Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 IA 355



116 Ia 355

55. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 21 décembre
1990 en la cause Stéphane de Montmollin contre Neuchâtel, Conseil d'Etat
(recours de droit public) Regeste

    Art. 31 BV; Verfassungswidrigkeit der Vorschrift, wonach Architekten
ein Geschäftsdomizil im Kanton Neuenburg begründen müssen.

    Das Verhältnismässigkeitsprinzip ist verletzt, wenn die Eintragung
ins neuenburgische Register anerkannter Architekten und somit die freie
Ausübung des Berufs im Kanton von einem dortigen Gechäftsdomizil abhängig
gemacht wird. Eine derartige Beschränkung der Handels- und Gewerbefreiheit
ist nicht geeignet, den vom kantonalen Gesetz verfolgten Zweck, nämlich
die Garantie einer minimalen praktischen Erfahrung in der Anwendung-
und Reglementsbestimmungen des Kantons, zu erreichen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Ayant obtenu en 1982 son diplôme d'architecte à l'Ecole
polytechnique fédérale de Lausanne, Stéphane de Montmollin exploite
actuellement un bureau d'architecte à Bienne; il est également associé avec
deux autres architectes qui ont ouvert des bureaux à Lausanne, Sainte-Croix
et Sion. En raison de ses origines et de ses attaches neuchâteloises,
il est fréquemment appelé à intervenir professionnellement pour la
construction et la rénovation de bâtiments dans le canton de Neuchâtel.

    Le 6 novembre 1989, Stéphane de Montmollin a demandé au Chef du
Département des travaux publics du canton de Neuchâtel son inscription
permanente au registre des architectes et ingénieurs autorisés à établir
dans le canton des projets de plans d'aménagement ou d'alignement cantonaux
ou communaux, des plans de propriétaires ou des plans de construction
(cf. art. 130 ss de la loi neuchâteloise sur les constructions du 12
février 1957, dans sa version du 22 novembre 1978; ci-après LC). L'art. 130
LC subordonne notamment l'inscription au registre à l'obligation de
disposer d'un domicile professionnel sur le territoire cantonal.

    Par décision du 10 janvier 1990, le Conseil d'Etat neuchâtelois a
rejeté la demande d'inscription de Stéphane de Montmollin au motif que
le requérant n'a pas de domicile professionnel dans le canton ainsi que
l'exige l'art. 130 al. 1 LC.

    Agissant en temps utile par la voie du recours de droit public,
Stéphane de Montmollin demande au Tribunal fédéral d'annuler, sous suite
de frais et dépens, la décision du 10 janvier 1990 et de renvoyer la cause
au Conseil d'Etat pour nouvelle décision. A l'appui de ses conclusions,
le recourant invoque une violation des art. 4 et 31 Cst. ainsi que de
l'art. 5 Disp. trans. Cst.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Le recourant invoque, à titre principal, une violation de la
liberté du commerce et de l'industrie garantie par l'art. 31 Cst. Selon
lui, l'exigence du domicile professionnel dans le canton prévue par
l'art. 130 al. 1 LC n'est pas justifiée par un intérêt public suffisant,
s'avère contraire au principe de la proportionnalité et constitue en
réalité une mesure de politique économique prohibée.

    a) Les autorités cantonales peuvent restreindre la liberté du commerce
et de l'industrie, notamment en adoptant des mesures de police justifiées
par un intérêt public pertinent. Selon la jurisprudence, ces mesures
de police doivent tendre à sauvegarder la tranquillité, la sécurité, la
santé ou la moralité publique, à préserver d'un danger ou à l'écarter,
ou encore à prévenir les atteintes à la bonne foi en affaires par des
procédés déloyaux et propres à tromper le public (ATF 114 Ia 36, 113 Ia
40, 112 Ia 320). Sous réserve d'habilitation constitutionnelle spéciale
(ATF 111 Ia 23), sont en revanche prohibées les mesures qui ont pour but
d'entraver la libre concurrence, d'avantager certaines entreprises ou
certaines formes d'entreprises, et qui tendent à diriger la vie économique
selon un plan déterminé (ATF 111 Ia 186, 110 Ia 102). L'atteinte doit en
outre reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public
prépondérant et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce
qui est nécessaire à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis
(ATF 113 Ia 40).

    S'agissant d'une profession libérale comme celle de l'architecte
(ATF 112 Ia 33, 104 Ia 475), les cantons ont la faculté de la subordonner
dans l'intérêt public à des preuves de capacité. Mais ils ne peuvent
toutefois prévoir de telles restrictions que dans la mesure où elles
sont nécessaires pour atteindre le but poursuivi, à savoir notamment
la protection du public contre les personnes incapables (ATF 112 Ia
325). Conscient de cette nécessité, le recourant ne met pas en cause,
en l'espèce, l'exigence d'un certificat de capacité pour être inscrit
au registre des architectes et ingénieurs. Ce qu'il conteste, c'est
l'obligation pour tout architecte d'avoir un domicile professionnel dans
le canton de Neuchâtel pour pouvoir figurer sur ce registre, même si par
ailleurs il satisfait aux exigences légales quant à ses connaissances
professionnelles. Il faut donc examiner si l'exigence d'un domicile
professionnel se justifie tant du point de vue de l'intérêt public que
de l'application du principe de la proportionnalité.

    b) Par domicile professionnel, la loi neuchâteloise ne vise,
selon la définition qu'en donne le Conseil d'Etat dans sa réponse,
que la création d'un bureau dans le canton de Neuchâtel, l'intéressé
étant libre par ailleurs de n'exercer sa profession dans le canton qu'à
titre accessoire. L'inscription sur la liste des architectes reconnus et
sa publication attestent que les autorités reconnaissent à l'intéressé
les connaissances et les qualifications professionnelles nécessaires au
respect des règles de la construction. Mais, de l'avis du Conseil d'Etat,
cette garantie ne peut être offerte qu'aux architectes "qui, non seulement
possèdent les connaissances techniques, mais aussi l'expérience pratique
de diverses exigences légales et réglementaires, cantonales et communales,
en matière de construction"; cette connaissance particulière ne pourrait
être acquise qu'en pratiquant dans le canton, d'où la nécessité d'exiger un
domicile professionnel. Les architectes ne disposant pas d'un tel domicile
dans le canton doivent en revanche, pour quasiment chaque projet touchant
à l'exercice de leur profession, demander une autorisation particulière
au Conseil d'Etat en vertu de l'art. 133 LC.

    c) La justification de l'exigence d'un domicile professionnel ne
résiste pas à l'examen. Tout d'abord, elle n'indique pas en quoi le
fait d'avoir un domicile professionnel sur le territoire neuchâtelois
permettrait à l'intéressé d'acquérir les connaissances pratiques
nécessaires. Au départ, tout architecte, qu'il ait son bureau dans le
canton de Neuchâtel ou en dehors de ce canton, ne peut acquérir les
connaissances pratiques dont parle le Conseil d'Etat que par l'exécution
des mandats qui lui sont confiés. Or, l'autorité intimée ne songe pas
à refuser l'inscription dans le registre aux architectes frais émoulus
d'une école d'architecture, mais domiciliés professionnellement dans le
canton, sous prétexte qu'ils manquent de connaissances pratiques. De même,
le fait d'être domicilié dans un canton tiers n'empêche pas un architecte
bien organisé d'assumer efficacement la surveillance des chantiers qui lui
sont confiés, à plus forte raison lorsqu'il réside à quelques kilomètres
du lieu où s'exerce cette surveillance et de connaître parfaitement les
réglementations en vigueur. En conséquence, l'exigence d'un domicile
professionnel ne donne pas la garantie que l'architecte reconnu est un
professionnel ayant une expérience pratique des exigences légales et
réglementaires du canton.

    Par ailleurs, si l'architecte en cause est jugé incapable,
son autorisation d'exercer la profession, telle qu'elle résulte de
l'inscription au registre, pourra lui être retirée en application des
art. 130 al. 3 et 132 LC qui prévoient expressément le cas. Dans ces
conditions, il n'est pas besoin d'imposer en plus à l'architecte qui est
établi à l'extérieur du canton de Neuchâtel mais qui désire y travailler,
de choisir entre la constitution d'un domicile professionnel dans le
canton (art. 130 LC) avec les frais que cela comporte et la complication
de demander de cas en cas des autorisations spéciales qui lui seront
toujours accordées s'il s'est révélé compétent (art. 133 LC).

    Au surplus, on ne voit pas en quoi l'existence d'un domicile
professionnel dans le canton faciliterait le contrôle des conditions
fixées par les art. 130 et 132 LC. S'agissant en effet de produire
des certificats, des diplômes ou des attestations, le problème peut
être résolu par voie postale. Quant aux sanctions consécutives à une
"incapacité professionnelle notoire", c'est en général sur la base des
plans qui peuvent être facilement obtenus, quel que soit le domicile de
l'architecte, et sur son comportement sur le chantier qu'elles peuvent
être ordonnées.

    Il s'ensuit que l'exigence d'un domicile professionnel ne contribue pas
à atteindre de manière sensible les buts poursuivis par la loi cantonale;
les objectifs de celle-ci peuvent être réalisés par des mesures beaucoup
moins gênantes que la création d'un tel domicile, qui risque fort au
demeurant de n'être qu'une boîte aux lettres.

    d) L'obligation critiquée par le recourant s'avérant ainsi clairement
contraire au principe de la proportionnalité et, partant, à l'art. 31
Cst., la décision attaquée peut être annulée sans qu'il soit nécessaire
de déterminer si, comme il semble, l'unique but de l'art. 130 al. 1 LC ne
consiste pas en réalité à protéger les architectes installés dans le canton
de Neuchâtel contre la concurrence de leurs confrères ayant leurs bureaux
dans un autre canton. Pour la même raison, il est superflu de contrôler si
la restriction attaquée viole aussi le principe de l'égalité de traitement.