Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 IB 203



116 Ib 203

28. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 9 mai 1990 dans
la cause X., Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du
paysage et Société suisse pour la protection de l'environnement contre
Municipalité de Corsier-sur-Vevey et Conseil d'Etat du canton de Vaud
(recours de droit administratif) Regeste

    Art. 18 und 18b NHG; Biotope von regionaler und lokaler Bedeutung;
Schutz eines innerhalb einer Bauzone gelegenen Biotops.

    1. Legitimation der Vereinigungen für Natur- und Heimatschutz i.S. von
Art. 12 NHG, die die Nicht-Erfüllung einer Bundesaufgabe geltendmachen:
im konkreten Fall ergibt sich eine solche Aufgabe aus Art. 18 Abs. 1bis
und 18b Abs. 1 NHG (E. 3a).

    2. Bei der Überprüfung der Anwendung unbestimmter Rechtsbegriffe,
wie "genügend grosse Lebensräume (Biotope)" (Art. 18 Abs. 1 NHG) oder
"Biotope von regionaler und lokaler Bedeutung" (Art. 18b Abs. 1 NHG)
übt das Bundesgericht Zurückhaltung aus (E. 4b).

    3. Die Zuweisung des strittigen Biotops in eine Zone für
öffentliche Bauten verstiess nicht gegen eidgenössisches oder kantonales
Raumplanungsrecht (E. 5a). Auch die Vorschriften des Bundes und des
Kantons zum Schutz der Natur, der Landschaft, der Denkmäler und Ortsbilder
wurden nicht verletzt (E. 5b).

    4. Aus dem Bundesrecht ergibt sich kein für das ganze Gebiet der
Eidgenossenschaft in gleicher Weise geltender unmittelbarer Schutz der
Biotope. Der Schutzauftrag gemäss Art. 18b NHG verlangt als erstes
die Bezeichnung der Biotope von regionaler und lokaler Bedeutung
sowie die Festlegung der Schutzziele; den Kantonen steht hiefür ein
Beurteilungsspielraum zu (E. 5c-e).

    5. Der Schutz der Biotope von regionaler und lokaler Bedeutung ist
nicht dem vom Bundesrecht angeordneten Schutz des Waldes gleichgestellt:
Art. 18b NHG sagt nicht, dass diese Biotope geschützt sind, sondern weist
die Kantone an, für den entsprechenden Schutz zu sorgen (E. 5f).

    6. Steht der Schutz von Biotopen innerhalb von Bauzonen in Frage,
so ist auch den Interessen an einer der Nutzungsplanung entsprechenden
baulichen Nutzung Rechnung zu tragen. Im vorliegenden Fall führt die
Interessenabwägung zu einem Überwiegen des Interesses an einer baulichen
Nutzung (E. 5g-j).

Sachverhalt

    A.- La commune de Corsier-sur-Vevey est propriétaire, au centre de
la localité de Corsier, d'une parcelle de 6867 m2, classée en zone de
constructions d'utilité publique (parcelle No 1090). Elle projette d'y
édifier une grande salle. Le 2 novembre 1988, elle a demandé l'autorisation
d'aménager sur son terrain, alors en nature de prairie sèche et planté
d'un certain nombre d'arbres fruitiers, une "planie" pour la pose d'un
chapiteau provisoire de 45 m de diamètre, destiné aux manifestations du
Centenaire de la naissance de Charlie Chaplin. Des propriétaires voisins
et diverses associations, dont la Fondation suisse pour la protection
et l'aménagement du paysage et la Société suisse pour la protection de
l'environnement, s'y sont opposés. Le 9 décembre 1988, la Municipalité
de Corsier-sur-Vevey décida toutefois de lever ces oppositions et de
délivrer le permis de construire sollicité. Les opposants recoururent
alors au Conseil d'Etat, en alléguant que cette décision violait plusieurs
dispositions légales et cantonales en matière d'aménagement du territoire,
de protection de l'environnement, de protection de la nature, des monuments
et des sites et de protection de la flore et de la faune.

    Invité à se prononcer sur le recours, le Service des forêts et de
la faune du Département cantonal de l'agriculture, de l'industrie et du
commerce a refusé d'autoriser l'aménagement de la "planie", par décision
du 9 février 1989 fondée sur les art. 16 et 17 de la loi vaudoise du 30
mai 1973 sur la faune et 18 al. 1bis et 1ter de la loi fédérale sur la
protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (RS 451; LPN)
dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 1985 (cf. art. 66 ch. 1 de
la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983;
LPE). S'appuyant sur un rapport établi le 19 août 1987 par l'Institut de
zoologie et d'écologie animale de l'Université de Lausanne, le service
cantonal a considéré que le terrain en question devait être qualifié de
biotope au sens des dispositions précitées. La commune saisit alors à
son tour le Conseil d'Etat d'un recours, dirigé contre la décision du
département cantonal du 9 février 1989.

    Statuant sur les deux recours le 10 mars 1989, le Conseil d'Etat a
admis celui de la commune et rejeté celui des opposants, en bref pour les
motifs suivants: si la parcelle litigieuse constituait bien un biotope,
"par la présence d'un vieux verger sur une prairie sèche, propre au
développement d'une biocénose particulière", elle n'en était pas moins
classée en zone de constructions d'utilité publique et l'on ne pouvait donc
pas y interdire toute construction; c'était là un élément à prendre en
considération dans la pesée des intérêts en jeu. L'examen auquel a ainsi
procédé le Conseil d'Etat "en légalité et en opportunité", l'a conduit
à nier l'existence en l'espèce d'un biotope digne de protection, cela
conformément à sa pratique relative à l'application de la loi vaudoise
sur la protection de la nature, des monuments et des sites, selon laquelle
les secteurs déjà soumis à la construction par un plan légalisé échappent
aux inventaires prévus par cette loi.

    Par recours de droit administratif du 25 avril 1989, les opposants
ont requis le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat
du 10 mars 1989. Le président de la Ire Cour de droit public ayant
entre-temps rejeté leur requête d'effet suspensif, ils ont déploré la
disparition du biotope en question: le pré du verger avait été saccagé,
bien que mentionné dans l'inventaire cantonal des prairies sèches, 13
arbres fruitiers majeurs avaient été abattus et 120 mètres de vieux murs
démolis. Au dire des recourants, la décision attaquée aurait été prise
en violation des art. 18 al. 1bis et 1ter, et 18b LPN; elle aurait fait
fi également des dispositions de la loi vaudoise du 30 mai 1973 sur la
faune, en tant que droit cantonal d'application de la loi fédérale sur
la protection de la nature et du paysage. En outre, la commune aurait
disposé d'autres terrains susceptibles de recevoir provisoirement le
chapiteau destiné aux festivités du Centenaire Charlie Chaplin.

    Le Conseil d'Etat et la commune de Corsier-sur-Vevey ont conclu
au rejet du recours. Invité à se déterminer sur le recours, l'Office
fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) a estimé
que la prairie sèche en cause constituait un biotope au sens du droit
fédéral. En l'espèce, l'autorité cantonale aurait failli à son devoir de
protection découlant des art. 18 al. 1ter et 18b LPN.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- (Intérêt actuel et pratique du recours.)

Erwägung 2

    2.- (Décisions attaquables par la voie du recours de droit
administratif.)

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 12 LPN confère aux associations d'importance nationale
qui se vouent à la protection de la nature et du paysage le droit
d'attaquer les décisions cantonales par la voie du recours de droit
administratif, à condition qu'il s'agisse de décisions prises en exécution
de tâches fédérales au sens de l'art. 24sexies al. 2 Cst. et de l'art. 2
LPN (ATF 112 Ib 72 consid. 2; cf. Message sur le projet de LPN, FF 1965
III p. 101). Les autorisations cantonales et communales de construire
ne relèvent pas, en règle générale, de l'exécution de tâches fédérales,
même si elles donnent également lieu à l'application du droit public
fédéral. Les associations pour la protection de la nature et du paysage
ne sont donc en principe pas habilitées à s'en prendre par la voie du
recours de droit administratif aux décisions cantonales qui statuent en
dernière instance sur de telles autorisations (ATF 100 Ib 449 consid. 3;
arrêt du Tribunal fédéral du 31 janvier 1977 publié dans ZBl 78/1977,
p. 407 et les références). Elles ne peuvent recourir, en vertu de
l'art. 12 LPN, que si et dans la mesure où l'octroi de l'autorisation
cantonale représente aussi l'exécution d'une tâche fédérale, comme c'est
le cas pour les autorisations délivrées sur la base de l'art. 24 LAT,
lorsqu'il est prétendu que la décision en cause ne tient pas compte
des impératifs de la protection de la nature et du paysage (ATF 112 Ib
75 consid. 4b). Le cas échéant, elles sont également admises à faire
valoir dans leur recours de droit administratif que ce serait à tort que
l'art. 24 LAT n'a pas été appliqué. L'exécution d'une tâche fédérale est en
jeu de la même façon lorsque, dans le cadre d'une procédure de permis de
construire, l'autorité cantonale autorise, sur la base de l'art. 22 LPN,
la suppression de la végétation des rives, protégée selon l'art. 21 LPN
(ATF 98 Ib 16 consid. 1b, 96 I 692 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral
du 17 juin 1981 publié dans ZBl 82/1981, p. 551 consid. 1b).

    On peut se demander si, à l'instar de ce qui se passe pour les communes
se plaignant de la violation de leur autonomie (cf. ATF 114 Ia 76 consid. 1
et les arrêts cités), la qualité pour agir des associations de protection
de la nature et du paysage au sens de l'art. 12 LPN ne devrait pas être
admise du seul fait qu'elles invoquent la violation d'une tâche de la
Confédération, la question de savoir ce qu'il en est réellement à cet égard
relevant du fond et non de la recevabilité. Point n'est besoin toutefois
de trancher définitivement à ce sujet car, dans le cas particulier,
l'existence d'une telle tâche peut être établie d'emblée sans difficulté.

    Il est en effet question ici, notamment, de l'application des nouvelles
dispositions des al. 1bis et 1ter de l'art. 18 LPN, adoptées lors de la
révision législative du 7 octobre 1983, ainsi que de l'art. 18b LPN sur les
biotopes d'importance régionale et locale, introduit lors de la révision
du 19 juin 1987. Ces dispositions ne présentent certes pas le même degré
de précision que les art. 21 et 22 LPN relatifs à la végétation des rives
et aux autorisations exceptionnelles permettant d'y porter atteinte. Il
s'en dégage néanmoins avec suffisamment de netteté que les cantons y
reçoivent mandat impératif de veiller à la protection et à l'entretien des
biotopes d'importance régionale et locale (art. 18 al. 1bis et 18b al. 1
LPN). Il s'agit là d'une tâche fédérale que la Confédération a attribuée
aux cantons en vertu de la large compétence qui lui a été conférée par la
Constitution en matière de législation sur la protection de la faune et de
la flore (art. 24sexies al. 4 Cst.). La décision du Département cantonal de
l'agriculture, du commerce et de l'industrie du 9 février 1989, annulée par
l'arrêté attaqué, procède visiblement de la même analyse. Les associations
recourantes sont dès lors en droit de se prévaloir par la voie du recours
de droit administratif de ce que le Conseil d'Etat vaudois aurait nié à
tort le caractère digne de protection de la prairie sèche en cause et,
partant, violé le droit fédéral.
   b) (Qualité pour recourir des personnes privées.)

Erwägung 4

    4.- b) L'issue du recours dépend ... de la seule question de savoir
si le Conseil d'Etat a violé le droit fédéral ou, ce qui revient au même,
commis un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a
OJ). Le Tribunal fédéral examine cette question en principe librement. Il
concède toutefois aux autorités cantonales une certaine latitude de
jugement dans l'application de notions juridiques indéterminées, tout
particulièrement lorsqu'il s'agit d'apprécier des circonstances locales
(ATF 112 Ib 428 consid. 3 et les arrêts cités).

    En adoptant les art. 18 à 18d LPN, le législateur fédéral a conféré
aux cantons le mandat de protéger les biotopes d'importance régionale
et locale. Responsables au premier chef de la protection de la nature
et du paysage (art. 24sexies al. 1 Cst.), les cantons disposent dans
l'accomplissement de cette tâche d'un véritable pouvoir d'appréciation. On
observe à cet égard que le législateur fédéral n'a pas protégé les biotopes
d'importance régionale et locale de façon générale, comme il l'a fait
pour la forêt (art. 31 LFor, art. 1er et 24 ss OFor), mais qu'il s'est
contenté de charger les cantons de veiller à leur protection (art. 18b
LPN). Ne sont impérativement protégés en vertu du droit fédéral que les
marais et les sites marécageux d'une beauté particulière et présentant
un intérêt national (art. 24sexies al. 5 Cst.), ainsi que les biotopes
d'importance nationale désignés par le Conseil fédéral (art. 18a LPN).

    En l'espèce, il s'agit essentiellement de l'application de notions
juridiques imprécises. Celle de "biotope" est relativement claire dans
la mesure où il faut entendre par là, à teneur de l'art. 18 al. 1 LPN, un
"espace vital" réservé aux "espèces animales et végétales indigènes". Mais
un biotope peut être de dimensions très variables, parfois très petites
comme la face inférieure d'une pierre, une flaque d'eau, etc. (cf. Grand
dictionnaire encyclopédique Larousse, vol. 2, Paris 1982, p. 1260). Or,
le concept de biotope auquel se réfère la législation fédérale sur la
protection de la nature et du paysage se rapporte à un "espace vital
suffisamment étendu", à l'instar de la loi sur la pêche du 14 décembre
1973 où il est notamment question, à son art. 22, de "roselières servant de
frayères pour le poisson ou d'habitat pour sa progéniture". L'application
d'une notion telle que celle de biotope "suffisamment étendu" implique une
grande marge d'appréciation. Il en va de même des "biotopes d'importance
régionale et locale" (art. 18b al. 1 LPN) et des "milieux qui jouent un
rôle dans l'équilibre naturel ou présentent des conditions particulièrement
favorables pour les biocénoses" (art. 18 al. 1bis LPN). Cela étant, il
incombe au Tribunal fédéral de faire preuve de retenue dans le contrôle
de l'application qui a été faite en l'espèce des notions juridiques
imprécises précitées. Il doit tenir compte en particulier du fait que
les autorités cantonales et communales ont une meilleure connaissance
des circonstances locales, techniques ou personnelles (ATF 112 Ib 428
consid. 3 et les arrêts cités).

Erwägung 5

    5.- Les recourants reprochent au Conseil d'Etat d'avoir violé les
art. 18 et 18b LPN, dans leur teneur conférée par les lois du 7 octobre
1983 et du 19 juin 1987. Ils se réfèrent en outre aux dispositions
topiques de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979
(art. 3 al. 2 et 17 LAT). Ils estiment enfin qu'il y a eu violation des
dispositions fédérales et cantonales d'exécution en matière de protection
de la nature et du paysage, spécialement des art. 23 ss de l'ordonnance
d'exécution de la LPN du 27 décembre 1966, ainsi que des dispositions
correspondantes de la législation cantonale sur la protection de la nature,
du paysage et de la faune (loi du 10 décembre 1969 sur la protection de la
nature, des monuments et des sites (LPNMS) et son règlement d'application
du 22 mars 1989; loi du 30 mai 1973 sur la faune).

    a) La zone communale dite de "constructions d'utilité publique" où
se trouve la parcelle litigieuse ... constitue indiscutablement une zone
à bâtir au sens de l'art. 15 LAT. Au cours de la procédure d'adoption et
d'approbation de la nouvelle réglementation locale, ni la commune ni le
Conseil d'Etat n'ont fait une quelconque réserve quant à une éventuelle
conservation de la prairie sèche comme biotope. Lors de l'enquête publique
qui s'était déroulée auparavant en conformité de la loi, personne non
plus n'avait fait d'objection et exigé la mise sous protection de la
parcelle litigieuse en s'appuyant sur l'art. 18 al. 1 LPN, en vigueur
depuis 1966 déjà. Les associations d'importance nationale étaient certes
privées du droit de recourir à ce stade (ATF 107 Ib 113 ss). En revanche,
les associations de protection de la nature d'importance cantonale et les
propriétaires touchés auraient pu intervenir dans le sens précité (art. 90
LPNMS; cf. ERIC BRANDT, Les plans d'affectation dans le contentieux
administratif vaudois, RDAF 1986, p. 219). On ne peut pas dire, dans
ces circonstances, que la procédure d'adoption du plan de zones communal
ait été conduite d'une façon contraire au droit fédéral et cantonal de
l'aménagement du territoire.

    b) La parcelle en cause n'a pas non plus été portée à l'inventaire
cantonal des monuments naturels et des sites selon les art. 12 ss
LPNMS. L'inventaire des prairies sèches cité par les recourants constitue,
selon les explications non contredites du Conseil d'Etat, un simple
instrument de travail de l'administration. N'étant pas un inventaire
officiel au sens de la loi cantonale précitée, il ne saurait avoir l'effet
de protection prévu par celle-ci. En outre, l'inventaire des monuments
naturels et des sites, tel qu'il a été approuvé le 16 août 1972 par le
Conseil d'Etat, mentionne en exergue que "les secteurs déjà soumis à la
construction par un plan légalisé (plan de zones, plan de quartier, plan
d'extension partiel, etc.) font exception à l'inventaire". Cela étant,
l'on ne saurait reprocher à la décision attaquée de violer la protection
spéciale des objets inventoriés en vertu de la LPNMS.

    c) Le refus de porter le bien-fonds litigieux à l'inventaire comme
biotope ne pouvait certes pas empêcher la section compétente du Département
de l'agriculture, de l'industrie et du commerce d'ordonner des mesures de
protection en application de la loi sur la faune, ainsi qu'elle l'a fait
aux termes de sa décision du 9 février 1989 ... Le Conseil d'Etat n'a
pas suivi le département parce que le terrain incriminé était classé en
zone de constructions d'utilité publique dans le plan communal d'extension
alors en force. La question qui se pose en premier lieu est donc celle de
savoir si cette décision est compatible avec le droit fédéral, également
invoqué par le service cantonal des forêts et de la faune ... S'il s'avère
... que le canton était tenu, directement en vertu du droit fédéral, de
protéger la prairie sèche litigieuse en tant que biotope, il lui aurait
incombé de mettre en oeuvre cette protection de manière appropriée avec
les instruments mis à disposition par le droit cantonal. La portée des
art. 18 et 18b LPN est dès lors décisive pour l'issue de la cause.

    d) Ainsi qu'on l'a déjà relevé, l'art. 24sexies al. 4 Cst. donne
à la Confédération un pouvoir étendu pour légiférer dans le domaine de
la protection de la faune et de la flore. On observe toutefois, quant
à l'exercice de cette compétence, que la protection de la nature et
du paysage, conformément à l'art. 24sexies al. 1 Cst., est avant tout
l'affaire des cantons. Les art. 18 ss LPN reposent sur ce principe, ce
qui ressort de manière particulièrement claire de l'art. 18b al. 1 aux
termes duquel les cantons veillent à la protection et à l'entretien des
biotopes d'importance régionale et locale.

    Dans son principe, l'obligation de protéger ces biotopes découle
impérativement du droit fédéral. Cela résulte de la lettre et du but des
dispositions invoquées. Les travaux préparatoires relatifs aux art. 18a-d
introduits par la loi du 19 juin 1987 le confirment également. Selon le
Message du Conseil fédéral du 11 septembre 1985 concernant l'initiative
populaire "pour la protection des marais - Initiative de Rothenthurm"
et la révision des dispositions sur la protection des biotopes dans la
LPN du 1er juillet 1966, l'art. 18b LPN assigne aux cantons le mandat
impératif de protéger les biotopes d'importance régionale et locale
et de créer, dans des zones soumises à une exploitation intensive,
des surfaces de compensation écologique (FF 1985 II 1470; cf. en outre
les propositions des rapporteurs Auer et Thévoz au Conseil national,
BO 1987 CN 153). L'assignation d'un tel mandat n'exclut pas, cependant,
que les cantons fassent usage du pouvoir d'appréciation et de décision qui
leur appartient. L'imprécision de la notion d'"espace vital suffisamment
étendu" et la diversité des situations rencontrées au niveau cantonal
- élément jouant un rôle capital dans l'appréciation de l'importance
régionale et locale d'un biotope - font qu'il est impossible de dégager
directement du droit fédéral un concept uniforme d'espace vital digne de
protection, applicable de la même manière à l'ensemble du territoire
de la Confédération et ne laissant ainsi aux cantons aucune marge
d'appréciation. Sinon, les biotopes d'importance régionale et locale
bénéficieraient d'une plus grande protection que ceux d'importance
nationale, qui ne sont protégés, eux, qu'après avoir été inventoriés
comme tels par le Conseil fédéral (art. 18a LPN).

    e) L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage estime
toutefois qu'un biotope se doit d'être protégé de la même manière qu'une
forêt, même s'il se trouve dans une zone à bâtir. Sans doute, la protection
d'un biotope ne doit pas d'emblée tomber du seul fait qu'il se situe en
zone à bâtir. Lorsque la présence de biotopes d'importance nationale,
désignés comme tels par le Conseil fédéral en vertu de l'art. 18a LPN,
risque d'entrer en conflit avec des plans d'affectation en vigueur, il
appartient aux cantons de prendre, en temps utile et conformément aux
objectifs de protection visés, les mesures appropriées en vue de protéger
les biotopes en cause et de créer éventuellement des zones réservées au
sens de l'art. 27 LAT afin de pouvoir mettre en route les adaptations
de plans nécessaires. Ils restent toutefois libres dans le choix des
instruments; ils peuvent assurer la protection requise également par voie
d'arrêtés gouvernementaux, par exemple (cf. proposition du rapporteur
Jagmetti au Conseil des Etats, BO 1986 CE 357).

    Il doit en aller en principe de même des biotopes d'importance
régionale et locale. Il va de soi que leur protection implique tout d'abord
que le canton désigne les biotopes entrant en ligne de compte et qu'il
fixe les buts visés par leur protection, car ceux-ci ne ressortent tout
simplement pas des notions imprécises dont se sert la loi. A la différence
de ce qui se passe pour les biotopes d'importance nationale, les cantons
sont tenus d'assumer leur devoir de protection. Il leur incombe à cet
égard de réglementer la procédure, étant précisé qu'ils devraient le plus
souvent pouvoir recourir à celles dont ils disposent déjà. Ils disposent
également d'instruments tels que la LAT (FF 1985 II 1471).

    f) On ne saurait suivre l'Office fédéral de l'environnement, des
forêts et du paysage lorsqu'il soutient que la protection des biotopes
d'importance régionale et locale devrait être assimilée juridiquement à
celle de la forêt. La protection de cette dernière, ordonnée au siècle
dernier déjà et toujours régie à l'heure actuelle par la loi fédérale
du 11 octobre 1902 concernant la haute surveillance de la Confédération
sur la police des forêts, repose sur le principe, exprimé à l'art. 31
al. 1 LFor, que l'aire forestière de la Suisse ne doit pas être diminuée,
ce que les dispositions d'exécution, au gré des révisions successives,
ont traduit par cette injonction que l'aire forestière de la Suisse doit
être conservée dans son étendue et sa répartition régionale, en raison
des fonctions productives, protectrices et sociales de la forêt (art. 24
OFor). Par ailleurs, la notion de forêt est définie de manière exhaustive
par le droit fédéral (art. 1 OFor). Les cantons qui, abstraction faite
de quelques exceptions insignifiantes, ont déclaré forêt protectrice
l'ensemble de leur territoire forestier - ce que le Tribunal fédéral a,
comme on le sait, qualifié d'admissible (ATF 106 Ib 53) - sont liés par la
protection de droit fédéral de l'aire forestière (art. 18 al. 3 LAT). Dans
la mesure où ils sont compétents pour autoriser des défrichements, ils
doivent en principe compenser ceux-ci par une afforestation de surface
égale dans la même région (art. 26bis OFor).

    Ainsi qu'on l'a déjà souligné, la loi sur la protection de la nature
et du paysage se contente pour sa part d'obliger les cantons à protéger
les biotopes d'importance régionale et locale. L'art. 18b LPN ne dit pas
que ces biotopes sont protégés, mais charge simplement les cantons de
veiller à leur protection. L'art. 18 al. 1bis qui, conformément à cette
obligation, prescrit la protection des haies, bosquets, pelouses sèches et
autres milieux jouant un rôle dans l'équilibre naturel ou présentant des
conditions particulièrement favorables pour les biocénoses, ne déclare pas
non plus que les biotopes précités seraient protégés de par la loi déjà.

    g) On trouve une confirmation de la marge de manoeuvre et
d'appréciation ainsi laissée aux cantons en matière de protection des
biotopes également aux art. 18c et 18d LPN, qui traitent des modalités
de la protection et de ses conséquences pour le financement des
mesures. L'exigence du législateur quant aux intérêts de l'agriculture
à prendre spécialement en considération (art. 18b al. 2 dernière phrase)
s'explique par le fait qu'en règle générale les biotopes sont situés en
dehors du territoire bâti, soit dans les zones agricoles ou dans les zones
de protection. Lorsqu'il s'agit de protéger des biotopes à l'intérieur
de zones à bâtir, il convient de prendre également en considération les
intérêts à une utilisation à des fins de construction conforme au plan
de zones en vigueur. S'il résulte de la pesée des intérêts en présence
que la protection du biotope l'emporte, il y a lieu à indemnisation,
le cas échéant, selon les principes du droit de l'expropriation
(art. 18c al. 4 LPN; voir également sur cette question FERDINAND KUCHLER,
Naturschutzrechtliche Eingriffsregelung und Bauplanungsrecht, Berlin 1989,
p. 27 et 32 s.). Suivant l'importance de la dépréciation de l'immeuble
concerné, les montants dus à ce titre peuvent être importants. Le cas
d'espèce en fournit un exemple, la commune de Corsier-sur-Vevey ayant
acquis la parcelle litigieuse en 1980 pour le prix de 130 fr./m2, acceptant
ainsi de payer ce terrain entièrement équipé et situé au centre du village
environ 900'000 francs (7000 m2 x 130 fr.), en vue d'une utilisation
conforme à la zone de constructions d'utilité publique.

    h) L'art. 18 al. 1ter LPN, en vigueur depuis le 1er janvier 1985,
ne permet pas de tirer d'autres conclusions. Cette disposition prévoit
que si, tous intérêts pris en compte, il est impossible d'éviter des
atteintes d'ordre technique aux biotopes dignes de protection, l'auteur
de l'atteinte doit veiller à prendre des mesures particulières pour en
assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou, à défaut,
le remplacement adéquat. Placée dans le contexte des art. 18 al. 1
et 1bis, elle présuppose une mesure de protection. S'il s'avère, après
examen minutieux de la situation, qu'il n'y a pas de raisons objectives
de prendre une telle mesure, l'obligation d'assurer une reconstitution
ou un remplacement adéquat tombe.

    i) Ainsi, contrairement à l'opinion des recourants et de l'office
fédéral précité, la protection ne découle pas directement du mandat
général de protection. Il y aurait une grande insécurité juridique si,
sur la base des nouvelles dispositions fédérales sur la protection des
biotopes entrées en force les 1er janvier 1985 et 1er février 1988, les
mesures d'aménagement en vigueur étaient vidées de leur substance. Dans
le cas particulier, la zone de constructions d'utilité publique, que
la commune a adoptée le 23 février 1983 en conformité des prescriptions
du droit fédéral et du droit cantonal sur l'aménagement du territoire,
est entrée en vigueur sans réserve le 3 avril 1985, avec l'approbation
du Conseil d'Etat. Les recourants, ou du moins certains d'entre eux
(cf. consid. 5a ci-dessus), auraient pu exiger la protection du biotope
dans la procédure d'opposition au plan de zones. Il est notoire qu'un
plan de zones ne peut en principe plus être attaqué à l'occasion d'un cas
d'application ultérieur (ATF 106 Ia 383). Les modifications législatives
demeurent certes réservées. Le Conseil d'Etat aurait pu cependant,
s'il estimait la protection du biotope préférable à l'utilisation de la
parcelle en cause pour des constructions d'utilité publique, ordonner des
mesures de protection déjà au moment de l'approbation du plan de zones,
sur la base des dispositions de l'art. 18 al. 1bis et ter LPN entrées en
vigueur le 1er janvier 1985 et du droit cantonal déterminant. Il aurait pu
faire appel à cet effet tant aux instruments du droit fédéral et cantonal
de l'aménagement du territoire qu'à ceux particuliers de la législation
cantonale du 10 décembre 1969 sur la protection de la nature, des monuments
et des sites, et de la loi du 10 mai 1973 sur la faune. Comme on l'a déjà
mentionné, le droit fédéral laisse aux cantons le soin de réglementer la
procédure de protection et, à cet égard, ceux-ci sont libres de recourir
aux procédures dont ils disposent déjà (Message du Conseil fédéral,
FF 1985 II 1471).

    Les mesures de protection prévues en droit vaudois et qui peuvent
être ordonnées tant par le canton que par les communes - par exemple pour
la protection des arbres - répondent aux exigences du droit fédéral. En
particulier, la mise à l'inventaire selon les art. 12 ss de la loi du 10
décembre 1969 permet de désigner les territoires dignes de protection
d'une manière irréprochable en droit et respectueuse des droits des
propriétaires, ainsi que de prendre, au besoin, un arrêté de classement
d'où découleront aussi bien les devoirs d'entretien que les éventuelles
conséquences financières (indemnisation).

    j) L'accomplissement du mandat de protection conféré aux cantons
par le droit fédéral implique des restrictions à la propriété qui,
conformément à l'art. 22ter Cst., doivent se justifier par un intérêt
public prépondérant. Le droit administratif fédéral se doit aussi d'être
appliqué d'une façon conforme à la Constitution. La protection des biotopes
répond à un intérêt public incontestable; elle peut cependant, dans des
cas particuliers, entrer en conflit avec d'autres intérêts publics ou avec
des intérêts privés. En l'espèce, la zone de constructions que la commune
de Corsier-sur-Vevey, moyennant une importante mise de fonds de sa part,
entend utiliser à des fins d'utilité publique, ne répond pas seulement à
l'intérêt privé de cette commune en sa qualité de propriétaire foncière,
mais aussi à l'intérêt de la collectivité locale à pouvoir réaliser
des tâches d'intérêt général d'une manière conforme au plan de zones
en vigueur.

    La mise sous protection de la prairie sèche et du vieux verger
équivaudrait au demeurant à une interdiction de construire sur du
terrain à bâtir équipé, ce qui constituerait une grave atteinte au
droit de propriété. La jurisprudence du Tribunal fédéral exige une base
légale claire et sans équivoque pour de telles atteintes (ATF 113 Ia 448
consid. 4a et les références). A cet égard, le mandat de protection du
droit fédéral conféré aux cantons en vertu de l'art. 18 LPN est en soi
insuffisant; il doit encore faire l'objet d'une exécution minutieuse
dans le cadre du droit cantonal d'application. Seule la mise en oeuvre
de ce dernier est susceptible d'entraîner de véritables restrictions de
propriété telles que celles résultant d'une inscription à l'inventaire
ou d'un arrêté de classement.

    Le droit vaudois renferme, on l'a vu, les instruments nécessaires à
l'exécution dudit mandat. Pourtant, dans les circonstances données, le
Conseil d'Etat pouvait renoncer à la mise sous protection de la prairie
sèche litigieuse sans se voir reprocher une quelconque violation de
ses devoirs. Sa décision est certes assez sommairement motivée en ce
qui concerne la pesée des intérêts en présence; si elle affirme bien le
caractère prédominant de la sécurité du droit, elle ne s'étend guère sur
les autres éléments à prendre en considération. Un renvoi du dossier
au Conseil d'Etat afin de faire compléter ce point apparaît toutefois
inutile, d'une part parce que le biotope en question est actuellement
détruit, de façon irrémédiable, d'autre part parce qu'il faut admettre
que l'autorité cantonale a tout de même entrepris une véritable pesée des
intérêts entrant en ligne de compte. Le Conseil d'Etat a en effet statué
après avoir recueilli les déterminations de la "Section protection de
la nature, des monuments historiques et archéologiques et du Service de
l'aménagement du territoire"; en outre, il connaissait le rapport établi
le 19 août 1987 par l'Institut de zoologie et d'écologie de l'Université de
Lausanne, auquel les opposants se référaient expressément dans leur recours
cantonal, le citant presque in extenso; enfin, il avait organisé une
inspection des lieux. C'est dans ce contexte que s'insère sa conclusion
faisant de la sécurité du droit l'élément prépondérant de "la balance
des intérêts en présence". Il pouvait d'autant plus accorder la priorité
à une utilisation conforme au plan de zones de la parcelle No 1090 pour
l'installation provisoire du chapiteau destiné aux festivités du Centenaire
Charlie Chaplin que les sites de remplacement proposés par les recourants
s'avéraient inappropriés: en particulier, le lieu dit "Praz-Libon" se
trouvait à quelque trois kilomètres du centre de la localité et n'était
pas suffisamment équipé pour le genre de manifestation envisagé.