Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 II 248



116 II 248

45. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 3 mai 1990 dans la cause D.
contre D. et F. (recours en réforme) Regeste

    Art. 543 Abs. 1 und 544 Abs. 1 ZGB. Auslegung eines eigenhändigen
Testamentes, in dem Vermächtnisse an den oder die Nachkommen eines Sohnes
verfügt werden.

    Das schweizerische Recht wird vom Grundsatz beherrscht, dass
das Vermächtnis mit der Eröffnung des Erbganges erworben wird: Nur
ausnahmsweise kann der Übergang in dem Sinn aufgeschoben sein, dass
der Vermächtnisnehmer erst zu einem späteren Zeitpunkt als dem Tod des
Erblassers diese Eigenschaft erhält. Vorliegend ergibt sich aus dem
Wortlaut des Testaments nicht zweifelsfrei, dass die Erblasserin den Erwerb
zu Gunsten eines im Zeitpunkt der Eröffnung des Erbganges weder geborenen,
noch gezeugten Nachkommen aufschieben wollte. Dieser ist somit nicht als
Vermächtnisnehmer zu betrachten.

Sachverhalt

    A.- a) Louise D. avait deux enfants, Paul D. et André D. Paul D. et sa
femme, Ginette F., née en 1927, avaient un fils, Henri, né le 16 mai 1970.

    Il n'est pas établi que, en 1974, Louise D. sût ni que sa belle-fille
Ginette D. avait subi après la naissance de son fils une ligature des
trompes, ni que le mariage de son fils Paul n'était pas heureux.

    Par testament olographe du 11 avril 1974, Louise D. a fait divers
legs particuliers, notamment 5'000 francs à chacun de ses petits-enfants;
par ailleurs, elle a pris les dispositions suivantes:

    "III. J'institue héritier d'une moitié de ma succession mon fils Paul

    D., ..., sous déduction d'un legs de 100'000 fr. en faveur de son
ou ses
   descendants par parts égales entre eux à prélever exclusivement soit
   sur mes espèces, soit sur mes titres en premier lieu la Générale
   Société d'Assurances à Berne.

    La gestion et l'administration de ce montant sera assurée par Paul
D. ou
   à son défaut par André D. jusqu'au jour où chaque descendant de mon
   fils aîné aura atteint l'âge de 30 ans.

    IV. J'institue héritier de l'autre moitié de ma succession, mon fils

    André D., ... ou à son défaut ses enfants par parts égales entre eux."

    Louise D. est décédée le 12 septembre 1976.

    b) Par jugement du 22 décembre 1982, le divorce a été prononcé entre
les époux Paul et Ginette D.-F.; l'autorité parentale sur Henri a été
attribuée à la mère.

    Paul D. s'est remarié et il a eu un second fils, Marc D., né le 15
juin 1985.

    B.- Le 7 avril 1986, Paul D. et son second fils Marc ont intenté
action contre Henri D. et sa mère Ginette F., demandant notamment qu'il
fût constaté que Marc D. était propriétaire à part égale avec Henri D. du
portefeuille-titres provenant de la succession de leur grand-mère, Louise
D., en vertu du testament olographe du 11 avril 1974.

    Le 19 août 1988, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
a déclaré l'action irrecevable sur ce point, mais, examinant la question
par surabondance, a considéré que Marc D., qui, au décès de Louise D.,
n'était ni né, ni même conçu, n'était pas le légataire de sa grand-mère.

    C.- Paul et Marc D. ont recouru en réforme au Tribunal fédéral,
reprenant les conclusions présentées dans l'instance cantonale. Le Tribunal
fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) A la différence de l'héritier, le légataire ne devient pas
propriétaire de l'objet du legs à l'ouverture de la succession. Le legs ne
lui confère qu'une créance contre l'héritier, tendant à la délivrance de
l'objet légué (cf. art. 562 CC, par opposition à l'art. 560). Toutefois,
comme l'héritier, le légataire acquiert ce droit de par la loi, sans
qu'il ait besoin d'entreprendre des démarches particulières et même s'il
ignore le legs qui lui a été fait (TUOR/PICENONI, n. 1 ad art. 543 CC;
ESCHER, n. 1 ad art. 543 CC). La situation juridique du légataire se
distingue donc de celle de l'héritier par la nature du droit acquis,
non par la manière dont le droit est acquis.

    En principe, l'acquisition du legs par le légataire (sa dévolution)
a lieu au moment de l'ouverture de la succession, soit au décès de l'auteur
du legs.

    L'art 543 al. 1 CC dispose que le légataire a droit à la chose léguée
lorsqu'il survit au défunt et a la capacité de succéder. Doctrine et
jurisprudence admettent que le légataire doit exister et avoir la capacité
d'hériter au moment de l'ouverture de la succession (TUOR/PICENONI,
n. 1 ad art. 543; ESCHER, n. 1-2 ad art. 543; PIOTET, Droit successoral,
Traité de droit privé suisse, tome IV, par. 72, I, p. 493; ATF 68 II 162
consid. 6). L'art. 544 al. 1 CC précise cependant que l'enfant conçu
est capable de succéder, s'il naît vivant.

    Une première exception, légale, est apportée par l'art. 545 al. 1 CC,
en ce sens que l'hérédité, ou une chose en dépendant, peut être laissée
par une clause de substitution à une personne qui n'est pas vivante lors
de l'ouverture de la succession.

    Partant de cette disposition, le Tribunal fédéral a admis une seconde
exception, savoir que l'art. 545 CC permet de conclure à l'admissibilité
d'un legs dont l'acquisition a lieu à un terme différé (ATF 68 II 164). La
doctrine se réfère à cet arrêt sans le critiquer (TUOR/PICENONI, n. 1 in
fine ad art. 543; ESCHER, n. 2 in fine ad art. 543).

    b) En l'espèce, Marc D. n'était ni né, ni même conçu le jour du décès
de sa grand-mère. Si l'acquisition du legs devait avoir lieu au moment du
décès, il n'a pas pu acquérir la qualité de légataire. Il convient donc
d'interpréter le testament de Louise D. pour voir s'il institue un legs
à dévolution différée ou une substitution. Faute d'éléments extrinsèques
servant à démontrer cette volonté (éléments que la cour cantonale n'a
pas retenus comme prouvés), seul le texte du testament doit être pris
en considération.

    aa) Dans la première phrase du chiffre III de son testament, Louise D.
déclare: "J'institue héritier d'une moitié de la succession mon fils
Paul D. ..., sous déduction d'un legs...". D'après les termes utilisés,
la dévolution du legs doit avoir lieu au moment où la qualité d'héritier
est acquise, soit au décès. La testatrice précise d'ailleurs immédiatement
comment doit être constitué l'objet du legs, soit sur ses espèces,
soit sur ses titres, en premier lieu La Générale, Société d'assurances,
à Berne. Une telle précision n'aurait guère de sens si le legs ne devait
prendre naissance que trente ans plus tard.

    bb) La clause selon laquelle le montant du legs doit être géré et
administré par Paul D. tant que chaque descendant n'aura pas atteint l'âge
de trente ans n'implique pas la volonté de la testatrice de n'attribuer
au légataire la propriété du legs qu'à cette époque: la propriété du
legs est acquise à ou aux intéressés à l'ouverture de la succession,
mais l'administration et la gestion du patrimoine leur est retirée
temporairement. C'est ainsi du reste que le testament a été interprété
par Paul D., qui, après le décès de sa mère, a constitué un compte spécial
pour son fils Henri, seul légataire existant à la mort de la testatrice.

    cc) On ne trouve pas non plus dans le texte du testament des indices
permettant d'accréditer l'idée d'une substitution de légataire: il n'est
fait mention nulle part de la remise de certains biens à un premier
légataire qui devrait à son tour les remettre à un second. La testatrice
a uniquement prévu un système de gestion particulier.

    dd) Comme le dit avec raison la Cour civile, l'incertitude découle
essentiellement du fait que Louise D. n'a pas désigné avec une précision
totale le ou les bénéficiaires du legs, se contentant d'écrire "son ou
ses descendants".

    D'emblée, il apparaît que, par "descendants", la testatrice a entendu
"enfants". Certes, sous chiffre II, elle déclare léguer 5'000 francs "à
chacun de mes petits-enfants" et, sous chiffre IV, elle parle des "enfants"
de son fils André; mais on conçoit mal comment Paul D. ou son frère André
pourraient gérer et administrer les biens d'un descendant autre qu'un
enfant ou un neveu jusqu'à ce que celui-ci ait atteint l'âge de trente ans.

    Selon le professeur X., dans un avis de droit donné aux intimés, les
termes utilisés ne peuvent être interprétés comme manifestant l'intention
de la testatrice de différer l'acquisition du legs jusqu'au moment où
l'ensemble des descendants de Paul D. serait connu: Louise D. a eu en
vue uniquement les descendants qui existeraient à son décès. Répliquant
au professeur X., dans un avis de droit produit par les recourants,
le professeur Y. s'exprime notamment comme il suit:

    "... 'Son ou ses descendants' veut dire son ou ses descendants et pas
autre chose... En réalité, le testament vise tous les enfants de Paul D.,
quel que soit le moment de leur conception. Cela implique naturellement
que, s'il y a un ou des enfants à un moment postérieur à l'ouverture de la
succession, ils acquerront leur créance de légataire à ce moment-là (voir
notamment PIOTET, Traité de droit privé suisse, IV, Droit successoral,
p. 493, par. 72 I al. 2) et qu'il faudra procéder à une répartition de
l'objet du legs en raison de cette acquisition."

    Cette interprétation est trop extensive. On ne saurait perdre de vue
que le principe est celui de l'acquisition du legs au décès: ce n'est qu'à
titre exceptionnel que la dévolution peut être différée en ce sens que le
légataire n'acquiert cette qualité qu'à un moment postérieur à la mort
de l'auteur du legs. Or, le texte du testament n'est pas suffisamment
explicite pour qu'on puisse s'écarter de la règle et affirmer avec la
certitude qui s'impose que la de cujus a pensé à des petits-enfants
nés après son décès. Comme le dit pertinemment la Cour civile, les mots
"son ou ses descendants" ne démontrent pas, à eux seuls, l'intention de la
testatrice de différer la dévolution du legs jusqu'au moment où l'ensemble
des enfants de Paul D. serait connu. Ils s'expliquent plus naturellement
par le fait qu'au moment de la rédaction du testament, soit en 1974,
Louise D. ne pouvait pas savoir combien elle aurait de petits-enfants
jusqu'à sa mort. La de cujus est décédée en 1976, mais on ignore son âge
et son état de santé au moment de la rédaction de son testament: on ne
peut donc pas exclure qu'elle pensait qu'elle vivrait assez longtemps pour
connaître d'autres petits-enfants. Il n'est pas établi qu'elle sût que sa
bru Ginette D.-F. avait subi après la naissance de son fils une ligature
des trompes: la naissance d'un autre enfant était donc concevable, mais
à relativement court terme étant donné l'âge que Ginette D., née en 1927,
avait en 1974. Il n'est pas possible en revanche de dire que la testatrice
envisageait la naissance d'un enfant issu d'un second mariage de Paul D.:
en effet, la Cour civile constate qu'il n'est pas établi que Louise D. sût
que le mariage de son fils n'était pas heureux.

    En conclusion, on doit admettre, avec la cour cantonale, qu'il ne
ressort pas sans équivoque du texte du testament que la testatrice ait
voulu différer la dévolution du legs, comme le présuppose une dérogation
à l'art. 543 al. 1 CC. L'interprétation de cet acte montre qu'on est en
présence d'un legs ordinaire, dévolu au moment du décès, mais devant faire
l'objet d'une gestion particulière et le ou les légataires ne pouvant en
prendre possession avant l'âge de trente ans.

    La Cour civile n'a donc pas violé le droit fédéral en considérant
que Marc D., qui, au décès de Louise D., n'était ni né, ni même conçu,
n'était pas son légataire.