Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 IA 382



116 Ia 382

57. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 21 décembre 1990
en la cause Denys Felber c. Conseil d'Etat du canton de Genève (recours
de droit public) Regeste

    Art. 45 BV: Wohnsitzpflicht der Beamten.

    Die Wohnsitzpflicht für Genfer Beamte beruht auf einer gesetzlichen
Grundlage und entspricht einem öffentlichen Interesse (E. 2). Bei einem
Gefängniswärter ist das öffentliche Intresse am Wohnsitz im Kanton nicht im
gleichen Masse gegeben wie bei Lehrern und Polizisten (E. 3). Im konkreten
Fall überwiegt das private Interesse, das im wesentlichen vom Wohlergehen
der Familie des Beamten bestimmt wird, gegenüber dem öffentlichen Interesse
des Staates als Arbeitgeber (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Au mois de mai 1982, Denys Felber a été engagé comme gardien
surnuméraire à la prison de Champ Dollon. Il a ensuite été nommé à ce
poste qu'il a conservé jusqu'à ce jour.

    Denys Felber s'est marié en 1983. Il est père de deux filles nées en
1986 et 1988.

    Le 13 septembre 1984, les époux Felber ont acquis, en copropriété,
une parcelle sur la commune de Gland (VD), que leur offraient les frères de
Me Felber au prix de 140 francs le m2. En 1986/1987, ils firent bâtir une
villa sur cette parcelle, attenante à la maison occupée par la famille de
l'épouse. A la fin de la construction, celle-ci s'installa dans la villa,
tandis que Denys Felber restait domicilié dans le canton de Genève, afin
de respecter l'obligation imposée aux fonctionnaires genevois d'avoir
leur domicile et leur résidence effective sur le territoire cantonal.

    Le 20 décembre 1989, Denys Felber a demandé au Conseil d'Etat genevois
l'autorisation de créer son domicile à Gland, en dérogation à l'art. 13
de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale
et des établissements publics médicaux. Il faisait valoir l'absence
d'inconvénients pour ses devoirs de service et les liens étroits de son
épouse avec le canton de Vaud et sa famille à Gland.

    Le Conseil d'Etat genevois a rejeté cette requête par décision du 18
avril 1990. Il a retenu en bref que les motifs invoqués par Denys Felber
relevaient de la pure convenance personnelle et que les conditions légales
pour accorder une dérogation n'étaient donc pas remplies.

    Denys Felber a formé un recours de droit public contre la décision
du Conseil d'Etat du 18 avril 1990, en concluant à son annulation.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 45 Cst., le recourant bénéficie, comme tout
citoyen suisse, de la liberté d'établissement. Toutefois, à l'exemple
des autres droits fondamentaux, la liberté d'établissement peut être
limitée par des restrictions fondées sur une base légale suffisante,
si elles répondent à un intérêt public et respectent le principe de
la proportionnalité. Ces exigences s'appliquent aussi au rapport de
dépendance spécial, notamment en matière de statut des fonctionnaires
(ATF 115 Ia 210 consid. 3a et les arrêts cités, 114 Ib 165).

    Dans le cas particulier, l'obligation de domicile et de résidence
est prévue à l'art. 13 de la loi générale relative au personnel de
l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (en
abrégé: LPAC), sous réserve des dérogations qui peuvent être accordées
lorsque les conditions légales sont réunies. Selon cette disposition,

    "Les membres du personnel occupant une fonction permanente et qui
sont au
   bénéfice d'un engagement de durée indéterminée doivent avoir leur
   domicile et leur résidence effective dans le canton de Genève (al. 1).

    A la condition que l'éloignement de leur domicile ne porte pas
préjudice
   à l'accomplissement de leur devoir de service, le Conseil d'Etat,
   respectivement la commission administrative concernée, peut accorder
   aux fonctionnaires des dérogations pour tenir compte de la propriété
   d'immeuble antérieure à l'engagement, de contraintes familiales graves,
   du taux d'activité réduit ou de la fin prochaine des rapports de
   fonction d'un membre du personnel (al. 2)."

    Le recourant ne conteste pas que l'art. 13 LPAC lui est applicable et
qu'il constitue une base légale suffisante pour lui imposer l'obligation
de domicile et de résidence dans le canton de Genève. Il soutient
cependant qu'au regard de sa fonction de gardien de prison et des intérêts
particuliers de sa famille à demeurer à Gland, cette obligation constitue
une exigence disproportionnée par rapport à l'intérêt public en jeu.

Erwägung 3

    3.- La jurisprudence reconnaît l'existence d'un intérêt public à
l'obligation de résidence d'un fonctionnaire non seulement lorsque la
nature du service l'exige, mais aussi en raison des liens qui peuvent
se créer entre le fonctionnaire et la population, liens qui sont
mieux garantis lorsque l'intéressé habite au sein de la collectivité
de l'employeur de droit public. Ainsi, malgré les critiques de cette
jurisprudence (voir RDAF 1986 p. 128 et les références citées), le Tribunal
fédéral admet que ces conditions sont en principe réalisées dans le cas
des fonctionnaires de l'enseignement (ATF 115 Ia 207 et ss, 108 Ia 248
et ss), avec une exception pour l'Ecole française de Berne (arrêt non
publié du 5 février 1988 en la cause Tardin c. Conseil-exécutif du
canton de Berne), ou dans celui des fonctionnaires de police (ATF 103
Ia 455 et ss; arrêts non publiés du 11 mai 1987 en la cause Amez-Droz
c. Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et du 8 décembre 1989 en
la cause Bigler-Pastori c. Conseil d'Etat du canton de Vaud et commune de
Lausanne). Pour ces derniers, la jurisprudence a précisé que l'obligation
de résidence n'était pas seulement justifiée par des impératifs de service,
tels que la rapidité d'intervention du corps de police, mais aussi par la
préoccupation d'intégrer l'agent public dans la population de la commune,
en lui permettant de participer à la vie publique de cette communauté.

    La situation du gardien de prison n'est cependant pas comparable. S'il
s'agit bien d'un fonctionnaire chargé par l'Etat d'une tâche de police,
il ne dispose toutefois d'un pouvoir coercitif que sur des détenus,
soit sur un nombre limité de personnes se trouvant dans un milieu clos,
qui n'ont parfois aucun lien avec le canton dans lequel elles sont
détenues. La fonction de geôlier vise certes à préserver les institutions
et à maintenir l'ordre public, mais elle peut être exercée sans qu'il soit
nécessaire de s'intégrer à la vie de la communauté locale. En revanche,
il est utile que le gardien de prison connaisse le milieu dans lequel
vivront les prisonniers après leur libération, dans la mesure où il lui
appartient aussi de préparer ces derniers à leur sortie. Même si cette
tâche n'est pas aussi importante dans un établissement de détention
préventive comme Champ Dollon que dans un établissement d'exécution des
peines, on ne saurait contester l'existence d'un certain intérêt public
à ce que le gardien de prison vive dans la communauté d'où viennent la
plupart des détenus dont il doit s'occuper. Cet intérêt paraît toutefois
relatif par rapport à l'intérêt public qui prévaut pour l'intégration de
l'enseignant ou de l'agent de police dans la vie de la collectivité où
ils exercent leur profession.

    Si l'obligation faite par la loi genevoise aux fonctionnaires des
prisons d'avoir leur domicile dans le canton n'est donc pas dépourvue
de tout intérêt public, son importance doit cependant être examinée,
dans le cadre de l'application du principe de la proportionnalité, par
la pesée des intérêts en présence.

Erwägung 4

    4.- a) Le respect du principe de la proportionnalité exige que le droit
cantonal autorise des dérogations à l'obligation générale de résidence
et que l'autorité chargée de l'appliquer procède, dans chaque cas, à une
pesée des intérêts publics et privés opposés (ATF 115 Ia 211 consid. 2c,
111 Ia 218/219). A cet égard, le fonctionnaire ne peut faire valoir que
des motifs sérieux et importants (ATF 103 Ia 459 consid. 6a).

    Préalablement, il faut relever que le Conseil d'Etat ne prétend
pas que l'établissement du recourant à Gland porterait préjudice
à l'accomplissement de ses devoirs de service, condition que l'art. 13
al. 2 LPAC pose pour accorder une dérogation à la règle générale imposant
au personnel de l'administration de résider dans le canton de Genève. Les
motifs invoqués par le recourant doivent dès lors être comparés uniquement
à l'intérêt public réduit - qui a été démontré - pour obliger un gardien
de prison à établir son domicile dans le canton.

    b) A côté de ses intérêts familiaux, le recourant fait valoir
qu'il est propriétaire d'une villa à Gland, dont il ne pourrait trouver
l'équivalent dans le canton de Genève. A lui seul, ce motif ne saurait
toutefois justifier une dérogation à l'obligation de domicile. Cela
reviendrait en effet à autoriser tout fonctionnaire genevois à mettre le
gouvernement devant un fait accompli, dans la mesure où la loi ne prévoit
une dérogation que pour le fonctionnaire déjà propriétaire d'un immeuble
extérieur au canton avant son entrée en service, situation à laquelle
la pratique a assimilé le fait d'hériter une telle propriété pendant la
durée de ses fonctions.

    Il n'est néanmoins pas possible de faire totalement abstraction
du fait qu'en raison de la tension actuelle et durable qui règne sur le
marché immobilier genevois, le recourant aurait sans doute eu de la peine à
trouver un logement pour sa famille et lui-même dans le canton de Genève. A
cela s'ajoute que le choix de Gland comme commune de domicile n'est pas
gratuit, mais répond aux intérêts de l'ensemble de la famille et non aux
seuls motifs de convenance personnelle du recourant. Me Felber est en effet
très attachée à Gland, où sa famille est domiciliée. Exerçant elle-même
une activité lucrative, elle a notamment la possibilité de confier
régulièrement ses deux filles à l'une ou l'autre de ses belles-soeurs
qui habitent la maison voisine. Dans la mesure où le choix du domicile
ne dépend pas seulement de la volonté du mari (ATF 114 Ib 166 consid.
4), il n'est pas souhaitable que Me Felber continue à demeurer seule
avec ses enfants pendant la semaine, au risque de mettre l'union des
époux en péril. Le recourant a donc un intérêt privé évident à ne pas
être placé devant l'alternative de devoir renoncer à son emploi actuel
pour pouvoir rester avec les siens à Gland ou d'obliger sa famille à
quitter un immeuble qui lui appartient pour aller vivre dans un canton
où il n'est pas certain de pouvoir la loger convenablement.

    c) Dans ces circonstances, l'intérêt privé, qui réside essentiellement
dans le bien-être de la famille du recourant, doit être considéré comme
supérieur à l'intérêt public atténué invoqué par le canton de Genève. Le
refus d'accorder au recourant une dérogation à l'obligation de domicile,
sur la base d'une application stricte de l'art. 13 al. 2 LPAC, est donc,
en l'espèce, contraire au principe de la proportionnalité.