Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 IB 284



116 Ib 284

38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 28 septembre
1990 dans la cause Fédération des travailleurs de la métallurgie et de
l'horlogerie et Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux de la Suisse
contre Département de l'économie publique (recours de droit administratif)
Regeste

    Ausnahmen vom Sonntagsarbeitsverbot.

    1. Legitimation der Arbeitnehmerverbände (E. 1b).

    2. Ratio legis des Nacht- und Sonntagsarbeitsverbots; Ausnahmen
vom Nacht- und Sonntagsarbeitsverbot; Begriff der wirtschaftlichen
Unentbehrlichkeit von Nacht- und Sonntagsarbeit; Verhältnis zwischen
Nachtarbeitsverbot und Sonntagsarbeitsverbot (E. 4, 5).

    3. Kriterium der Berufsüblichkeit für die Bewilligung von
Frauensonntagsarbeit; Sonderschutz weiblicher Arbeitnehmer und
Gleichstellung von Frau und Mann (E. 6 bis 8).

Sachverhalt

    A.- Le 3 octobre 1988, l'Office fédéral de l'industrie, des arts et
des métiers a accordé à EM Microelectronic Marin SA, qui fait partie du
groupe horloger SMH et qui produit des "microchips", une autorisation
d'occuper jusqu'à 80 hommes, 160 femmes et 16 jeunes gens en régime de
travail de jour à deux équipes, jusqu'à 80 hommes en régime de travail
de nuit, jusqu'à 15 femmes en régime de travail du dimanche et jusqu'à
55 hommes en régime de travail continu.

    Le 28 novembre 1989, le Département fédéral de l'économie publique
a rejeté, par décisions séparées, des recours formés par la Fédération
des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH) et la
Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux de la Suisse (FCOM) contre
ces décisions.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Fédération
des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie demande au Tribunal
fédéral d'annuler la décision du Département fédéral de l'économie publique
du 28 novembre 1989, ainsi que les quatre décisions de l'Office fédéral
de l'industrie, des arts et des métiers. En particulier, elle demande
d'annuler les décisions de l'Office fédéral en tant qu'elles portent sur
un nombre maximum de personnes concernées, sur une durée de trois ans,
sur l'autorisation de travailler le dimanche et sur l'autorisation de
travail dominical des femmes. Elle conclut subsidiairement au renvoi de
la cause à l'Office fédéral de l'industrie, des arts et des métiers pour
qu'il statue à nouveau et, plus subsidiairement encore, de l'acheminer
à prouver par toutes voies de droit les faits qu'elle allègue.

    Dans son recours de droit administratif, la Fédération chrétienne des
ouvriers sur métaux de la Suisse demande au Tribunal fédéral d'annuler
la décision du Département fédéral de l'économie publique du 28 novembre
1989, ainsi que les quatre décisions de l'Office fédéral de l'industrie,
des arts et des métiers, et de renvoyer la cause pour nouvel examen et
décision au Département. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de
l'autorisation de travail dominical des femmes.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- b) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et conformément aux
art. 103 lit. c OJ et 58 al. 1 LTr, les associations de travailleurs de
la branche en question ont la qualité pour former un recours de droit
administratif contre des décisions prises en application de la loi
sur le travail. Il n'est pas nécessaire d'examiner si les travailleurs
concernés sont ou non membres de l'Association (ATF 98 Ib 346 consid. 1;
arrêt du 11 juillet 1986, consid. 1, in JAR 1987 p. 309 ss). Il n'y a
aucune raison de revenir sur cette jurisprudence.

    Dans le cas d'espèce, l'autorisation de travail attaquée concerne
une entreprise qui produit des "microchips" et qui appartient au groupe
horloger SMH. La Fédération des travailleurs de la métallurgie et de
l'horlogerie et la Fédération chrétienne des ouvriers sur métaux de la
Suisse sont des syndicats de la branche, dont la qualité pour recourir
n'est pas mise en question. Leurs recours de droit administratif, déposés
à temps et selon les formes prescrites, sont ainsi recevables.

Erwägung 2

    2.- a) Le travail à trois équipes ou davantage, régulier ou
périodique, qui comprend au moins une équipe de nuit, ainsi que le travail
ininterrompu, qui englobe à la fois le travail de nuit et le travail
du dimanche (REHBINDER, Kommentar zum Arbeitsgesetz, 4e édition, 1987,
N. 1 ad art. 24 et N. 1 ad art. 25), peuvent être autorisés, lorsque des
raisons techniques ou économiques les rendent indispensables (art. 17
al. 2, art. 24 al. 2 et art. 25 al. 1 LTr). Quant au travail nocturne
et dominical des femmes, il ne peut être autorisé qu'aux conditions qui
seront définies par ordonnance (art. 34 al. 3 LTr).

    b) L'art. 45 de l'Ordonnance 1 du Conseil fédéral concernant la loi
sur le travail du 14 janvier 1966 (OLTr 1; RS 822.111) dispose sous le
titre marginal "travail de nuit ou travail du dimanche indispensables":

    "Le travail régulier et périodique de nuit ou du dimanche est réputé
   indispensable, pour des raisons techniques ou économiques, s'il s'agit
   d'effectuer des opérations mentionnées à l'appendice, dans la mesure
   qu'il indique.

    Le Département fédéral de l'économie publique est autorisé à
modifier ou
   à compléter l'appendice, selon l'évolution technique et économique,
   après avoir pris l'avis de la commission du travail."

    L'appendice à l'art. 45 OLTr énonce sous chiffre II les activités
pour lesquelles le caractère indispensable est considéré comme prouvé;
sous chiffre I figurent les directives générales servant à déterminer le
caractère indispensable du travail nocturne ou dominical. Elles ont la
teneur suivante:

    1. ...

    2. le travail régulier ou périodique de nuit ou du dimanche est
   indispensable, pour des raisons économiques, notamment lorsque:

    a) l'interruption d'un procédé de travail ou sa remise en train
est très
   coûteuse; b) un procédé de travail nécessite de grands frais
   d'investissement et d'amortissement; c) la capacité de concurrence
   à l'égard de l'étranger est réduite considérablement du fait que la
   durée du travail est plus longue à l'étranger ou que les conditions
   de travail y sont différentes.

    3. ...

    Pour le travail des femmes, l'Ordonnance du Conseil fédéral dispose
que le travail du dimanche - en l'espèce, le travail de nuit n'est pas
litigieux - peut être autorisé à la condition que ce travail soit conforme
à l'usage de la profession (art. 71 lit. b OLTr 1).

    c) Les autorités inférieures considèrent que les activités d'EM
Microelectronic Marin SA ne font pas partie des activités pour lesquelles
le caractère indispensable est considéré comme prouvé aux termes du chiffre
II de l'appendice; elles fondent leur décision d'octroi de l'autorisation
sur le chiffre I/2 lit. a, b et c des directives générales, ainsi que sur
l'art. 71 lit. b OLTr 1 en ce qui concerne le travail dominical des femmes.

Erwägung 4

    4.- a) La loi sur le travail interdit en principe d'occuper
des travailleurs la nuit (art. 16 LTr) et le dimanche (art. 18 LTr).
L'interdiction tient compte des effets négatifs du travail nocturne et
dominical sur la santé, ainsi que sur la vie familiale et sociale.

    Pendant le travail de nuit, l'être humain vit contre son rythme
biologique, lequel est programmé pour une activité durant le jour et pour
un repos pendant la nuit. Une activité contraire à ce rythme entraîne à
long terme des problèmes de santé. Le cercle familial en subit également
les conséquences. Il doit en effet respecter durant la journée les besoins
de repos du membre de la famille qui travaille la nuit; la famille n'a
ainsi plus de rythme de vie commun, ce qui occasionne non seulement du
travail supplémentaire pour organiser la vie familiale, mais avant tout a
une influence négative sur les rapports humains au sein de la famille. Le
travail de nuit rend en outre difficile la participation à la vie publique
et provoque parfois l'isolement social (voir à ce sujet l'expertise de la
Faculté des sciences sociales et politiques de l'Université de Lausanne:
BEAUD, BRULHARDT, GOTTRAUX, LEVY, MESSANT-LAURENT, Travail de nuit et
autres formes d'horaires atypiques, Lausanne 1990).

    Le travail du dimanche, au contraire du travail de nuit, n'a pas
d'effet direct sur la santé, mais son incidence sur le plan social et
culturel est encore plus importante. Non seulement le dimanche est un jour
sacré selon la tradition chrétienne et garde encore cette signification
pour une partie de la population, mais surtout l'institution d'un même
jour libre pour tous permet aux personnes sous pression dans leur travail
de bénéficier de repos et de loisirs en dehors de la vie de tous les
jours. Il permet le calme intérieur, lequel ne serait pas pensable sans
calme extérieur. Un temps libre commun permet dans une grande mesure
la communication et les contacts au sein de la famille et en dehors, ce
qui ne peut être atteint par du temps libre individuel durant la semaine
(voir l'étude sociologique de JÜRGEN P. RINDERSPACHER, Am Ende der Woche -
Die soziale und kulturelle Bedeutung des Wochenendes, Bonn 1987).

    b) La loi sur le travail prévoit une exception à l'interdiction du
travail nocturne et dominical lorsque cela est indispensable sur le plan
technique ou économique (art. 17 al. 2, art. 19 al. 2 LTr). Le caractère
restrictif de l'énoncé montre la grande importance que le législateur
accorde à ce repos. La rationalité économique, à elle seule, ne justifie
pas une exception. Les dispositions visant à protéger le travailleur
doivent justement intervenir lorsque les lois du marché parlent en faveur
de l'introduction du travail nocturne et dominical. Le droit de protection
des travailleurs doit par conséquent fixer en faveur des travailleurs
des limites à la recherche de la rationalité économique. Il détermine
les conditions-cadres que l'entrepreneur doit respecter lorsqu'il prend
des décisions d'ordre économique.

    c) Le fait qu'une entreprise ne survivrait pas n'est ni une
condition nécessaire, ni une condition suffisante pour autoriser le
travail nocturne ou dominical. D'une part, le but d'une telle exception
n'est pas de prolonger la vie d'entreprises non viables; le fait que
certaines entreprises, sous la pression de la concurrence, ne peuvent
pas continuer d'exister tient au système de l'économie de marché et
ne doit pas être contourné par des exceptions à la protection des
travailleurs. D'autre part, cela n'aurait aucun sens de n'autoriser le
travail nocturne ou dominical que lorsque l'entreprise a déjà perdu sa
capacité concurrentielle.

    Le point de départ de l'examen du caractère indispensable sur le
plan économique n'est ainsi pas la situation économique de l'entreprise
prise individuellement, mais le procédé de travail. Lorsque celui-ci ne
peut pas être mis en oeuvre sans le travail nocturne ou dominical (pour
des raisons techniques ou économiques), le maintien de l'interdiction
ne se justifie pas. Une telle solution permet d'avoir une pratique
neutre pour la concurrence lorsqu'il s'agit d'accorder les autorisations
d'exceptions. Les exceptions à l'interdiction du travail nocturne et
dominical doivent, en outre, se conformer au principe de l'égalité de
traitement, issu de la liberté du commerce et de l'industrie, et ne
doivent pas avoir un effet de distorsion de la concurrence.

    d) Les exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical,
selon les termes même de la loi, sont admissibles aux mêmes conditions,
c'est-à-dire lorsqu'elles sont indispensables sur le plan technique ou
économique. Cela ne signifie cependant pas que le travail dominical doit
être obligatoirement autorisé lorsque le travail nocturne est lui-même
autorisé.

    La disposition qui traite des exceptions à l'interdiction du travail
de nuit se trouve à l'art. 17 al. 2 LTr, alors que celle relative aux
exceptions à l'interdiction du travail dominical se trouve à l'art. 19
al. 2 LTr. Le travail à trois équipes ou davantage (avec au moins une
équipe de nuit) est réglé par l'art. 24 al. 2 LTr, alors que le travail
continu (comprenant le travail nocturne et dominical) est prévu à l'art. 25
al. 1 LTr. Le fait que la réglementation se trouve dans différentes
dispositions légales montre que les exceptions à l'interdiction du
travail nocturne ou dominical doivent être traitées séparément. Il
ressort du message du Conseil fédéral du 30 septembre 1960 concernant
le projet de la loi sur le travail (FO 1960 II 977) que le législateur
voulait limiter plus encore le travail dominical que le travail de nuit,
raison pour laquelle il a prévu, en ce qui concerne le travail dominical
temporaire, des suppléments de salaire plus importants qu'en cas de travail
nocturne (art. 17 al. 1, art. 19 al. 1 LTr). Même si cette réglementation
des salaires ne vaut pas pour le travail nocturne et dominical durable,
l'estimation formulée par le législateur est significative et doit conduire
à autoriser le travail dominical de manière encore plus restrictive que le
travail de nuit (arrêt du 11 juillet 1986, consid. 4, in JAR 1987 p. 316).

    En tant que dérogations à l'un des principes majeurs du droit de
protection des travailleurs, les exceptions à l'interdiction du travail
nocturne et dominical ne doivent être accordées, selon le principe de la
proportionnalité, que là où le caractère indispensable est établi. Dans
la mesure où le travail nocturne peut suffire, il faut en rester là et
ne pas accorder en plus l'autorisation de travailler le dimanche.

Erwägung 5

    5.- a) Selon le chiffre I/2 de l'appendice de l'Ordonnance générale
(OLTr 1), le travail nocturne et du dimanche n'est économiquement
indispensable que lorsque l'interruption d'un procédé de travail
ou sa remise en train est très coûteuse (lit. a), qu'un procédé de
travail nécessite de grands frais d'investissement et d'amortissement
(lit. b) ou que la capacité de concurrence à l'égard de l'étranger
est réduite considérablement du fait que la durée de travail est plus
longue à l'étranger ou que les conditions de travail y sont différentes
(lit. c). Selon l'intention du législateur, l'interprétation de ces
dispositions doit restreindre le plus possible le travail nocturne et
dominical.

    b) L'autorisation accordée à EM Microelectronic Marin SA se fonde
tout d'abord sur le chiffre I/2 lit. a de l'appendice, selon lequel le
travail nocturne ou dominical est indispensable sur le plan économique
lorsque l'interruption d'un procédé de travail ou sa remise en train est
très coûteuse.

    A cet égard, les pertes qui résultent de la seule diminution du temps
de travail productif n'entrent pas en considération. Elles concernent
en effet chaque entreprise qui est soumise à la loi sur le travail. En
principe, le législateur oblige les entrepreneurs à limiter un temps
d'utilisation théorique de sept fois 24 heures en faveur du repos nocturne
et dominical. L'arrêt du procédé de travail n'est dès lors considéré
comme déraisonnable que s'il affecte considérablement la production dans
le cadre des heures de travail ordinaire.

    Le problème particulier de la production des "microchips" réside
en ceci que les particules de poussière et l'oxydation à l'air les
endommagent. La proportion de déchets est dès lors dépendante du
temps de production. EM Microelectronic Marin SA fait valoir qu'un
travail continu, également le dimanche (le travail nocturne n'est pas
fondamentalement contesté par les syndicats), permet d'augmenter de 15%
le rendement par unité de surface, ou inversement que la proportion de
déchets supplémentaires, dans le cas de l'interdiction du travail du
dimanche, s'élève à 15% de la production hebdomadaire totale, ce qui
représente une perte de 6,3 millions de francs. En République fédérale
d'Allemagne, le travail dominical pour les producteurs de "microchips"
a été autorisé pour la raison qui vient d'être exposée. La proportion de
déchets chez IBM Böblingen, dans la phase d'essai, confirme les chiffres
avancés par EM Microelectronic Marin SA (GERD ALBRACHT, Sonntagsarbeit -
Auswirkungen und rechtliche Probleme, in: Arbeit und Recht 37/1989 p. 111,
117). Les pertes ne résultent donc pas uniquement de la différence de
durée du travail, comme le prétend à tort la Fédération des travailleurs
de la métallurgie et de l'horlogerie dans son recours.

    c) L'autorisation accordée à EM Microelectronic Marin SA se fonde
en outre sur le fait que le procédé de travail appliqué exige des
investissements et des frais d'amortissement élevés (chiffre I/2 lit. b
de l'appendice). Les autorités inférieures ont considéré cette condition
comme remplie, en indiquant que le temps d'amortissement de 5 à 7 ans
était usuel et que les investissements de 50 millions de francs pour les
années 1986 à 1988, ainsi que de 64 millions (budgetés) pour les années
1989 à 1992, étaient particulièrement élevés.

    Le montant des investissements effectués ou prévus n'est pas
déterminant à lui seul. Si l'on reconnaissait sans autre que le travail
nocturne et dominical était indispensable sur le plan économique lorsque
des investissements élevés ont été effectués, cela signifierait que
l'on mène, par le biais du droit du travail, une politique en faveur
des entreprises axées sur le capital et au détriment de celles axées
sur le travail. Il en résulterait que le travail nocturne et dominical,
au vu des progrès de la rationalisation, deviendrait la règle. Une
telle interprétation ne serait pas compatible avec le but de la loi.
Elle laisserait de côté l'exigence que le procédé de travail "nécessite"
de grands frais d'investissement et d'amortissement. Selon le texte clair
de cette disposition, la condition du caractère indispensable sur le plan
économique n'est remplie que si le procédé de travail exige de grands
frais d'investissement et d'amortissement. D'après la ratio legis, cette
condition n'est réalisée que si le procédé de travail occasionnant des
frais élevés est nécessaire en tant que tel. Toute autre interprétation
aurait pour conséquence que l'entrepreneur serait libre de choisir le
procédé de travail conduisant au travail nocturne et dominical. Le critère
décisif pour admettre la nécessité d'un investissement élevé est que le
produit ne puisse pas être fabriqué ou en tout cas pas avec une qualité
suffisante. Le travail dominical et nocturne n'est pas justifié lorsque
le remplacement des machines n'intervient que parce que d'autres, plus
productives, sont à disposition. L'entrepreneur a bien sûr la possibilité
de choisir les méthodes de fabrication les plus productives; son calcul
de la rentabilité ne doit cependant pas se baser sur des dérogations à
l'interdiction du travail de nuit et du dimanche. Selon le Conseiller
national Schürmann, qui a expressément précisé, sans être contredit,
l'interprétation qu'il fallait faire de la loi, ainsi que le contenu
de l'ordonnance que le Conseil fédéral devait établir sur ce point,
de simples exigences de rationalisation ne doivent pas suffire pour
obtenir une autorisation (Bull.stén. 1962 CN 214). On ne peut pas parler
dans un tel cas de caractère indispensable; le fait que des temps de
fonctionnement de machines plus longs permettent une production plus
élevée vaut pour toute entreprise. Cela ne peut cependant justifier une
exception à l'interdiction de base.

    Au cas où des investissements élevés sont absolument nécessaires,
il se pose ensuite la question de savoir si leur amortissement n'est pas
possible dans le cadre du temps d'utilisation usuelle ou en tous les cas
dans le cadre du travail nocturne, à l'exclusion du travail dominical. Ce
n'est que dans les cas où non seulement les investissements élevés sont
indispensables, mais également où l'amortissement n'est pas possible sans
un travail nocturne ou à la rigueur un travail dominical, qu'une telle
autorisation peut être accordée.

    En ce qui concerne la production de "microchips", il faut admettre
que celle-ci n'est possible que sur la base d'un procédé technique et
financier extrêmement coûteux. Des procédés de production plus avantageux
ne sont pas à disposition. La marge de manoeuvre de l'entreprise n'existe
dès lors pas. Il demeure cependant des incertitudes quant à savoir si
les frais élevés ne peuvent être amortis sans travail dominical.

    d) Enfin, les autorités inférieures se fondent sur le chiffre I/2
lit. c de l'appendice, selon lequel le travail nocturne et dominical est
indispensable sur le plan économique lorsque la capacité de concurrence
à l'égard de l'étranger est réduite considérablement du fait que la
durée de travail est plus longue à l'étranger ou que les conditions de
travail y sont différentes. Cette disposition trouve son fondement dans
l'imbrication de l'économie mondiale. Des différences dans les dispositions
légales sur le travail, liées au démantèlement des barrières douanières,
peuvent porter préjudice à la capacité concurrentielle des entreprises
suisses, lorsqu'il existe des prescriptions moins sévères dans les pays
concurrents. Il y a cependant de nombreux autres avantages et désavantages
selon les pays concernés pour la production d'un bien déterminé. La
libéralisation du commerce mondial entraîne la production des biens aux
endroits où ils coûtent le moins cher. Ce processus inhérent au système
mondial de l'économie de marché ne peut et ne doit pas être empêché
au moyen du chiffre I/2 lit. c de l'appendice de l'OLTr 1. En d'autres
termes, les avantages de lieu de certains pays étrangers, dus par exemple
à des niveaux de salaire inférieurs, ne doivent pas être compensés par
des exceptions à l'interdiction du travail nocturne et dominical. Il ne
faut prendre en considération une diminution de capacité concurrentielle
que lorsque celle-ci est causée par des prescriptions de protection des
travailleurs moins sévères à l'étranger. Seules celles-ci sont susceptibles
de rendre indispensables sur le plan économique également en Suisse le
travail de nuit et le travail du dimanche.

    Une comparaison avec les conditions de travail dans les pays
concurrents ne doit cependant pas faire perdre de vue la volonté
du législateur de limiter autant que possible le travail de nuit
et le travail dominical. En effet, si la portée de la protection des
travailleurs était uniquement déterminée par celle prévalant au niveau le
plus bas à l'étranger, l'interdiction du travail de nuit et du dimanche
serait aisément contournée. Cela ne s'accorderait pas avec le but de
la loi. Une comparaison avec des pays qui n'accordent aux travailleurs
aucune protection valable n'est dès lors pas possible. Par contre,
lorsque des pays ayant une réglementation sociale en principe équivalente
connaissent des prescriptions moins sévères dans des branches déterminées,
la protection du travailleur vient au second plan, à la condition toutefois
qu'il existe une situation concurrentielle avec ces Etats et que des
effets considérables sur la capacité concurrentielle des entreprises
suisses soient démontrés. Dans de telles conditions, une réglementation
plus sévère ne peut pas être maintenue dans un seul pays.

    En ce qui concerne la fabrication de "microchips", la production
continue existe partout dans le monde, en particulier en République
fédérale allemande. Ces faits, qui résultent du dossier, ne sont
d'ailleurs pas contestés par les syndicats. En revanche, il est difficile
de déterminer si et avec qui EM Microelectronic Marin SA se trouve en
situation de concurrence, étant donné que cette société produit dans
une grande mesure pour l'industrie horlogère du groupe SMH, auquel elle
appartient. L'industrie horlogère ne pourra cependant pas se permettre
de se fournir en "microchips" pour un prix nettement plus élevé que le
prix mondial du marché. Cela signifie que, malgré son appartenance au
groupe SMH, EM Microelectronic Marin SA subit un désavantage concurrentiel
vis-à-vis des autres producteurs de "microchips" qui produisent en continu.

    e) Sur la base des principes énoncés, il est possible de dégager
les constatations suivantes relatives au caractère indispensable dans le
cas concret.

    Bien qu'il ne soit pas établi que les hauts coûts d'investissement,
qui sont techniquement inévitables, ne peuvent pas être amortis dans
des délais raisonnables, il est cependant constant qu'une production de
pièces défectueuses, correspondant à environ 15% de la production totale,
peut être évitée au moyen d'une autorisation du travail du dimanche. De
même, sans travail dominical, des désavantages concurrentiels existent
vis-à-vis de tous les autres producteurs de "microchips". La question peut
rester indécise de savoir si les deux derniers points mentionnés peuvent
justifier chacun à lui seul une exception à l'interdiction du travail
dominical. En effet, les autorités inférieures n'ont pas suffisamment
vérifié si, d'une part, la perte de production consécutive à un arrêt
du procédé de travail atteignait une telle ampleur et si, d'autre part,
le temps d'utilisation de l'exploitation sans le travail dominical (mais
avec le travail nocturne) était inacceptable par rapport à celle des
pays concurrents qui connaissent une production continue. Pris ensemble,
les frais d'interruption et de désavantage concurrentiel vis-à-vis de
l'étranger font apparaître le travail du dimanche de toute manière comme
indispensable sur le plan économique. Un pareil double inconvénient ne
peut pas être imposé à EM Microelectronic Marin SA. Le travail du dimanche
doit aussi être en principe autorisé.

Erwägung 6

    6.- a) Les syndicats considèrent qu'il est inadmissible de soumettre
les femmes au travail du dimanche. Selon l'art. 34 al. 3 LTr, le
travail nocturne et dominical pour les travailleurs féminins ne peut
être autorisé qu'à des conditions particulières, qui sont déterminées
par l'ordonnance. C'est le cas en partie, d'une manière générale et
abstraite, dans l'Ordonnance 2 concernant l'exécution de la loi fédérale
sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 14 janvier
1966 (OLTr 2; RS 822.112). Ces dispositions, fondées sur l'art. 27 LTr,
ont été édictées pour des groupes particuliers d'exploitation ou de
travailleurs. Elles comprennent également le travail nocturne et dominical
des femmes. Pour autant que des exceptions à la réglementation sur le temps
de travail soient autorisées en dehors de ces groupes par des décisions
individuelles de l'autorité, les art. 70 et 71 de l'OLTRr 1 contiennent
des dispositions pour la protection particulière des travailleurs féminins
en ce qui concerne le travail nocturne et dominical. Le travail nocturne
n'est pas en discussion ici (il ne serait de toute manière pas autorisé vu
l'art. 70 OLTr 1 et vu la Convention No 89 de l'OIT du 9 juillet 1948 sur
le travail de nuit des femmes dans les usines). Quant au travail dominical
des femmes, il ne peut être autorisé au sens de l'art. 71 lit. b OLTRr
1 que pour autant qu'il soit usuel dans la profession considérée. Telle
est la question qui se pose dans le cas d'espèce.

    b) Le Département fédéral de l'économie publique considère que
l'exigence du caractère usuel dans la profession est remplie lorsque,
dans une profession déterminée, le travail dominical est assez répandu
et qu'il est devenu une nécessité en raison d'un nouveau procédé de
travail. L'Office fédéral de l'industrie, des arts et des métiers va
encore plus loin et considère qu'il y a déjà usage dans la profession
lorsque le travail du dimanche en tant que tel est indispensable. Selon
lui, il est déraisonnable d'accorder dans un premier temps l'autorisation
de travailler le dimanche limitée aux hommes et de l'étendre ensuite aux
femmes avec un simple report dans le temps.

    Si l'on suivait l'interprétation de l'Office fédéral, le critère
du caractère usuel dans la profession serait obsolète. Le travail
dominical des femmes pourrait toujours être autorisé lorsque le travail
dominical est, en tant que tel, indispensable sur le plan technique
et économique. Les femmes ne seraient ainsi pas plus protégées que ne
le sont les hommes. Or, une telle interprétation contredit clairement
l'intention du législateur, qui a voulu soumettre le travail dominical
des femmes à des conditions particulières et supplémentaires (art. 34
al. 3 LTr). Il serait cependant tout aussi peu convaincant d'adopter
la solution consistant à admettre le travail dominical des femmes après
une phase préalable de travail dominical des hommes. Une telle manière
de faire n'offrirait que peu de protection supplémentaire et, de plus,
aboutirait au résultat que le caractère usuel du travail dominical ne
pourrait jamais se développer dans des professions exercées de manière
prépondérante, voire exclusive, par des femmes. En d'autres termes, le
travail du dimanche ne serait pas possible dans un tel cas, même s'il
était indispensable techniquement ou économiquement.

    c) En ce qui concerne l'interprétation des dispositions particulières
dont dépend l'admissibilité du travail dominical des femmes, il faut
rappeler que le législateur a voulu restreindre de manière générale
le travail dominical (également pour les hommes) plus encore que le
travail nocturne (consid. 4c), considérant la très grande importance du
dimanche libre pour l'entretien des rapports familiaux et sociaux. Dans
une répartition traditionnelle des rôles, qui continue d'exister dans la
réalité sociale malgré l'égalité entre hommes et femmes dans le droit
du mariage, une place particulière revient à la femme dans le cadre de
la vie de famille. C'est la raison pour laquelle la loi et l'ordonnance
veulent réserver en principe aux hommes la possibilité de travailler le
dimanche, dans la mesure toutefois où un tel travail est techniquement
ou économiquement indispensable. Il ne peut y avoir une exception à ce
principe que dans l'hypothèse où un métier n'est en pratique pas exercé,
ou presque pas, par les hommes. Dans de tels cas, la possibilité doit
exister d'utiliser les services des femmes dans le cadre du travail du
dimanche. Il y a ainsi lieu d'examiner si un travail est usuellement
exécuté dans une profession par les femmes (et non par les hommes).

    Des travaux de femmes typiques qui ont de tout temps été exécutés aussi
bien la nuit que le dimanche sont énumérés dans l'ordonnance 2 de la loi
sur le travail (OLTr 2). REHBINDER (op.cit., N. 3 ad art. 34) en conclut
que l'état de fait prévu à l'art. 71 lit. b OLTr 1 est vraisemblablement
superflu, étant donné que le travail dominical n'est usuel que dans des
branches qui sont de toute façon mentionnées dans l'OLTr 2. On ne peut
retenir une telle interprétation, car elle empêcherait de prendre en compte
le caractère indispensable sur un plan technique ou économique dans le cas
d'une nouvelle méthode de travail, lorsque le travail correspondant est
en pratique exercé avant tout ou exclusivement par des femmes. L'art. 71
lit. b OLTr 1 doit ainsi être considéré comme un complément de l'OLTr 2.

Erwägung 7

    7.- a) La question se pose de savoir si, et dans quelle mesure, la
protection particulière des travailleurs féminins est conforme à l'art. 4
al. 2 Cst. Selon cette disposition, l'homme et la femme sont égaux en droit
(1re phrase); la loi pourvoit à l'égalité, en particulier dans les domaines
de la famille, de l'instruction et du travail (2e phrase). La première
phrase institue un droit constitutionnel qui, sous réserve de quelques
exceptions, interdit la différenciation juridique selon le sexe et qui
est directement applicable. La deuxième phrase contient une injonction
au législateur de réaliser une égalité effective dans la réalité sociale
(CHARLES-ALBERT MORAND, L'érosion jurisprudentielle du droit fondamental
à l'égalité entre hommes et femmes, in: L'égalité entre hommes et femmes,
Lausanne 1988, p. 77 et ss; GEORG MÜLLER, Quotenregelungen - Rechtssetzung
im Spannungsfeld von Gleichheit und Verhältnismässigkeit, in: ZBl 91/1990,
p. 308). L'interdiction de discrimination en tant qu'égalité formelle
et l'injonction de créer une égalité de chances sur le plan matériel se
trouvent cependant dans une certaine contradiction (MORAND, op.cit., p. 87
et ss) et doivent trouver un équilibre (GEORG MÜLLER, op.cit., p. 310).

    b) S'agissant du travail dominical, ce ne sont pas les différences
biologiques qui justifient une différence de traitement entre hommes
et femmes. Cette différence repose bien plus sur la répartition
traditionnelle des tâches dans la vie de famille. Il faut observer par
ailleurs que le repos dominical a une plus grande importance encore pour
la famille que pour la société en général. Le but de la législation sur
la protection du travail, qui n'a rien à voir en tant que telle avec
la discrimination des sexes, est d'empêcher l'aggravation des rapports
sociaux, en particulier dans le cadre de la famille. La réglementation
en vigueur sur le travail dominical des femmes constitue le moyen actuel
d'atteindre ce but. Il serait cependant tout à fait pensable de trouver
une solution législative qui viserait le même but, mais qui ne ferait
pas de discrimination entre les hommes et les femmes.

    c) En principe, le Tribunal fédéral peut refuser l'application d'une
ordonnance qui est en contradiction avec l'art. 4 al. 2 Cst.; cela
aurait comme conséquence que les femmes seraient traitées de la même
manière que les hommes en ce qui concerne le travail du dimanche, tant
qu'une nouvelle réglementation ne serait pas édictée. Mais, lorsque la
loi donne au Conseil fédéral le pouvoir de s'écarter de la constitution,
le Tribunal fédéral est lié par les ordonnances du Conseil fédéral qui en
résultent, au même titre qu'il le serait par des lois (art. 113 al. 2 et
art. 114bis al. 3 Cst.). Or, en l'espèce, l'art. 34 al. 3 LTr dispose que
le travail nocturne et dominical ne peut être autorisé pour les femmes
qu'à des conditions spéciales qui seront définies par ordonnance. En
ce qui concerne le travail dominical dans le cas d'espèce, des règles
particulières, qui seraient spécifiques aux femmes en fonction de leur
sexe et qui seraient dès lors compatibles avec l'art. 4 al. 2 Cst., ne
sont pas pensables. En effet, ce n'est pas la protection de la mère qui
est visée (et qui peut être visée), mais seulement la vie de famille en
général. Dans de telles circonstances, la norme de délégation de la loi
implique que l'ordonnance soit contraire à la constitution. C'est la raison
pour laquelle le Tribunal fédéral ne peut pas en interdire l'application.

    d) Par ailleurs, la simple non-application de l'art. 71 lit. b OLTr
1 permettrait seulement d'obtenir une égalité formelle entre les sexes,
et ceci au moyen d'une détérioration de la position de la femme, sans
que celle d'un homme ayant des devoirs de famille soit améliorée. Les
conditions ne sont ainsi pas encore réalisées pour que l'homme puisse
contribuer à l'éducation des enfants et au ménage commun. Seul le
législateur est en mesure de réaliser en même temps l'égalité formelle
entre les sexes et l'égalité effective dans le cadre du travail et de
la famille.

Erwägung 8

    8.- Lorsque, comme dans le cas d'espèce, le Tribunal fédéral doit
appliquer la réglementation selon les critères développés dans le
considérant 7, il lui faut déterminer si la production de "microchips"
constitue usuellement un travail de femmes, soit un travail qui ne pourrait
pas en pratique, ou seulement dans une mesure limitée, être exercé par
des hommes.

    Il n'existe à ce sujet aucun point de référence. Il résulte des
autorisations sollicitées qu'un total de 215 hommes et 135 femmes serait
employé. La forte proportion d'hommes n'est cependant pas due au fait
que le travail de nuit des femmes est exclu de par la loi, étant donné
que, dans le travail à deux équipes de jour également, les demandes
d'autorisation concernent une proportion importante d'hommes, soit 80
hommes pour 120 femmes. Certes, EM Microelectronic Marin SA affirme que
les femmes seraient plus habiles et fourniraient un travail de meilleure
qualité. Une telle affirmation n'est cependant pas prouvée. En particulier,
personne ne prétend que certains travaux ne pourraient être effectués que
par des femmes, alors que d'autres pourraient l'être par des hommes. En
l'espèce, il apparaît que les 15 femmes prévues pour effectuer un travail
dominical pourraient être aisément remplacées par des hommes. Pour
cette raison, une autorisation ne peut être accordée. En conséquence,
la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où elle autorise
le travail dominical des femmes.