Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 II 733



116 II 733

127. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 11 décembre 1990 dans la
cause compagnie d'assurances A. contre dame J. (recours en réforme) Regeste

    Art. 62 Abs. 1 SVG; Art. 47 und 44 Abs. 1 OR. Haftung des
Motorfahrzeughalters. Selbstverschulden des Verletzten. Genugtuung.

    1. Bedeutung des Selbstverschuldens des Verletzten in bezug
auf die Frage, ob und in welchem Umfang ein Anspruch auf Genugtuung
besteht. (Änderung der Rechtsprechung) (E. 4f und g).

    2. Bemessung der Genugtuungssumme, wenn der Haftung eines
Motorfahrzeughalters ein Selbstverschulden des Verletzten gegenübersteht
(E. 4h).

Sachverhalt

    A.- Le 8 novembre 1985 un peu après 19 h 00, F. circulait au volant de
sa voiture à une vitesse d'environ 50 km/h sur l'avenue de Tourbillon -
route cantonale - en direction de Sierre lorsqu'il heurta dame J. qui
traversait la chaussée sur le passage pour piétons situé à l'est du
carrefour de la Clarté à Sion. La piétonne fut projetée à une quinzaine de
mètres du lieu de la collision. L'automobiliste avait le feu vert. Le feu,
rouge, concernant dame J. ne fonctionnait pas. Bien que la chaussée fût
éclairée, la visibilité était diminuée. Il faisait nuit et il pleuvait
fortement. Le trafic était dense.

    Dame J., grièvement blessée, fut hospitalisée à plusieurs reprises
en 1986 et en 1988. Elle était invalide à 10% avant son accident. Suite à
celui-ci, elle est restée invalide à 100% en ce qui concerne son activité
lucrative et à 20% en ce qui concerne son activité ménagère.

    B.- Par jugement des 8 et 25 septembre 1989, le Tribunal cantonal
du canton du Valais a partiellement fait droit à l'action de dame J.,
en ce sens qu'il a condamné la compagnie d'assurances A., assureur de la
responsabilité civile du détenteur F., à lui verser la somme de 30'000
francs, plus intérêts, à titre de tort moral.

    C.- Admettant partiellement dans la mesure où il était recevable le
recours en réforme interjeté par la défenderesse, le Tribunal fédéral l'a
condamnée à payer à la demanderesse une indemnité pour tort moral de 25'000
francs, plus intérêts, et a confirmé pour le surplus le jugement attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- f) La présente espèce met en cause un détenteur de véhicule
automobile dont la responsabilité causale est engagée - la défenderesse
l'admet en principe - et qui a commis une faute d'inattention d'une
certaine gravité mais moins grave que celle imputable au piéton. Il faut en
conséquence rechercher si, dans ces circonstances, une indemnité peut être
accordée à la demanderesse en raison du préjudice moral qu'elle a subi.

    Il a été jugé que la faute du lésé engendre la suppression d'une
indemnisation du tort moral lorsqu'elle est équivalente à celle du
responsable ou plus grave que celle-ci (ATF 85 II 38, 84 II 393 et les
arrêts cités). Cette conception est difficilement conciliable avec la
jurisprudence récente selon laquelle l'octroi d'une indemnité pour tort
moral a pour but exclusif de compenser le préjudice que représente
une atteinte au bien-être moral (ATF 115 II 158 consid. 2 et les
références). Le principe d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur
de cette réparation dépendent d'une manière décisive de la gravité de
l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de manière sensible, par le
versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale (ATF 115
II 158 cité).

    Si l'on part de l'idée que l'allocation d'une indemnité équitable à
titre de réparation morale prévue par l'art. 47 CO n'est pas autre chose
que la réparation d'un préjudice et que, dans un cas donné, l'existence
de ce préjudice est établie, on peut se demander si le rôle assigné à la
faute par la jurisprudence dans le cadre de l'examen des circonstances
particulières permettant l'allocation d'une indemnité pour tort moral
doit être maintenu.

    L'art. 47 CO n'est qu'un cas d'application de l'art. 49 CO (ATF
89 II 400 consid. 3). Alors que l'ancienne version de l'art. 49 al. 1
CO faisait dépendre l'allocation d'une indemnité pour tort moral de la
gravité particulière du préjudice subi et de la faute, la modification
entrée en vigueur le 1er juillet 1985 a supprimé la référence à la faute,
ne mentionnant plus que la gravité de l'atteinte et l'absence d'autre
satisfaction donnée au lésé par l'auteur. La suppression de l'exigence
d'une faute particulièrement grave de l'auteur est intervenue non
seulement parce que l'art. 49 CO aurait été la seule disposition posant
une condition aussi restrictive pour la réparation du tort moral, mais
"surtout parce qu'on ne voit pas pour quelle raison la personnalité
comme telle devrait être moins bien protégée en Suisse que ne le sont
les intérêts patrimoniaux" (Message, FF 1982 II 703).

    En conséquence, l'ancienne jurisprudence a perdu sa justification
et l'on ne voit plus pourquoi le lésé, même s'il porte la plus grande
responsabilité dans la survenance de son accident, peut obtenir une
indemnité réduite pour réparer son dommage matériel alors qu'il ne
le pourrait pas pour son dommage immatériel (BREHM, n. 83 ad art. 47
CO; TERCIER, La réparation du tort moral, in Journées du droit de
la circulation routière, Fribourg 1988, p. 11 s.). Pour le dernier
auteur cité, les seules différences entre l'action en réparation du
tort moral et l'action en dommages-intérêts résident désormais dans la
nature du préjudice subi (op.cit., p. 5; cf. déjà, du même auteur, Le
nouveau droit de la personnalité, n. 1981; La réparation du tort moral:
crise ou évolution?, in Festgabe für Henri Deschenaux, p. 317). La
conséquence en est que plus rien ne s'oppose à l'allocation d'une
indemnité pour tort moral même en cas de faute prépondérante du lésé
(BREHM, loc.cit.; SCHAFFHAUSER/ ZELLWEGER, Grundriss des schweizerischen
Strassenverkehrsrechts, II, n. 1423; dans ce sens, antérieurement à la
modification de l'art. 49 CO déjà, OFTINGER, Schweiz. Haftpflichtrecht,
I, 4e éd. 1975, p. 296 n. 2).

    g) La faute du lésé peut en revanche être prise en considération
dans le cadre de l'art. 44 al. 1 CO soit comme facteur de suppression
de l'indemnité pour tort moral à la condition qu'elle soit de nature à
interrompre le rapport de causalité (ATF 71 I 54 s.), soit comme facteur
de réduction de l'indemnité si elle présente une intensité moindre
(BREHM, loc.cit.; SCHAFFHAUSER/ZELLWEGER, loc.cit., avec référence
aussi à l'art. 59 al. 2 LCR). Pour fixer le montant de l'indemnité
dans une telle hypothèse, il est proposé de procéder comme en matière de
dommages-intérêts, c'est-à-dire de déterminer d'abord le préjudice moral
subi et d'opérer ensuite une réduction proportionnelle (BREHM, loc.cit.).

    On ne saurait tirer une pratique uniforme des causes dans lesquelles
le Tribunal fédéral a accordé une indemnité pour tort moral réduite. En
raison de sa nature, la détermination du tort moral échappe à toute
fixation selon des critères mathématiques. Cette considération doit aussi
être présente à l'esprit lorsqu'il s'agit de procéder à une réduction
de cette indemnité, cela afin d'éviter l'allocation de montants qui
n'auraient aucune signification. Dans la mesure où l'indemnité pour tort
moral est traitée, pour autant que sa nature le permette, comme un élément
du dommage à l'instar des dommages-intérêts, la conséquence en est que,
sous réserve de ce qui vient d'être exposé, la proportion dans laquelle
l'indemnité pour tort moral sera réduite devra en principe rester dans
l'ordre de grandeur de la réduction opérée pour l'indemnité devant réparer
le dommage matériel. La question de savoir si ce principe peut connaître
des exceptions n'a pas besoin d'être tranchée ici. De toute façon, dans la
présente cause, la partie du recours qui a trait au dommage matériel est
irrecevable. Le Tribunal fédéral n'a pas à en connaître et il est exclu de
vouloir calculer la réduction de l'indemnité pour tort moral par référence
à la répartition des responsabilités prise en considération par la cour
cantonale pour statuer sur les autres prétentions de la demanderesse.

    h) La demanderesse avait demandé 40'000 francs à titre d'indemnité
pour tort moral. La cour cantonale lui a alloué 30'000 francs alors
qu'elle avait fixé sa part de responsabilité à 20%. Même si cela ne
ressort pas expressément de l'arrêt attaqué, il apparaît que la cour
cantonale s'est conformée aux principes de détermination qui viennent
d'être exposés. La défenderesse ne discute pas les éléments pris en
considération par l'autorité cantonale pour évaluer le tort moral. Il ne
ressort pas du dossier que la demanderesse aurait subi un préjudice moral
plus important parce que le conducteur qui répond de manière causale a,
en plus, commis une faute, de sorte que la question soulevée mais non
résolue dans l'ATF 115 II 158 cité n'a pas non plus besoin de recevoir
une réponse dans la présente cause. Pour déterminer l'indemnité due
à titre de tort moral, il faut tenir compte, d'une part, du fait que
l'automobiliste répond en raison du risque créé - qu'il doit supporter -
et de la faute qu'il a commise et, d'autre part, de la faute concomitante
imputable à la demanderesse. On se trouve donc dans l'hypothèse d'une
collision de responsabilités entre détenteur et responsable pour faute
(DESCHENAUX/TERCIER, La responsabilité civile, 2e éd. 1982, p. 246 n. 28,
p. 257 n. 51, p. 261 s. n. 8; GREC, La situation juridique du détenteur
de véhicule automobile en cas de collision de responsabilités, thèse
Lausanne 1969, p. 56, 122 s.). Selon la jurisprudence, la faute commise
par le détenteur compense en partie la faute de la victime. Pratiquement,
l'indemnité est réduite dans une mesure moindre que ne le justifierait la
faute concurrente, considérée pour elle-même (ATF 95 II 580 consid. 3 et
les arrêts cités). Vu la responsabilité causale encourue par le conducteur
et l'importance des fautes commises par lui et par la demanderesse, il se
justifie de fixer à 25'000 francs l'indemnité pour tort moral à laquelle
elle peut prétendre. Le point de départ des intérêts n'est pas remis en
cause et n'a donc pas à être revu.