lieu
de retenir concurremment l'art. 122 CP à sa charge.

    b) Entre les deux infractions précitées, certains auteurs admettent
le concours imparfait; pour eux, seule serait applicable la disposition
la plus sévère (LOGOZ, op.cit. p. 465 ch. 8; THORMANN/VON OVERBECK,
op.cit. ad art. 231 p. 279 n. 8; LOB, in RSJ 1987 p. 163).

    Selon un autre courant de doctrine, les lésions corporelles graves
n'absorbent pas la mise en danger générale qu'implique l'art. 231 CP;
il y aurait ainsi un concours idéal (TRECHSEL, op.cit. ad art. 231 n. 4;
SCHWANDER, op.cit., p. 443 n. 675; HUBER, op.cit., p. 153).

    c) Cette dernière opinion est la plus convaincante. En effet,
l'art. 231 CP réprime une infraction contre la santé publique; cela
implique non seulement un délit de résultat dans la mesure où l'infection
d'une seule personne suffit (mise en danger concrète de celle-ci) mais
encore une mise en danger d'un nombre indéterminé d'êtres humains, mise
en danger de caractère abstrait. Les lésions corporelles graves au sens
de l'art. 122 CP ne contiennent pas cette double mise en danger. Le bien
protégé n'est pas le même.

    Ainsi, on doit écarter l'argumentation tendant à faire admettre le
concours imparfait entre les art. 122 et 231 CP. L'autorité cantonale n'a
pas violé le droit fédéral en retenant ces deux infractions, en concours
idéal, à la charge du recourant.

    Aux termes de l'art. 113 al. 3 Cst., le Tribunal fédéral doit appliquer
les lois votées par l'Assemblée fédérale. Il ne lui appartient donc pas
d'apprécier si, en matière d'infection au VIH, la répression pénale doit
être abandonnée au profit exclusif de l'éducation et de la prévention. On
ne saurait oublier cependant que le droit pénal constitue aussi un moyen
de prévention, comme ultima ratio (voir HUBER, op.cit. p. 150).